Culture

Littérature indienne : quelques clés pour explorer un continent

Bouquiniste à Bombay. (Copyright : Patrick de Jacquelot)
Bouquiniste à Bombay. (Copyright : Patrick de Jacquelot)
Envie de découvrir l’une des littératures les plus riches de l’époque contemporaine ? Asialyst vous propose une sélection de titres et de liens vers les grands romans indiens et quelques essais.
Le Salon du Livre de Paris qui devait se tenir en cette fin du mois de mars avait choisi l’Inde comme pays invité d’honneur. De nombreuses traductions de romans indiens avaient été programmées par les éditeurs français, tandis que différents écrivains devaient faire le voyage. L’événement ayant été supprimé, Asialyst vous propose un petit tour d’horizon des parutions récentes chroniquées sur notre site.
La littérature indienne, à l’image du pays, est vaste comme un continent, et tout aussi diverse. La composante la plus connue, et de loin, est celle écrite en langue anglaise. Parce que la langue est directement accessible, bien sûr, mais aussi peut-être parce que les codes littéraires des auteurs indiens anglophones sont plus directement familiers aux lecteurs occidentaux. Ces écrivains ont souvent étudié dans les meilleures universités britanniques ou américaines et connaissent parfaitement la littérature occidentale. Une proportion importante vivent d’ailleurs hors d’Inde : c’est le cas des trois grands « maîtres » évoqués ci-dessous.
Cela n’empêche pas, bien entendu, qu’il existe aussi des littératures dans les langues autochtones, hindi, tamoule, bengali et autres. Mais ces textes sont beaucoup moins connus, y compris en Inde où ils doivent d’abord être traduits en anglais (ce qui n’est pas toujours fait, loin de là) pour accéder à une diffusion nationale.
Voici pour vous les différents livres chroniqués par Asialyst, romans pour l’essentiel mais aussi plusieurs essais, ainsi que quelques notes de lecture inédites. Et pour commencer, des notices sur plusieurs auteurs indiens de tout premier plan.

