Politique
Série - La Chine en route vers le 19ème Congrès du PCC

Chine : au 19ème Congrès, Xi Jinping pourrait partager le pouvoir avec les fidèles de Hu Jintao

Loin de l'image du bulldozer de la vie politique chinoise, Xi Jinping devra composer avec les alliés de l'ex-président Hu Jintao s'il veut réussir le 19ème Congrès du Parti qui s'ouvre à Pékin le 18 octobre 2017. (Crédits : AFP PHOTO / POOL / FRED DUFOUR)
Loin de l'image du bulldozer de la vie politique chinoise, Xi Jinping devra composer avec les alliés de l'ex-président Hu Jintao s'il veut réussir le 19ème Congrès du Parti qui s'ouvre à Pékin le 18 octobre 2017. (Crédits : AFP PHOTO / POOL / FRED DUFOUR)
Et si on avait tout faux sur le pouvoir de Xi Jinping ? Voilà des mois que personne ou presque ne doute de sa mainmise sur le Parti communiste chinois. Le 19ème Congrès du PCC s’ouvrira le 18 octobre prochain, mais sera-t-il une pure formalité ? De remaniements provinciaux en valse des hauts cadres à Pékin, Xi a donné en 2017 l’impression d’écraser tout sur son passage, plaçant à de nombreux postes son invincible « armée du Zhejiang ». Mais l’image était trop forcée. Celui qui a reçu fin 2016 comme Mao ou Deng le statut suprême de « noyau dur » du Parti (lire notre portrait) n’est toujours pas le maître absolu en son jardin. Dans les couloirs de la très secrète résidence des cadres du Parti à Zhongnanhai, près de la place Tian’anmen, le jeu de go entre les factions restera ouvert jusqu’à la dernière minute.
Avide de s’imposer à la tête de l’État-Parti pour un nouveau mandat de cinq ans, et peut-être plus, Xi Jinping a préparé avec soin ce Congrès d’octobre. Il a su créer un cercle rapproché d’alliés dont il a patiemment fait évoluer la carrière, afin de les rapprocher du saint des saints du pouvoir : le bureau politique (ou Politburo) et son très exclusif comité permanent. C’est dans ces deux organes que se concentrent les vrais pouvoirs de la Chine et leurs sièges sont donc l’objet de toutes les convoitises. Pour autant, aujourd’hui, Xi Jinping n’y compte pas que des alliés, et encore moins des amis – certains membres étant même plutôt mieux disposés à l’égard de ses prédécesseurs Jiang Zemin ou Hu Jintao.
A la veille du grand rendez-vous politique de la Chine, Asialyst vous propose une série pour éclairer cette route vers le Congrès, obscurcie comme toujours par les tractions opaques des factions. Pour commencer, nous passons au peigne fin la composition actuelle et à venir du Politburo : le devenir de ses 24 membres, ceux qui devront partir à la retraite ou seront promus, et où se joueront les luttes décisives. C’est le premier moyen de sentir si l’Empereur Xi a la main, ou s’il est nu.

le Congrès du PCC, comment ça marche ?

Réunie en Congrès tous les 5 ans, généralement au mois d’octobre, l’Assemblée représentative nationale du Parti communiste chinois [中国共产党全国代表大会] est – en théorie – l’instance dirigeante la plus importante de la République Populaire. C’est elle qui fixe la direction suprême d’un pays où le leadership du parti unique est gravé dans le marbre de la Constitution et de son préambule. C’est à elle que revient la lourde tâche de présider au destin des quelque 80 millions de membres que compte le Parti en Chine.

Fort d’environ 2200 délégués et représentants, en majorité issus des gouvernements provinciaux et de l’armée, le Congrès organise les « élections » qui permettent de désigner les membres des organes centraux du pays. Soit le Comité central pour l’inspection disciplinaire du PCC, le Comité central du Parti, la Commission militaire centrale (CMC) et enfin le bureau politique et son organe décisionnel, le comité permanent.

