Politique
Série - le 19ème Congrès du Parti communiste chinois

Chine : les nouvelles figures du régime de Xi Jinping, du compromis banal à la rupture

Les 7 membres du saint des saints du Parti communist chinois : le comité permanent du Politburo, de gauche à droite : Han Zheng, Wang Huning, Li Zhanshu, le président Xi Jinping, le Premier ministre Li Keqiang, Wang Yang et Zhao Leji, le jour de leur présentation à la presse au Grand Hall du Peuple à Pékin, le 25 octobre 2017. (Crédits : AFP PHOTO / WANG ZHAO)
Les 7 membres du saint des saints du Parti communist chinois : le comité permanent du Politburo, de gauche à droite : Han Zheng, Wang Huning, Li Zhanshu, le président Xi Jinping, le Premier ministre Li Keqiang, Wang Yang et Zhao Leji, le jour de leur présentation à la presse au Grand Hall du Peuple à Pékin, le 25 octobre 2017. (Crédits : AFP PHOTO / WANG ZHAO)
A quand la fin des tractations opaques pour décider de la direction du Parti communiste en Chine ? En apparence, ce n’est pas pour aujourd’hui. Le nouveau comité permanent du Politburo dévoilé ce mercredi 25 octobre à la presse par Xi Jinping ne fait pas exception à la règle. A part le numéro un chinois, chaque clan a deux représentants sur les 7 sièges de l’instance suprême du pouvoir chinois. Xi a accepté un « équilibre » avec les alliés des anciens présidents Hu Jintao et Jiang Zemin. D’aucuns pensent que le président ne pouvaient pas obtenir tout en même temps : une majorité absolue de fidèles au comité permanent d’une part et d’autre part, sa « pensée » et son nom inscrits dans la Charte du Parti aux côtés de Mao et Deng. Mais derrière les négociations secrètes, la rupture est là. Contrairement aux Congrès de 1997 et 2007, aucun successeur au poste de numéro un n’a été mis sur orbite. En parallèle, Xi Jinping a su manoeuvrer pour faire entrer dans le Bureau politique et le Comité central suffisamment de nouveaux membres liés à ses clientèles pour perpétuer son « régime » au sommet du pouvoir en Chine. Quelles sont ces nouvelles figures ? Décryptage et infographies.

le Congrès du PCC, comment ça marche ?

Réunie en Congrès tous les 5 ans, généralement au mois d’octobre, l’Assemblée représentative nationale du Parti communiste chinois [中国共产党全国代表大会] est – en théorie – l’instance dirigeante la plus importante de la République Populaire. C’est elle qui fixe la direction suprême d’un pays où le leadership du parti unique est gravé dans le marbre de la Constitution et de son préambule. C’est à elle que revient la lourde tâche de présider au destin des quelque 80 millions de membres que compte le Parti en Chine.

Fort d’environ 2200 délégués et représentants, en majorité issus des gouvernements provinciaux et de l’armée, le Congrès organise les « élections » qui permettent de désigner les membres des organes centraux du pays. Soit le Comité central pour l’inspection disciplinaire du PCC, le Comité central du Parti, la Commission militaire centrale (CMC) et enfin le bureau politique et son organe décisionnel, le comité permanent.

C’est aussi durant le Congrès que sont passés en revue les « carnets de promotion » pour un grand nombre de cadres. De même que les décisions concernant une importante partie des promotions vers les rangs provinciaux et ministériels. Enfin, c’est aussi au Congrès que revient la lourde tâche d’élire le secrétaire général du Parti – poste aujourd’hui occupé par Xi Jinping.

