Revue de presse Asie - 7 novembre 2016

Pékin "disqualifie" les députés localistes, liberté de la presse en Birmanie et Inde en mer de Chine

Pour Pékin, cela ne fait aucun doute : les députés localistes dont le serment n'a pas été validé doivent être écartés du Legco. Copie d'écran du South China Morning Post, le 7 novembre 2016.
Pour Pékin, cela ne fait aucun doute : les députés localistes dont le serment n'a pas été validé doivent être écartés du Legco. Copie d'écran du South China Morning Post, le 7 novembre 2016.

Asie du Nord-Est

South China Morning Post – Sixtus Baggio Leung Chung-hang et Yau Wai-ching ne siègeront pas au Conseil législatif hongkongais (Legco). Il n’aura pas fallu plus de trois jours au Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire (ANP) chinoise pour rendre son jugement sur le scandale des serments des députés localistes de l’ex-colonie britannique. Les deux parlementaires sont accusés par Pékin d’avoir violé l’article 104 de la loi fondamentale hongkongaise, dont le Comité permnanent de l’ANP vient de livrer son interprétation ce lundi 7 novembre. « Pékin ne permettra jamais à quiconque luttant pour la sécession de Hong Kong et à tout activiste indépendantiste de pénétrer dans une institution gouvernementale », a déclaré le porte-parole du Bureau pékinois des affaires de Hong Kong et de Macau.

De son côté, le vice-président de la Commission aux Affaires législatives Zhang Rongshun présente le point 2c du jugement comme étant le plus pertinent sur le scandale en cours : « Si le prêteur de serment refuse de prêter serment, il ou elle devrait être interdit de prendre ses fonctions. Il est considéré que quelqu’un refuse de prêter serment – et par conséquent voit son serment invalidé – si il ou si elle lit délibérément un serment différent du serment statutaire, ou le lit d’une manière non sincère ou frivole. » Ce qui implique la « disqualification » de Sixtus Baggio Leung Chung-hang et Yau Wai-ching, qui avaient prêté allégance à la « nation hongkongaise » et non à la « région administrative spéciale de Hong Kong, République populaire de Chine », comme le veut l’article 104 de la loi fondamentale. Ils avaient également employé des « propos méprisants » à l’égard de la Chine lors de leur prestation de serment.

Le chef de l’exécutif hongkongais, Leung Chun-ying, a fait savoir qu’il « ferait entièrement appliquer le jugement » – lui et son gouvernement « soutenant » l’interprétation du Comité permanent de l’ANP. Et ce contre l’avis de bon nombre de Hongkongais, qui y voient un coup porté à l’indépendance juridique de l’ex-colonie britannique. En effet, c’est la première fois depuis la rétrocession de 1997 que ce comité livre son interprétation de la loi fondamentale alors même qu’une cour de justice locale s’est saisie de l’affaire. Ce qui, à l’approche du verdict de Pékin, a provoqué de violents affrontements entre 4 000 manifestants hongkongais et la police, au cours desquels 4 personnes ont été arrêtées, rapporte le South China Morning Post dans un autre article.

The Mainichi – Depuis le suicide par surmenage (karoshi) d’une employée de 24 ans en décembre 2015, l’agence de publicité Dentsu est dans le collimateur des autorités nippones. Ce lundi 7 novembre, des inspecteurs du Bureau du Travail de Tokyo ainsi que d’autres organisations ont perquisitionné des locaux de la compagnie, un peu moins d’un mois après leur première visite (le 14 octobre). Objectif : vérifier que les salariés n’effectuent pas plus de 70 heures supplémentaires par mois, ce qui pourrait expliquer la mort de la jeune Matsuri Takahashi. Depuis la première inspection, Dentsu s’est néanmoins engagé à limiter le nombre d’heures supplémentaires mensuelles à 65 et éteint désormais les lumières des bureaux à 22h. Pour en savoir plus sur le phénomène des karoshi, lire notre dossier : « Le Japon peut-il mettre un terme au karoshi, la mort par surmenage ? »
Hankyoreh – Comment faire pour apaiser l’opinion publique sud-coréenne, de plus en plus remontée contre sa présidente ? Selon Hankyoreh, la solution la plus « modérée » consisterait à former un « gouvernement neutre » qui détiendrait le « pouvoir réel » jusqu’à la fin du mandat de Park Geun-hye, reléguant cette dernière au « rôle symbolique de chef d’Etat ». Mais parce que la présidente pourrait « revenir sur sa décision à n’importe quel moment », d’aucuns demandent sa démission pure et simple. Dans cette perspective, deux camps s’opposent : ceux privilégiant la démission « immédiate » de Park, conduisant à des élections sous 60 jours (comme le dirigeant du parti Saenuri, Chung Jin-suk), et ceux en faveur de la formation d’un « gouvernement transitoire » avant des élections anticipées (comme le leader du Parti de la Justice, Shim Sang-jung).

