Revue de presse Asie - 10 août 2016

Projet nucléaire suspendu en Chine, insultes de Duterte et doutes à Quetta

Après trois jours de manifestations à Lianyugang en Chine, contre la construction d'une usine de retraitement des déchets nucléaires en coopération avec Areva, le gouvernement a cédé et suspendu le projet. Copie d'écran du South China Morning Post, le 10 août 2016.
Après trois jours de manifestations à Lianyugang en Chine, contre la construction d'une usine de retraitement des déchets nucléaires en coopération avec Areva, le gouvernement a cédé et suspendu le projet. Copie d'écran du South China Morning Post, le 10 août 2016.

Asie du Nord-Est

South China Morning Post – Coup d’arrêt. A Lianyugang, dans la riche province côtière du Jiangsu, le gouvernement local a cédé à la colère des habitants. Hier mardi 9 août, les autorités ont décidé de suspendre le projet de construction d’une nouvelle usine de traitement de déchets nucléaires. Des manifestations avaient en effet éclaté samedi dernier et regroupaient depuis 3 jours des milliers de manifestants dans les rues de la ville. Ils protestaient à la fois contre les risques potentiels de radiation et contre le manque de transparence du processus de décision du projet nucléaire.

L’ampleur des rassemblements fut telle que le gouvernement a dû mobiliser la police en début de semaine pour protéger ses bureaux des manifestants. Selon les médias chinois, une dizaine d’entre eux ont été arrêtés ce lundi 8 août pour avoir lancé des pierres. La police de Lianyungang a annoncé hier mardi 9 août l’interdiction des regroupements publics.

Ce projet nucléaire a été mis au point par la China National Nuclear Corporation en collaboration avec Areva qui devait fournir la technologie. La construction devait commencer en 2020 et être achevée vers 2030. Le site n’avait pas encore été décidé. A noter que la Chine est le constructeur nucléaire le plus actif du monde avec 32 réacteurs en activité, 22 en construction et encore davantage en projet.

The Mainichi – L’idée d’abdiquer ne date pas d’aujourd’hui pour l’empereur nippon. Selon une source de l’Agence de la Maison Impériale, Akihito aurait commencé à envisager une abdication du trône en 2008 suite à la découverte de traces de sang dans son estomac, lors d’une endoscopie le 5 décembre de la même année. Des traces dues au stress, selon ses médecins. L’Agence impériale avait alors décidé de réduire ses devoirs officiels. Elle a notamment annulé ses discours d’ouverture lors des différentes compétitions sportives nationales annuelles.

L’Empereur, pour qui la position de symbole de l’Etat et les activités impériales sont inséparables, était pourtant contre la réduction de ses activités. Il a donc commencé à l’époque à se demander s’il pourrait continuer à son poste tout en étant incapable de remplir tous ses devoirs. Il a notamment étudié les différentes abdications d’empereurs et de rois étrangers, en particulier européens, et le système de régence. Son père, l’Empereur Shôwa, avait d’ailleurs était le régent de l’Empereur Taishô.

Akihito avait l’intention d’exprimer ses sentiments concernant sa position et ses devoirs en tant que symbole de l’Etat dès décembre 2015. Son allocution avait cependant était reportée à cause des préparatifs de sa visite aux Philippines. Lorsqu’il a ensuite exprimé son souhait d’abdiquer le 13 juillet dernier, l’Agence de la Maison Impériale avait démenti la rumeur. Elle n’a commencé à fournir des explications sur les pensées de l’Empereur qu’à la suite de la publication de son message vidéo ce lundi 8 août (voir notre revue de presse).

Lors de la conférence de presse tenue juste après la diffusion de la vidéo, le président de l’Agence, Noriyuki Kazaoka, a indiqué qu’il espérait que le public comprendrait les inquiétudes d’Akihito. Malgré l’interdiction de l’Agence de la Maison Impériale de parler au nom de l’Empereur, Kazaoka a osé insister sur la pression que ce dernier subit, avant d’ajouter qu’il ignorait quelle serait la décision du gouvernement face à la volonté d’abdication d’Akihito.

Channel News Asia – Pokémon Go banni des routes taïwanaises. A Taipei, le Bureau national des Autoroutes a indiqué aujourd’hui mercredi 10 août avoir demandé à Niantic, le créateur du jeu à réalité augmentée Pokémon Go, de ne pas afficher les autoroutes et aires de repos dans son jeu. Il ne faudrait « placer aucun Pokémon ou Pokéstop dans des zones proches d’axes routiers », a précisé Chen Ting-tsai, un porte-parole du Bureau.

Selon l’Agence de police nationale, 1 210 personnes ont déjà été prises en train de violer le code de la route en jouant à Pokémon Go au volant depuis la sortie officielle du jeu dans l’île ce samedi 6 août. L’application, dont le but est notamment de capturer des Pokémon – créatures de dessin animé virtuel – dans des zones elles bien réelles, a ainsi causé des accidents.