Trois maîtres

Ils n’ont pas nécessairement fait l’objet de chroniques sur Asialyst ces dernières années, mais la lecture des trois auteurs suivants est essentielle pour qui veut découvrir la littérature indienne. S’il y a une part de subjectivité dans le choix de ce triumvirat, personne ne peut nier qu’ils font partie des écrivains contemporains les plus importants.
Rohinton Mistry – L’équilibre du monde. Pour beaucoup d’amoureux de la littérature indienne, L’équilibre du monde (A fine balance) est le chef-d’œuvre absolu. Cet épais roman se passe pour l’essentiel en 1975 pendant l’état d’urgence décrété par Indira Gandhi. On y suit quatre personnages – une veuve de la classe moyenne, un étudiant et deux intouchables – que les hasards de la vie font se rencontrer et qui se trouvent à affronter ensemble les épreuves liées à cette période très difficile de l’histoire de l’Inde. En toile de fond, Mistry brosse un panorama saisissant de la société indienne, depuis la vie des intouchables de l’Uttar Pradesh jusqu’à celle des mendiants dans les rues des grandes villes en passant par les aspirations et les difficultés des classes moyennes. Les réalités décrites sont souvent terriblement dures, l’histoire se termine fort mal, mais le miracle du livre est que les principaux personnages réussissent à conserver une touche d’humanité même dans les pires épreuves. Un très, très grand roman. Rohinton Mistry a écrit d’autres livres, notamment l’excellent Une simple affaire de famille.
Couverture de "L'équilibre du monde" par Rohinton Mistry. (Crédit : DR)
Couverture de "L'équilibre du monde" par Rohinton Mistry. (Crédit : DR)
Salman Rushdie – Les enfants de minuit. Certainement le plus connu à l’étranger, Rushdie est un citoyen du monde. Ses racines indiennes se retrouvent cependant très fortement dans bon nombre de ses œuvres. Et notamment dans son chef d’œuvre, son roman le plus célèbre, Les enfants de minuit. Ce gros volume traite de l’histoire de l’Inde depuis l’Indépendance du pays advenue le 15 août 1947 à minuit en suivant les enfants nés à cet instant précis, qui se trouvent dotés de pouvoirs magiques. Cette fresque ébouriffante inspirée du « réalisme magique » sud-américain, souvent complexe, couverte de prix et de distinctions, reste une lecture indispensable.
Couverture du roman "Les enfants de minuit" par Salman Rushdie.
Couverture du roman "Les enfants de minuit" par Salman Rushdie.
Rushdie a écrit bien d’autres livres (dont les célèbres Versets sataniques), certains étant assez éloignés de l’Inde. Le roman Shalimar le clown est fortement recommandé à quiconque s’intéresse à l’histoire récente du Cachemire. Se lisant quasiment comme un thriller, le livre décrit magistralement la descente aux enfers de la région depuis la scission entre l’Inde et le Pakistan.
Couverture de "Shalimar le clown" par Salman Rushdie.
Couverture de "Shalimar le clown" par Salman Rushdie.
Dans un registre tout différent, Salman Rushdie a livré récemment un petit roman jubilatoire, Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits. Cette variation virtuose sur le thème des Mille et une nuits transposées à l’époque actuelle est le prétexte à une dénonciation du fanatisme religieux et du terrorisme, nourrie de multiples références indiennes (mais pas seulement).
Couverture du roman "Quichotte" de Salman Rushdie, traduit par Gérard Meudal chez Actes Sud. (Crédit : Actes Sud)
Couverture du roman "Quichotte" de Salman Rushdie, traduit par Gérard Meudal chez Actes Sud. (Crédit : Actes Sud)
Avec Quichotte, paru en France à l’automne 2020, Rushdie livre, à partir d’un pastiche de Don Quichotte, des variations époustouflantes sur les différents niveaux de fiction dans une œuvre romanesque, entremêlées de commentaires acérés sur l’actualité du monde « réel » en Inde et ailleurs.
Couverture de "Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits" par Salman Rushdie.
Couverture de "Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits" par Salman Rushdie.
Amitav Gosh – La trilogie de l’Ibis. Amitav Gosh est l’auteur d’une œuvre abondante et variée qui inclut romans et essais. Ses thèmes de prédilection tournent autour de l’histoire de l’Asie du Sud et du Sud-Est, pendant et après la période coloniale. C’est le cas de son chef-d’œuvre, la Trilogie de l’Ibis, qui comprend Un océan de pavots, Un fleuve de fumée et Un déluge de feu. Cet énorme roman historique commence au Bengale et se poursuit à Hong Kong et Canton en suivant le commerce de l’opium cultivé en Inde pour être vendu en Chine. Situé durant la première moitié du XIXème siècle, dans la période menant à la première guerre de l’opium opposant l’empire chinois aux puissances occidentales, la trilogie met en scène des personnages inoubliables originaires de pays et de groupes sociaux très variés. Portée par une écriture extrêmement riche, la puissance évocatrice de Gosh immerge le lecteur dans des univers aussi différents et déroutants que celui d’un seigneur de Calcutta, de paysans du Bihar (État pauvre de l’Inde), de commerçants britanniques, des négociants chinois ou des marins de l’époque. Un prodigieux voyage dans l’espace et dans le temps.
Couverture du premier volet de la "Trilogie de l'ibis" : "Un océan de pavots" par Amitav Gosh. (Crédit : DR)
Couverture du premier volet de la "Trilogie de l'ibis" : "Un océan de pavots" par Amitav Gosh. (Crédit : DR)