C’est aussi durant le Congrès que sont passés en revue les « carnets de promotion » pour un grand nombre de cadres. De même que les décisions concernant une importante partie des promotions vers les rangs provinciaux et ministériels. Enfin, c’est aussi au Congrès que revient la lourde tâche d’élire le secrétaire général du Parti – poste aujourd’hui occupé par Xi Jinping.

Depuis la chute de Sun Zhengcai, ils ne sont plus que 24 à composer l’équivalent du « Grand Conseil impérial ». 24 à se partager les sièges du bureau politique et de son comité permanent auprès de Xi Jinping, le secrétaire général du PCC.
L’instance suprême, le comité permanent compte 7 membres, contre 9 sous Hu Jintao. Derrière le numéro un, la hiérarchie depuis le 18ème Congrès de novembre 2012 mentionne dans l’ordre le Premier ministre Li Keqiang, puis en numéro trois Zhang Dejiang, grand ami de la Corée du Nord et président du comité permanent de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP). Suivent Yu Zhengsheng, président de la Conférence consultative politique du peuple chinois (qui préserve la fiction des « huit partis démocratiques » alliés au PCC), Liu Yunshan (président de l’Ecole centrale du Parti), Wang Qishan – le très redouté patron de la lutte anti-corruption et principal allié de Xi – et Zhang Gaoli, vice-premier ministre en charge notamment des finances, du développement économique et de l’environnement. Viennent ensuite 17 hauts cadres pour compléter le bureau politique qui se réunit une fois par mois – contre une fois par semaine pour son comité permanent. La particularité des membres du Politburo est d’occuper simultanément des postes de dirigeants au sein de l’État chinois, à la tête des gouvernements provinciaux ou de l’armée.
Tableau : âge des membres du Bureau politique du Parti communiste chinois en 2012 et 2017.
Tableau : âge des membres du Bureau politique du Parti communiste chinois en 2012 et 2017.

La moitié du Politburo à renouveler

Le 18 octobre prochain, le Congrès se jouera notamment autour de 12 sièges au sein du Politburo, si l’on compte le siège rendu vacant suite à la mise à l’écart de Sun Zhengcai. Voire même 16 si Xi Jinping décide d’appliquer plus « sévèrement » la limite d’âge pour la retraite fixée à 68 ans par Deng Xiaoping pour permettre le renouvellement des générations au pouvoir.
L’affaire est donc d’importance puisque c’est 50 % – au minimum – des membres qui devront abandonner leurs fonctions. Et c’est donc 50 % de nouveaux venus qui présideront aux destinées de la deuxième puissance économique mondiale à partir d’octobre 2017. On comprend donc que ce Congrès soit préparé dans les moindres détails par Xi Jinping et ses alliés qui cherchent à s’imposer et à régner le plus longtemps possible. En cela, la question de la règle des 68 ans est, elle aussi, décisive. Depuis les années 1980, la durée de la vie politique des hauts cadres du Parti obéit au principe suivant : « monter les 7, descendre les 8 » (七上八下 – qishang baxia). Il s’agit d’une règle tacite qui ne s’applique qu’aux hauts fonctionnaires chinois et qui suppose que les cadres de 67 ans ont encore une chance de monter dans la hiérarchie, tandis que ceux de 68 ans révolus ne le peuvent plus. Il est difficile de savoir ce que décidera Xi Jinping puisque pour les trois membres de 67 ans concernés au sein du Politburo, deux lui sont défavorables (Li Yuanchao et Sun Chunlan) alors qu’un troisième fait partie de ses soutiens affichés (Xu Qiliang). Pour régler cette question et bien d’autres, le président chinois doit pouvoir influer sur le « vote » des délégués au Congrès.
Pour autant, ledit « vote » n’indique que rarement, lorsque vient le temps de choisir le secrétaire général, les dissensions qui sont mises de côté bien avant le Congrès. Donc, une fois réglée la question de la promotion entre rang provincial ou ministériel et la nouvelle composition du bureau politique, le résultat des votes ira dans le sens voulu. Ainsi en 2012, Xi n’avait déploré qu’un seul vote « contre », 3 abstentions et 2952 votes pour en 2012, dépassant le score de Hu Jintao par trois voix – 4 contre, 2937 pour, 4 abstentions, 38 absents.
Pour les cadres en lice pour le Comité central, la donne est tout autre. Rien n’est jamais joué d’avance. Beaucoup de promotions dépendent en réalité de l’allégeance des uns et des autres aux « clans » déjà organisés. Passage en revue des membres actuels du bureau politique, de leurs affiliations avant le « vote ».

