Revue de presse Asie - 25 juillet 2016

ASEAN modérée sur les mers de Chine, péninsule coréenne sous tension et démission népalaise

Le ministre des Affaires étrangères Wang Yi sort renforcé du sommet de l'ASEAN au Laos, où l'organisation régionale n'a pas su s'opposer fermement aux actions de Pékin en mer de Chine du Sud. Copie d'écran du Straits Times, le 25 juillet 2016.
Le ministre des Affaires étrangères Wang Yi sort renforcé du sommet de l'ASEAN au Laos, où l'organisation régionale n'a pas su s'opposer fermement aux actions de Pékin en mer de Chine du Sud. Copie d'écran du Straits Times, le 25 juillet 2016.

Asie du Sud-Est

South China Morning Post – Tout ça pour ça ? Il aura fallu attendre deux semaines pour que les ministres des Affaires Etrangères de l’ASEAN, réunis au Laos, émettent leur première déclaration conjointe sur les litiges territoriaux en mer de Chine du Sud après le verdict de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye, le 12 juillet dernier. Malgré les appels des Philippines et du Vietnam, les deux pays dont l’opposition à la Chine dans la région est la plus flagrante, l’organisation régionale n’a ni évoqué le jugement de la Cour, ni expressémment critiqué les actions de Pékin dans sa déclaration… Elle a uniquement exprimé ses « inquiétudes » quant à « l’escalade des activités dans la zone », recommandant des « rencontres plus fréquentes entre l’ASEAN et la Chine », la mise en place d’un « téléphone rouge pour traiter les urgences maritimes » et l’adoption d’une « déclaration pour la gestion de rencontres imprévues en mer ». La modération – si ce n’est la frilosité – de l’ASEAN est imputée au Cambodge, dépendant de Pékin en matière d’aide financière, explique le South China Morning Post.

Cette « incapacité » de l’ASEAN a former un « front uni » face à la Chine exaspère le gouvernement vietnamien, relève le Straits Times. Dans une déclaration faite pendant la nuit d’hier dimanche à ce lundi 25 juillet, le ministre vietnamien des Affaires étrangères a en effet estimé que l’escalade des tensions en mer de Chine méridionale constituait une « mise à l’épreuve de l’unité et du rôle central de l’ASEAN » – des propos « exceptionnellement forts », commente le quotidien singapourien. De son côté en revanche, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, s’est félicité que l’ASEAN soutienne un règlement bilatéral des différends plutôt qu’une gestion multilatérale des tensions. « La page [de « l’après La Haye »] est désormais tournée », a-t-il déclaré d’après des propos rapportés par le Straits Times dans un second article.

Myanmar Times – La Birmanie sur la voie de la paix ? Jeudi 19 juillet, la journée des Martyrs, organisée en commémoration des neufs martyrs tombés pour l’indépendance en 1947, rentrera dans les annales d’après le Myanmar Times. D’abord, car il s’est agi de la première journée des Martyrs organisée sous le gouvernement démocratiquement élu de la Ligue nationale pour la Démocratie. Ensuite, car le commandant en chef de l’armée y était présent pour la première fois depuis 1988. Enfin, car pour la première fois « depuis longtemps », les sirènes ont retenti à travers tout le pays, qui s’est arrêté à l’unisson.

D’après le journal birman, la journée des Martyrs est pétrie de symboles politiques. Cette cérémonie a constitué la seule sortie publique de Aung San Suu Kyi pendant les années où elle était assignée à résidence, et l’occasion pour l’opposition de se faire entendre. L’armée a donc, depuis les années 1980, réduit son importance, au point que la journée des Martyrs s’était transformée en une célébration seulement régionale. Depuis 2012 néanmoins, à la faveur de la transition démocratique, un changement témoignant de l’ouverture du régime militaire s’est opéré. Ce 19 juillet 2016, Aung San Suu Kyi et le commandant en chef, le Général Min Aung Hlaing ont même déposé ensemble des couronnes au mausolée. La journée des Martyrs a ainsi pu rappeler au peuple son unité et inviter à la réconciliation nationale.

