Revue de presse Asie - 18 juillet 2016

Bouclier antimissile coréen, réconciliation nationale birmane et starlette pakistanaise

L'opinion coréenne est divisée à propos du bouclier antimissile comme le prouve ces manifestations à Seongju le 15 juillet. Copie d'écran de Hankyoreh, le 16 juillet 2016.
L'opinion coréenne est divisée à propos du bouclier antimissile comme le prouve ces manifestations à Seongju le 15 juillet. Copie d'écran de Hankyoreh, le 16 juillet 2016.

Asie du Nord-Est

Korea Times – C’est la question qui fâche. L’éditorialiste du Korea Times Oh Young-jin a demandé au ministre sud-coréen de la Défense d’imaginer un scénario catastrophe. « Il ne reste qu’un missile THAAD pour deux missiles nord-coréens. » Un dirigé vers des civils, et l’autre vers une base américaine. « Quelle cible serait prioritaire ? » Pas de réponse franche, l’homme d’État a esquivé la question. Pourtant, selon Oh Young-jin, cette attitude permet d’y voir plus clair : « Le THAAD ne servira pas à la protection des civils mais des militaires, et plus précisément, des militaires américains. » Un choix stratégique difficile qui ne plaît pas à tout le monde, comme le rappelle le journaliste. La Chine, « premier partenaire commercial de la Corée », promet des sanctions contre le bouclier antimissile. La relation entre les deux États est selon lui « en lambeaux ».

L’opinion coréenne elle-même est divisée sur la mise en place du THAAD. « Les habitants de Seongju [où le bouclier doit être installé] tentent de bloquer le déploiement, » précise Oh Young-jin. Le Premier ministre et le ministre de la Défense s’y sont rendus le 15 juillet pour calmer la population. Un déplacement officiel mouvementé raconté par le Hankyoreh. Le chef du gouvernement s’y est excusé de « ne pas avoir pu leur dire plus tôt » que les engins américain s’installeraient dans la ville. Une phrase qui n’a fait qu’attiser la colère des manifestants. La foule a lancé des oeufs sur les deux ministres qui ont été rapidement évacués.

Japan Times – Shinzo Abe et Li Keqiang se sont rencontrés pour la première fois en huit mois, en marge du 11ème sommet Asie-Europe (ASEM) qui s’est ouvert vendredi 15 juillet à Oulan-Bator. Dans un contexte de tensions autour de l’arbitrage sur les litiges en mer de Chine méridionale, les Premiers ministres japonais et chinois se sont efforcés de mener une discussion constructive, laissant la porte ouverte à une future coopération – notamment dans le domaine économique – commente le Japan Times. « Même si des problèmes subsistent, je souhaite que nous relevions les défis qui nous concernent » aurait déclaré Abe à Li, selon un responsable. D’après une source japonaise, Abe avait pour but de « soutenir une position mesurée [concernant l’arbitrage de la Cour permanente de La Haye] afin de ne pas enflammer la population chinoise ». D’autres médias, telle que l’agence de presse chinoise Xinhua, évoquent des négociations plus tendues, dans lesquelles Li aurait intimé à Abe de « ne pas mettre son nez dans le conflit en mer de Chine méridionale », selon des propos rapportés par le Japan Times.

Alors que les tensions entre Tokyo et Pékin autour des questions historiques s’étaient quelque peu apaisées, de nouvelles crispations étaient apparues au lendemain du verdict de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye. La Chine accuse le Japon d’avoir cherché à manipuler le verdict en choisissant sciemment les juges (nommés par un juge Japonais, ndlr). Côté japonais, le ministre des Affaires étrangères Fumio Kishida a déclaré que la réponse de la Chine à la Cour était « une bravade à la règle de droit de la communauté internationale ». Dans ces circonstances, Abe aurait peu à gagner à se braquer sur la question du litige en mer de Chine méridionale, analyse le Japan Times. Mieux vaut ainsi se concentrer sur le terrain économique, qui lie fortement le Japon à la Chine. Dans le même temps, la Chine se prépare à effectuer trois jours de manœuvres militaires en mer de Chine méridionale, du 19 au 21 juillet, rapporte China News Asia, dans une volonté d’affirmer sa souveraineté.