les alliés de Xi Jinping et Wang Qishan au bureau politique

A eux deux, ils dominent la scène politique chinoise. C’est d’ailleurs un curieux binôme et une relation inattendue qu’entretiennent les deux hommes : Wang Qishan, né en 1948, est à l’origine un des protégés de Zhu Rongji, Premier ministre sous l’ancien président Jiang Zemin dans les années 1990. Pas vraiment un homme de Xi donc. D’autant plus que Wang a bénéficié de ses liens avec Jiang pour se hisser jusqu’au sommet en 2007 à son arrivée au bureau politique. C’est pourtant aujourd’hui l’allié le plus important de Xi Jinping, bien qu’un doute plane sur son avenir puisqu’il a 69 ans. C’est en partie autour de son maintien en poste qu’on verra le « pouvoir » véritable de Xi qui devra pour le maintenir au comité permanent déroger à la règle de la limite d’âge.
La même question se pose dans le cas de Fan Changlong, né en 1947. Ce militaire de carrière est l’artisan de la dernière grande réforme militaire chinoise dite des « théâtres de guerre » et du nouveau découpage de la Chine en 5 zones en 2016. Mais il a déjà 69 ans et devrait donc quitter son poste pour laisser la place à un autre affilié de l’actuel numéro un chinois – le Général Li Zuocheng, 64 ans et héros de la guerre contre le Vietnam en 1979, aurait toutes ses chances. Jusque-là, Fan Changlong supervisait l’armée pour Xi Jinping, avec le général Xu Qiliang. Né en 1950, cet autre proche de Xi pourrait, lui, bénéficier de la règle tacite qui permet aux cadres âgés de 67 ans de rester en poste.
Car le général Xu est l’un des hommes forts sur lesquels le numéro un chinois va continuer de s’appuyer, tout comme Zhao Leiji. Né en 1957, Zhao appartient actuellement au secrétariat central après avoir dirigé la province du Shaanxi entre 2007 et 2012 ; il dirige également le département de l’organisation du PCC. Il est actuellement plus que pressenti pour entrer au comité permanent.
C’est aussi le cas pour son collègue Li Zhanshu, né en 1950. Fervent supporteur de Xi et chef du bureau des affaires générales du Parti, Li est aujourd’hui un allié de poids du président chinois au sein du bureau politique. Si la règle « monter les 7, descendre les 8 » se vérifie, il est pressenti pour un poste au comité permanent, et surtout pour prendre la suite de Wang Qishan à la tête de la commission centrale pour l’inspection disciplinaire du Parti si ce dernier devait se retirer.
A l’évidence, Xi Jinping ne dispose que d’une très fine marge de manœuvre. Et cela d’autant plus que ses « adversaires » sont nombreux.

