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Face à la Chine, Joe Biden mobilise le G7 pour contrer les "Nouvelles routes de la soie"

Le président américain Joe Biden avec son homologue français Emmanuel Macron et la président de la Commission européenne Ursula von der Leyen lors du sommet du G7,sur la plage de Carbis Bay, dans les Cornouailles au Royaume-Uni, le 11 juin 2021. (Source : Yahoo)
Le président américain Joe Biden avec son homologue français Emmanuel Macron et la président de la Commission européenne Ursula von der Leyen lors du sommet du G7,sur la plage de Carbis Bay, dans les Cornouailles au Royaume-Uni, le 11 juin 2021. (Source : Yahoo)
Au sommet du G7 à Londres, le président américain a entrepris de convaincre ses alliés occidentaux de faire cause commune pour contrer la Chine, non sans un certain succès. Un plan d’investissement massif dans les infrastructures a été annoncé pour contrecarrer les « Nouvelles routes de la soie » lancées par Xi Jinping en 2013. Pékin se retrouve plus isolé que jamais sur la scène internationale.
Le moment fort de ce sommet, réuni jusqu’à ce dimanche 13 juin dans la station balnéaire britannique de Carbis Bay en Cornouailles, a été l’adoption samedi par les dirigeants des sept démocraties libérales les plus riches du monde d’un projet d’infrastructures censé faire pièce au « Nouvelles routes de la soie » (Belt and Road Initiative ou BRI). Ce projet pharaonique, auquel plus de cent pays ont déjà adhéré, est qualifié par ses détracteurs d’instrument de domination chinoise à la fois économique et politique.
Joe Biden et les autres dirigeants du G7 n’ont pas précisé le montant exact des investissements que représentera ce programme baptisé Build Back Better World (B3W) qui proposera néanmoins des partenariats transparents de construction d’infrastructures pour un montant évalué à 40 000 milliards de dollars d’ici 2035.

Approche commune sur le commerce et les droits de l’homme

« Il ne s’agit pas seulement d’affronter la Chine où de la doubler, a expliqué un responsable de l’administration Biden cité par Reuters. Mais jusqu’à présent nous n’avions pas offert d’alternative qui puisse refléter nos valeurs, nos normes et notre façon de faire des affaires. » Washington a expliqué peu après qu’il existait un consensus au sein du G7 sur la nécessité d’une approche commune sur la Chine à propos du commerce et des droits de la personne humaine.
Le gouvernement chinois est accusé de commettre un « génocide » au Xinjiang, où Pékin aurait interné plus d’un million de Ouïghours dans des camps que la Chine nomme « centres de formation professionnelle ». La diplomatie chinoise dénonce des « calomnies infâmes ». Les sept millions d’habitants de Hong Kong sont, quant à eux, soumis à une nouvelle loi dite de « sécurité nationale », imposée en juin l’an dernier, en vertu de laquelle toute dissidence a été réduite au silence.
Le G7 et ses autres alliés feront usage de l’initiative du B3W pour mobiliser des capitaux issus du secteur privé dans des secteurs tels que le climat, la santé, le numérique et l’égalité homme-femme, selon la Maison Blanche.
La BRI chinoise, lancée en 2013 par le président chinois Xi Jinping, a réuni la signature de plus de 100 pays. Elle s’attache au développement et aux investissements sur une zone géographique qui s’étend de l’Asie jusqu’au cœur de l’Europe et même au-delà. Ont depuis été construits des voies de chemin de fer, des aéroports, des ports, des autoroutes et d’autres infrastructures.
Certains analystes occidentaux, nombreux, y voient un véhicule politique visant à étendre la zone d’influence du Parti communiste chinois. Pékin répond en affirmant que ces critiques reflètent des siècles d’humiliation occidentale contre la Chine.
De nombreux observateurs ont aussi dénoncé le « piège de la dette » inhérent à la BRI. Incapables de rembourser les prêts consentis par Pékin, plusieurs pays n’ont déjà plus eu d’autre choix que de céder à la Chine des infrastructures, contraints ainsi à des abandons de souveraineté au profit de Pékin.
Les États-Unis – je l’ai déjà dit – sont de retour, a assuré Joe Biden. Les choses se passent bien, je crois. Nous sommes sur la même ligne. » « Oui absolument, a approuvé le président français Emmanuel Macron en anglais. C’est bien d’avoir un président américain qui fait partie du club et a très envie de coopérer. Vous avez démontré que le leadership, c’est la partenariat. »
Le 46ème président des Etats-Unis devait encore participer ce lundi 14 juin à Bruxelles au sommet de l’OTAN, qu’il entend « renforcer et moderniser », selon la Maison Blanche. Le lendemain, Joe Biden se réunira en sommet avec l’Union Européenne avant de rencontrer Vladimir Poutine mercredi 1§ juin à Genève. Un premier face-face entre les deux hommes, qui ne devrait rien donner de significatif.

Nouvelle enquête demandée sur les origines du Covid-19

Ce sommet du G7 a permis à Joe Biden de reconstruire le lien transatlantique qui avait été profondément abîmé par son prédécesseur Donald Trump. Il consacre en même temps un revers politique et diplomatique majeur pour Xi Jinping, la Chine se retrouvant du même coup peut-être plus isolée que jamais sur la scène internationale.
Dimanche, Pékin a réagi par la voix d’un porte-parole de son ambassade à Londres. « Les jours où les décisions mondiales étaient dictées par un petit groupe de pays sont finis depuis longtemps, a-t-il déclaré. Nous pensons que les pays, petits ou grands, puissants ou faibles, pauvres ou riches, sont égaux et que les affaires du monde doivent être régies par la consultation par tous les pays. »
Dernier volet de ce sommet et non des moindres, les dirigeants du G7 ont demandé dimanche soir une nouvelle enquête sur ce qui a déclenché la pandémie de coronavirus. « Nous demandons qu’une enquête rapide, transparente soit menée par des experts sur les origines du Covid-19, comme cela a été recommandé par l’Organisation mondiale de la santé », souligne un communiqué du G7 au dernier jour de leur sommet, cité par le South China Morning Post. « Nous avons besoin de savoir, le monde a besoin de savoir », a déclaré Joe Biden.
Les sept demandent en outre de la Chine « le respect des droits de la personne humaine et des libertés individuelles » à Hong Kong et au Xinjiang. Selon le quotidien hongkongais, C’est le des défis les plus sérieux lancé à Pékin depuis les condamnations unanimes dans le camp occidental après le massacre de centaines, voire de milliers, de manifestants place Tiananmen le 4 juin 1989.
Par Pierre-Antoine Donnet

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A propos de l'auteur
Ancien journaliste à l'AFP, Pierre-Antoine Donnet est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages consacrés à la Chine, au Japon, au Tibet, à l'Inde et aux grands défis asiatiques. En 2020, cet ancien correspondant à Pékin a publié "Le leadership mondial en question, L'affrontement entre la Chine et les États-Unis" aux Éditions de l'Aube. Il est aussi l'auteur de "Tibet mort ou vif", paru chez Gallimard en 1990 et réédité en 2019 dans une version mise à jour et augmentée. Après "Chine, le grand prédateur", paru en 2021 aux Éditions de l'Aube, il a dirigé fin 2022 l'ouvrage collectif "Le Dossier chinois" (Cherche Midi), puis début 2023 "Confucius aujourd'hui, un héritage universaliste" (L'Aube).