Revue de presse Asie - 22 septembre 2016

Leaders étudiants hongkongais libres, démolitions birmanes et tensions indo-pakistanaises

Les leaders étudiants, initiateurs de la révolution des Parapluies en septembre 2014 ont été condamnés à des travaux d'intérêt général. Copie d'écran du South China Morning Post, le 22 septembre 2016.
Les leaders étudiants, initiateurs de la révolution des Parapluies en septembre 2014 ont été condamnés à des travaux d'intérêt général. Copie d'écran du South China Morning Post, le 22 septembre 2016.

Asie du Nord-Est

South China Morning Post – Ils n’iront pas en prison et seront condamnés à des travaux d’intérêt général. Alors que les procureurs souhaitaient l’incarcération de Joshua Wong Chi-fung, de Nathan Law Kwun-chung et d’Alex Chow Yong-kang, initiateurs de la « révolte des Parapluies » à Hong Kong en 2014, la juge en charge du dossier n’a pas cédé. Les deux premiers ont été condamnés à 80 et 100 heures de travaux d’intérêt général respectivement. Seul le troisième devra purger une peine de trois semaines d’emprisonnement, assortie d’un sursis d’un an.

Le 21 juillet dernier, Joshua Wong, 19 ans, et Alex Chow, 25 ans, avaient été reconnus coupables de « rassemblement illégal ». Nathan Law, 23 ans, avait quant à lui été inculpé pour « incitation au rassemblement ». Les trois leaders comparaissaient pour des faits remontant au 26 septembre 2014, soit deux jours avant le début du mouvement des Parapluies. Ils avaient pénétré dans le siège du gouvernement avec d’autres militants, lançant ainsi le mouvement pro-démocratique hongkongais (voir notre revue de presse du 21 juillet).

Pour les procureurs, seule une peine de prison était envisageable, les trois jeunes ayant agi avec préméditation et ne montrant aucun signe de remords. L’avocat Edwin Choy Way-bond, en charge du dossier d’Alex Chow a, dans une référence biblique, appelé la juge à ne pas agir comme Ponce Pilate, qui cédant à la pression de la foule, avait livré le Christ à la vindicte de ses ennemis pour la crucifixion.

De leur côté, les trois jeunes ont accusé les procureurs de n’agir que par pure motivation politique. Nathan Law, plus jeune député jamais élu à Hong Kong (voir notre revue de presse du 5 septembre) a remercié la juge, faisant référence à des « anges gardiens qui protègent la ville de l’intérieur. »

South China Morning Post – Le temps passe et la roue tourne. En 2010, la ville de Yichang dans le Hubei avait été distinguée par le Parti communiste pour l’exemplarité de ses mesures et ses résultats extraordinaires dans le cadre de la politique de l’enfant unique. Six ans plus tard, Yichang fait machine arrière. Le taux de fertilité de cette ville de 4 millions d’habitants est en effet l’un des plus bas du pays, rivalisant avec celui de Hong Kong : moins d’un enfant par femme… Désormais, les jeunes couples fertiles sont encouragés à faire des bébés. Quant aux couples ayant dépassé l’âge d’enfanter, ils sont incités à conseiller à leurs enfants de fonder de grandes familles.

La ville de Yichang vient en effet de publier une lettre sur son site Internet adressé à tous les membres du Parti communiste ainsi qu’à ceux de la ligue Communiste de la jeunesse. « Les jeunes camarades devraient commencer eux-mêmes (à faire des enfants) et les plus âgés devraient éduquer leurs enfants dans ce sens et les superviser », explique le planning familial dans cette lettre ouverte à ses administrés. Car, est-il précisé, « si le phénomène (de dénatalité) se poursuit, il entraînera de réels risques pour le développement économique et social de la ville, et aura un impact négatif sur le bonheur de ses familles. » Pour inciter les membres du Parti communiste à atteindre ce nouveau quota, toute une série de mesures ont aussi été prises : prolongation du congé maternité, gratuité des services médicaux et construction de structures pour la petite enfance.

Ce changement de cap radical est conforme à la décision en octobre 2015 de la Chine, poussée par des impératifs sociaux et économiques, de mettre fin à la politique de l’enfant unique débutée dans les années 1970. La loi autorisant tous les couples à avoir un deuxième enfant, est entrée en vigueur en janvier 2016.