Les adversaires de Xi à l’épreuve du Congrès

On a malheureusement tendance à définir le pouvoir de Xi comme un pouvoir sans partage. Mais c’est loin d’être le cas ! Les opposants sont nombreux au cœur-même du Comité central. Et le premier d’entre eux n’est autre que le Premier ministre actuel Li Keqiang, né en 1955. Disciple de l’ancien président Hu Jintao, Li a toujours été perçu comme l’étoile montante du PCC. Pourtant, les caciques du régime ont fini par lui préférer Xi Jinping pour la direction du Parti et Li Keqiang doit désormais se contenter des « miettes » du pouvoir.
C’est un peu la même situation pour Wang Huning, né lui aussi en 1955. C’est l’une des dernières figures de la « bande de Shanghai » promues directement par Jiang Zemin, grâce à ses compétences en matière d’analyse stratégique. Des compétences qui expliquent sans aucun doute pourquoi il a su avoir l’oreille de l’ancien président Hu Jintao, tandis qu’il demeure aujourd’hui encore dans les grâces de Xi Jinping malgré son allégeance première à Jiang. Il peut être en lice pour devenir changwei [常委], soit un membre du comité permanent, mais son horizon proche semble bouché par la présence de Li Zhanshu, allié affiché et officiel de Xi.
Un autre éminent personnage du Comité central n’est pas dans les bonnes grâces du numéro un chinois : il s’agit de Ma Kai, né en 1946, souvent vu comme l’éternel aide de camp des Premiers ministres de la RPC. En effet, ce dernier est surtout connu pour être le bras droit de Zhu Rongji, l’ancien chef du gouvernement dans les années 1990. Ma dirigeait alors la Commission nationale pour la réforme et le développement (NDRC) et siégeait au Conseil des Affaires d’État, nom officiel du gouvernement chinois. Il fut aussi un très proche collaborateur de Wen Jiabao durant son mandat de Premier ministre. Depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, Ma Kai fait partie de l’équipe rapprochée de Li Keqiang, mais il devra céder sa place au bureau politique en 2017 du fait de son âge.
Le même sort attend Li Jianguo, né en 1946. Aujourd’hui âgé de 71 ans, il ne peut tout simplement plus rien espérer de la politique. De même pour Liu Yunshan (né en 1947), un autre membre distingué du bureau politique qui n’appartient pas aux proches de Xi Jinping et qui va lui aussi devoir laisser sa place à cause de son âge lors de ce Congrès. Souvent présenté comme le « Roi de Mongolie Intérieure » puisqu’il y a été en poste de 1986 à 1992, Liu est entré au bureau politique en 2002 grâce aux appuis de son ancien mentor Jiang Zemin. Depuis lors et jusqu’à l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir, il dirigea le département de la propagande (1993-2012).
La retraite attend aussi une autre membre de ce « groupe des contre » : Liu Yandong, née en 1945. C’est une très importante alliée de l’ancien président Hu Jintao avec qui elle fut en poste dans les années 1980 au secrétariat central de la Ligue des Jeunesses communistes. Membre de la faction dite des « tuanpai » (littéralement la « faction de la Ligue ») elle fera ses armes sur des postes de seconde zone – au département central du Front Uni ou à la Conférence consultative du Peuple chinois dont elle fût vice-présidente – avant de rentrer au bureau politique en 2007 grâce à ses liens avec Zhu Rongji. Elle sera d’ailleurs l’une des très rares femmes à être membre à part entière du Politburo bien qu’elle n’arrivera jamais à intégrer le comité permanent. Depuis 2013, elle est vice-première ministre de Li Keqiang.
La même situation se répète pour Guo Jinlong (né en 1947), allié de longue date de Hu Jintao qui devra se retirer au moment du Congrès. De même qu’un autre des alliés de Jiang Zemin et « Prince du Parti », Yu Zhengsheng (né en 1945), l’ancien ministre de la Construction et ex-secrétaire des provinces du Hubei et de la municipalité de Shanghai (2007-2012).
Malgré ces départs programmés, un autre membre influent du clan « tuanpai » est et sera toujours présent au bureau politique : Liu Qibao, né en 1953. Liu est aujourd’hui à la tête du département de la propagande grâce aux bons soins de Hu. Pour autant, vu ses appuis, il a peu de chance de « monter » jusqu’au « saint des saints » comité permanent. D’autant qu’il est en compétition avec l’un des proches de Xi Jinping pour la même promotion : Zhao Leiji.
Sa promotion semble donc bloquée par le secrétaire général du Parti, tout comme celle de Sun Chunlan (née en 1950). Entrée au bureau politique peu après sa collègue Liu Yandong en 2012, Sun est une alliée de Jiang Zemin, ce qui ne l’empêche pas de s’être rapprochée de Hu Jintao. Elle est en charge du département du Front Uni depuis 2014. Mais l’opposition de Xi Jinping et de ses alliés est tellement forte qu’elle a peu de chance d’accéder au comité permanent ; d’autant que le président lui refuse également la vice-présidence – poste plus symbolique qu’effectif.