L’administration ferroviaire taïwanaise a également banni Pokémon Go et indiqué qu’elle contacterait Niantic pour enlever les stations et trains du jeu. Des Pokémon ont même été trouvés au sein d’une base militaire du Comté de Hualien hier mardi 9 août, selon les médias taïwanais. Le ministère de la Défense a ainsi rappelé que les soldats n’étaient pas autorisés à utiliser leur téléphone avec les fonctions de géolocalisation – que requiert Pokémon Go – dans les bases militaires.

Asie du Sud-Est

The Straits Times – Duterte ne fait pas dans la dentelle. Le président philippin nous le prouve une fois encore en créant un nouvel incident diplomatique avec les Etats-Unis, révèle le Straits Times. Vendredi 5 août, au cours d’un discours devant des soldats à Cebu City, Rodrigo Duterte a insulté Philip Goldberg, l’ambassadeur américain aux Philippines, le qualifiant d’« homosexuel énervant ». « violer ». La jeune femme avait été sexuellement agressée et tuée en 1989, lors d’une émeute de la prison de Davao, dont Duterte était le maire. Les ambassadeurs américain et australien avaient alors vivement critiqué ces déclarations.

En réponse à cette sortie du nouveau président, les Etats-Unis ont convoqué ce lundi 8 août Patrick Chuasoto, l’ambassadeur philippin à Washington, pour « clarifier ces remarques ». Au final, le gouvernement américain assure que la relation bilatérale reste tout de même « forte » et maintiendra son aide aux Philippines malgré les déclarations de Duterte, rapporte le Philstar. Le département d’Etat n’a pas souhaité divulguer davantage de détails sur la discussion entre les deux pays alliés.

Reuters – Face à l’activisme insulaire de la Chine, le Vietnam n’est pas en reste. Pour contrer les ambitions de Pékin, Hanoi a discrètement fortifié plusieurs de ses îles en mer de Chine du Sud, en y installant des lance-roquettes mobiles, rapporte Reuters. Au cours des derniers mois, le Vietnam aurait armé plusieurs des îles Spratleys sous son contrôle, échappant à la surveillance aérienne, sur cinq positions stratégiques. En effet, les lance-roquettes pourraient atteindre des pistes d’atterrissage et des installations militaires chinoises.

Le ministre vietnamien des Affaires étrangères a qualifié cette information d’« inexacte », sans s’étendre sur la question. Quant au vice-ministre de la Défense, le Lieutenant Général Nguyen Chi Vinh, il avait nié ces « allégations » en juin dernier à Singapour, tout en déclarant : « Il relève de notre droit à l’auto-défense de déplacer nos armes dans n’importe quelle zone, à n’importe quel moment, sur notre territoire souverain. » Il s’agirait de la mesure défensive la plus importante de la part du Vietnam en mer de Chine. Le pays se sent de plus en plus vulnérable face aux prétentions chinoises dans cette zone stratégique. Le mois dernier, Pékin a rejeté l’arbitrage du tribunal de La Haye, jugeant que les revendications de la Chine n’avaient pas de « base légale » (voir notre revue de presse du 12 juillet).

The Bangkok Post – En vacances en Thaïlande, Big Brother vous écoute. Les autorités thaïlandaises ont approuvé ce mardi 9 août l’utilisation de cartes SIM traçables pour les touristes étrangers. Des cartes SIM spéciales leur seront ainsi vendues par les opérateurs mobiles. Cette nouvelle a immédiatement provoqué un tollé parmi les expatriés, que Takorn Tantasith, secrétaire général de la National Broadcasting and Telecommunications Commission (NBTC) a tenu à rassurer, rapporte le Bangkok Post. « Nous ne limitons aucun droit, a déclaré Takorn. La NBTC n’a pas l’autorité de surveiller la localisation des usagers. Mais si des touristes commettent une infraction, ou qu’il y a un mandat judiciaire à leur encontre, nous pourrons alors le transférer à un opérateur mobile et rechercher sa coopération. » Cette traçabilité, qui ne pourra pas être légalement appliquée aux expatriés, aurait donc pour objectif de protéger aussi bien les visiteurs que la sécurité nationale. Depuis janvier 2016, la Thaïlande a accueilli quelque 19 millions de touristes, selon le ministère du Tourisme et des Sports.

