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100 ans du Parti communiste : Xi Jinping célèbre l’essor "irréversible" de la Chine

Le président chinois Xi Jinping sur écran géant lors des célébrations du centenaire du parti communiste chinois place Tiananmen, le 1er juillet 2021. (Source : Kivazen)
Le président chinois Xi Jinping sur écran géant lors des célébrations du centenaire du parti communiste chinois place Tiananmen, le 1er juillet 2021. (Source : Kivazen)
Lors d’un discours prononcé jeudi 1er juillet depuis la place Tiananmen au cœur de Pékin pour célébrer le centenaire du Parti, le président chinois Xi Jinping a soulevé des applaudissements frénétiques de quelques dizaines de milliers de membres du Parti lorsqu’il a déclaré l’essor « irréversible » de la Chine dans un discours d’une heure retransmis à la télévision. « Le temps est révolu où le peuple chinois pouvait être foulé aux pieds, où il souffrait et était opprimé. »
Depuis la porte Tiananmen, d’où son lointain prédécesseur Mao Zedong avait proclamé l’avènement de la République populaire, Xi Jinping a souligné l’essor « irréversible » de la Chine grâce à l’existence du Parti communiste, dont il célébrait le centenaire de son avènement. Aux côtés du numéro un chinois, lui-même vêtu d’une veste « de style Mao », applaudissaient son prédécesseur Hu Jintao et l’ancien Premier ministre Wen Jiabao, qui avait pourtant critiqué Xi dans un article publié à Macao, puis censuré. À noter par contre l’absence remarquée de l’ex-président Jiang Zemoin, dont le réseau de pouvoir la principale cible de la « lutte anti-corruption » transformée en purge sans fin depuis son lancement par Xi en 2013.
Faisant référence aux deux guerres de l’opium livrées au XIXème siècle par les puissances occidentales et ressenties encore aujourd’hui par une bonne partie du peuple chinois comme une humiliation nationale, mais aussi au colonialisme occidental et à l’invasion japonaise, le président chinois, qui est aussi secrétaire général du Parti, a loué ce dernier pour avoir permis et restauré la fierté nationale. « Le Parti communiste chinois et le peuple chinois déclarent solennellement au monde ceci : le peuple chinois s’est levé. »
« La grande renaissance de la nation chinoise est entrée dans un processus historique irréversible », a-t-il insisté, dans un message clair adressé aux États-Unis qui, depuis 2018 et encore plus depuis l’arrivée à la Maison Blanche de Joe Biden, se posent en rival politique, économique et stratégique de la Chine.
100 coups de canons ont résonné à Pékin pour marquer le centenaire du Parti. La patrouille acrobatique de l’air, composée d’avions de chasse, a survolé la place Tiananmen, là précisément où des centaines, voire des milliers d’étudiants chinois qui demandaient davantage de démocratie ont été tués par l’Armée populaire de libération au petit matin du 4 juin 1989.
Ce discours n’a à aucun moment donné le moindre signe d’ouverture à l’égard de l’Occident, bien au contraire. Le secrétaire général du PCC a martelé à de multiples reprises que seul le Parti était en mesure de mener à bien le « rajeunissement national » que la Chine appelle, selon lui, de ses vœux. « Les Chinois ne permettront jamais à quelque force étrangère de les agresser, de les opprimer, d’en faire des esclaves », a-t-il encore ajouté, soulevant à nouveau un tonnerre d’applaudissements. « Quiconque voudrait le faire se trouverait face à un bain de sang et à une Grande Muraille d’acier construit par plus de 1,4 milliard de Chinois. »
« Un pays fort a besoin d’une armée forte », a tenu à souligner Xi Jinping, sans toutefois préciser qui pouvait menacer la Chine bien que son message était sans équivoque. La réunification de Taïwan est « une nécessité historique », a-t-il encore déclaré, ajoutant toutefois juste après avoir prononcé ces mots que cette réunification, dont une très large majorité des 23 millions de Taïwanais ne veut pas, pouvait être « pacifique ». Mais Xi a également avertit : la Chine « anéantira » toute tentative visant à proclamer l’indépendance de Taïwan. « Réussir la question de Taïwan et réaliser la réunification complète de la mère patrie constituent une tâche historique sacrée du Parti communiste chinois et l’aspiration partagée de l’ensemble du peuple chnois. Tous les fils et toutes les filles de la Chine, ainsi que les compatriotes des deux côtés du Détroit de Taïwan, doivent travailler ensemble et être solidaires pour aller de l’avant afin de détruire sans hésitation les complots visant à « l’indépendance de Taïwan ». »