Straits Times – Est-ce la fin du système des chaebol sud-coréens ? Ces immenses et tout-puissants conglomérats ayant fait la gloire du pays lors du miracle économique sont une fois de plus sous le feu des critiques en Corée. C’est ce que tend à démontrer le Straits Times qui explique dans un long article le naufrage sans fin du 7ème armateur mondial Hanjin. En effet, depuis sa faillite le 31 août dernier, 85 cargos sud-coréens sont bloqués en mer tout autour du globe, avec à leur bord plus de 12 milliards de dollars de marchandises dans 500 000 conteneurs, sans oublier 1 500 à 2 500 membres d’équipage, prisonniers eux aussi des navires interdits d’accoster.

Aujourd’hui, la Corée du Sud a les yeux tournés vers l’ancienne présidente du chaebol, Choi Eun-young accusée de délit d’initié pour avoir vendu en avril dernier avec ses deux filles Cho Yoo-kyung et Cho Yoo-hong, ses parts dans la compagnie, évaluées à 9 millions d’euros. La transaction effectuée alors que Hanjin sombrait aurait permis un gain d’un million d’euros à Mme Choi.

Le 9 septembre dernier, cette dernière s’est défendue devant l’Assemblée nationale de tout délit d’initié et a expliqué n’avoir vendu ses parts que pour éponger des dettes personnelles familiales sans avoir la moindre idée que Hanjin était en pleine faillite. Ajoutant au ridicule, elle a insisté sur le fait que bien qu’à la tête de Hanjin pendant sept ans jusqu’en 2014, elle n’était lorsqu’elle a pris ses fonctions qu’une « simple femme au foyer, sans expérience » et qu’elle ne connaissait rien à la gestion d’un tel groupe.

Ces affirmations ont aussitôt fait les choux gras de la presse et choqué les Coréens qui voient d’un œil de plus en plus critique les chaebol traditionnels, transmis au sein de clans puissants à des héritiers élevés comme des princes et incapables de gérer de tels monstres économiques et financiers. En 2015, la fille du patron de la compagnie sud-coréenne Korean Air avait déjà défrayé la chronique pour son comportement de princesse gâtée dans un avion dont elle avait retardé le décollage et insulté l’équipage pour… des cacahuètes mal servies dans une soucoupe !

Asie du Sud-Est

Myanmar Times – La décision ne calmera certainement pas les tensions dans l’État de l’Arakan. Le gouvernement de cette région de l’Ouest birman a annoncé la démolition prochaine de 3 000 bâtiments considérés comme illégaux. Parmi eux, une douzaine de mosquées ainsi que des écoles coraniques situées dans deux villes à majorité musulmane. L’Arakan est en proie à des tensions entre bouddhistes et musulmans depuis 2012. C’est dans cette région que vit la minorité musulmane Rohingya. Déclarés apatrides depuis mars 2015, ces derniers sont privés de tout droit et obligés de vivre dans des camps de fortune.

Pour les autorités de l’Arakan, la démolition des bâtiments est nécessaire pour mettre un terme à la multiplication des constructions illégales. Cette décision est d’ores et déjà vivement critiquée par la communauté musulmane qui affirme que les constructions visées par ces projets de destruction, sont elles-mêmes le fruit des répressions envers les musulmans. Selon Maung Bar, leader musulman de la ville de Maungdaw, des fermes et des maisons construites à la hâte lors des violences de 2012, qui avaient entraîné le déplacement de 140 000 musulmans, sont aussi menacées de démolition. À cette période, les mosquées avaient été fermées, un couvre-feu avait été établi et l’administration avait imposé une forme de loi martiale interdisant tout rassemblement de plus de cinq musulmans.

Cette annonce a eu lieu alors qu’Aung San Suu Kyi, Premier ministre de facto depuis la victoire de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie aux élections législatives de novembre dernier, a prononcé son premier discours à l’ONU. Souvent critiquée pour son manque de volontarisme à résoudre la question des Rohingya, elle y a défendu les efforts du gouvernement, rapporte Channel News Asia. La « dame de Rangoun » a ainsi mis en avant la nouvelle commission dirigée par Kofi Annan, l’ancien secrétaire général de l’ONU, dans l’État de l’Arakan (voir notre revue de presse du 9 septembre). « Nous sommes engagés pour trouver une solution qui amènera la paix, la stabilité et le développement de toutes les communautés dans l’État », a-t-elle déclaré.

Channel News Asia – Pas facile pour ce pays à forte majorité musulmane de se prononcer avec autant de clarté sur l’excision et les mutilations génitales féminines. Mais l’Indonésie, sous l’impulsion de sa ministre de la Condition de la Femme, Yohana Yembise, a lancé une campagne nationale contre les mutilations génitales féminines, tenant ainsi tête aux multiples associations religieuses du pays, hostiles à toute forme d’interdiction. En 2006, l’Indonésie avait déjà essayé de combattre ces mutilations qui touchent près de la moitié des fillettes de onze ans, mais les législateurs avaient été obligés de renoncer à tout semblant de loi ou de décision face à la violente opposition des organisations religieuses.

