Politique
Expert – Politique chinoise

Chine : le "nettoyage" de Shanghai, la succession de la succession (2/2)

A la veille des célébrations des 95 ans du Parti Communiste Chinois le 30 juin 2016, des membres du Parti cousent un drapeau.
A la veille des célébrations des 95 ans du Parti Communiste Chinois le 30 juin 2016, des membres du Parti cousent un drapeau. (Crédit : Zhong yang / Imaginechina, via AFP).
Xi Jinping a réussi son pari : se débarrasser de la « Bande de Shanghai », ce solide réseau qui a permis à l’ancien président Jiang Zemin de maintenir son influence bien après sa retraite. Comme nous l’avons vu dans un premier volet, l’actuel numéro un chinois s’est attelé dès son arrivée au pouvoir fin 2012 à « nettoyer » de cette clique les postes-clés à Shanghai. Dorénavant, ce « nettoyage » assuré et assumé, tous les yeux se tournent vers l’avenir et la succession de la succession : soit les futurs cadres de la municipalité pour l’année 2032.
*Tous deux sont nés en 1963 et sont aujourd’hui membres du politburo.
Depuis le changement de dernière minute à la tête de la mairie de Shanghai, soit depuis que les alliés de Xi Jinping ont réussi à déloger Yang Xiong – allié de Jiang Zemin – et à le remplacer par Ying Yong le 20 janvier dernier – tous les yeux se tournent maintenant vers le plus jeune Cadre de l’administration shanghaïenne : Shi Guanghui [时光辉]. Ce dernier est rien de moins que l’une des « stars » de la 7ème génération des hommes politiques chinois. L’importance de ce personnage tient au fait que la 6ème génération, la probable prochaine équipe dirigeante composée de Hu Chunhua [胡春华] et de Sun Zhengcai [孙政才]*, semble tenir bon malgré les attaques cumulées de Xi et de Wang Qishan. Car le président chinois, tout comme le chef de la commission centrale d’inspection et de discipline du parti, prépare d’ores et déjà sa relève en positionnant le plus tôt possible ses hommes aux postes-clés afin d’assurer la succession de la succession en 2032.

Shanghai : le cœur du parcours politique de Shi Guanghui

*Dans la soirée du 15 novembre, un spectaculaire et meurtrier incendie a eu lieu dans un immeuble résidentiel de 28 étages au centre de Shanghai.
Né dans la province de l’Anhui en 1970, Shi Guanghui entre au Parti à 23 ans en 1993, soit deux ans après l’obtention de son diplôme de l’université de Tongji à Shanghai [Tongji Daxue – 同济大学]. Il connait des débuts modestes dans une filière de la compagnie d’aciérie shanghaïenne Baosteel [Baogang – 宝钢] – endroit où il fera d’ailleurs la connaissance de Zhang Renliang [张仁良] (né en 1961), à l’époque déjà en poste dans une autre filiale de Baosteel nommée Baoshan [宝山]. Ledit Zhang sera ensuite nommé vice-secrétaire du Parti pour les jeunesses communistes de Shanghai (1995) et entrera sur la scène politique locale en 2005 dans le district de Jing’an [静安区]. C’est sous Zhang que Shi obtiendra son premier poste à la même époque. Puis, Shi Guanghui viendra remplacer Zhang en 2011 poste pour poste suite à l’enquête sur les événements du 15 novembre 2010 [上海“11·15”特别重大火灾], date à laquelle 58 personnes trouvèrent la mort dans un incendie majeur*.
Cette histoire est importante pour comprendre l’ascension de Shi et notamment comment il fut mis en contact avec Xi Jinping qui le placera, dès 2013 (à 43 ans), à la vice-mairie de Shanghai. En effet, Zhang Renliang, son premier « patron », connaît Xi depuis Shanghai de par ses liens avec le secteur financier. Des liens qui permirent d’ailleurs à ce dernier de se « retirer » de la vie politique sans trop de soucis tout en restant proche de Xi via son rôle dans le groupe d’investissement shanghaien Tongsheng [上海同盛投资(集团)有限公司]. La société est devenue, comme par hasard, « propriété » de l’État en 2015.
L’arrivée de Shi et son ascension sont vus d’un bon œil par les membres du comité permanent de la municipalité et par le cabinet de la mairie de l’époque. Il faut noter qu’en cela, il a été beaucoup aidé par son appartenance au réseau des anciens diplômés de l’université de Tongji qu’il partage avec nombre d’élites shanghaïennes de l’époque comme Zhao Wen [赵雯] (née en 1956), maire-adjointe entre 2008 et 2017, Zhang Xuebing [张学兵] (né en 1955), directeur de la Sécurité publique de Shanghai de 2008 à 2013 et maire-adjoint de 2011 à 2013, Tang Dengjie [唐登杰] (né en 1964), maire-adjoint entre 2003 et 2011 ; ou encore l’ancien maire de Shanghai de 2002 à 2006, Chen Liangyu [陈良宇] (né en 1946).

Shanghai et la Chine en 2032

Pour l’heure, Shi, qui est en charge notamment du commerce et de la politique locale, est en attente de sa prochaine promotion qui le catapultera au rang provincial. Cela dit, il n’est pas le seul à attendre. D’autres jeunes cadres de la 7ème génération gagnent eux aussi du terrain depuis le début des années 2010, dont le protégé tuanpai – de la faction de la Ligue des jeunesses communistes – Fu Zhenbang [傅振邦] (né en 1975), et le disciple de Wang Qishan cheminant dans la commission d’inspection et de discipline, Zhou Liang [周亮] (né en 1970).

Ainsi Shi attend-il patiemment sa nomination, alors que Fu est actuellement secrétaire du secrétariat central des jeunesses communistes [团中央书记处书记] et que Zhou dirige le département de l’organisation pour la commission centrale d’inspection et de discipline [中央纪委组织部部长]. Et tous ont déjà les yeux tournés vers 2032.

Soutenez-nous !

Asialyst est conçu par une équipe composée à 100 % de bénévoles et grâce à un réseau de contributeurs en Asie ou ailleurs, journalistes, experts, universitaires, consultants ou anciens diplomates... Notre seul but : partager la connaissance de l'Asie au plus large public.

Faire un don
A propos de l'auteur
Alex Payette (Phd) est co-fondateur et Pdg du Groupe Cercius, une société de conseil en intelligence stratégique et géopolitique. Ancien stagiaire post-doctoral pour le Conseil Canadien de recherches en Sciences humaines (CRSH). Il est titulaire d’un doctorat en politique comparée de l’université d’Ottawa (2015). Ses recherches se concentrent sur les stratégies de résilience du Parti-État chinois. Plus particulièrement, ses plus récents travaux portent sur l’évolution des processus institutionnels ainsi que sur la sélection et la formation des élites en Chine contemporaine. Ces derniers sont notamment parus dans le Journal Canadien de Science Politique (2013), l’International Journal of Chinese Studies (2015/2016), le Journal of Contemporary Eastern Asia (2016), East Asia : An International Quarterly (2017), Issues and Studies (2011) ainsi que Monde Chinois/Nouvelle Asie (2013/2015). Il a également publié une note de recherche faisant le point sur le « who’s who » des candidats potentiels pour le Politburo en 2017 pour l’IRIS – rubrique Asia Focus #3.