Une réconciliation nationale, d’ailleurs, de plus en plus désirée par le peuple birman. A l’approche de la nouvelle conférence de Panglong, qui réunira les représentants de plusieurs minorités ethniques, un rassemblement pour la paix a eu lieu à Rangoun. « Tous les citoyens aspirent à la paix et ils veulent que les guerres cessent immédiatement et soutiennent ainsi la conférence de Panglong du 21ème siècle, » a déclaré un manifestant selon le Myanmar Times. La première conférence de Panglong s’était tenue en 1947, pour négocier les modalités de l’indépendance birmane.

The Phnom Penh Post – Un cortège lourd de sens. Des dizaines de milliers de Cambodgiens ont défilé dans les rues de Phnom Penh en hommage à Kem Ley, un analyste politique très critique du Premier ministre Hun Sen assassiné début juillet (voir notre revue de presse du 11 juillet). Le cortège, qui accompagnait le cercueil en verre du défunt, a traversé la ville jusqu’à Takeo, sa province d’origine où il sera enterré ce lundi 25 juillet. Un des marcheurs a déclaré au Phnom Penh Post : « C’était une personne qui osait révéler la vérité. C’est pour cela que beaucoup de gens sont venus nous rejoindre et partager notre regret. Nous avons perdu une personne importante. » Un autre ajoute : « Il est l’homme le plus important du Cambodge car il parlait de ce qui était noir et de ce qui était blanc. La liberté, c’est quand les gens s’expriment, et il était un exemple pour nous. » Si un fermier a avoué très rapidement le meurtre de Kim Ley, affirmant qu’il lui devait des dettes, le pays soupçonne le gouvernement d’en être l’auteur, afin de faire taire l’opposant politique. Pour approfondir sur les retentissements du meurtre de Kem Ley, (re)lire notre temps fort : « Assassinat de Kem Ley : les Cambodgiens en état de choc ».

Asie du Nord-Est

The Straits Times – C’est au Laos, en marge du 23e Forum régional de l’ASEAN, que les ministres chinois et nord-coréen des Affaires étrangères se sont entretenus, sur fond de tensions dans la péninsule coréenne. Aucune information sur le contenu de leurs échanges n’a été divulguée. Les relations sino-nord-coréennes se sont dégradées cette année en raison du quatrième essai nucléaire opéré par Pyongyang, ainsi que de lancements répétés de missiles en mer du Japon. Une série de « provocations » auxquelles Wahington et Séoul ont répondu en annonçant le prochain déploiement d’un bouclier antimissile – THAAD, Terminal High Altitude Area Defence – en Corée du Sud. Ce qui n’a pas manqué « d’irriter » Pyongyang et « d’inquiéter » Pékin, rapporte le Straits Times.

Le ministre chinois des Affaires étrangères n’a ainsi pas hésité à déclarer que la mise en place du THAAD « ébranlerait les fondations de la confiance mutuelle entre la Chine et la Corée du Sud » et « dégraderait la stabilité régionale », indique le South China Morning Post. D’après le quotidien hongkongais, au-delà d’une réaction imprévue de Pyongyang, Pékin craint surtout que le nouveau système de défense sud-coréen n’arrive à localiser ses infrastructures militaires. De son côté, le ministre sud-coréen des Affaires étrangères a déclaré que les intérêts chinois ne seraient pas menacés par le THAAD ; ce dernier devant uniquement assurer la sécurité du pays face à la « menace nord-coréenne ».

The Straits Times – La censure bat toujours son plein en Chine. Ce lundi 25 juillet, le quotidien singapourien The Straits Times rapporte que plusieurs sites d’information chinois ont été fermés pour avoir publié « de manière indépendante » des articles traitant de « sujets sensibles ». Parmi les sites cités, on retrouve certains portails des médias en langue chinoise : Sina, Sohu, Netease ou encore iFeng. « Vivement critiqués » pour des « quantités importantes d’activités violant les lois et les régulations », ils ont également dû clôturer leurs comptes sur les réseaux sociaux et devront payer des amendes, dont le montant n’a pas été communiqué. Les autorités chinoises leur reprochent d’avoir publié des reportages et des articles dont les sources n’étaient pas officielles. En Chine, les médias appartenant à des entreprises privées ont l’autorisation de ne couvrir que les évènements sportifs et culturels. Pour traiter de sujets politiques, seuls des communiqués et reportages des médias contrôlés par l’Etat sont autorisés.

