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Expert - Politique chinoise

Chine : regards sur les dirigeants de demain

Les soldats de l'Armée Populaire de Libération rassemblés pour les 90 ans de l'APL le 1er août 2017 sous le grand dôme de l'Assemblée Nationale Populaire.
Les soldats de l'Armée Populaire de Libération rassemblés pour les 90 ans de l'APL le 1er août 2017 sous le grand dôme de l'Assemblée Nationale Populaire. (Crédit : Ke wei / Imaginechina / AFP)
Alors que Xi Jinping et Wang Qishan sont occupés à « nettoyer » le Parti-État des alliés de Jiang Zemin ou de ceux de Hu Jintao, la prochaine génération de cadres est, elle, déjà en pleine ascension. Parmi eux, se retrouvent des supporteurs de Xi, de Wang, mais aussi une quantité non négligeable de « tuanpai », des membres des Jeunesses communistes associés à l’ex-président Hu Jintao, ou encore à ses trois lieutenants : le Premier ministre Li Keqiang, Hu Chunhua, le secrétaire du parti dans le province du Guangdong (né en 1963), et Lu Hao, le gouverneur du Heilongjiang (né en 1967). Ce faisant, même si Xi Jinping semble contrôler la Chine d’une main de fer depuis 2015, il est permis de penser que le futur de la Chine appartient à la lignée de Hu Jintao. Passage en revue.

Les onze « étoiles » du moment

La septième génération, née dans les années 1970 (ou « 70后干部 »), est entrée au Parti au début des années 1990, soit quelques années seulement avant les événements de la Place Tian’anmen. De l’ensemble des cadres de cette génération ayant atteint au moins le rang préfectoral [正厅级], soit plus de 265 à l’heure actuelle, seulement 11 sont parvenus à atteindre un poste vice-provincial : Shi Guanghui [时光辉], né en 1970, Zhou Liang [周亮], né en 1970, Pan Gang [潘刚], né en 1970, Wang Hongyan [汪鸿雁], née en 1970, Fu Zhenbang [傅振邦], né en 1975, Xu Xiao [徐晓] né en 1972, Liu Jie [刘捷] né en 1970, Zhuge Yujie [诸葛宇杰], né en 1971, Xu Feng [徐丰] né en 1973, Yin Yong [殷勇], né en 1970, et Yin Dongmei [尹冬梅], née en 1973. En provenance du Centre, de la côte est ou du Nord-Est, tous ont su se démarquer des autres. Ainsi formeront-ils l’élite chinoise de demain.
Le premier d’entre eux est Shi Guanghui. Allié de Xi Jinping, il est en pleine ascension dans l’appareil du pouvoir à Shanghai depuis déjà un moment. Shi occupe un poste vice-ministériel depuis maintenant quatre ans et sera promu au rang supérieur probablement dans les trois années qui viennent.
Zhou Liang demeure pour sa part encore très mystérieux. On sait qu’il est l’un des secrétaires de Wang Qishan, le très redouté patron de la commission centrale de discipline du Parti. On sait qu’il est venu remplacer Wang Lijun [张立军], l’ancien super-flic de Chongqing tombé avec avec Bo Xilai, mais sans beaucoup plus. Il faudra donc garder un œil sur Zhou qui semble gravir les échelons de la commission disciplinaire depuis un certain temps déjà.
Pan Gang, originaire de la Mongolie-Intérieure, est quant à lui le secrétaire du Parti pour le groupe Yili [伊利实业集团股份有限公司], l’un des géants chinois de l’agroalimentaire. Sans affiliation claire, Pan avait été protégé en 2011 par Liu Yunshan [刘云山] (né en 1947), membre du comité permanent du Politburo et à l’époque directeur du département de la propagande. Ce dernier faisait alors face à des accusations de corruption et de détournements de fonds. Les enquêtes sur Pan étant bannies par Liu, ces accusations n’ont jamais abouti. On se souviendra que cet épisode intervient juste avant le scandale du lait contaminé qui éckatera plus tard la même année. Les hommes de Liu avaient encore une fois tenté d’étouffer l’affaire.
Wang Hongyan, Fu Zhenbang, Xu Xiao, Xu Feng et Yin Dongmei forment la relève « tuanpai » issue des Jeunesses communistes, en ascension depuis peu dans cette organisation et sur le point de revenir vers la structure du Parti-État. Secrétaires du secrétariat central, tous ont atteint le rang vice-provincial aux alentours ou en deçà de 40 ans. Leur affiliation demeure pour l’instant incertaine. Cela dit, la plupart ont travaillé sous Lu Hao – premier secrétaire de la Ligue des Jeunesses communistes de 2008 à 2013 et actuel gouverneur du Heilongjiang – et Qin Yizhi [秦宜智] (né en 1965) – son successeur à la tête de la LIgue depuis 2013, tous deux alliés de Hu Jintao.
Liu Jian et Zhuge Yujie démontrent l’importance du retour en force des secrétaires (ou mishu 秘书) dans la politique chinoise. Né en 1970 dans le Jiangsu, Liu fait ses premiers pas en politique par le biais du bureau du commerce du Hunan en 2008 après plus de quinze ans passés dans le groupe d’aciérie Xiangtan [湘潭钢铁集团有限公司]. Liu sera, selon certains, nommé par Xi Jinping pour remplacer Zhu Hong [朱虹] (né en 1957), au poste de secrétaire du comité permanent du Jiangxi. Zhu est un proche de Su Rong [苏荣] (né en 1948), secrétaire du Jiangxi de 2007 à 2013, et de son successeur Qiang Wei [强卫] (né en 1953). Tous deux sont respectivement associés à Zhou Yongkang et Zeng Qinghong, ancien vice-président de la République et bras droit de Jiang Zemin.
Malgré son nom peu orthodoxe, Zhuge Yujie est un membre de l’ethnie Han et originaire de Shanghai. Ancien du groupe d’investissement Tongsheng, Zhuge fait ses débuts sur la scène politique shanghaïenne sous la direction de Sun Ronggan [孙荣乾] (né en 1955), alors chef du district de Putuo [普陀区]. Il sera ensuite l’adjoint de Chen Yin [陈寅] (né en 1962), secrétaire du district de Yangpu [杨浦区] de 2010 à 2014 et actuel secrétaire de la commission des affaires légales et politiques de Shanghai. Enfin, Zhuge viendra remplacer Yin Hong [尹弘] (né en 1963) au poste de secrétaire du Parti de Shanghai. Cela étant, il est fort probable que Zhuge Yujie soit un sympathisant de Xi Jinping plutôt que de l’ancienne « bande de Shanghai ».
Enfin, Yin Yong [殷勇] (à ne pas confondre avec Ying Yong [应勇]) revêt une importance particulière pour la continuité des réformes dans le secteur bancaire. D’autant plus que Zhou Xiaochuan [周小川] – gouverneur de la banque centrale depuis 1998 – devra quitter ses fonctions en 2017. Décrit comme le disciple de Zhou, Yin Yong, également diplômé de Qinghua, est depuis 2016 l’un des vice-gouverneurs de la Banque de Chine, aux côtés de Yi Gang [易纲] (né en 1958). En ce sens, Yin forme la continuité institutionnelle de Zhou afin de permettre de mener à terme les réformes commencées sous l’ancien Premier ministre Zhu Rongji dans les années 1990.
Ce faisant, Xi, Wang et Hu Jintao semblent avoir des alliés en préparation pour l’après 2022. L’acte 2 de la joute factionnelle, qui fera suite à la « purge » de Xi (2012-2017) est donc loin d’être gagnée : il faudra à l’alliance Xi-Wang beaucoup plus de soutiens au sein des générations 6,5 et 7.

