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Analyse

Hong Kong, victime collatérale de l’affrontement entre Chine et États-Unis

Pendant les manifestations l’an dernier, nombre de jeunes activistes hongkongais n'avaient pas hésité à brandir le drapeau américain dans les rues de la ville, suppliant au passage l'administration de Washington d'adopter le Hong Kong Human Rights and Democracy Act. Cette loi impose des sanctions aux responsables chinois jugés coupables de violations des droits de l'homme dans l'ex-colonie britannique, mais aussi de revoir le régime spécial des relations économiques accordé à Hong Kong, en cas de changement de système politique. (Source : Newsweek)
Pendant les manifestations l’an dernier, nombre de jeunes activistes hongkongais n'avaient pas hésité à brandir le drapeau américain dans les rues de la ville, suppliant au passage l'administration de Washington d'adopter le Hong Kong Human Rights and Democracy Act. Cette loi impose des sanctions aux responsables chinois jugés coupables de violations des droits de l'homme dans l'ex-colonie britannique, mais aussi de revoir le régime spécial des relations économiques accordé à Hong Kong, en cas de changement de système politique. (Source : Newsweek)
Ce mercredi 1er juillet pour le 23ème anniversaire de sa rétrocession à la Chine, Hong Kong entrait dans une nouvelle ère avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la sécurité nationale. Le régime communiste chinois ne pouvait pas tolérer plus longtemps les manifestations pro-démocratie sur une partie de son territoire, même minuscule, au plus fort de l’affrontement avec les États-Unis.
« Pris entre la Chine et les États-Unis : Hong Kong est le dernier champ de bataille de la rivalité » entre les deux superpuissances, titrait le 18 mai dernier l’influent quotidien anglophone de Hong Kong, le South China Morning Post. Cet avertissement résonne aujourd’hui plus fort que jamais.
L’ancienne colonie britannique, rétrocédée à la Chine le 1er juillet 1997, devait, aux termes de l’accord sino-britannique conclu en 1994 entre le Premier ministre chinois Zhao Ziyang et son homologue britannique Margaret Thatcher, jouir de larges libertés, uniques sur le sol chinois, dans le cadre du régime « Un pays, deux systèmes », inventé par le patriarche chinois de l’époque, Deng Xiaoping.
L’imposition ce mardi 30 juin d’une loi sur la sécurité nationale, adoptée la veille par l’Assemblée nationale populaire et entérinée par le président Xi Jinping, a fait voler en éclat ce concept qui régissait la vie quotidienne des 7,5 millions d’habitants de Hong Kong depuis vingt-trois ans.

L’autorité sur Hong Kong plus importante que l’économie

Confronté à des manifestations monstres depuis plus d’un an contre l’emprise croissante de Pékin sur la vie quotidienne à Hong Kong, manifestations qui ont rassemblé jusqu’à deux millions de personnes dans les rues de la ville le 16 juin 2019, le régime communiste chinois ne pouvait pas tolérer plus longtemps ces poussées démocratiques sur une partie de son territoire, même minuscule, au plus fort de l’affrontement avec les États-Unis. Il s’agissait de mettre un terme aux agissements des jeunes démocrates et de proclamer que « Hong Kong, c’est la Chine. Seul Pékin est à même de dire ce qui relève encore des deux systèmes ».
Désormais, les manifestants de Hong Kong, pour la plupart des jeunes âgés d’une vingtaine d’années à peine, sont passibles de la prison à perpétuité pour tout « crime de trahison, de sécession, de sédition, de subversion ou de collusion avec une puissance étrangère ». Pékin a décidé que la stabilité du régime et surtout celle du Parti primait, face aux velléités démocratiques qui se sont exprimées presque quotidiennement dans la Région autonome spéciale de Hong Kong.
« Dans le passé, le gouvernement central prenait en compte les opinions des pays occidentaux lorsqu’il s’agissait des affaires de Hong Kong, mais aujourd’hui Pékin considère que les pays occidentaux utilisent Hong Kong pour saboter la sécurité nationale de la Chine », soulignait le 19 mai Lau Siu-kai, vice-président de l’Association semi-officielle des Études sur Hong Kong et Macao. « S’agissant des affaires de Hong Kong, avait-il noté, protéger la sécurité nationale et exercer son autorité sur Hong Kong ont priorité sur la contribution de Hong Kong à l’économie chinoise. »

« Le plus grand échec de la politique américaine »

