Revue de presse Asie - 6 juillet 2016

Guerre de propagande coréenne, généraux philippins accusés et remaniement ministériel indien

Le Premier ministre indien a annoncé hier, mardi 5 juillet, un remaniement ministériel d’envergure. Copie d'écran de The Hindu le 6 juillet 2016
Le Premier ministre indien a annoncé hier, mardi 5 juillet, un remaniement ministériel d’envergure. Copie d'écran de The Hindu le 6 juillet 2016

Asie du Nord-Est

South China Morning Post – La Chine avait déjà annoncé qu’elle ne reconnaîtrait pas l’arbitrage de La Haye (voir notre Revue de presse du 30 juin), devant arbitrer le conflit en mer de Chine méridionale qui l’oppose aux Philippines. Aujourd’hui elle persiste et signe.

C’est à l’occasion d’un forum tenu par des think tanks américains et chinois mardi dernier que Dai Bingguo, conseiller d’État et diplomate à Washington, s’est clairement exprimé sur le sujet : la décision qui sera prise mardi prochain n’est rien « qu’un morceau de papier ».
La Chine estime en effet que l’affaire ne relève pas de la juridiction de la Cour permanente d’arbitrage. Le conflit territorial devrait, d’après elle, se régler par des négociations directes entre les deux pays sans l’intermédiaire d’une tierce partie. Cet arbitrage, demandé par les Philippines, intervient dans le contexte de la poldérisation de récifs et de la construction d’infrastructures lourdes par la Chine dans des archipels de mer de Chine méridionale, revendiqués par les deux pays.

Le conseiller d’État a également affirmé, faisant référence aux séries de patrouilles effectuées par les États-Unis dans la région, que : les « Chinois, ne seront pas intimidés par les actions américaines, même si les États-Unis envoient leurs dix porte-avions en mer de Chine méridionale. »

South China Morning Post – Ce mercredi 6 juillet, les autorités chinoises et hongkongaises ont annoncé avoir conclu un accord pour s’informer mutuellement, sous deux semaines, en cas d’arrestation de leurs ressortissants, rapporte South China Morning Post. Selon le chef de l’exécutif hongkongais Leung Chun-ying, la décision a été prise à l’issue des discussions sur l’échec du système de notification réciproque transfrontalier dans l’affaire des cinq libraires hongkongais portés disparus l’année dernière, puis retrouvés en Chine (voir notre Revue de presse du 28 juin). Cependant, « le système nécessitera des aménagements selon les circonstances et les attentes », a reconnu le chef de l’exécutif. Actuellement, aucune limite de temps ne contraint les parties qui doivent informer « le plus tôt possible » leur contrepartie, rappelle le South China Morning Post.

Au cours de la conférence, Leung Chun-ying n’a pas abordé l’affaire concernant Lam Wing-kee, ce libraire enlevé en octobre dernier après avoir passé la frontière à Shenzhen (voir notre Revue de presse du 17 juin). Les autorités chinoises avaient alors fait part de la détention de Lam en février, soit quatre mois après son arrestation. Cette affaire avait défrayé la chronique le mois dernier, lorsque le libraire était rentré et avait raconté avoir vécu « huit mois de torture mentale ». Le chef de l’exécutif a seulement indiqué que les autorités chinoises étaient en contact avec sa délégation et que la police de Hong Kong poursuivait l’enquête.

Au-delà de la notification qui doit s’effectuer dans les quatorze jours, les autorités se sont accordées pour mettre en place une meilleure coopération et un échange d’informations accru dans le futur « à travers de nouveaux canaux de communication ». Une seconde réunion de travail devrait se tenir plus tard ce mois-ci.

Korea Herald – La guerre psychologique reprend. Ce mercredi 6 juillet, les autorités militaires sud-coréennes ont annoncé qu’elles prévoient de doubler le nombre de « haut-parleurs anti-nord-coréens » le long de la frontière avant la fin de l’année. Cette mesure intervient en représailles aux tirs de missiles des 22 et 23 juin (voir notre Revue de presse du 23 juin) et du quatrième test nucléaire de janvier. Selon les autorités, « Le but est également d’informer correctement les militaires et ressortissants nord-coréens de la réalité, à savoir que le régime de Kim trompe son peuple et que sa double politique de développement économique et nucléaire nuit à l’économie. »

L’annonce a été très mal perçue côté nord-coréen. « La Corée du Sud et les États-Unis seront punis en conséquence s’ils continuent leurs provocations le long de la frontière », a averti le régime de Kim Jong-un dans une lettre ouverte, selon des propos rapportés par un autre article du Korea Herald.

Après avoir mis un terme aux opérations de déstabilisation psychologique à l’issue d’un accord en 2004, Séoul a repris cette vieille stratégie l’année passée, rappelle le Korea Herald, alors que la Corée du Nord avait blessé deux soldats sud-coréens à la frontière. Actuellement, l’armée sud-coréenne dispose de 11 haut-parleurs le long du 38ème parallèle. Avec 20 haut-parleurs, les messages pourront être entendus à plus de 10 kilomètres.

Cette stratégie de guerre psychologique a pour but de faire monter la pression. Depuis des années les deux Corées s’opposent ainsi régulièrement de chaque côté de la DMZ : du Nord viennent de la musique militaire et des louanges du régime, et du Sud, des messages de démocratie mais aussi de la musique américaine et de la K-pop.