L’ascension prochaine des femmes en politique : le cas de Wang Yi et de Shi Yichan

*Cela dit, il n’y a qu’un autre cadre de cette génération qui a réussi cet exploit : Huang Wei [黄巍] (1980). Ancien du groupe minier Lu’an de la province du Shanxi, il est depuis juillet 2017 le secrétaire du Shanxi pour les Jeunesses communistes.
Pour l’instant, on compte déjà plus d’une trentaine (34 pour être précis) de cadres de la huitième génération (née dans les années 1980) ayant le rang vice-préfectoral [ou 副厅级干部]. Cela dit, de ceux-ci nous en retiendrons deux : Wang Yi [王艺] (née en 1980) et Shi Yichan [史逸婵] (née en 1987). Wang est actuellement la seule femme de la génération 8 à déjà avoir atteint le rang préfectoral : elle est secrétaire de la province du Henan pour les Jeunesses communistes depuis 2016*. Shi, quant à elle est secrétaire-adjointe de Shanghai pour les jeunesses communistes, également depuis 2016. Originaire de Shanghai, Shi est diplômée de l’université de Tongji – comme beaucoup d’autres cadres shanghaïens. A aujourd’hui 30 ans, elle a reçu en 2014 des félicitations de Liu Yunshan, alors responsable des affaires du Parti pour son implication dans « l’Union des Élites » [白领驿家], un organisme communautaire voué à l’échange ainsi qu’au recrutement de futurs cadres.
A l’évidence, l’ensemble de hauts responsables que nous venons de passer en revue, sont des noms à retenir pour la suite des événements. Bien entendu, ils ne forment qu’un petit échantillon de l’ensemble des cadres de la génération 7, qui provient en grande partie (48%) de la Ligue des Jeunesses communistes. Ce faisant, la donne sera modifiée encore plusieurs fois d’ici 2022 et la joute factionnelle n’est pas encore gagnée.

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A propos de l'auteur
Alex Payette (Phd) est co-fondateur et Pdg du Groupe Cercius, une société de conseil en intelligence stratégique et géopolitique. Ancien stagiaire post-doctoral pour le Conseil Canadien de recherches en Sciences humaines (CRSH). Il est titulaire d’un doctorat en politique comparée de l’université d’Ottawa (2015). Ses recherches se concentrent sur les stratégies de résilience du Parti-État chinois. Plus particulièrement, ses plus récents travaux portent sur l’évolution des processus institutionnels ainsi que sur la sélection et la formation des élites en Chine contemporaine. Ces derniers sont notamment parus dans le Journal Canadien de Science Politique (2013), l’International Journal of Chinese Studies (2015/2016), le Journal of Contemporary Eastern Asia (2016), East Asia : An International Quarterly (2017), Issues and Studies (2011) ainsi que Monde Chinois/Nouvelle Asie (2013/2015). Il a également publié une note de recherche faisant le point sur le « who’s who » des candidats potentiels pour le Politburo en 2017 pour l’IRIS – rubrique Asia Focus #3.