La rivalité sino-américaine, qui ne cesse de s’accentuer depuis 2018, est multiforme : commerciale, économique, géostratégique, militaire mais aussi politique. Fort de sa gestion autoritaire de la pandémie du coronavirus, à comparer au désastre sanitaire aux États-Unis, le régime chinois avance ses pions sur l’échiquier mondial et entend bien pousser son avantage face au colosse américain. Mais il s’agit d’un conflit idéologique dont l’issue reste incertaine, car Pékin se retrouve aujourd’hui confronté à un profond réexamen par plusieurs puissances occidentales de leurs liens avec la Chine, aujourd’hui perçue comme une menace plutôt que comme une opportunité. Ce processus, une véritable lame de fond qui inquiète à Pékin, n’en est qu’à ses débuts.
Depuis l’établissement de relations diplomatiques avec Pékin en 1979, les États-Unis avaient longtemps nourri le rêve chimérique d’une Chine qui, s’ouvrant sur le monde extérieur, allait immanquablement se démocratiser, pour adopter progressivement les valeurs de l’Occident. Cette illusion s’est aujourd’hui fracassée à Hong Kong.
« Nous n’aurions pas pu davantage nous tromper. Cette erreur est le plus grand échec de la politique étrangère des États-Unis depuis les années 1930 », soulignait le 24 juin Robert O’Brien, conseiller à la sécurité du président Donald Trump. Bel aveu d’impuissance de l’administration américaine devant le fait accompli chinois à Hong Kong.
Pendant les manifestations l’an dernier, nombre de jeunes activistes hongkongais n’avaient pas hésité à brandir le drapeau américain dans les rues de la ville, suppliant au passage l’administration de Washington d’adopter le Hong Kong Human Rights and Democracy Act. Cette loi impose des sanctions aux responsables chinois jugés coupables de violations des droits de l’homme dans l’ex-colonie britannique. Plus encore, elle impose de revoir le régime spécial des relations économiques accordé à Hong Kong, en cas de changement de système politique. Ce texte a été signé par Donald Trump le 28 novembre 2019, apportant officiellement le soutien des États-Unis aux manifestants pro-démocratie dans la région administrative spéciale.

« Dès lors que Pékin considère Hong Kong comme « Un pays, un système », nous devons en faire de même »

Invoquant la « sécurité nationale des États-Unis », le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a décidé ce lundi 29 juin de mettre fin aux ventes d’équipements de défense sensibles à Hong Kong pour éviter « qu’ils tombent aux mains » de l’armée chinoise, « dont l’objectif premier est de préserver la dictature du Parti communiste chinois par tous les moyens nécessaires ».
Le gouvernement américain va aussi « prendre des mesures pour imposer, s’agissant de Hong Kong, les mêmes restrictions sur les technologies américaines de défense et à double usage civil ou militaire qu’il impose pour la Chine ». « Dès lors que Pékin considère Hong Kong comme « Un pays, un système », nous devons en faire de même », a estimé Mike Pompeo.
« Les États-Unis ne parviendront jamais à entraver les efforts de la Chine pour faire progresser la législation hongkongaise en matière de sécurité nationale », a répliqué Zhao Lijian, l’un des porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Pékin.
La Chine a annoncé, ce lundi 29 juin, des restrictions de visa contre les Américains « s’étant mal comportés » vis-à-vis de la loi sur la sécurité nationale, répondant ainsi du tac au tac à des restrictions similaires décidées par Washington à l’encontre de responsables chinois.
Par Pierre-Antoine Donnet

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A propos de l'auteur
Ancien journaliste à l'AFP, Pierre-Antoine Donnet est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages consacrés à la Chine, au Japon, au Tibet, à l'Inde et aux grands défis asiatiques. En 2020, cet ancien correspondant à Pékin a publié "Le leadership mondial en question, L'affrontement entre la Chine et les États-Unis" aux Éditions de l'Aube. Il est aussi l'auteur de "Tibet mort ou vif", paru chez Gallimard en 1990 et réédité en 2019 dans une version mise à jour et augmentée. Après "Chine, le grand prédateur", paru en 2021 aux Éditions de l'Aube, il a dirigé fin 2022 l'ouvrage collectif "Le Dossier chinois" (Cherche Midi). Début 2023, il signe "Confucius aujourd'hui, un héritage universaliste", publié aux éditions de l'Aube. Son dernier livre, "Chine, l'empire des illusions", est paru en janvier 2024 (Saint-Simon).