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"Tenez bon à Hong Kong !" : quand les internautes chinois apportent leur soutien aux manifestants

Police officers detain a protester near the Hong Kong Polytechnic University in Hong Kong, Monday, Nov. 18, 2019. (Source : WWLP)
Que pensent les Chinois du continent de la crise politique à Hong Kong ? La réponse la plus commune qui parvient hors de Chine va de la critique féroce contre les manifestants pro-démocratie à l’indifférence. Les prises de position publique en faveur de la mobilisation actuelle sont rares, prudence oblige dans le pays de Xi Jinping. Durant le siège de l’université polytechnique par les forces de l’ordre, le site d’information China Digital Times a publié des messages de soutien à la population hongkongaise émanant de la République populaire de Chine. Dossier commenté et traduit par David Bartel.

Cycle en 2 conférences sur Hong Kong

Asialyst se mobilise pour comprendre et débattre de la crise politique sans précédent à Hong Kong depuis la rétrocession de l’ancienne colonie britannique à la Chine en 1997. Nous vous proposons un cycle en deux conférences :

– le jeudi 28 novembre à 19h à l’École normale supérieure à Paris : « 70 ans de Chine populaire : le défi hongkongais », coorganisée avec le Groupe d’études géopolitiques (GEG), think tank affilié à l’ENS. Entrée gratuite, inscription obligatoire sur ce lien.

– le mardi 10 décembre à 18h30 à l’Institut des Langues et Civilisations Orientales (Inalco) à Paris : « Crise politique à Hong Kong : l’impasse, et après ? » Entrée également gratuite, cliquez ici pour s’inscrire.

Retrouvez ici tous nos articles sur le sujet : « Hong Kong dans l’étau de la Chine : une lutte perdue d’avance ? »

Consultez le programme de nos conférences à venir !

Retrouvez ici tous les podcasts d’Asialyst.

« Diviser pour régner » est une vieille antienne de la politique. Les gouvernements chinois et hongkongais font tout ce qu’ils peuvent pour opposer leurs populations réciproques en espérant que les revendications pour plus de libertés ne fassent pas tâche d’huile sur le continent.
Quand les médias chinois affirment que les étudiants continentaux de Hong Kong fuient les campus hongkongais de peur d’être malmenés par leurs camarades hongkongais, il est important de faire savoir qu’en réalité, les autorités de Pékin les obligent à quitter les campus de peur qu’ils ne soient « infectés » par de telles idées. « Je ne leur souhaite rien que le meilleur. Ce sont eux les victimes les plus directes d’un régime totalitaire », confiait Nolan, un jeune Hongkongais en première ligne des manifestations, dans un entretien récent avec Asialyst.
C’est autour de l’interdiction de la bande originale des Misérables, et de la chanson Do You Hear The People Sing ?, devenue l’hymne officieux du mouvement démocratique hongkongais que les internautes chinois font entendre leur soutien, en contournant le Grand Firewall de Chine, le système de cybercensure mis en place par Pékin.

« Excusez-nous de rester silencieux »

Wang Shuxiao : Tenez bon ! Je vous apporte mon soutien du Continent. Excusez-moi s’il vous plait de ne pas être capable de vous soutenir de manière plus concrète. Excusez s’il vous plait la plupart d’entre nous de ne pas connaître la vérité, ou de manquer de courage. Si vous lisez des commentaires mauvais et malveillants sur les médias sociaux chinois, s’il vous plait, pardonnez-les !
Frederick Insights : Tiens bon, Hong Kong. De nombreux Continentaux te soutiennent. La plupart d’entre nous sont réduits au silence. Laissez tomber ces Boxers qui franchissent le Grand Firewall pour vous ennuyer, ils ne sont que des victimes de l’endoctrinement idéologique. Droits civiques, liberté, État de droit sont inestimables. Tenez-bon s’il vous plaît !
Village Zhang : C’est une immense ironie que cette chanson [l’hymne des manifestants hongkongais, NDLR] soit bannie sur le Continent. Pour sûr, le peuple les effraie. Ils ont peur de la liberté et de la bravoure.
江沉 (Jiang Chen) : Tenez bon à Hong Kong ! Je vous apporte mon soutien du Continent. Excusez-nous de ne pas pouvoir parler. Excusez-nous de ne pas pouvoir apprendre la vérité par les canaux officiels. Excusez-nous de rester silencieux, mais c’est la seule chose que nous pouvons faire. Les Continentaux qui ont une conscience se tiennent à vos côtés !
Ada Zhong : Tenez bon à Hong Kong ! Je suis hors du Grand Firewall de Chine maintenant et peux enfin voir la vérité. C’est la première fois que mon cœur est si proche de Hong Kong. Je suis ému par Hong Kong ! Tenez bon ! Je salue les guerriers hongkongais ! Merci à vous de lutter pour nous tous, peuple chinois !