Le contrôle de l’information s’est renforcé depuis l’arrivée au pouvoir du Président Xi Jinping en 2013. En février dernier, il a appelé les médias à se concentrer sur « l’information positive » et à « diffuser la volonté du parti en protégeant son autorité et son unité ». Au cours du second trimestre de 2016, le gouvernement a fermé ou retiré les licences de 1475 sites Internet.

The Straits Times – C’était la première interview que Tsai Ing-wen accordait à un quotidien étranger depuis son investiture. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle a fait couler beaucoup d’encre ! Accusée par Pékin d’avoir « rejeté le consensus de 1992 » dans son entretien avec le Washington Post du 21 juillet, Tsai Ing-wen s’est retrouvée sous le feu des critiques de l’agence de presse Xinhua, rapporte le Taipei Times. Questionnée sur sa potentielle acceptation du « consensus de 1992 » « à une certaine échéance », la présidente taïwanaise a répondu que son gouvernement « n’acceptera pas une date butoir si les conditions d’accord ne satisfont pas le peuple taïwanais ». Considéré par Pékin comme l’unique fondement possible des relations interdétroit, le « consensus de 1992 » fait référence au principe selon lequel les gouvernements de Pékin et de Taipei s’accordent à reconnaître qu’il n’existe qu’une seule Chine à laquelle appartiennent Taïwan et le continent.

Le positionnement de Tsai Ing-wen a été vertement critiqué par l’agence de presse de Chine continentale. « Le peuple taïwanais veut maintenir la paix dans le détroit de Taïwan et éviter tout conflit, […] développer un partenariat économique avec la Chine et créer une situation gagnant-gagnant, […] que les Chinois de part et d’autre du détroit se donnent la main pour participer de la régénération du peuple chinois », a commenté Xinhua avant d’accuser sévèrement le parti de Tsai. « Le parti démocrate progressiste a pris en otage l’opinion publique et l’a déformée pour son propre intérêt, alors que la plupart des Taïwanais désirent la paix. Ce parti peut décevoir le peuple taïwanais un moment, mais pas pour toujours. »

La réaction de Taipei ne s’est pas faite attendre. Dans un communiqué, le Bureau de la Présidence taïwanaise a formellement réfuté que Tsai Ing-wen ait rejeté le « consensus de 1992 », rapporte le Straits Times. L’interview publiée par le Washington Post a en fait été coupée. La transcription intégrale de l’entretien dévoile certaines remarques de Tsai Ing-wen que le quotidien étasunien n’a pas communiquées. La présidente taïwanaise avait par exemple exprimé sa confiance en la capacité de Xi Jinping de prendre des décisions « excellentes » et « correctes » en matière de relations interdétroit.

Asie du Sud

The New York Times« Je souhaite ouvrir la voie à l’élection d’un nouveau Premier ministre dans un contexte différent ». Par ces mots, le Premier ministre népalais K. P. Sharma Oli a démissionné hier, dimanche 24 juillet, mettant un terme à un mandat de neuf mois. Sa démission intervient alors que le Parlement devait déposer une motion de défiance à son encontre, révèle le New York Times. Le parti du Congrès népalais (NC) et le Parti communiste unifié du Népal (PCUN-M), ont largement contribué à la fin de ce mandat (voir notre revue de presse du 13 juillet). Les deux partis d’opposition reprochaient notamment au Premier ministre d’avoir échoué dans sa tentative de résoudre le conflit autour de la nouvelle Constitution, et de relancer le processus de reconstruction du pays après les séismes d’avril 2015. Pour leur part, les sympathisants d’Oli attribuent sa chute à la politique extérieure. Elu dans un contexte de fort ressentiment vis-à-vis de l’Inde, l’ex-Premier ministre a souvent défendu une position ferme face à son voisin. La relation diplomatique entre Katmandou et New Delhi s’était notamment tendue après le rappel de l’ambassadeur népalais en Inde, Deep Kumar Upadhyay, soupçonné d’avoir aidé New Dehli à comploter contre le Premier ministre (voir notre revue de presse du 9 mai).