D’après l’Unicef, trois fillettes sur quatre sont excisées avant l’âge de six mois, le plus souvent par des sages-femmes. Ces mutilations qui consistent en l’ablation totale ou partielle des organes génitaux féminins externes (clitoris et petites lèvres, voire grandes lèvres) ont de graves conséquences sur la santé des femmes : outre les risques d’hémorragie et d’infection, elles entraînent des problèmes lors de l’accouchement, des fausses-couches, sans oublier une sexualité souvent douloureuse.

Les défenseurs des droits de l’homme en Indonésie se battent depuis de nombreuses années pour l’interdiction de ces pratiques mais se heurtent à l’opinion communément admise qu’en Indonésie ces mutilations seraient moins importantes que celles pratiquées au Moyen-Orient ou en Afrique. En Indonésie, la procédure consiste en effet le plus souvent en une « simple » ablation des petites lèvres ou du clitoris, sans aucune forme de suture comme dans certains pays africains. En revanche pour les défenseurs de ces pratiques, il s’agit avant tout d’une tradition culturelle avec un impact social. Ainsi, dans de nombreuses régions de l’archipel, les filles non excisées ne peuvent trouver de mari.

La tâche sera difficile car, souligne Grata Endah Werdaningtyas du ministère des Affaires étrangères, cette nouvelle campagne doit viser large. Plus que les médecins, il s’agit de cibler les familles qui « elles seules, in fine, sont responsables de la décision de faire ou ne pas faire exciser leurs filles ».

The Inquirer« Ils m’accusent sans preuve et ils voudraient que je démissionne ? » Hors de question pour la sénatrice philippine Leila de Lima de céder à la pression malgré les accusations d’implication dans le trafic de drogue qui pèsent sur elle.

Fin août, le président philippin Rodrigo Duterte a dévoilé une « matrice de la drogue » au sein de la prison de Bilibid. Selon cette liste, Leila de Lima, alors ministre de la Justice était de mèche avec l’ancien gouverneur de la province, Amado Espion Jr. et son administrateur, Rafael Baraan, et tirait les ficelles d’un complexe réseau de drogue (voir notre revue de presse du 26 août).

Depuis, les appels à la démission de la sénatrice se sont multipliés, le président lui-même ayant appelé à son départ. « Si j’étais de Lima, mesdames et messieurs, je me pendrais, a lancé Rodrigo Duterte. Le plus profond de votre intimité de femme est rendu public. Vous devez démissionner. » La sénatrice, quant à elle, se dit victime de harcèlement depuis le début de l’affaire. Elle reçoit chaque jour des milliers de messages de haine depuis que ses numéros de téléphone ont été rendus publics lors d’une audience à la chambre des Représentants, rapporte dans un second article The Inquirer.

Depuis sa prise de pouvoir en juin dernier, la guerre de Rodrigo Duterte contre le trafic de drogue a déjà provoqué la mort de 3 000 personnes. Le président philippin qui accuse de nombreux membres du gouvernement d’être impliqués, a promis de dresser une liste de 1 000 noms de personnes employées de l’État et mêlées au trafic de drogue.

Cette guerre lui vaut de vives critiques de la part de la communauté internationale. Mardi dernier, cet habitué des sorties controversées a demandé à l’Union européenne de le respecter et, adressant un doigt d’honneur à l’assemblée, a lancé un tonitruant « allez vous faire foutre ! » raconte l’agence de presse Reuters.

Asie du Sud

Channel news Asia et Times of India – L’Inde fait obstacle à la paix. Voilà en substance le message du Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif à l’ONU, à propos de la région du Cachemire. Dimanche dernier, le Cachemire indien a connu le plus grave incident survenu ces quinze dernières années. La base militaire indienne d’Uri a été attaquée provoquant la mort de 18 soldats indiens. Ce mardi 20 septembre, militaires indiens et pakistanais ont échangé des tirs (voir notre revue de presse du 21 septembre) dans cette même zone violant le cessez-le-feu instauré. Cela marque une nouvelle étape dans l’escalade des tensions qui se sont accrues dans la région depuis la mort début juillet d’un leader séparatiste tué par les forces armées indiennes.