L’ascension des protégés de Hu Jintao au comité permanent

Le contraire semble se dessiner pour un autre « Prince du Parti », Li Yuanchao (né en 1950). Membre de la faction « tuanpai » des Jeunesses communistes, et réputé proche tout autant de Li Keqiang que de Hu Jintao, Li Yuanchao est l’actuel vice-président de la RPC. Dire que son poste est vide de sens n’est pas une exagération. Pour autant, il est bien placé pour faire son entrée au comité permanent malgré ses connections anciennes. En effet, s’il veut conserver la main, Xi Jinping va devoir quand même faire un peu de realpolitik et s’entourer de personnages pas forcément favorables. S’il affichait un favoritisme trop écrasant, il risquerait de s’aliéner une base importante des membres du Parti.
Ce principe de réalité politique rend l’ascension de Wang Yang (né en 1955) au comité permanent elle aussi très probable. Bien que rattaché à Hu Jintao et Li Keqiang, et avant eux à Wen Jiabao et Zhu Rongji, Wang est un personnage-clé du Conseil des Affaires d’État. Incarnation du « réformisme » au sein du Parti contre le modèle « néo-gauchiste » de Bo Xilai, il a largement profité de la chute de l’ancien « boss » de Chongqing, accusé de complicité de meurtre et de corruption.
Il se trouve enfin un autre protégé de Hu avec qui Xi devra composer, et non des moindres. Né en 1963, Hu Chunhua n’est autre que le candidat voulu par l’ancien président Hu Jintao pour remplacer Xi Jinping en 2022. Ce cadre de la faction des « tuanpai » a dirigé la Mongolie-Intérieure de 2009 à 2012, et dirige depuis la province du Guangdong. Son positionnement est complexe : Hu Chunhua n’a pas prêté allégeance à Xi, mais il a toujours essayé de lui plaire. Il a participé activement à la lutte anti-corruption au Guangdong et a prononcé plusieurs discours vantant les mérites de Xi Jinping devant le Parti. Pour autant que l’on sache, le numéro un chinois semble être satisfait des résultats de Hu Chunhua et ne lui réserve pas le même sort que Sun Zhengcai, qui était pressenti pour prendre la succession de Li Keqiang, avant son éviction.

Futurs retraités ou survivants probables, que faire des fidèles de Jiang Zemin ?

C’est la bête noire de Xi. Comment se débarrasser définitivement de l’influence de Jiang Zemin ? Depuis son retrait officiel du pouvoir en 2004 après avoir cédé la commission militaire centrale à Hu Jintao, l’ancien président compte toujours dans l’équation du Parti. Même s’il a déjà largement affaibli la « Bande de Shanghai », Xi Jinping aura encore fort à faire pour écarter ses derniers fidèles.
D’un côté, il pourra compter sur des départs quasiment actés. Ainsi les carottes sont-elles cuites pour Zhang Gaoli. Né en 1946, ce fidèle lieutenant de Jiang devra se retirer du comité permanent. De même pour Zhang Dejiang, né la même année. A noter que les deux hommes possèdent d’importants intérêts économiques et commerciaux en Corée du Nord. Aussi, nul ne doute que leur éviction des postes-clés du pouvoir central devrait radicalement changer la donne dans les relations entre Pékin et Pyongyang.
Cependant, trois associés reconnus de Jiang Zemin restent sur la route de Xi. A commencer par Meng Jianzhu, né en 1947. Meng est dans le collimateur du numéro un du Parti qui doit le remplacer s’il souhaite faire avancer ses propres réformes législatives. En plus d’être un allié de Jiang et un ancien membre de la « bande de Shanghai », Meng est en effet à la tête de la commission des affaires politiques et légales du PCC. Autrement dit, il cadenasse toutes possibilités de changements.
Mais la vie sans les affidés de Jiang est impossible pour le président chinois. A 64 ans, Zhang Chunxian pourrait faire son entrée dans l’instance suprême. De nombreux observateurs de la Chine voient déjà promu au comité permanent cet ex-ministre des Transports et surtout ancien secrétaire du Parti pour les provinces du Hubei et du Xinjiang. A moins qu’un scandale récent ne le pénalise : l’enquête pour corruption ouverte en février dernier contre son ancien bras droit Zhang Wenxiong, démis de son poste de chef de la propagande du Parti dans la province du Hunan.
Que dire enfin de Han Zheng, lui aussi protégé de Jiang ? Né en 1954, le chef du Parti à Shanghai est à bien des égards le dernier survivant de la « bande de Shanghai » à avoir encore des réseaux, mais surtout à pouvoir prétendre à une place au comité permanent. Pour l’instant, Xi l’a mis à l’écart mais il va peut-être devoir le réinstaller s’il souhaite « libérer » le poste-clé de la municipalité shanghaïenne au profit de l’un de ses soutiens.