« Vous me plaisez pour vos libertés »

Self Liberate : Je comprends Hong Kong. Et je refuse de soutenir le mal. J’ai compris le niveau de compréhension des Continentaux, et leurs valeurs. Maintenant, il ne me reste plus qu’à partir d’ici. Hongkongais, faites attention à vous. Je me souviendrai de vos actions, de ce que vous faites pour le Continent. Je me souviendrai de chaque pas que vous avez fait pour la civilisation et l’humanité. Quoi qu’il en soit, vivez avec de l’espoir. Battez-vous, ou partez !
Huang Liji : Soutien pour Hong Kong depuis le Guangxi grâce un VPN [Virtual Private Network, logiciel de contournement de la cybercensure, NDLR].
Hailey : Depuis Zhuhai, près de Hong Kong et de Macao ! Après [la manifestation] du 9 juin, de « ruban bleu » [pro-Pékin], je suis devenu « ruban jaune » [pro-démocratie]. Je me suis réveillé de l’endoctrinement qui veut que « sans Parti communisme, pas de Chine nouvelle ». Je sais maintenant ce qu’est un lavage de cerveau. Solidarité avec les Hongkongais. Tenez le coup !
Erica Huo : Tenez bon, Hong Kong. Peut-être que beaucoup de Continentaux aiment Hong Kong pour son shopping et ses divertissements, mais moi, vous me plaisez pour vos libertés. Vous pouvez commémorer le 4 juin. Vous avez tous les livres qui ne peuvent être publiés sur le Continent. Plus important encore, il y a des moments où les Hongkongais manifestent un intense sentiment d’amour pour leur territoire et ont le courage de se battre pour la liberté et la justice. Quand j’ai entendu pour la première fois des chansons écrites pour le 4 juin, j’ai réalisé que la musique peut exprimer nos croyances et nos valeurs avec plein d’émotions. Et la culture de Hong Kong dépasse de loin les films et la musique pop que l’on peut voir et écouter. Merci, Hong Kong.

« J’ai honte de ne pouvoir faire davantage »

刘晨 (Liu Chen) : Je suis lycéen en Chine continentale. Hong Kong, tiens bon ! Ceux qui se battent pour vos droits, tenez bon ! Un pays ne peut être uni que lorsque sa population est solidaire.
Fan Zhangye : La chanson a été interdite hier, purement et simplement. J’ai voulu la réécouter, justement parce qu’elle est interdite. C’est comme cela que je suis tombé sur votre version. Tenez bon !
G Fujinshi : Quand les événements de Tiananmen se sont produits, Hong Kong s’est tenu au côté du mouvement démocratique sur le Continent. Puis, il y eut l’opération Yellow Bird [qui a permis l’exfiltration de 400 dissidents de Tian’anmen entre juin 1989 et février 1990, NDLR]. Et, tous les ans, à Victoria Park, la réunion du 4 juin, à la mémoire des victimes reproduit en miniature la version du soutien des Hongkongais pour le combat démocratique sur le Continent. Aujourd’hui, ayant grandi non loin de Tian’anmen, habitant désormais à l’étranger, tout ce que je peux faire est laisser ce commentaire et dire « Tenez bon à Hong Kong ! » Même la plus petite faveur doit être retournée avec la plus grande gratitude. J’ai honte de ne pouvoir faire davantage.