Un comité permanent très banal

Autour de Xi Jinping et Li Keqiang, le comité permanent compte désormais 5 nouveaux membres : Li Zhanshu, Wang Yang, Wang Huning, Zhao Leji et Han Zheng. Aucune véritable surprise, juste un équilibre parfaitement dosé entre les trois factions qui composent aujourd’hui le Parti communiste chinois. A commencer par « l’armée de Xi » qui compte deux soldats indéfectibles. Nouveau numéro 3 du régime, Li Zhanshu (né en 1950), n’est autre que le « chef d’état-major » de Xi Jinping au sein du Parti, jusque-là directeur des bureau des affaires générales du Comité central. Nommé au comité permanent, il profite de la règle tacite « monter les 7, descendre les 8 » (七上八下 – qishang baxia), puisqu’il n’a pas encore 67 ans révolus. Il devrait prendre en mars prochain la tête de l’Assemblée nationale populaire, chargée d’entériner les lois décidées par le Parti. Ce qui n’était pas attendu puisque de nombreux experts le voyaient remplacer Wang Qishan comme patron de la lutte anti-corruption, à la direction de la Commission centrale d’inspection et de discipline. On ignore encore pourquoi il n’a finalement pas été choisi à ce poste.
C’est finalement Zhao Leji, nouveau numéro 6 du comité permanent et autre lieutenant de Xi Jinping, qui succèdera à Wang Qishan. Né en 1957, sa carrière a été pilotée par des patriarches comme Xi Zhongxun, le père de l’actuel président chinois. A 37 ans, Zhao est promu au rang vice-provincial puis au niveau ministériel/provincial dès 43 ans. Il fait partie du secrétariat central en plus d’être le directeur du département de l’Organisation du Parti. Chargé de poursuivre la chasse aux « tigres » et aux « moucherons » corrompus, il reste ainsi le bras armé de Xi Jinping.
Face à ce bloc issu de « l’armée de Xi », le clan de Hu Jintao, la faction de la Ligue des Jeunesses communistes (tuanpai) compte deux membres dans l’instance suprême du pouvoir chinois. Si Wang Qishan est retiré de la liste car trop vieux – il a été donné Premier ministre -, c’est une « bonne nouvelle » pour Li Keqiang qui se maintient en numéro deux. Mais le chef du gouvernement, homme de Hu, a été « démonétisé » par Xi depuis bien longtemps. Autrement dit, il ne reste que pour faire bonne figure. Désormais, le grand problème réside dans l’équipe qui va l’entourer. Wang Yang, qui accède au comité permanent au 4ème rang, devrait lui prêter main forte en restant vice-premier ministre – mais ce n’est pas encore acquis. L’actuel vice-premier ministre en charge de l’économie est un personnage clé du Conseil des Affaires d’État, nom officiel du gouvernement chinois. Affilié lui aussi à Hu Jintao, il incarne le courant « réformiste » favorable au recul des entreprises d’État. Mais il n’a pas l’envergure d’un Wang Qishan à même de faire avancer les réformes économiques promises par Xi Jinping.
L’immortel Jiang Zemin, au sommet de la politique chinoise depuis 1989, a pu lui aussi encore placer ses deux derniers pions. Le premier s’appelle Wang Huning. L’homme est un parfait compromis. Xi a accepté sa nomination pour mieux bloquer Hu Chunhua, le patron du Parti dans le Guangdong, anciennement mis sur orbite par Hu Jintao pour succéder à l’actuel numéro un chinois en 2022. Accepter Wang Huning est chose bénigne : l’homme plait à tout le monde. Il a intégré le Politburo en 2012 et se trouve proche du pouvoir central depuis les années 1990. Il est certes l’une des dernières figures de la « Bande de Shanghai » promues directement par Jiang Zemin, grâce à ses compétences en matière d’analyse stratégique. Mais ces mêmes compétences lui ont permis d’avoir l’oreille de l’ancien président Hu puis d’entrer dans les bonnes grâces de Xi malgré son allégeance première. Sa présence au plus haut niveau exprime plutôt l’accent impérieux qui sera mis sur l’idéologie dans les cinq prochaines années. Cette question n’a jamais été aussi importante depuis un quart de siècle.
L’autre soldat de Jiang Zemin est un survivant : Han Zheng, chef du Parti à Shanghai. Celui qui a résisté au nettoyage de la « bande de Shanghai » est propulsé au comité permanent du Politburo. Mais la raison de sa promotion était prévisible : il s’agit avant tout de lui retirer la direction du Parti à Shanghai, qui sera rendue disponible pour un autre allié de Xi Jinping. Ainsi mis à l’écart du bastion de l’ancien président Jiang, Han pourrait lui aussi être nommé vice-premier ministre, si l’on suit l’ordre d’entrée au comité permanent. Mais certains le donnent en mars à la tête de la Conférence consultative politique du peuple chinois, la seconde chambre du parlement chinois. Autrement dit, un placard doré sans aucun pouvoir législatif.
Fort banal, ce « conseil des 7 » témoigne des règles de promotion et des contraintes institutionnelles auxquelles Xi a dû céder. Dans l’impossibilité de promouvoir tous ses alliés d’un seul coup, il a dû se plier aux règles tacites de la retraite et de l’ancienneté : maintenir un Wang Qishan trop vieux ou faire monter un Chen Min’er trop jeune sans le faire passer par le Politburo, s’est révélé d’un coût politique trop élevé pour le Secrétaire général du Parti.