Le NC et le PCUN-M se sont entendus pour occuper le pouvoir à tour de rôle. C’est tout d’abord Pushpa Kamal Dahal, leader du PCUN-M, qui devrait succéder à Oli. Il passera ensuite les rênes au leader NC neuf mois plus tard. Le gouvernement d’Oli était le huitième en dix ans, rappelle The New York Times. Sa chute entraine une nouvelle crise politique.

The Express Tribune – Le débat sur le projet de loi contre les « crimes d’honneur » continue sa route. Le groupe constitutionnel qui vérifie la compatibilité des lois avec la charia va probablement approuver le projet, révèle ce lundi 25 juillet The Express Tribune. Il faudra attendre cependant l’annonce officielle par le Conseil de l’idéologie islamique (CII) une fois que le projet de loi sera programmé en séance au Parlement. Le CII s’était déjà prononcé contre les « crimes d’honneur ». Il s’était néanmoins opposé à un ancien projet de loi du fait d’une clause qui interdisait tout pardon de la famille de la victime au tueur. Une possibilité offerte par la charia selon le Conseil. Pour l’un des membres du CII, Abdullah, « le juge devra s’assurer que le pardon n’a pas été accordé sous la contrainte de l’accusé ». Un cas déjà constaté dans plusieurs affaires, et où le juge n’avait pas la possibilité de s’opposer.

En parallèle, le sénateur du Parti du peuple pakistanais (PPP) Farhatullah Babar a confirmé que les demandes du CII avaient été prises en compte par le comité qui a rédigé le projet de loi. La peine proposée est de 25 ans de prison incompressibles. D’après certains experts, les gouvernements provinciaux devront amender la législation pour ôter la remise de peine des prisonniers condamnés pour « crime d’honneur ». Un avis que ne partage pas Abdullah, pour qui, « tout ce qu’il faut, c’est un décret ». Le débat sur les crimes d’honneur avait été relancé à la suite du meurtre de la starlette pakistanaise Qandeel Baloch, étranglée par son frère qui souhaitait « défendre l’honneur de sa famille » (voir notre revue de presse du 22 juillet).

The Express Tribune – La revendication par Daech de la double attaque-suicide de ce samedi, 23 juillet, montre que le groupe terroriste a étendu son emprise en Afghanistan. Décrites comme les plus meurtrières depuis 2001, les attaques ont frappé lors d’une manifestation organisée par la communauté chiite des Hazaras à Kaboul et a fait plus de 80 morts et près de 290 blessés. Ce double attentat a non seulement laissé craindre une augmentation de la violence sectaire, relativement rare en Afghanistan, mais a également fait passer Daech au stade de « menace réelle pour la sécurité du pays », analyse The Express Tribune. Auparavant, Daech était présent seulement dans les régions montagneuses de l’Est afghan, dans la province de Nangarhar. Mais les attaques de samedi indiquent que le groupe a étendu son réseau, au point de rivaliser avec les Talibans. Les responsables politiques du nord du pays ont également confirmé la présence du groupe terroriste, ce qui devrait alarmer la Russie et les pays d’Asie centrale. La présence de Daech à Nangarhar, province qui accueille une base militaire américaine, pose deux questions : comment les militants du groupe terroriste ont-ils réussi à s’infiltrer en Afghanistan en si grand nombre à partir de la frontière pakistanaise ? Et comment ont-ils réussi à installer un « règne de terreur » au nez et à la barbe de troupes américaines suréquipées ?

Les attaques de samedi ont par ailleurs déclenché une vague de critiques à l’encontre des forces de sécurité afghanes. Les experts, quant à eux, mettent en cause le conflit entre autorités et Talibans. Ils estiment que Daech tire profit de cette situation pour mieux s’implanter. Résultat : le groupe terroriste est devenu une menace pour tous. Afin d’endiguer le problème, les analystes conseillent au gouvernement afghan et aux Talibans de négocier un règlement du conflit. Malheureusement, aucun effort sérieux pour la paix n’a été accompli jusqu’à présent, se désole The Express Tribune.

Par Alexandre Gandil, Jeremy Masse et Myriam Sonni

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