Politique
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Chine : Sun Zhengcai définitivement mis en examen, et maintenant ?

Le désormais ancien chef du Parti de la municipalité de Chongqing, Sun Zhengcai.
Le désormais ancien chef du Parti de la municipalité de Chongqing, Sun Zhengcai. (Crédit : Wei yao / Imaginechina / AFP).
Asialyst l’annonçait déjà il y a 8 jours. Les carottes semblaient alors presque cuites pour Sun Zhengcai, « rappelé » à Pékin en urgence et délaissant son poste de chef du Parti de la municipalité de Chongqing. Et depuis la nouvelle a été confirmé puisque ce dernier est officiellement mis en examen à compter du 24 juillet ; ce qui termine de fait sa carrière politique.
La « malédiction » de Chongqing frappait une nouvelle fois écrivions-nous puisque c’est le deuxième homme fort du sud de la Chine à connaitre les foudres du pouvoir central – après l’éviction, la condamnation et l’emprisonnement de Bo Xilai en 2012.
Et maintenant ?
Membre du Politburo sur recommandation de Wen Jiabao depuis 2012 lorsqu’il est nommé à la tête de la municipalité, la mise en examen de Sun n’est pas une petite affaire. D’autant qu’elle semble résonner comme un avertissement pour les hommes encore en place, pour les membres des autres camps, si peu nombreux soient-ils, qu’ils doivent danser dans les mêmes pas que Xi, la voix du Parti, son « noyau dur » pour un encore un bon moment.
Néanmoins, comment expliquer cette mise en examen ? Les détails de l’enquête ne sont toujours pas disponibles à l’heure où nous écrivons ces lignes. Cela dit, les rumeurs semblent se confirmer sur les trois points que nous mentionnions alors ; tandis qu’un quatrième semble faire surface.
Tout d’abord, Sun appartient – ou semble appartenir – de trop près à la « bande du Jiangsu » (江苏帮) de l’ancien président Jiang Zemin, par le biais de ses attaches envers Zeng Qinghong, Jia Qinglin, Liu Qi.
Ensuite, nous assistons avec son rappel puis sa mise en examen au retour sur le devant de la scène politique de « l’affaire Ling Jihua », notamment par le biais de sa femme.
Également, son « manque de motivation » dans la lutte anti-corruption à Chongqing est pointé du doigt.
Tout comme, et c’est le quatrième point, une inquiétude qui se fait jour : celle de Xi Jinping concernant les motivations futures de Sun en réponse à la chute de nombre de ses anciennes connaissances aux mains de la commission d’inspection et de discipline du Parti menée par Wang Qishan, l’allié du président chinois.
Certains commentateurs avertis de la vie politique chinoise y voient également la volonté désormais affichée par le pouvoir central de briser la « Bande du Shandong » (山东帮), groupe non-officiel composé principalement de hauts Cadres du secteur pétrolier (surtout chez PetroChina) avec qui Sun – originaire de Rongcheng (Shandong) aurait eu des affinités.
Cela dit, ce dernier point semble légèrement tiré par les cheveux pour le moment.
De l’autre côté de la Chine, le remplaçant de Sun, Chen Min’er (voir notre portrait pour tout connaitre de son parcours), envoyé par le centre pour « jeter un œil » (回头看) est arrivé à Chongqing. Il lui appartient désormais de mettre en place des directives de la commission d’inspection et de discipline afin de défaire l’équipe Bo-Wang (Bo Xilai – Wang Li Jun) et surtout l’héritage de Bo Xilai, point sur lequel Sun semble avoir échoué.
Pour conclure, et pour replacer cette mise en examen dans une histoire politique plus large à l’approche du 19ème Congrès, il faut mettre l’accent sur le fait que cette « succession perturbée » (Sun était vu comme l’un des successeurs possibles de Li Keqiang) par Xi vient s’ajouter à la déjà longue liste des actions qu’il a entreprises depuis 2013 afin de détruire l’équilibre factionnelle ainsi que la règle générationnelle en matière de succession.
Du centre viennent donc les changements. Et Xi et ses alliés – au premier rang desquels Wang Qishan – sont non seulement en route pour une second mandant (cela n’a jamais fait aucun doute) mais surtout ils imposent un tempo que chacun se doit de suivre dans cette valse à mille temps, où le moindre faux pas semble interdit.

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A propos de l'auteur
Alex Payette (Phd) est co-fondateur et Pdg du Groupe Cercius, une société de conseil en intelligence stratégique et géopolitique. Ancien stagiaire post-doctoral pour le Conseil Canadien de recherches en Sciences humaines (CRSH). Il est titulaire d’un doctorat en politique comparée de l’université d’Ottawa (2015). Ses recherches se concentrent sur les stratégies de résilience du Parti-État chinois. Plus particulièrement, ses plus récents travaux portent sur l’évolution des processus institutionnels ainsi que sur la sélection et la formation des élites en Chine contemporaine. Ces derniers sont notamment parus dans le Journal Canadien de Science Politique (2013), l’International Journal of Chinese Studies (2015/2016), le Journal of Contemporary Eastern Asia (2016), East Asia : An International Quarterly (2017), Issues and Studies (2011) ainsi que Monde Chinois/Nouvelle Asie (2013/2015). Il a également publié une note de recherche faisant le point sur le « who’s who » des candidats potentiels pour le Politburo en 2017 pour l’IRIS – rubrique Asia Focus #3.