Un Politburo plutôt atypique : qui sont ces nouveaux membres?

Le Conseil des 25 a lui accueilli 15 nouveaux membres dont 11 sont des alliés de Xi ou encore de Wang Qishan. Parmi eux, au moins 8 sont des anciens « jeunes instruits » (zhiqing – 知青) envoyés par Mao « à la campagne » dans les années 1970, à l’image de Xi Jinping. Sur les 15 nouveaux, seuls 9 étaient, avant le Congrès, déjà membre du Comité central. La présence de certains d’entre eux au nouveau Politburo a provoqué la stupeur et la confusion des observateurs de la Chine. Notamment Yang Jiechi, ancien ministre des Affaires étrangères qui passait pour un pré-retraité, ainsi que Yang Xiaodu, un allié que Xi avait envoyé à Shanghai « faire le ménage » ou encore Wang Chen.
La composition du Politburo du Parti communiste chinois à l'issue de son 19e congrès (2017).
La composition du Politburo du Parti communiste chinois à l'issue de son 19e congrès (2017).
Que nous indique la composition du Politburo :
1. Ding Xuexiang : le chef du cabinet et le grand secrétaire de Xi ;
2. Wang Chen : un ancien du Shaanxi, directeur et journaliste au Quotidien du Peuple, et directeur-adjoint du département de la Propagande ;
3. Liu He : le directeur du petit groupe sur les finances et « l’économiste de Xi » ;
4. Li Xi : un ancien « jeune instruit » (zhiqing) qui s’est démarqué lorsqu’il était en poste dans le Shaanxi, puis à Shanghai pour ensuite précipiter la chute de la « Bande du Liaoning » ;
5. Li Qiang : Un membre de « l’armée du Zhejiang » (celle de Xi) et celui qui a repris le Jiangsu des mains des alliés de Jiang Zemin ;
6. Li Hongzhong : Un autre « zhiqing » aux antécédents factionnels ainsi qu’aux « performances » très douteuses;
7. Yang Jiechi : un ex-ministre des Affaires étrangères que l’on croyait en pré-retraite ;
8. Yang Xiaodu : un « zhiqing » qui a côtoyé Xi à Shanghai et qui est devenu l’aide de Wang Qishan à la Commission disciplinaire ;
9. Wang Youxia : un « zhiqing » et « Prince militaire », maintenant général 4 étoiles, qui provient du Shaanxi et qui est l’un des proches conseillers militaire de Xi depuis son arrivée au pouvoir en 2012 ;
10. Chen Xi : un ancien camarade de classe de Xi Jinping, secrétaire du Parti de l’Université de Qinghua, ministre-adjoint de l’Éducation et directeur-adjoint du département de l’Organisation ;
11. Chen Quanguo : un apparatchik du Tibet et du Xinjiang plus proche de Hu Jintao que de Xi ;
12. Chen Min’er : impossible successeur de Xi Jinping, un soldat de toute les batailles du président chinois, dont la reprise du Zhejiang et de Chongqing des mains des alliés de Jiang Zemin;
13. Guo Shengkun : un « zhiqing » très imprégné de Zhou Yongkang et des alliés de l’ancien régime de Jiang, possédant certaines affinités avec Wang Qishan, de son temps à ses côtés;
14. Huang Kunming : un ancien du Zhejiang, de Qinghua, du département de la Propagande et du « groupe de travail sur la civilisation spirituelle » ;
15. Cai Qi : un « zhiqing » membre de « l’armée du Zhejiang », placé pour reprendre la capitale et le système de la sécurité nationale.