Romans et nouvelles

Arundhati Roy – Le Ministère du Bonheur Suprême. Célèbre dans le monde entier pour son roman Le Dieu des Petits Riens paru il y a vingt ans, Arundhati Roy est surtout connue en Inde en tant qu’activiste et auteure de pamphlets et essais où elle dénonce inlassablement les méfaits du nationalisme hindou, les atteintes aux droits de l’homme ou la situation au Cachemire. Il y a deux ans de cela, elle est revenue à la littérature en sortant son deuxième roman, Le Ministère du Bonheur Suprême. Une œuvre foisonnante où l’on retrouve ses thèmes de prédilection, sur laquelle elle s’était exprimée dans une interview accordée à Asialyst.
Couverture du roman "Le ministère du bonheur suprême" par Arundhati Roy. (Crédit : DR)
Couverture du roman "Le ministère du bonheur suprême" par Arundhati Roy. (Crédit : DR)
Manu Joseph – Miss Laila armée jusqu’aux dents. Ce faux thriller qui pratique la satire acerbe nous promène dans une Inde qui pourrait sembler parodique mais qui ressemble terriblement au pays réel. Pas besoin de chercher bien loin pour trouver la source d’inspiration du grand leader ultranationaliste hindou qui arrive au pouvoir au moment de l’action de Miss Laila. Mais Manu Joseph s’en prend aussi vivement à l’intelligentsia (dont Arundhati Roy…) pour sa déconnexion du réel et son inefficacité dans la lutte contre le mouvement hindouiste.
Couverture du rom "Miss Laïla armée jusqu'aux dents" par Manu Jospeh. (Crédit : DR)
Couverture du rom "Miss Laïla armée jusqu'aux dents" par Manu Jospeh. (Crédit : DR)
Prajwal Parajuly – Fuir et revenir. Des mélanges de castes, de genres et de cultures forment un cocktail explosif lors d’une improbable réunion de famille dans le petit État indien du Sikkim. Un roman de Prajwal Parajuly à l’humour mordant, qui traite des questions d’identités culturelles, sexuelles ou de castes et offre en outre plein d’informations sur le Sikkim, le Gorkhaland et la communauté népalophone persécutée du Bhoutan.
Couverture du roman "Fuir et revenir" de Prajawal Parajuly, traduit de l'anglais (Inde) par Benoîte Dauvergne, Éditions Emmanuelle Collas. (Crédit : DR)
Couverture du roman "Fuir et revenir" de Prajawal Parajuly, traduit de l'anglais (Inde) par Benoîte Dauvergne, Éditions Emmanuelle Collas. (Crédit : DR)
Anees Salim – Les descendants de la dame aveugle. Dans cette chronique située dans une communauté musulmane du sud de l’Inde dans les années 90, l’écrivain Anees Salim décortique les terribles secrets qui minent la famille de son jeune narrateur. Une vision assez désespérée, tempérée par un humour ravageur.
Couverture du roman "les descendants de la dame aveugle" par Anees Salim, traduction d'Éric Auzoux, Éditions Banyan. (Crédit : DR)
Couverture du roman "les descendants de la dame aveugle" par Anees Salim, traduction d'Éric Auzoux, Éditions Banyan. (Crédit : DR)
Anuradha Roy – Sous les lunes de Jupiter Dans ce beau livre dur et dérangeant, Anuradha Roy (non, aucun rapport avec Arundhati Roy) confronte une poignée de personnages marqués par de profondes blessures intimes. Avec en toile de fond les interactions explosives entre spiritualité et violences faites aux femmes en Inde. Et un portrait mémorable de gourou, saint homme charismatique côté face, manipulateur violent et prédateur sexuel côté pile.
Couverture du roman "Sous les lunes de Jupiter" par Arunadha Roy. (Crédit : DR)
Couverture du roman "Sous les lunes de Jupiter" par Arunadha Roy. (Crédit : DR)
Toutes ces vies jamais vécues. Dans ce nouveau roman, Anuradha Roy aborde un registre proche du roman historique puisqu’une grande partie de l’histoire se passe au début de la Seconde Guerre mondiale. Mychkine, le narrateur, un vieil homme de nos jours, revient sur le drame qui a marqué son enfance et toute sa vie : le départ de sa mère qui a quitté le domicile conjugal en 1937 quand il avait neuf ans. Celle-ci est partie à Bali en compagnie d’un peintre allemand, Walter Spies (un personnage réel), et le jeune garçon est devenu pour toute la communauté « le fils de la femme qui a abandonné son mari et son fils pour une autre homme ». Mais contrairement à ce que tout le monde croyait, il ne s’agissait pas, en fait, d’un banal adultère. Gayatri, jeune femme éduquée, artiste, étouffait dans un foyer dominé par son mari austère, bourré de principes, engagé à fond dans la cause indépendantiste et ne comprenant pas que tout le monde ne partage pas sa façon de voir. Complexe, avec ses récits entremêlés couvrant plusieurs époques – la jeunesse de Gayatri, sa vie de femme marié, son séjour à Bali, la période contemporaine – le roman met en scène des personnages attachants, guère plus doués pour le bonheur que ceux de Sous les lunes de Jupiter. L’évocation du contexte historique, avec la montée du combat pour l’indépendance de l’Inde à l’approche de la Guerre mondiale, apporte une dimension supplémentaire à ce beau livre.