Objectif 2022 : briser le cercle des nominations de Hu Jintao

On le voit bien, Xi Jinping n’a pas les coudées franches à quelques semaines de l’ouverture d’un Congrès qui s’annonce déterminant pour lui. Déterminant car le nombre de postes (12 ou 16) ouverts au Politburo est très important et influera sur la suite des rapports de force au sein du Parti pour son prochain mandat de président (2017-2022). Déterminant également car lors du Congrès, c’est aussi la composition du Comité Central du PCC qui est soumise aux votes et à ce titre, les futurs dirigeants chinois en 2022 et plus ! C’est en effet tout le sens des dernières manœuvres politiques de Xi Jinping : arriver à s’imposer durablement à la tête de l’État-Parti afin de « briser » le cercle des nominations mises en place par Hu Jintao (voir notre article). Car c’est aujourd’hui dans les provinces et bientôt dans le Comité Central que réside la force de Xi. Une force étroitement liée aux cadres qui seront en lice pour le bureau politique en octobre 2017, et donc pour le Politburo ou le comité permanent en octobre 2022.
Infographie : allégeances à Xi Jinping, Hu Jintao et Jiang Zemin (en 2017) des gouverneurs de provinces et présidents de régions autonomes (gauches) et des secrétaires provinciaux / régionaux du Parti communiste (droite)
Infographie : allégeances à Xi Jinping, Hu Jintao et Jiang Zemin (en 2017) des gouverneurs de provinces et présidents de régions autonomes (gauches) et des secrétaires provinciaux / régionaux du Parti communiste (droite)
La lutte entre factions au sein du Parti est donc loin d’être finie en Chine et le Congrès n’est que le sommet de l’iceberg. Il faudra suivre après sa tenue les évolutions des cadres avec beaucoup de minutie pour comprendre qui va diriger le pays durablement et si Xi Jinping saura s’imposer aux côtés de Mao Zedong, Deng Xiaoping et Jiang Zemin dans le panthéon de la Chine communiste.
(A suivre : Li Keqiang, Premier ministre ? Les scénarios possibles du nouveau bureau politique après le 19ème Congrès.)
Par Alex Payette et Antoine Richard

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A propos de l'auteur
Alex Payette (Phd) est co-fondateur et Pdg du Groupe Cercius, une société de conseil en intelligence stratégique et géopolitique. Ancien stagiaire post-doctoral pour le Conseil Canadien de recherches en Sciences humaines (CRSH). Il est titulaire d’un doctorat en politique comparée de l’université d’Ottawa (2015). Ses recherches se concentrent sur les stratégies de résilience du Parti-État chinois. Plus particulièrement, ses plus récents travaux portent sur l’évolution des processus institutionnels ainsi que sur la sélection et la formation des élites en Chine contemporaine. Ces derniers sont notamment parus dans le Journal Canadien de Science Politique (2013), l’International Journal of Chinese Studies (2015/2016), le Journal of Contemporary Eastern Asia (2016), East Asia : An International Quarterly (2017), Issues and Studies (2011) ainsi que Monde Chinois/Nouvelle Asie (2013/2015). Il a également publié une note de recherche faisant le point sur le « who’s who » des candidats potentiels pour le Politburo en 2017 pour l’IRIS – rubrique Asia Focus #3.
Antoine Richard est rédacteur en chef adjoint d'Asialyst, en charge du participatif. Collaborateur du Petit Futé, ancien secrétaire général de l’Antenne des sciences sociales et des Ateliers doctoraux à Pékin, voyage et écrit sur la Chine et l’Asie depuis 10 ans.