Asie du Sud

Dawn – Malgré plusieurs revendications, personne ne sait encore qui a commandité l’attaque de Quetta. Deux groupes militants et une agence de renseignement étrangère sont suspectés d’être responsables de l’attentat perpétré lundi 8 août dans l’hôpital civil de la cité pakistanaise. Le ministre-en-chef du Baloutchistan, Sanaullah Zehri, soupçonne l’agence de renseignement indienne Research and Analysis Wing (RAW), affirmant qu’elle a mené des opérations similaires auparavant « à Quetta et dans d’autres zones ». Officiellement, deux groupes ont revendiqué l’attaque : le groupe Jamaat-ul-Ahrar (JA), faction du Mouvement des Talibans du Pakistan (TPP), et le groupe État Islamique.

Selon un haut représentant de la police de Khyber Pakhtunkhwa désirant garder l’anonyme, les deux buts d’une revendication multiple sont de « créer une confusion [au sein des enquêteurs] et de marquer des points ». Certains groupes seraient ainsi opportunistes et ne revendiqueraient une attaque – perpétrées en réalité par des individus indépendants – que pour renforcer leur prestige ou porter à confusion les enquêteurs. D’après le directeur du Centre d’études sur la recherche et la sécurité, Imtiaz Gul, les revendications tardives indiquent qu’un élément est « douteux ». Il vaudrait donc mieux, selon le quotidien Dawn, se fier davantage aux enquêtes scientifiques qu’aux différentes revendications pour trouver les responsables des attaques, et notamment de celle de Quetta.

L’autre quotidien pakistanais Express Tribune revient quant à lui sur la tragédie en déplorant « l’élimination d’une génération entière d’avocats » lors de l’attaque de l’hôpital de Quetta. Cinquante des 70 morts causés par l’attentat étaient en effet avocats. Parmi eux se trouvaient l’ancien président de l’Association du Barreau du Bouloutchistan (BBA), Baz Muhammad Kakar, et le vice-président de l’Association du Barreau de la Cour suprême Syed Qahir Shah. Ils s’étaient rendus à l’hôpital civil pour être au chevet de leur proche et collègue, le président de la BBA, Bilal Anwar Kasi, tué plus tôt dans la journée lors d’une attaque armée revendiquée par le Jamaat-ul-Ahrar.

Firstpost – Modi n’a pas su apaiser le Cachemire indien. Le Premier ministre indien a certes enfin réagi aux manifestations qui secouent l’Etat du Jammu-et-Cachemire depuis l’exécution de Burhan Wani, jeune militant du groupe séparatiste terroriste Hizbul Mujahideen, en juillet dernier (voir notre revue de presse du 11 juillet). Après 32 jours de silence, Narendra Modi s’est exprimé hier mardi 9 août lors d’un meeting, rapporte le First Post. « Tous les Indiens aiment le Cachemire, a déclaré Modi. La liberté de chaque Indien appartient aussi à chaque Cachemiri. Nous voulons le même futur brillant pour chaque jeune au Cachemire… C’est triste qu’au lieu d’ordinateurs, de battes de cricket, on remette à des garçons des pierres. » Mais ce discours n’a pas convaincu au Cachemire indien, où le couvre-feu dure depuis un mois.

Selon Muhammad Yasin Khan, président de la Kashmir Economic Alliance, le commerce cachemiri est prêt à sacrifier ses affaires pour une solution « durable et réaliste » à la crise. « Le Cachemire, tout le monde doit le comprendre, est un conflit politique et a besoin d’une solution politique pour aboutir à une paix durable dans le sous-continent »,, a déclaré Khan. Omar Abdullah, ancien ministre-en-chef du Jammu-et-Cachemire, a lui aussi critiqué les propos du Premier ministre : « Voilà le nœud du problème. La réticence à accepter que le développement ne résout pas tous les problèmes. » Les manifestations devraient se poursuivre au Cachemire indien, malgré les nombreuses victimes des affrontements avec les forces de l’ordre.

The Hindu – La sentence est tombée, presque cinq décennies plus tard. Au Bangladesh, un ancien député a été condamné à mort ce mercredi 10 août par un tribunal spécial, pour des crimes commis lors de la guerre de l’indépendance de 1971. Sakhawat Hossain, qui avait été élu au parlement sous la bannière du parti Jamaat-e-Islami, est accusé d’avoir collaboré avec l’armée pakistanaise et d’être donc complice de la mort de 3 millions de personnes et du viol de 200 000 femmes lors de la guerre qui a permis au Bangladesh de prendre son indépendance en 1971. Lors de ce verdict, sept autres personnes ont été condamnées à la prison à vie pour crimes de guerre, rapporte The Hindu. Les poursuites judiciaires avaient été lancées en 2010 par Sheikh Hasina, l’actuelle Premier ministre, en formant ce tribunal spécial. Depuis sa création, 20 personnes ont été condamnées. Cinq hommes, principalement des leaders du parti Jamaat-e-Islami qui avait ouvertement soutenu le Pakistan, ont été exécutés.
Par Joris Zylberman, Myriam Sonni et Marie Bonnamy, avec Sylvie Lasserre Yousafzaï à Islamabad

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