Couverture du roman "Toutes ces vies jamais vécues" d'Anuradha Roy, traduit de l'anglais (Inde) par Muriel Bellehigue, Actes Sud. (Crédit : DR)
Couverture du roman "Toutes ces vies jamais vécues" d'Anuradha Roy, traduit de l'anglais (Inde) par Muriel Bellehigue, Actes Sud. (Crédit : DR)
Mahesh Rao – 1,2 milliard. À l’opposé des auteurs qui écrivent un très gros roman pour appréhender l’extrême diversité indienne, Mahesh Rao a préféré multiplier les textes courts traitant chacun d’un fragment complètement différent de la réalité du pays. 1,2 milliard, titre qui fait référence au nombre d’Indiens, comprend ainsi treize nouvelles qui promènent le lecteur à travers de nombreuses régions du pays et un vaste assortiment de milieux sociaux et de castes. Un ensemble plein de finesse.
Couverture du livre "1,2 milliard", recueil de nouvelles par Mahesh Rao, Éditions Zoé. (Copyright : Éditions Zoé)
Couverture du livre "1,2 milliard", recueil de nouvelles par Mahesh Rao, Éditions Zoé. (Copyright : Éditions Zoé)
Altaf Tyrewala – Aucun dieu en vue. Approche kaléidoscopique, là aussi, avec Aucun dieu en vue, pour décrire Bombay. L’auteur évoque le grouillement de communautés, de religions et de langues qui caractérise la mégapole en multipliant au fil de très brefs chapitres les esquisses de personnages reliés successivement les uns aux autres. Très bien mené et agréable à lire.
Couverture du roman "Aucun dieu en vue" par Altaf Tyrewala. (Crédit : DR)
Couverture du roman "Aucun dieu en vue" par Altaf Tyrewala. (Crédit : DR)
Meena Kandasamy – Quand je te frappe, Portrait de l’écrivaine en jeune épouse. Dans ce roman qui tient de l’autofiction, Meena Kandasamy décrit par le menu son mariage catastrophique avec un professeur d’université marxiste qui se révèle être un abject individu. Quelques mois de descente aux enfers où l’auteure se retrouve coupée de tout contact, sous la coupe d’un homme qui entend la « rééduquer » et lui dicter chacun de ses gestes, chacune de ses activités. Un récit douloureux et fort, sauvé par une certaine prise de distance et des bouffées d’humour.
Couverture du roman de Meena Kandasamy, "Quand je te frappe", traduction de Myriam Bellehigue, Actes Sud. (Copyright : Actes Sud)
Couverture du roman de Meena Kandasamy, "Quand je te frappe", traduction de Myriam Bellehigue, Actes Sud. (Copyright : Actes Sud)
Neel Mukherjee – À l’état libre. Présenté comme un roman, ce livre est en fait plutôt un recueil de nouvelles reliées de façon ténue. Ce qui ne retire rien à son intérêt. Ce dernier tient moins à ses qualités purement littéraires, pas entièrement convaincantes, qu’au fait que l’auteur s’intéresse de près à une population dont on n’entend guère parler : celle des adivasis, ces peuples tribaux de religion animiste présents un peu partout en Inde et comptant plus de cent millions de personnes. Les adivasis font partie des groupes sociaux les plus défavorisés du pays, aux côtés des intouchables. Les textes de Mukherjee évoquent nombre de ces « tribaux » : domestiques chez des Indiens fortunés de la grande ville, habitants de village perdu ou militants naxalites, ces révolutionnaires maoïstes qui recrutent abondamment chez les adivasis des forêts de l’est du pays. L’un des récits les plus réussis raconte l’histoire d’un villageois qui trouve un ourson et bâtit des rêves de fortune sur l’idée de devenir montreur d’ours. La description méticuleuse de ses efforts pour tenter de dresser l’ours et de lui apprendre à danser, de son expédition vers la ville à la recherche d’un public, de sa lutte acharnée contre les difficultés de tous ordres qui l’assaillent en permanence est assez hallucinante. Une plongée très instructive parmi les plus pauvres des plus pauvres, tout en bas de l’échelle sociale indienne.
Neel Mukherjee, A l’état libre, traduction de Simone Manceau, Piranha, 304 pages, 20,50 euros.
Couverture du roman "À l'état libre" par Neel Mukherjee. (Crédit : DR)
Couverture du roman "À l'état libre" par Neel Mukherjee. (Crédit : DR)
Omprakash Valmiki – Joothan et Salaam Voici deux exemples de livres écrits en hindi. Il s’agit d’une autobiographie, Joothan, et d’un recueil de nouvelles, Salaam, parfaitement complémentaires, dus à la plume de l’écrivain dalit (c’est-à-dire intouchable) Omprakash Valmiki. Celui-ci décrit de façon saisissante la cruauté du statut d’intouchable encore aujourd’hui en Inde, un statut qui finit toujours par prendre le dessus dans la vie professionnelle ou les relations sociales, et cela quelles que soient les qualités de l’individu concerné. Un témoignage bouleversant sur une « Inde invisible ».
Couverture ddu roman "Joothan" d'Umprakash Valmiki, L'Asiathèque. (Crédit : DR)
Couverture ddu roman "Joothan" d'Umprakash Valmiki, L'Asiathèque. (Crédit : DR)