« Cent ans de violations grossières des droits humains »

Ce mardi 29 juin, la Chambre des représentants américaine avait violemment condamné cet anniversaire dans une résolution bipartisane qui salue « le peuple chinois dans sa lutte pour la liberté ».
C’est le représentant républicain Mike Gallagher du Wisconsin qui a présenté la résolution bipartisane au Congrès. Le texte « condamne le Parti Communiste Chinois pour cent années de violations grossières des droits humains, y compris la répression, la torture, les emprisonnements de masse et le génocide ». La proposition de loi « soutient le droit fondamental du peuple chinois à l’auto-détermination, à l’expression politique libre et indépendante » et dit « se porter aux côtés du peuple chinois dans son combat pour la liberté ».
« Au cours du siècle écoulé, le Parti Communiste Chinois a violé les droits humains essentiels et brutalisé ses propres citoyens. L’histoire du Parti est celle de la répression, de la torture, des emprisonnements de masse et du génocide », écrit Mike Gallagher. « Ce centenaire n’est pas propice à une célébration. Il marque que le moment est venu d’interroger sur les actes que le Parti a commis et d’honorer la mémoire des dizaines de millions de victimes qui ont souffert sous le régime cruel du Parti », ajoute l’élu américain dans une déclaration au Washington Examiner.
La proposition de loi du Congrès « demande au gouvernement des États-Unis et ses alliés ainsi que ses autres partenaires de par le monde de soutenir les droits humains dans la République populaire de Chine, y compris par le biais de l’utilisation des technologies pour appuyer et permettre l’expression libre et l’information ». La résolution « attend le jour où le Parti Communiste n’existera plus ».
La résolution évoque « l’annexion par l’Armée populaire de libération du Tibet en 1951 et le départ en exil forcé du Dalaï Lama en 1959 ». Elle rappelle aussi les deux plus grands désastres de l’ère maoïste : le Grand Bond en avant qui, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, a causé la mort de faim de 20 à 40 millions de Chinois, et la Révolution culturelle (1966-1976) qui s’est traduit par « l’arrestation arbitraire, la torture et l’exécution de millions de citoyens chinois ».
Cette résolution est publiée dans un contexte de tensions politiques entre la Chine et les États-Unis au plus haut depuis l’établissement de relations diplomatiques entre Pékin et Washington en 1979. Un contexte marqué également en particulier par le refus du gouvernement chinois d’accepter les demandes américaines mais aussi européennes d’enquête indépendante sur les origines du Covid-19 qui a suscité une pandémie mondiale dont le bilan est aujourd’hui de près de 4 millions de morts.
La proposition de loi intervient aussi alors que les condamnations se multiplient à travers le monde contre la politique répressive des autorités chinoises à l’encontre de la minorité musulmane des Ouïghours au Xinjiang. Les parlements de plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, la Belgique ou les Pays-Bas, ont adopté des textes de loi qualifiant cette répression de « génocide », à l’instar de l’administration américaine.

« Défaite » du Covid-19 saluée

Le 29 juin, Xi Jinping a quant à lui présidé au stade national de Pékin, baptisé le Nid d’Oiseau, un spectacle grandiose célébrant le centenaire du Parti. Le secrétaire général du parti a mis l’accent sur la reprise économique en Chine après la crise du Covid-19.
Cet événement, qui s’est déroulé dans des conditions de stricte sécurité et n’a pas été retransmis en direct à la télévision, a été organisé sur grand écran et montré les principaux dirigeants du pays, de Mao Zedong à Xi Jinping. Ce spectacle était accompagné de 100 trompettes, sans oublier les salutations des trois spationautes chinois actuellement dans l’espace, mais en prenant soin d’omettre les chapitres les plus gênants de cette histoire qu’énonce précisément la résolution du Congrès américain.
Des artistes ont triomphalement levé leurs poings, dansé et offert un récit théâtralisé des grands moments de l’histoire du PC chinois, de sa fondation dans une maison de Shanghai en 1921 à la Longue Marche de Mao. Le spectacle a donné une place spéciale à la « défaite » du Covid-19 en Chine, des artistes portant des équipements de protection individuelle et des soldats des masques.