Cette description, caricaturale à certains moments, demeure malheureusement juste. Parmi ces 15 nouveaux membres du Politburo, on ne retrouve, contrairement aux alternances précédentes, que 7 « grands apparatchiks » avec l’expérience d’avoir dirigé le Parti d’une province. S’ajoute un nombre anormalement élevé de cadres en provenance des institutions du Parti, comme Wang Chen qui, outre son passé commun de « zhiqing » avec Xi Jinping au Shaanxi, fait piètre figure face aux autres membres politiques comme Li Yuanchao. Cela dit, ce serait grâce au travail que Xi aurait fait sous Wang, alors en charge des affaires du comté de Yan’an, que l’actuel numéro un chinois aurait pu entrer à l’Université de Qinghua en 1975. C’est d’ailleurs à Qinghua qu’il rencontrera Chen Xi. Et l’histoire continue. Diplôme en poche en 1979, Xi fut envoyé dans le district de Zhengding dans le Hebei. Il y rencontre Li Zhanshu – qui vient donc d’être nommé numéro 3 du comité permanent. Promu au Fujian, puis au Zhejiang et à Shanghai, le président chinois continuera d’y accumuler des alliés, comme d’ailleurs Chen Min’er, Cai Qi, Li Qiang, Li Xi, Huang Kunming ou Yang Xiaodu, autant de nouveaux membres de ce 19ème Politburo.
*A noter la présence au Comité central de Qu Qingshan (曲青山, né en 1957), directeur du centre de recherche sur l’histoire du Parti.
L’effet Xi Jinping, voire même la « longue marche » de Xi, lui auront permis de se créer une base ou bandi (班底) en marge des grands groupes factionnels déjà en place, pour ensuite se débarrasser de « l’ancien régime », celui de Jiang Zemin. La présence de Wang Chen, Chen Xi, Yang Xiaodu et Huang Kunming nous indique cependant plusieurs choses à propos du « régime de Xi » (2017-2022) : 1) l’information (distribution, accessibilité, éducation et censure) y sera un enjeu de premier plan ; 2) la question de l’idéologie du Parti refera surface (pour le meilleur ou le pire)* ; et 3) avec Wang Huning (numéro 5 du comité permanent), une réflexion plus profonde sur l’avenir des réformes politiques devient possible.
La présence de Wang Youxia et le « retour » de Yang Jiechi nous indiquent également certaines choses sur les intentions de Xi. Wang Yi, l’actuel ministre des Affaires étrangères, n’est pas en mesure de satisfaire les attentes du président. Par ailleurs, les préoccupations de politique étrangère se concentrent sur les États-Unis et moins sur l’Asie du Nord-Est (d’où le retour de Yang). Enfin, les préoccupations militaires sont, elles, axées vers le Nord-Est.
Cependant, l’arrivée de Li Hongzhong, Guo Shengkun et de Chen Quanguo au Politburo n’est pas facile à expliquer. On connaît le passé de Li, proche de la bande du Jiangsu de Jiang Zemin, ainsi que les rumeurs de corruption qui planent à son endroit. Guo est, lui, « souillé » par le marque de Zhou Yongkang dans le système de la défense et n’a que récemment tenté un rapprochement avec Wang Qishan. Quant à Chen Quanguo, voilà un politicien de l’Ouest chinois qui a bénéficié du soutien de Li Keqiang et de Hu Jintao. Ces trois « concessions », aussi minimes soient-elles, ne veulent pas dire grand-chose pour Xi.
Si ce groupe de 15 est à maints égards « atypique », il doit se comprendre dans un contexte de rupture avec « l’ancien régime », ses valeurs, ses réseaux et certaines de ses règles. Avant Xi Jinping, le pouvoir central mettait l’accent sur la formation continue des politiciens dans une optique de changement vers la Chine post-1990, post-réforme et post-communiste. Avec Xi, c’est le retour du « politique » avec des projets et des objectifs différents.