Channel News Asia – Il ne fait plus bon de vivre à Hong Kong. 42% des habitants de la ville semi-autonome chinoise souhaiteraient émigrer, selon un sondage du think tank Civic Exchange, rapporte Channel News Asia. 70% des 1500 personnes sondées ont affirmé que vivre à Hong Kong était devenu pire voire bien pire ces derniers temps, tandis que le nombre de hongkongais s’installant au Canada au cours du premier trimestre de 2016 a presque doublé par rapport à 2015. En cause ? Le climat politique de la ville, notamment depuis le mouvement « Occupy » de 2014 et les manifestations de plus en plus fréquentes. Les Hongkongais seraient plus pessimistes quant à l’avenir de l’ancienne colonie britannique, autour de laquelle Pékin resserre son étau, comme en témoigne l’affaire des cinq libraires arrêtés par les autorités chinoises (voir notre revue de presse du 7 juillet).

Ils sont d’autant plus alarmés qu’un rapprochement très probable entre la Chine et le Royaume-Uni affaibli par le Brexit, nuirait particulièrement à l’autonomie de Hong Kong, jusqu’alors protégée par la Couronne. Boris Jonhson, le nouveau ministre des Affaires étrangères britannique, a à plusieurs reprises publiquement appelé à des liens économiques plus forts avec la Chine, rappelle le South China Morning Post.

Asie du Sud-Est

Myanmar Times – Premier aveu d’impuissance en vue de la « conférence de Panglong du XXIe siècle » ? Ce sommet pour la réconciliation nationale en Birmanie, qui doit se tenir avant la fin du mois d’août, « ne pourra pas inclure l’ensemble des groupes ethniques armés » du pays. L’annonce a été faite par Khu Oo Reh, secrétaire général de l’UNFC – United Nationalities Federal Council, « bloc » rassemblant 9 groupes ethniques armés non-signataires de l’accord national de cessez-le-feu d’octobre 2015 – après sa rencontre hier dimanche 17 juillet avec la leader de facto du gouvernement birman, Aung San Suu Kyi. « Si nous attendons la participation de tous les groupes, nous ne pourrons jamais organiser de dialogue », commente-t-il.

Il faut dire que certains groupes membres de l’UNFC entretiennent actuellement un conflit ouvert avec l’armée régulière birmane – la Myanmar National Democratic Alliance Army (MNDAA ou groupe armé Kokang), la Ta’ang National Liberation Army et l’Arakan Army – de même qu’un puissant groupe non-membre de l’UNFC – l’United Wa State Army. Or le gouvernement de Nay Pyi Taw et l’UNFC se sont accordés pour estimer « l’arrêt des offensives armées dans les Etats ethniques » comme « une étape importante du processus de paix », sans quoi ce dernier ne pourra se dérouler correctement.

Aung San Suu Kyi et Khu Oo Reh ont d’ailleurs déterminé que la paix en Birmanie ne pourra être assurée qu’en transformant le pays en une véritable « Union fédérale »« un fédéralisme à la birmane », commente le Myanmar Times

Bangkok Post – Le coup d’Etat thaïlandais est « unique ». C’est ce qu’affirme ce 18 juillet le régime militaire du pays, qui refuse qu’on compare la situation en Thaïlande à la tentative de coup d’Etat militaire en Turquie. Plusieurs leaders des Chemises rouges et hommes politiques du Pheu Thai, le parti de Yingluck Shinawatra, Première ministre destituée en 2014, ont commenté les évènements en Turquie, se réjouissant de la réaction du peuple face à la tentative de putsch. « J’ai toujours cru que si le peuple dit non, les troupes et les tanks ne peuvent pas gagner. Le combat du peuple turc est la preuve que la dictature ne peut pas gagner », a posté sur Facebook l’opposant au régime Watana Muangsook. L’homme politique avertit le Premier ministre Prayuth Chan-ocha : « Dictateur thaïlandais, prends garde. »