A New Delhi, de nombreuses voix s’élèvent pour demander une réponse musclée à l’attaque de dimanche, comme des frappes aériennes dans la partie du Cachemire contrôlée par le Pakistan. Le climat de tension s’est ainsi encore renforcé lorsque des avions militaires pakistanais ont été vus au nord-est du pays, faisant croire à la préparation d’une éventuelle attaque indienne, rapporte Dawn. Rien que des manœuvres militaires, ont précisé les autorités pakistanaises.

« La communauté internationale ignore les tensions grandissantes en Asie du Sud à ses risques et périls », a averti Nawaz Sharif affirmant que le Pakistan « souhaite être en paix avec l’Inde ». Accusant New Delhi de mettre en avant des conditions inacceptables pour entamer le dialogue, rendant ainsi le processus de paix impossible, il a ajouté que « le Pakistan est prêt à discuter avec l’Inde de toute mesure responsable et propice à la retenue, dans tout format ou lieu et sans aucune condition préalable ».

De son côté, New Delhi a fait valoir son droit de réponse et a répliqué avec virulence aux accusations pakistanaises devant l’ONU. Sushma Saraj, la ministre indienne des Affaires étrangères, a répris les soupçons de New Delhi contre Islamabad d’aider la rébellion armée au Cachemire. A la tribune de l’Assemblée générale onusienne, la ministre elle a déclaré que le Pakistan est un « État terroriste, (un pays) en échec démocratique (qui) pratique le terrorisme sur ses propres habitants. (…) Notre pays et nos voisins font face à la politique d’encouragement au terrorisme du Pakistan. »

Channel News Asia – L’Inde a entériné hier mercredi 21 septembre l’achat de 36 avions de chasse Rafale, fabriqués par le constructeur français Dassault. Le feu vert a ainsi enfin été donné, mettant un terme à plusieurs années de négociations avec le géant de l’aéronautique. D’après un officiel du ministère indien de la Défense, la signature de la vente devrait avoir lieu ce vendredi 23 septembre à New Delhi. La venue du ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, avait déjà été prévue lors de la rencontre début septembre entre François Hollande et le Premier ministre indien Narendra Modi à l’occasion du sommet du G20 en Chine. Les modalités financières de ce colossal contrat ne sont pour l’instant pas connues mais d’après l’agence de presse indienne Press Trust of India, il pourrait s’élever à 7,9 milliards d’euros.

La commande indienne, qui vise à répondre aux besoins urgents de modernisation de l’Armée de l’air dont le matériel remonte à l’époque soviétique, portait à l’origine sur 126 appareils mais avait été ramenée à 36 exemplaires. Cette modernisation de l’armement est particulièrement importante pour New Delhi qui compte ainsi faire face à la montée en puissance chinoise d’une part, mais aussi renforcer ses capacités dans le contexte des tensions croissantes avec le Pakistan. Pour Manmohan Bahadur, officier à la retraite, le Rafale donnera à l’Armée de l’air indienne cet « avantage décisif qui manque à ses rivaux ».

Ce contrat est un succès pour Dassault et le plus gros obtenu jusqu’ici après 24 avions vendus respectivement à l’Égypte et au Qatar en 2015.

Kathmandu Post – Les réfugiés vivant dans les camps de l’est du Népal sont-ils vraiment originaires du Bhoutan ? Alors que le Népal espère renvoyer dans ce pays les réfugiés vivant dans des camps de fortune, Thimphou refuse catégoriquement de les accueillir comme ses ressortissants. Pour cause, le petit royaume himalayen considère ces réfugiés comme des « migrants illégaux, non ressortissants du Bhoutan. »

Le Premier ministre bhoutanais Tshering Tobgay a répondu ce jeudi 22 septembre à la demande de la sénatrice américaine Jeanne Shaheen de permettre le rapprochement familial des personnes originaires du Bhoutan actuellement au Népal et de leurs proches vivant toujours dans leur pays d’origine.

Il en est hors de question pour Tshering Tobgay. Le chef du gouvernement remet en cause le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), qui gère ces camps ouverts en 1991, plaidant qu’aucune recherche d’identité n’est effectuée à l’arrivée des réfugiés. Rien ne peut donc prouver qu’ils sont bien ressortissants du Bhoutan. « Les camps donnent accès à la nourriture, à la santé et à l’éducation. Ils attirent forcément les personnes en difficulté dans la région qui se prétendent alors être des réfugiés du Bhoutan », s’est justifié le Premier ministre. Ce dernier craint aussi que des opposants à la monarchie ne se soient installés dans ces camps de manière à rejoindre le pays. D’après Jeanne Shaheen, il n’y a à ce jour qu’un seul cas connu de réfugié dont le rapatriement a été accepté par le Bhoutan.

Par Juliette Morillot et Cyrielle Cabot

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