Revue de presse Asie - 11 juillet 2016

Victoire électorale pour Abe, opposant cambodgien assassiné et violences au Cachemire

Shinzo Abe, sorti victorieux des élections parlementaires ce dimanche, peut enfin espérer une révision constitutionnelle grâce aux deux tiers de la Diète qu'il détient. L'amendement de l'article 9 reste cependant un sujet de discorde. Copie d'écran du Mainichi, le 11 juillet 2016.
Shinzo Abe, sorti victorieux des élections parlementaires ce dimanche, peut enfin espérer une révision constitutionnelle grâce aux deux tiers de la Diète qu'il détient. L'amendement de l'article 9 reste cependant un sujet de discorde. Copie d'écran du Mainichi, le 11 juillet 2016.

Asie du Nord-Est

Mainichi Shimbun – Le rêve de Shinzo Abe à portée de main ? Avec la victoire du parti libéral-démocrate et de la coalition Komeito aux élections à la Chambre haute hier, dimanche 10 juin, le Premier ministre japonais s’assure plus de deux tiers des sièges de la Chambre des conseillers. Ayant désormais la majorité aux deux tiers des deux chambres, la révision constitutionnelle, tant voulue par Aber peut donc désormais avoir lieu. Le chef du gouvernement souhaite en particulier modifier l’article 9 afin d’autoriser l’intervention militaire extérieure du Japon pour soutenir ses alliés, sans avoir été agressé au préalable sur son territoire. Shinzo Abe a indiqué en juin dernier son intention d’organiser dès l’automne prochain une session extraordinaire de la Diète afin de fixer quels articles de la Constitution devraient être changés. Durant la campagne électorale précédant ces élections, le Premier ministre a cependant à peine évoqué le sujet. Il s’agirait d’une tactique pour éviter de perdre le votes des personnes opposées à l’idée.

Le bloc pro-amendement regroupe non seulement le PLD et son partenaire de coalition le Komeito mais également des partis de l’opposition tels que le parti Initiatives from Osaka (aussi appelé Osaka Ishin no Kai). Dans les détails, cependant, le bloc pourrait être divisé, notamment concernant ce fameux article 9 de la Constitution qui fait du pays une nation pacifique. La seconde proposition de révision de la Constitution du PLD en 2012 souhaitait déjà transformer les Forces d’autodéfense japonaises en une armée de défense nationale. Le Komeito y était cependant opposé.

Le premier amendement proposé à l’automne serait donc davantage une réforme du système électoral de la Chambre haute plus susceptible d’être acceptée. Une clause d’urgence de cette proposition permettrait l’extension des mandats des législateurs et un ajournement des élections en cas d’urgence. Le PLD a donc pour l’instant l’intention de promouvoir sa coopération avec les partis du bloc pro-amendement et de n’explorer que par la suite la question des révisions constitutionnelles.

South China Morning Post« Un homme de droite hostile à la Chine ». C’est ainsi que le vice-ministre chinois des Affaires étrangères Liu Zhenmin qualifie le juge chargé de l’arbitrage de La Haye. Prévu pour ce mardi 12 juillet, le verdict du japonais Shunji Yanai doit régler le litige entre Pékin et Manille en mer de Chine méridionale.
Mais la Chine a des doutes sur sa « neutralité ». Yanai est un ancien ministre nippon des Affaires étrangères et ambassadeur du Japon à Washington. Xinhua, l’agence de presse officielle chinoise, le qualifie de « belliciste » alors que le South China Morning Post rappelle qu’il a aussi dirigé l’équipe chargée de conseiller Shinzo Abe sur la révision constitutionnelle en 2007. Cette action controversée du président nippon autoriserait le Japon a intervenir militairement hors de ses frontières. Pékin prépare activement tous ses arguments pour discréditer l’arbitrage de ce 12 juillet.
The Korea Times – Nouvelles menaces de Pyongyang. La Corée du Nord avertit que son armée « est prête à frapper impitoyablement [ses ennemis] et les transformer en une mer de feu ». C’est la première réaction officielle du régime nord-coréen après l’annonce du déploiement du système THAAD (Terminal High Altitude Area Defense) en Corée du Sud. Le 7 juillet, Washington et Séoul officialisaient la mise en place du bouclier antimissile, sans en préciser la localisation exacte (voir notre revue de presse du 8 juillet). Ce dispositif vise à contrer la menace nucléaire grandissante de la Corée du Nord, après ses multiples essais de missiles balistiques et d’armes nucléaires depuis le début de l’année. Dernière provocation du régime : le test d’un missile mer-sol depuis un sous-marin sur la côte est de la péninsule. Un échec selon les renseignements sud-coréens, alors que le ministre de la Défense du pays affirme que ce type d’arme « pourra être intercepté par le THAAD ».