Essais

Rana Dasgupta – Delhi Capitale. Dans Delhi Capitale, Rana Dasgupta scrute les tréfonds de la capitale indienne. Une analyse sans concession des structures physiques déglinguées et des relations sociales hyper violentes qui préfigurent selon lui les mégapoles du nouveau siècle. Un livre épais mais qui se lit d’une traite, en particulier grâce à d’extraordinaires interviews en profondeur de personnages variés : hommes d’affaires mégalomane, fonctionnaires corrompus, patients rackettés dans les hôpitaux…
Couverture du roman "Delhi Capitale" par Rana Dasgupta. (Crédit : DR)
Couverture du roman "Delhi Capitale" par Rana Dasgupta. (Crédit : DR)
Suketu Mehta – Bombay Maximum City. À ne pas manquer, bien sûr, le livre de Suketu Mehta écrit dix ans plus tôt et qui fait un peu figure de modèle pour Delhi Capitale : Bombay Maximum City dont l’impact a été tel que Bombay, appelée aujourd’hui Mumbai, est désormais couramment désignée du sobriquet « Maximum City ». Dans ce formidable reportage, Mehta nous fait rencontrer aussi bien les stars de Bollywood que des danseuses de cabaret, des criminels endurcis, des militants ultranationalistes ou des policiers de choc. Indispensable pour comprendre la société urbaine indienne.
Couverture du roman "Bombay Maximum City" par Suketu Mehta. (Crédit : DR)
Couverture du roman "Bombay Maximum City" par Suketu Mehta. (Crédit : DR)
Michel Angot – Histoire des Indes. Cette somme écrite par Michel Angot, philologue français spécialiste de la philosophie sanskrite, est d’une richesse inépuisable. Au-delà de la seule présentation historique du pays, on y trouve des développements sur le système des castes, les religions, les relations entre hindous et musulmans, le statut des femmes ou la question des langues. Souvent iconoclastes, les analyses de Michel Angot fournissent de multiples clés de compréhension de l’Inde d’aujourd’hui. L’auteur s’en était expliqué dans une longue interview accordée à Asialyst.
Couverture du livre "Histoire des Indes" par Michel Angot, éditions Belles Lettres, 2017. (Copyright : Belles Lettres)
Couverture du livre "Histoire des Indes" par Michel Angot, éditions Belles Lettres, 2017. (Copyright : Belles Lettres)
Christophe Jaffrelot – L’Inde de Modi, national-populisme et démocratie ethnique. L’universitaire français, grand spécialiste de la politique indienne, explique dans son dernier ouvrage sorti en 2019 comment sous Narendra Modi, en qui il voit un populiste qui s’appuie sur l’idéologie de la suprématie hindoue, les musulmans indiens n’ont plus, de fait, les mêmes droits que les tenants de la religion majoritaire. Une thèse dont les violences de début 2020 ont prouvé l’actualité. Lui aussi avait développé ses idées dans une interview à Asialyst.
"L'Inde de Modi, national-populisme et démocratie ethnique", par Christophe Jaffrelot, 352 pages, Fayard. (Crédits : Fayard)
"L'Inde de Modi, national-populisme et démocratie ethnique", par Christophe Jaffrelot, 352 pages, Fayard. (Crédits : Fayard)

