Chine : la "dictature parfaite" ? (1/2)
Lecture
C’est un ouvrage indispensable pour comprendre la chose politique dans la Chine d’aujourd’hui. Professeur à Oxford et spécialiste de l’analyse des États, Stein Ringen vient de publier The Perfect Dictatorship aux éditions HKU Press. Lecture critique en deux parties, dont voici la première.
– Interlocuteur 1 : « La Chine est une dictature. »
– Interlocuteur 2 : « 500 millions de personnes ont été sorti de la pauvreté. »
… Silence. (Stein Ringen, The Perfect Dictatorship, p. 135)
Ils prennent dès lors le Parti au mot et réintroduisent de la complexité en évitant les écueils simplificateurs de l’« altérité chinoise » et/ou de la « culture politique », deux discours en vogue qui – malgré un intérêt certain – semblent pourtant avoir des difficultés à dire avec précision la réalité du présent.
Il ne s’agit en rien de contextualiser par l’histoire le régime de la RPC contemporaine ou de chercher les causes de la situation actuelle, mais d’offrir une cartographie experte du régime politique chinois à un instant « T »*.
Certains lecteurs pourront être choqués par la radicalité de certains propos de cette lumière froide jetée sur la RPC. Mais le titre de l’ouvrage ne dit-il pas déjà beaucoup sur l’aspect provocateur de l’essai ?
Le projet du livre, nous dit Stein Ringen, est une tentative d’analyse de l’État chinois faite du dehors du sérail des études chinoises. Ringen croit que la distance de l’observation détachée est un avantage, en rappelant l’aveuglement des années Mao et en désignant certaines publications plus récentes, naïves ou serviles jusqu’à l’embarras (p. 39).
Ringen se défend de toute ambition chinoise future et se définit comme un analyste social et un individualiste méthodologique pour qui ce qu’est un État réside uniquement dans la manière dont celui-ci se manifeste jusqu’aux plus bas échelons de sa population (p. 41). Et ce lien entre science politique pure (analyse du système) et sociopolitique (relation à la population) se perçoit, selon l’auteur, dans la balance entre ce que l’État prend (take), et ce qu’il distribue (deliver)*.
Le livre peut donc être perçu comme l’analyse du résultat d’une simple opération mathématique : que reste-t-il quand on additionne ce que l’État prend et ce qu’il délivre. Cette froideur algébrique empêche le livre de tomber dans le simple dénigrement (China bashing) existant dans certaines analyses. Ringen n’a en effet pas de rancœur, ni de compte à rendre envers son sujet ; ce n’est pas un dissident, ce qui sans doute rend certaines de ses conclusions d’autant plus glaçantes.
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