Asie du Sud-Est

Cambodia Daily – Une victime de plus du gouvernement Hun Sen ? Dimanche 10 juillet, Kem Ley, un analyste politique très critique du Premier ministre cambodgien, a été tué par balle dans une supérette d’une station essence de Phnom Penh, où il avait l’habitude de prendre son café. L’homme de 46 ans a été touché au niveau de la tête, derrière son oreille gauche, et sous son bras gauche. Le ministre cambodgien de l’Intérieur a identifié le tireur dans un communiqué de presse, comme étant un homme de 38 ans qui travaille régulièrement dans une ferme à l’ouest de la Thaïlande. Son motif ? Une dette qui n’a pas été remboursée depuis plus d’un an. Le suspect, qui a été rapidement appréhendé par les forces de police, a avoué son crime, ensanglanté, dans une vidéo diffusée sur Internet, révèle le Cambodia Daily.

Moeun Tola, ami de Kem Ley et également opposant du régime, ne croit cependant pas à cette version des faits : « C’est ridicule. C’est lié à des affaires politiques. C’était un critique véhément du gouvernement. Il y a seulement deux jours, il était sur Radio Free Asia pour y parler du rapport de Global Witness. » Le rapport de l’ONG britannique y dénonce les intérêts commerciaux de la famille de Hun Sen. Ce dernier s’est quant à lui exprimé sur Facebook : J’aimerais me joindre au deuil des proches de Kem Ley, qui a été cruellement tué par un tireur, que je condamne comme un acte sauvage. »

Myanmar Times – Faire plus que jamais preuve de tolérance quand le terrorisme sévit. C’est ce que conseille l’un des éditorialistes du Myanmar Times ce lundi 11 juillet. Nicholas Farrelly, directeur du Myanmar Research Center à l’université nationale australienne, souhaite que la Birmanie tire des leçons de l’attentat de Dacca : « Au Bangladesh et dans tant d’autres endroits, les extrémistes veulent détruire les sociétés multiculturelles et multireligieuses. La plupart d’entre nous ne veulent pas vivre dans ces conditions. Ainsi, il est nécessaire de garder son sang-froid. » La stratégie des extrémistes seraient, pour lui, de semer la panique et d’asphyxier nos instincts tolérants pour monter les groupes ethniques les uns contre les autres. Le chercheur préconise donc de ne pas jouer le jeu des extrêmes en Birmanie, où la minorité Rohingya est persécutée, où les lieux de prière sont attaqués et où la Ligue nationale pour la démocratie (LND) au pouvoir ne calme pas les tensions, notamment avec des lois toujours discriminatoires à l’encontre de la communauté musulmane (voir notre revue de presse du 6 juillet). Selon l’éditorialiste du Myanmar Times, il est nécessaire d’identifier les ennemis de la diversité, aussi bien le groupe bouddhiste extrémiste Ma Ba Tha que les groupes islamistes, et s’y opposer.
The Bangkok Post – La junte militaire muselle toujours plus ses critiques. Dimanche 10 juillet, les autorités thaïlandaises ont arrêté quatre opposants à au projet de nouvelle Constitution à Ban Pong, dans la province de Ratchaburi. Parmi eux, rapporte le Bangkok Post, le leader du New Democracy Movement (NDM), Pakorn Areekul, et l’un des journalistes du média en ligne indépendant Prachatai, Taweesak Kerdpoka. Ils ont été appréhendés pour être interrogés, après que la police a trouvé en leur possession des documents jugés « inappropriés » concernant le référendum constitutionnel du 7 août prochain. Ces documents comprendraient des tracts critiquant le gouvernement de Prayuth Chan-ocha et des stickers « votez non ».