Quelle que soit la solution privilégiée par l’opinion publique et la classe politique, Park Geun-hye semble bien déterminée à s’accrocher au pouvoir. Dans ce cas, la seule solution restante serait celle de l’impeachment, qu’aucun homme politique n’ose encore évoquer – à l’exception de Lee Jae-myung, maire de Seongnam. Cela nécessiterait l’accord de 200 députés sur 300, ce qui implique une alliance entre le parti Saenuri et les forces d’opposition. Une solution d’autant moins envisageable qu’aucune enquête n’a encore permis de mettre en lumière des « activités illégales » opérées par Park, que les parlementaires devraient pourtant présenter devant la Cour constitutionnelle s’ils veulent obtenir sa destitution.

Asie du Sud-Est

The Philippine Star – La sénatrice et ex-ministre de la Justice Leila De Lima veut jouer à armes égales avec Rodrigo Duterte. Accusée par le président philippin d’avoir tiré les ficelles d’une « matrice de la drogue » dans la prison de Bilibid et ayant requis contre elle sa démission ainsi que 6 mois de prison ferme, De Lima se dit victime de « harcèlement » et a décidé de porter plainte contre la Cour suprême – défiant par là-même l’immunité judiciaire du chef de l’Etat.

« Est-ce qu’un président en exercice peut mener une vendetta personnelle contre une pétitionnaire et utiliser le pouvoir de sa fonction pour la crucifier en tant que femme, être humain et sénatrice élue dans les règles, le tout en violation avec son droit au respect de la vie privée, à la liberté et à la sécurité ? » Les soutiens de De Lima rappellent que Rodrigo Duterte l’a, entre autres, traitée d’« artiste classée X » et d’avoir une « propension pour le sexe » – outre les accusations portées à son encontre sur de potentiels trafics de drogue.

The Jakarta Post – Comment expliquer les violences qui ont éclaté dans les zones à majorité ethnique chinoise du nord de Jakarta en fin de semaine dernière ? Vendredi 4 novembre, 10 magasins de Penjaringan ont fait l’objet de dégradations, et 13 suspects ont été identifiés par les forces de police. Si les manifestations organisées dans le même temps contre le gouverneur de la capitale indonésienne, Chinois ethnique accusé par des « intégristes musulmans » d’avoir insulté le Coran et l’Islam (voir notre revue de presse du 4 novembre), les affrontements du Nord prennent racine dans des « tensions interthniques » plus profondes, explique le Jakarta Post. Ces dernières peuvent même remonter jusqu’à la colonisation. D’après l’historien Yosef M. Djakababa, c’est au gouvernement central et aux autorités locales de « faciliter la communication » entre les différentes communautés, afin de désamorcer les tensions latentes.

De son côté, le président indonésien Jokowi craint que les violences perpétrées en marge de la manifestation de vendredi n’aient été orchestrées par des « acteurs politiques », rapporte le Jakarta Post dans un second article. Les affrontements, qui ont eu lieu dans la soirée du vendredi 4 novembre, ont fait 1 mort et 12 blessés. Une enquête a été lancée par les services de renseignement, et le parti de l’ancien président Susilo Bambang Yudhoyono se sent directement visé.

Myanmar Times – Certes, la transition démocratique birmane est en marche. Mais ce n’est pas une raison pour « oublier les véritables défis restants ». Le mois dernier, alors que Barack Obama levait les dernières sanctions américaines sur le pays, deux cours de justice birmanes ont condamné plusieurs journalistes pour diffamation. En cause : le récit métaphorique d’un poisson dont les conditions de vie sont dégradées par la pollution (un journaliste condamné), et l’extorsion de fonds opérée par un leader politique local afin d’organiser son propre anniversaire (deux journalistes condamnés). Les accusés ont eu le choix entre payer 24 dollars d’amende ou subir un mois d’emprisonnement.