Le régime militaire appelle les Thaïlandais à ne pas comparer les événements en Turquie au coup d’Etat du 22 mai 2014, tant les « contextes politiques des deux nations sont entièrement différents ». Le colonel Winthai, affirme au Bangkok Post : « Je pense que la plupart des gens peuvent dire quelles sont les intentions des critiques. Je pense aussi que la plupart des gens dans le pays et ailleurs savent ce que nous avons traversé et que notre situation est différente de celles des autres pays. Cependant, certains l’ont peut-être oublié. » Même son de cloche du côté de Prayuth Chan-ocha, de retour de son voyage en Mongolie, qui rappelle que le gouvernement précédent « ne fonctionnait pas ».

Inquirer – Le verdict de La Haye galvanise les autorités vietnamiennes. D’après le groupe Tuoi Tre News, les douanes du pays refusent désormais de tamponner les nouveaux passeports des ressortissants chinois, dont l’une des pages intérieures présente une carte de la Chine portant la fameuse « ligne en neuf traits » – démarcation englobant la quasi totalité de la mer de Chine méridionale, sur laquelle Pékin revendique sa souveraineté. Or la Cour permanente d’arbitrage de La Haye a porté un coup aux revendications chinoises, estimant que les droits historiques de Pékin dans la région sont désormais « éteints ». Une nouvelle accueillie chaleureusement par les autorités de Hanoï, en prise à un conflit de souveraineté avec la Chine dans les îles Paracels et Spratleys.

Les douanes vietnamiennes procurent désormais un « visa séparé » aux ressortissants chinois porteurs dudit passeport. « Cela permet aux autorités [nationales] de ne pas tamponner directement le document, et donc de souligner la réticence de Hanoï à reconnaître la « ligne en neuf traits » sous quelque forme que ce soit », explique le vice-président du Conseil populaire de la province de Quang Ninh (au nord du pays). Certains douaniers ont même confisqué à des touristes chinois plusieurs cartes de leur pays d’origine faisant figurer la « ligne en neuf traits », rapporte The Inquirer.

Asie du Sud

Hindustan Times – Al-Qaida plus attirant que Daech pour les Indiens ? Amarnath Amarasingam, expert en terrorisme basé au Canada, affirme au journal Hindustan Times que les Indiens en partance vers la Syrie se tournent davantage vers le Front al-Nosra, groupe djihadiste affilié à al-Qaida, que vers Daech. Au cours de son travail de terrain, l’expert aurait rencontré plusieurs Indiens, majoritairement dans les rangs d’al-Nosra : « Lorsque que quelqu’un quitte son pays pour aller en Syrie, les gens estiment qu’ils vont combattre pour Daech. Mais beaucoup d’entre eux sont attirés par al-Nosra car c’est la branche d’al-Qaida en Syrie, et qu’il porte le flambeau d’Oussama Ben Laden et du mouvement originel » explique-t-il. Ainsi, al-Nosra représenterait pour les combattants islamistes venus d’Inde « la forme la plus pure » du djihad, et se soucierait davantage des besoins des Syriens, contrairement à Daech, « théologiquement corrompu ». Cette analyse est cependant contredite par un représentant de l’Agence nationale d’investigation (NIA), pour qui la plupart des Indiens qui se rendent en Syrie rejoignent les rangs de Daech, et non des autres groupes.
Dawn – La voix indienne est-elle la seule audible sur la question du Cachemire ? C’est ce que considèrent d’anciens diplomates pakistanais réunis hier dimanche 17 juillet en table ronde. Conclusion de leur entretien : Islamabad doit « améliorer sa réputation internationale » afin de se faire entendre sur ce territoire partagé entre l’Inde et le Pakistan depuis la partition de 1947. L’enjeu apparait d’autant plus cruciale que la vallée du Cachemire, sous contrôle indien, est à feu et à sang depuis l’assassinat d’un séparatiste par les forces de l’ordre. Les affrontements continus ont fait plus de 40 morts et de 2000 blessés la semaine passée, déplore Dawn.