Dans un éditorial, un journaliste du Bangkok Post appelle le gouvernement thaïlandais à mieux informer les électeurs sur les enjeux du référendum à venir, plutôt que d’arrêter ses opposants. Le journal reproche à la Commission électorale et au Comité de rédaction de la Constitution de ne pas avoir respecté leurs promesses, à savoir informer en détail les Thaïlandais du contenu de la nouvelle Loi fondamentale. Au contraire, dénonce le quotidien, les autorités préfèrent accuser ses opposants de « conspiration » et de « propagation de fausses informations » dans des brochures et tracts. Prayuth Chan-ocha, qui assure que de nombreux opposants à la Constitution iront en prison, devrait plutôt accepter le débat. Selon le journal, « la manière correcte de contrer une quelconque « désinformation » des brochures est l’information exacte. Il n’y a pas d’autres moyens pour avoir une électorat informé le 7 août. »

Asie du Sud

The Indian Express – New Delhi appelle au calme dans le Cachemire indien. Les manifestations se font de plus en plus violentes dans l’état du Jammu-et-Cachemire après le décès vendredi 8 juillet de Burhan Wani. Ce jeune commandant du groupe séparatiste Hizbul Mujahideen a été tué dans des affrontement avec les forces indiennes. On compte déjà 21 morts et plus de 800 blessés dans les affrontements entre les émeutiers et la police, selon les rapports officiels.
Le gouvernement provincial du Jammu-et-Cachemire appelle les partis politiques et les leaders séparatistes à restaurer le calme. Le porte-parole des autorités précise que les accusations contre la police et les militaires pour « usage disproportionné de la force «  seront analysées, tout en pointant du doigt la responsabilité des manifestants : « À beaucoup d’endroits, on a mis le feu aux commissariats, les soldats étaient forcés d’utiliser leurs armes. » Du côté des séparatistes, la conférence Hurriyat trouve la situation ironique. « Jusqu’à hier, nous étions une menace pour la paix. Aujourd’hui, on nous demande notre aide pour la rétablir. »
The Express Tribune – Nawaz Sharif indigné.
Le Premier ministre pakistanais a déploré hier dimanche 10 juillet « l’excessive et illégale utilisation de la force » contre des citoyens « innocents » du Cachemire. La partie himalayenne de la région, soit l’État indien de Jammu-et-Cachemire, a connu un week-end ponctué de violences, causant pas moins de 21 morts et plus de 800 blessés. Des milliers d’habitants ont en effet bravé le couvre-feu imposé par le gouvernement et protesté contre ce que le quotidien pakistanais Express Tribune appelle « l’assassinat » de Burhan Wani. Commandant du groupe séparatiste Hizbul Mujahideen, il avait été tué vendredi 8 juillet lors d’un échange de tirs avec la police.

Le gouvernement indien, qui a coupé Internet et le téléphone dans la région pour tenter de stopper la propagation des protestations, a appelé au calme ce samedi 9 juillet, rapporte l’un de ses porte-parole Nayeem Akhtar. Le journal pakistanais signale pourtant des « attaques par les forces de sécurité d’hôpitaux et d’ambulances qui traitaient les blessés ». Pour la Coalition de la Société Civile du Jammu-et-Cachemire, il s’agit d’un « crime à l’encontre de la loi humanitaire internationale ». La police, elle, a indiqué que des protestataires avaient incendié des postes de police et caillassé des camps militaires.

Nawaz Sharif affirme que les « mesures répressives adoptées par les forces indiennes ne peuvent dissuader les peuples du Jammu-et-Cachemire de réclamer leur droit à l’auto-détermination ». » Le porte-parole du ministère pakistanais des Affaires étrangères a déclaré à ce sujet que la résolution du conflit ne pourra se faire que « grâce à la réalisation de l’auto-détermination du peuple de Jammu-et-Cachemire, […] à travers un plébiscite juste et impartial, sous les auspices des Nations Unies ».

The Hindu – Zakir Naik banni du petit écran. Soupçonné d’avoir incité au terrorisme et à l’attentat de Dacca, le prédicateur indien a été interdit d’émission sur la chaîne Peace TV. La décision a été prise hier, dimanche 10 juillet, par le comité du cabinet bangladais. Les chaînes non autorisées, dont Peace TV faisait partie, ne seront elles aussi plus diffusées, a déclaré le ministre de l’Industrie, Amir Hossain Amu, qui préside le comité.
Des assaillants de l’attentat du café de Dacca avaient en effet affirmé avoir été influencés par la chaîne, a déclaré le ministre de l’Information Hasanul Haq Inu. « De nombreux savants religieux s’étaient également plaints », a-t-il ajouté (voir notre revue de presse du 7 juillet).
Par Joris Zylberman, Nicolas Baranowski, Mriam Sonni et Marie Bonnamy, avec Anda Djoehana Wiradikarta à Paris

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