Le Myanmar Times voit dans « la menace de sanction pour diffamation » et les « procès coûteux » la perpétuation – par d’autres moyens – du régime de censure opéré au temps de la dictature et levé depuis la transition démocratique. Désormais, les journalistes birmans seraient donc incités à « s’auto-censurer » – une dynamique appuyée au sein des « zones auto-administrées » du pays, où gouvernent de facto les partis des minorités ethniques. Car contrairement à la Ligue nationale pour la démocratie, ces derniers peuvent s’avérer en faveur d’un « pouvoir autoritaire ».

Asie du Sud

India Today – Si lune de miel sino-indienne il y a eu, cette dernière s’est brusquement interrompue ces derniers mois avec la refus chinois de voir New Delhi adhérer au Groupe des fournisseurs nucléaires, d’une part, et de voir l’ONU sanctionner le groupe armé séparatiste cachemiri Jaish-e-Mohammed, basé au Pakistan. De quel levier d’action l’Inde dispose-t-elle alors en réaction ? D’après le Times of India, la réponse est claire : c’est en mer de Chine du Sud que New Delhi peut « rendre à Pékin la monnaie de sa pièce ». Par exemple, en proposant à Singapour le mois dernier de publier une déclaration conjointe dans laquelle les deux Etats renieraient les prétendus « droits historiques » de Pékin dans la zone.

Une tentative que l’Inde pourrait bien réitérer lors de la visite cette semaine du Premier ministre Narendra Modi auprès de son homologue nippon Shinzo Abe. L’occasion de finaliser une alliance nippo-indienne qui pourrait bien « faire basculer l’équilibre régional des puissances », explique le Straits Times. New Delhi dispose effectivement d’un triple avantage pour Tokyo : sa volonté partagée de contrebalancer la puissance chinoise, son économie développée et son régime démocratique. Le positionnement des deux pays à l’encontre des travaux de construction opérés par Pékin en mer de Chine du Sud sera donc « au centre de toutes les attentions », écrit le Times of India.

The Express Tribune – C’est un pas de plus vers le règlement du scandale des Panama Papers au Pakistan. Englués dans cete vaste affaire d’évasion fiscale, les trois enfants du Premier ministre Nawaz Sharif ont envoyé ce lundi 7 novembre à la Cour suprême leur réponse écrite concernant l’affaire. Hussain Sharif a ainsi déclaré détenir des propriétés offshore, Mayam être membre du conseil d’administration d’une société offshore et Hassan n’être aucunement propriétaire à l’étranger bien qu’ayant dirigé une société hors du Pakistan pendant 22 ans. Cette réponse collective intervient après l’ultimatum de la Cour Suprême la semaine dernière, et qui donnait jusqu’à ce lundi 7 novembre à la famille Sharif pour répondre, sous peine de reconnaître implicitement l’évasion fiscale. Maintenant, la Cour se saisira de l’affaire le 15 novembre. De son côté, le parti d’opposition PTI dirigé par Imran Khan a décidé de « renforcer » son équipe juridique qui participera aux auditions à la Cour suprême, informe The Express Tribune.
The Hindu – Depuis l’élection présidentielle sri-lankaise de janvier 2015, les rapports entre Colombo et Pékin « ont considérablement changé ». En cause : la détermination de la nouvelle équipe gouvernementale à faire la lumière sur les soupçons de corruption pesant sur les prêts accordés par la Chine. Ce qui n’est pas sans déplaire à la principale intéressée dont l’ambassadeur au Sri Lanka, Yi Xianliang, a ouvertement déclaré son mécontentement après les remarques du ministre sri-lankais des Finances, Ravi Karunanayake. Ce dernier, ayant qualifié de « chers » les prêts chinois, a déclenché l’ire de l’ambassadeur : « Pourquoi le gouvernement de Colombo demande-t-il plus de prêts, s’ils sont si chers ? » Voilà qui tranche avec la diplomatie chinoise traditionnelle, note The Hindu – ce qui a motivé la rencontre prochaine entre l’ambassadeur chinois et le ministre sri-lankais des Affaires étrangères, Mangala Samaraweera.
Par Alexandre Gandil et Joris Zylberman, avec Anda Djoehana Wiradikarta à Paris

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