« Le seul endroit de tout le pays où l’humanité continue à briller »

MIKE MIKE : Tenez bon ! Je viens de Mongolie intérieure, Chine continentale. Je soutiens le combat des Hongkongais contre le projet de loi d’extradition diabolique. Et je respecte de tout mon cœur ceux qui sont sur la ligne de front du combat pour la démocratie.
二十一世纪青年 [Jeunesse du XXIème siècle] : Je viens de Chengdu, Tiens bon, Hong Kong !
Eo L : Tenez bon à Hong Kong ! Recevez notre soutien du Guangdong.
Fiamma Sun : Tout cela me fait pleurer. Le seul endroit de tout le pays où l’humanité continue à briller. Ce qui se passe à Hong Kong me brise le cœur. Je voudrais vous dire combien je suis désolé. Depuis l’autre rive de la rivière Shenzhen, je vous apporte mon soutien. N’abandonnez pas !
CStudent : J’ai passé le Grand Firewall de Chine pour comprendre les tenants et les aboutissants des événements. C’est comme cela que j’ai compris comment les porte-voix officiels trient leurs histoires et inversent le vrai et le faux. Ça me rend malade ! Je ne peux rien faire. Je ne peux rien dire d’autre que : s’il vous plait, tenez bon, ne lâchez rien.
zs z : Peu importe la quantité de pluie qui lui tombe dessus, la fleur de la liberté finira toujours par s’épanouir. Tiens bon, Hong Kong.

« Vous nous avez redonné de l’espoir »

*Au moment d’écrire ces lignes, la lettre était inaccessible depuis Hong Kong sur le site Change.org
Dans la même veine, un groupe de Chinois continentaux ont écrit une lettre ouverte de remerciement au peuple de Hong Kong*. Ils y expriment leur gratitude pour ceux qui se battent pour leur liberté collective.
Nous sommes un groupe de Chinois du Continent. Nous avons grandi et avons été éduqués sur le Continent. Depuis le début des manifestations contre la loi d’extradition fin mars 2019, nous avons observé de près le développement des événements à Hong Kong. Nous admirons profondément votre courage et votre opiniâtreté et nous sommes tristes du prix que vous avez à payer. Dans le même temps, en tant que Continentaux, je veux vous remercier pour tout ce que vous avez accompli ! Merci. Ce que vous avez fait, c’est non seulement vous battre pour votre liberté, mais aussi pour la nôtre.
Le Parti communiste chinois règne sur la Chine depuis 70 ans. Durant ses sept décennies, les cycles de mouvements politiques ont brutalement détruit l’audace de cette nation. Aujourd’hui, personne n’ose parler, dans une atmosphère d’oppression politique, tandis que des hommes à l’éthique douteuse détiennent le pouvoir. Il n’y a pas un mot de vérité dans tout le pays, et il n’y a pas de liberté. En tant que Chinois du Continent, nous sommes désespérés. Nous ne pouvons même pas divulguer nos griefs et la douleur dans nos cœurs. Mais vous nous avez redonné de l’espoir. Vous nous autorisez à voir qu’il existe encore de l’espoir dans au moins un lieu de ce sombre pays. Ce qui a encore plus de valeur, c’est que vous nous laissez voir l’audace, le courage et l’intégrité que nous avons depuis longtemps perdu, et le caractère de la désobéissance civile. Vous faites face à la tyrannie comme le Lion Rock qui surplombe la ville, sans jamais courber l’échine.
Il y a 30 ans, quand Pékin était en crise, vous nous avez apporté le plus puissant des soutiens. Aujourd’hui, alors que vous avez besoin de soutien, vous ne recevez du Continent qu’incompréhension et cynisme. En tant que Continentaux, nous en avons honte. Pourtant, nous voulons que vous sachiez que des Chinois du Continent vous soutiennent. Ils aspirent aussi à une société d’indépendance judiciaire, d’équité sociale, de démocratie et de liberté. Ils aspirent aussi à ce que la lumière de la civilisation moderne brille sur chacun en République populaire. Ils savent que le peuple de Hong Kong ne se bat pas seulement pour sa propre liberté, mais qu’il se bat aussi pour la liberté des Chinois sur le Continent.
Il est regrettable qu’en tant que Continentaux, nous ne puissions pas nous dresser à vos côtés dans votre combat pour la liberté. Nous n’osons même pas dire nos noms, nous lever ni vous soutenir. S’il vous plaît, excusez notre faiblesse, mais nous espérons que vous savez que vous n’êtes pas seuls. Il existe des Continentaux qui vous soutiennent et sont mobilisés à vos côtés.