« Héros ordinaires » et messages de félicitations

Dans l’après-midi ce même jour, Xi Jinping a décerné des médailles à 29 membres du Parti méritants. Il a lancé un appel à l’ensemble des membres, près de 92 millions aujourd’hui, à se tenir prêts à relever les défis à venir. « Plus grande est la cause, plus grands sont les défis. Chaque membre du Parti doit conserver l’état d’esprit propice à ce que le soleil et la lune puissent continuer de resplendir dans de nouveaux cieux », a-t-il scandé, citant un poème resté célèbre de Mao Zedong.
L’agence officielle Xinha a, pour l’occasion, diffusé une photo de Xi Jinping plaçant la médaille autour du cou d’un homme en chaise roulante. « Les récipiendaires de la médaille du 1er juillet sont issus du peuple », a lancé le président chinois. Ces derniers sont « des héros ordinaires » dont les brillantes contributions ont servi tous les Chinois.
Parmi ces récipiendaires, Mao Maojie, un vétéran de la guerre civile menée contre les nationalistes du général Chiang Kai-shek, Wang Shumao, un marin récompensé pour avoir défendu le territoire chinois en mer de Chine du Sud, et Chen Hongjun, un soldat mort en juin lors de combats avec l’Inde le long de la frontière sino-indienne. Figuraient aussi des représentants des minorités ethniques de la Chine, dont le chef d’un village habité par des Ouïghours qui a été récompensé pour son rôle joué dans le combat mené contre le « séparatisme ». Était également présente une cadre tibétaine qui a fait sienne la nécessité de « conduire la population à suivre le Parti ».
Il y a quelques jours, le président Xi Jinping avait présidé une réunion du Bureau politique du Parti en récitant une promesse de « sacrifier tout » pour le Parti et le peuple. Le lieu choisi pour cette profession de foi était une sombre cour d’une maison de Shanghai où est officiellement né le Parti en 1921. Le site expose aujourd’hui des chroniques sur « l’humiliation » infligée à la Chine livrée aux mains des seigneurs de la guerre et des impérialistes occidentaux qui, au XIXe siècle ont forcé l’empire du milieu à signer des traités inégaux résultant des deux Guerres de l’opium. Une vidéo diffusée dans la maison présente les grandes réalisations qui ont jalonné l’histoire de la Chine, dont la première explosion d’une bombe atomique chinoise en 1964 et, bien sûr, l’envoi réussie d’une mission chinoise sur la planète Mars.
Passés sous silence, le Grand Bond en Avant, le chaos de la Révolution Culturelle et le massacre de la place Tiananmen. Le Parti n’a eu de cesse de réécrire l’histoire de la Chine communiste et de pousser sous le tapis de la censure ses propres pages sombres.
Mardi 29 juin, assez rares étaient les messages de félicitations de pays étrangers pour le 100e anniversaire du PCC. Parmi eux, relève l’agence Xinhua, celui du président turkmène Gourbangouli Berdymoukhamedov pour qui le PCC a « parcouru un chemin extraordinaire et enregistré des réalisations de développement remarquables depuis sa fondation ». Celui aussi du Premier ministre thaïlandais Prayut Chan-o-cha pour qui le PCC a toujours été « l’épine dorsale de la réponse réussie de la Chine aux défis nationaux et étrangers ». Le président du Comité central du Parti communiste de la Fédération de Russie (KPRF), Guennadi Ziouganov, a, quant à lui, noté que sous la direction de Xi, la Chine a vu son « prestige international s’accroître », Xi Jinping ayant apporté « l’espoir de construire un monde libre, juste et beau ».
Par Pierre-Antoine Donnet

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A propos de l'auteur
Ancien journaliste à l'AFP, Pierre-Antoine Donnet est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages consacrés à la Chine, au Japon, au Tibet, à l'Inde et aux grands défis asiatiques. En 2020, cet ancien correspondant à Pékin a publié "Le leadership mondial en question, L'affrontement entre la Chine et les États-Unis" aux Éditions de l'Aube. Il est aussi l'auteur de "Tibet mort ou vif", paru chez Gallimard en 1990 et réédité en 2019 dans une version mise à jour et augmentée. Après "Chine, le grand prédateur", paru en 2021 aux Éditions de l'Aube, il a dirigé fin 2022 l'ouvrage collectif "Le Dossier chinois" (Cherche Midi), puis début 2023 "Confucius aujourd'hui, un héritage universaliste" (L'Aube).