« Personne ne nous écoutera tant que nous ne nous corrigerons pas », explique un ancien ambassadeur pakistanais aux Etats-Unis avant d’ajouter : « Nous devons nous montrer sérieux et dignes de confiance. » D’après lui, la communauté internationale ne se fait pas suffisamment l’écho de l’enjeu cachemiri non pas par « hostilité » au Cachemire lui-même, mais au Pakistan, considéré comme « le principal porte-parole de la cause cachemirie ». Parmi les principales recommandations de la table ronde, on trouve : une meilleure implication des jeunes Pakistanais sur le dossier du Cachemire, une plus vaste recherche d’interlocuteurs en Inde (c’est-à-dire au-delà du gouvernement de New Delhi), ainsi qu’une utilisation plus poussée des réseaux sociaux pour couvrir les événements. Pour mieux comprendre la situation au Cachemire, relire notre temps fort en cartes et infographies : Cachemire : l’éternel statu quo ?.

The Express Tribune – L’assassinat de la starlette internet Qandeel Baloch, est largement débattu partout au Pakistan. Si les organisations des droits de l’homme, de même que les associations défendant le droit des femmes ont condamné ce meurtre, une partie de la société s’est félicitée de la mort de la starlette, qui apportait « le déshonneur sur la famille et sur le peuple baloutche tout entier ». Une ironie soulevée par The Express Tribune, puisque le meurtrier de la jeune femme n’est autre que son frère, Waseem. « Maintenant tout le monde se souviendra avec respect du fait que j’ai soulagé mes parents et frères qui souffraient depuis 20 ans à cause de [Qandeel] », a déclaré celui-ci. En une nuit, un « criminel bon à rien » est devenu le héros de sa communauté, se désole l’éditorialiste du journal pakistanais Kamal Siddiqi : « Non seulement Waseem sera bien traité pendant sa garde à vue, mais quand il ira en prison, il sera traité avec respect et honneur. »

L’occasion pour Kamal Siddiqi de dénoncer un système qui « abuse et maltraite les innocents ». Un système dans lequel la Cour tribale, ou Jirga, joue un rôle important. Cette Cour, contrôlée par quelques figures d’autorité locales et autres personnes d’influences, dispense sa propre forme de justice en parallèle du système judiciaire pakistanais. Une Cour qui émet un jugement rapide, contrairement au système judiciaire officiel, et dont les verdicts sont parfois discutables voir cruels, tel que faire marcher un homme sur des charbons ardents pour prouver son innocence. Pour l’éditorialiste, le crime de Qandeel, s’il en est un, est d’avoir tenté de franchir la limite imposée aux femmes pakistanaises par la Jirga avec ses déclarations et ses vidéos.

Les meurtres pour défendre l’honneur ont grimpé ces dernières années, rappelle l’éditorialiste. En 2015, plus de 1 000 hommes et femmes ont été tués pour cette raison. Cette année, la situation semble déjà s’aggraver. Un constat que partage Sandipan Sharma, dans un article du Firstpost, qui évoque les mêmes problèmes en Inde. De son côté, le père de la victime a déposé plainte contre ses fils et a juré de ne jamais leur pardonner la mort de Qandeel. Un point important puisqu’au Pakistan, le père de la victime a le droit de pardonner aux meurtriers. Une ironie sans fin.

Par Antoine Richard, Alexandre Gandil, Nicolas Baranowski, Jeremy Masse et Myriam Sonni

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