Cartes d’étudiants

Certains étudiants chinois du Continent ou d’universités hors de Chine ont choisi une autre façon d’exprimer leur soutien sur le Net : en postant une photo de la couverture de leur carte d’étudiant accompagné d’un mot écrit à la main en soutien aux manifestants, et en particulier aux étudiants de l’Université chinoise de Hong Kong.
Un étudiant de l'Université des Sciences et Technologies de Chine à Hefei (Anhui) : "Allez les étudiants de CUHK ! Allez les étudiants de CityU !" CUHK : Chinese University of Hong Kong. CityU : City University of Hong Kong. (Source : Pincong)
Un étudiant de l'Université des Sciences et Technologies de Chine à Hefei (Anhui) : "Allez les étudiants de CUHK ! Allez les étudiants de CityU !" CUHK : Chinese University of Hong Kong. CityU : City University of Hong Kong. (Source : Pincong)
Un étudiant de l'Université Tongji à Shanghai : "Allez Hong Kong !" (Source : Pincong)
Un étudiant de l'Université Tongji à Shanghai : "Allez Hong Kong !" (Source : Pincong)
Un étudiant de l'Université Sun Yat-sen à Canton : "Libérer Hong Kong, Révolution de notre temps", l'un des plus fameux slogans des manifestants pro-démocratie à Hong Kong. (Source : Pincong)
Un étudiant de l'Université Sun Yat-sen à Canton : "Libérer Hong Kong, Révolution de notre temps", l'un des plus fameux slogans des manifestants pro-démocratie à Hong Kong. (Source : Pincong)
Un étudiant de l'Université de l'Université du Zhejiang à Hangzhou : "Allez les étudiants de CUHK ! Cinq demandes, pas une de moins ! Allez les Hongkongais !" CUHK : Chinese University of Hong Kong. Les "Cinq demandes" sont les revendications des manifestants pro-démocratie à Hong Kong : le retrait total du projet de loi d'extradition, le retrait du terme "émeutier" pour caractériser les manifestants, la libération et l'amnistie des manifestants emprisonnés, une enquête indépendante sur les violences policières, la démission de Carrie Lam accompagné du suffrage universel direct pour l'élection du Conseil législatif et du chef de l'exécutif hongkongais . (Source : Pincong)
Un étudiant de l'Université de l'Université du Zhejiang à Hangzhou : "Allez les étudiants de CUHK ! Cinq demandes, pas une de moins ! Allez les Hongkongais !" CUHK : Chinese University of Hong Kong. Les "Cinq demandes" sont les revendications des manifestants pro-démocratie à Hong Kong : le retrait total du projet de loi d'extradition, le retrait du terme "émeutier" pour caractériser les manifestants, la libération et l'amnistie des manifestants emprisonnés, une enquête indépendante sur les violences policières, la démission de Carrie Lam accompagné du suffrage universel direct pour l'élection du Conseil législatif et du chef de l'exécutif hongkongais . (Source : Pincong)

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A propos de l'auteur
Chercheur indépendant, David Bartel vit à Hong Kong depuis dix ans. Obtenue en 2017 à l'EHESS, sa thèse porte sur les Lumières chinoises du XXème siècle et leur reconfiguration contemporaine. Il s'intéresse particulièrement aux liens entre histoire, politique et langage. La cooptation des discours théoriques postmodernes et postcoloniaux - en Chine et ailleurs - par la rhétorique nationaliste, et l’effacement de la culture au nom du culturel sont au cœur de ses recherches.