Mythes et religion

La Bhagavadgita illustrée par la peinture indienne. La mythologie hindoue repose sur deux textes fondamentaux, les monumentaux Ramayana et Mahabharata. Ensemble autonome inclus dans ce dernier, la Bhagavadgita est un texte sacré emblématique de la philosophie hindoue. Pour la première fois au monde, il a été publié en 2016 par l’éditrice Diane de Selliers dans une éblouissante version entièrement illustrée de miniatures indiennes.
Couverture de La Bhagavadgita illustrée par la peinture indienne (Editions Diane de Selliers, 2016). (Copyright : Editions Diane de Selliers)
Couverture de La Bhagavadgita illustrée par la peinture indienne (Editions Diane de Selliers, 2016). (Copyright : Editions Diane de Selliers)
Jean Delmas – Dieux de l’Inde, images et signes. Avant de plonger dans la spiritualité complexe et subtile de la Bhagavadgita, sans doute est-il bon de se procurer quelques repères sur la foisonnante religion hindoue. C’est ce que permet l’excellent Dieux de l’Inde, images et signes. Son auteur français, Jean Delmas, y passe en revue de façon limpide le panthéon hindou, décrivant les dieux et déesses avec leurs attributs et les mythes qui s’y rattachent. Le tout appuyé sur une iconographie d’une extrême richesse, depuis des photos de sculptures antiques jusqu’aux chromos populaires du début du XXème siècle. Indispensable pour comprendre les images qui assaillent de toutes parts l’occidental en visite en Inde.
Couverture de l'ouvrage "Dieux de l'inde, images et signes" par Jean Delmas. (Crédit : DR)
Couverture de l'ouvrage "Dieux de l'inde, images et signes" par Jean Delmas. (Crédit : DR)

Autres pays d’Asie du Sud

On les connaît beaucoup moins, mais les pays voisins de l’Inde ont eux aussi, bien sûr, leur littérature. Quelques exemples en provenance du Pakistan et du Bangladesh.
Pakistan
Bina Shah – La huitième reine. Ce roman brosse un portrait sans concession du Pakistan à une période très particulière : décembre 2007, lors du retour de Benazir Bhutto dans le pays et son assassinat. Assez désespéré mais captivant.
Couverture du nouveau roman de Bina Shah, "La huitième reine"
Couverture du nouveau roman de Bina Shah, La huitième reine", paru en français aux éditions Actes Sud.
Kamila Shamsie – Embrasements Pas plus optimiste que le précédant, ce roman est un remake de l’Antigone de Sophocle transposé dans la diaspora pakistanaise à Londres. Les personnages s’y débattent – sans succès – dans les contradictions entre les valeurs religieuses, morales et politiques de leurs pays d’origine et d’adoption. Absolument excellent.
Couverture du livre de Kamila Shamsie, "Embrasements", traduit de l'anglais par Éric Auzoux, éditoins Actes Sud. (Copyright : Actes Sud)
Couverture du livre de Kamila Shamsie, "Embrasements", traduit de l'anglais par Éric Auzoux, éditoins Actes Sud. (Copyright : Actes Sud)
Bangladesh
Tahmima Anam – Les vaisseaux frères Ce superbe roman porte sur la quête d’identité d’une jeune femme de la bonne société bangladaise. Ce portrait plein de finesse d’une femme écartelée entre en résonance avec une évocation d’une société assez terrifiante. Des élites de la capitale jusqu’aux dantesques chantiers de démolition des navires, Tahmima Anam livre un roman que l’on ne lâche pas.
Couverture du roman de Tahmima Anam, "Les vaisseaux frères", paru chez Actes Sud. (Crédit : Actes Sud)
Couverture du roman de Tahmima Anam, "Les vaisseaux frères", paru chez Actes Sud. (Crédit : Actes Sud)
Par Patrick de Jacquelot
A propos de l'auteur
Patrick de Jacquelot est journaliste. De 2008 à l’été 2015, il a été correspondant à New Delhi des quotidiens économiques La Tribune (pendant deux ans) et Les Echos (pendant cinq ans), couvrant des sujets comme l’économie, le business, la stratégie des entreprises françaises en Inde, la vie politique et diplomatique, etc. Il a également réalisé de nombreux reportages en Inde et dans les pays voisins comme le Bangladesh, le Sri Lanka ou le Bhoutan pour ces deux quotidiens ainsi que pour le trimestriel Chine Plus. Pour Asialyst, il écrit sur l’Inde et sa région, et tient une chronique ​​"L'Asie dessinée" consacrée aux bandes dessinées parlant de l’Asie.