« L’Armée de Xi » au coeur du Comité central et la fin du rajeunissement

Il faut le souligner : le Comité central ne change que très peu. Et c’est en soi un changement. Parmi les nouveaux venus, seuls 30% des cadres étaient membres suppléants, contre en moyenne 51.3% entre 1997 et 2012. Environ 68.5% des nouveaux membres du Politburo entre 1992 et 2012 avaient été membres suppléants du Comité central. Autrement dit en 2017, 70% des nouveaux arrivés sont directement ou indirectement le fait de Xi Jinping. Et pour cause, plus de 43% d’entre eux sont des alliés du Secrétaire général. S’ajoutent les alliés de Wang Qishan, de Zhao Leji et de Yu Zhengsheng, qui représentent 7 % pour former un total de plus de 50% en faveur du numéro un chinois parmi les nouveaux venus. De l’autre côté, Hu Jintao et ses alliés représentent moins de 4% des nouveaux membres, tandis que les proches de Jiang Zemin nouvellement nommés dépassent à peine les 5%. Ce n’est pas tout : environ 40% des membres récurrents (soit 35,8% du total) sont des alliés de Xi. Au bout du compte, pas moins de 46,6% des 204 membres du Comité central sont des alliés du président.
Infographie sur la composition du Comité central du Parti communiste chinois à l'issue de son 19e Congrès (2017).
Infographie sur la composition du Comité central du Parti communiste chinois à l'issue de son 19e Congrès (2017).
Aujourd’hui, la 6ème génération de dirigeants chinois est en pleine ascension (lire notre article). Mais c’est encore la génération « 5 et demi » qui est aux commandes. En période de transition, c’est à la fois une bonne et une mauvaise chose : considérant le peu de place faite aux « jeunes » cadres dans le Comité, assistera-t-on à la fin du rajeunissement lancé en 1992 ?
Infographie sur l'évolution de la composition du Comité central du Parti communiste chinois, de 1997 à 2017.
Infographie sur l'évolution de la composition du Comité central du Parti communiste chinois, de 1997 à 2017.
Il faut répondre oui à cette question. Car la moyenne d’âge a augmenté d’environ 10 mois depuis 2012. Cela peut paraître bénin, mais à regarder de près les règles de promotion et de rétrogradation, 10 mois peuvent avoir un impact important. En outre, même l’âge des nouveaux venus a augmenté de près de 11 mois par rapport à 2012. Du reste, excepté un pourcentage d’alternance un peu plus élevé qu’en 2012 qui représente environ 10 nouveaux membres, certains chiffres demeurent les mêmes : le nombre de femmes et de minorités ne change pas.

Et que dire de Hu Chunhua et de la prochaine succession ?

La nouvelle équipe dirigeante mise en place par Xi Jinping à Zhongnanghai, le siège du pouvoir central, annonce la fin du régime de la Chine des réformes, celui de Deng et de Jiang Zemin. En brisant Sun Zhengcai en juillet dernier et en barrant la route du comité permanent à Hu Chunhua durant le Congrès, Xi envoie sans doute un second message à l’ancienne élite du Parti : il ne compte pas honorer les « arrangements » antérieurs en matière de succession. Cela dit, le fait que son fidèle lieutenant Chen Min’er se retrouve sur le banc indique peut-être que son sort était lié à celui de Hu Chunhua dans une sorte de transaction. Si la figure la plus en vue de la 6e génération (Hu Chunhua) n’entre pas au comité permanent, impossible d’y admettre quelqu’un qui n’est même pas membre du Politburo (Chen Min’er).
Pour l’instant, outre un bureau politique « étrange », l’élément marquant de cette transition est cette absence de successeur. Xi, qui contrôle l’équilibre factionnel, est pour l’instant occupé à mettre en place de nouveaux projets politique et peut encore se permettre de remettre cette question à plus tard. Néanmoins, si en 2022 aucun cadre n’est identifié comme « digne héritier » de Xi, que se passera-t-il ? Xi ira-t-il jusqu’à changer la Charte du Parti ? Jiang Zemin, qui était lui aussi dans une situation similaire en 2002, aurait bien pu écarter Hu Jintao et lui refuser la succession. Il ne l’a pas fait. Pour l’heure, aucune raison de paniquer.
Par Alex Payette

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A propos de l'auteur
Alex Payette (Phd) est co-fondateur et Pdg du Groupe Cercius, une société de conseil en intelligence stratégique et géopolitique. Ancien stagiaire post-doctoral pour le Conseil Canadien de recherches en Sciences humaines (CRSH). Il est titulaire d’un doctorat en politique comparée de l’université d’Ottawa (2015). Ses recherches se concentrent sur les stratégies de résilience du Parti-État chinois. Plus particulièrement, ses plus récents travaux portent sur l’évolution des processus institutionnels ainsi que sur la sélection et la formation des élites en Chine contemporaine. Ces derniers sont notamment parus dans le Journal Canadien de Science Politique (2013), l’International Journal of Chinese Studies (2015/2016), le Journal of Contemporary Eastern Asia (2016), East Asia : An International Quarterly (2017), Issues and Studies (2011) ainsi que Monde Chinois/Nouvelle Asie (2013/2015). Il a également publié une note de recherche faisant le point sur le « who’s who » des candidats potentiels pour le Politburo en 2017 pour l’IRIS – rubrique Asia Focus #3.