Asie du Sud-Est

Straits Times et Jakarta Post – Après les récentes attaques perpétrées par le groupe État Islamique en Asie du Sud-Est, les éditorialistes et experts s’inquiètent de la montée du terrorisme dans la région où les attaques se multiplient. Alors que la semaine dernière, la Malaisie a connu sa première attaque terroriste à Puchong dans l’État de Selangor, un attentat a eu lieu hier en Indonésie, contre un commissariat de Surakarta (Solo).
Ces deux attentats revendiqués par des individus liés à Daech, font suite à un appel du porte-parole de l’organisation État Islamique, Abu Muhammad Al-Adnani. Celui-ci a en effet ordonné aux membres du groupe dans une récente vidéo de faire de ce Ramadan, « un mois de calamité partout pour les non-croyants ». (voir notre Revue de presse du 5 juillet)
Pour Sidney Jones, directeur de l’institut pour l’Analyse politique des conflits basé à Jakarta, ces deux attentats constituent une preuve de l’accroissement de l’influence de Daech dans la région et doivent tirer le signal d’alarme. Il conseille d’ailleurs une coopération inter-agences et une vigilance accrues.
Le porte-parole de la chambre indonésienne des Représentants, Ade Komarudin, cité par le site de l’hebdomadaire Tempo, a de son côté déclaré que l’attentat de Surakarta devait être considéré comme un signal clair de reconsidérer la Loi sur le terrorisme. « L’éducation notamment, a-t-il précisé, doit jouer un rôle important. »
Myanmar Times – La Birmanie est une fois de plus sous le feu des critiques. Jeudi 8 juillet, une délégation de représentants du gouvernement défendra un ensemble de quatre lois controversées pour « la protection de la race et de la religion » lors d’une réunion sur la discrimination à l’égard des femmes des Nations unies à Genève. Ces lois, qui interdisent aux femmes birmanes de se marier en dehors de leur religion, contrôlent les conversions et permettent au gouvernement de limiter les naissances, sont accusées d’être discriminatoires non seulement à l’encontre de la communauté musulmane du pays (notamment les Rohingya), mais aussi des femmes.

La Birmanie, qui a ratifié la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) en 1997, assure pourtant, au contraire, que ces lois introduites en 2015 par le gouvernement de Thein Sein les protègent. Soe Kyi, directeur général du département de la Protection sociale, a confirmé au Myanmar Times que le gouvernement n’avait « pas le projet » d’abroger ces lois, très critiquées par de nombreux groupes de défense des droits des femmes : « Elles ne pouvaient forcément pas plaire à tout le monde. Il y aura toujours des gens pour ne pas apprécier une loi. »

Inquirer.net – Rodrigo Duterte ne prend pas de pincettes. Le nouveau président des Philippines poursuit sa campagne contre le trafic de drogue : à l’occasion d’une commémoration du 69ème anniversaire de la Philippine Air Force, mardi 5 juillet, le nouvel homme fort du pays a accusé cinq généraux de la police nationale philippine, dont deux toujours en service, d’être liés à des affaires illégales de drogue, les nommant publiquement. « Je suis contraint par mon sens du devoir de tout vous dire, surtout concernant les policiers qui sont impliqués dans le trafic de drogue, et qui, d’une façon ou d’une autre, contribuent à la détérioration de la loi et de l’ordre de ce pays », a-t-il déclaré lors de son discours.

Durterte a ensuite exigé que des enquêtes soient menées par le nouveau chef de la police nationale, Ronald de la Rosa, et que les deux chefs de police toujours actifs, le général Joel Pagdilao et le général Edgardo Tinio, soient relevés de leur poste. Ces derniers ont immédiatement nié les accusations, et cherchent à blanchir leur nom, révèle le site Inquirer.
Joel Pagdilao et Edgardo Tinio ont affirmé à la presse être prêts à se soumettre aux investigations de la police. En revanche, Tinio a déclaré qu’il ne reprendrait pas sa fonction : « Après que mon nom aura été blanchi, je prendrai une retraite anticipée ». Rodrigo Durterte, investi président la semaine dernière (voir notre Revue de presse du 30 juin 2016), a été félicité par ses soutiens politiques pour cette initiative non conventionnelle.

Asie du Sud

The Hindu – Que signifie le remaniement ministériel magistral de Modi ? C’est la question que se pose The Hindu. Le Premier ministre indien a annoncé hier, mardi 5 juillet, un remaniement ministériel d’envergure. Narendra Modi a nommé 19 nouveaux ministres d’Etat, quasiment tous issus du BJP. Pour le quotidien indien, la signification la plus évidente est que le Premier ministre n’acceptera désormais plus aucun « îlot administratif » au sein de son gouvernement. « Les polémiques ne seront plus tolérées ».

En effet, parmi les cinq ministres qui ont démissionné hier matin, on compte Nihalchand Meghwal, accusé d’un crime de haine, et Rama Shankar, au centre d’une controverse après avoir évoqué une « safranisation nécessaire de l’éducation » [safranisation est un néologisme indien désignant la politique des hindouistes radicaux, NDLR]. De son côté, Smriti Irani [ancienne favorite de Modi et discréditée par plusieurs mensonges concernant son CV, NDLR] perd le prestigieux ministère du Développement des ressources humaines au profit de Prakash Javadekar, un transfert de portefeuille qui intervient après une accalmie dans l’affaire des universités de Jawaharlal Nehru et Hyperabad. Irani devra se consoler avec le ministère du Textile, rapporte de son côté le quotidien Indian Express.

Selon The Hindu, lundi 4 juillet au soir, une note du gouvernement précisait que les portefeuilles avaient été choisis en fonction du mérite : « Ceci marque la fin d’un système qui fonctionnait avec de fréquents changements basés sur les castes, religions et autres considérations politiques du moment. » Pourtant, le nouveau gouvernement ressemble à s’y méprendre aux anciennes listes, qui maintenaient un équilibre entre castes et religions, analyse The Hindu. Plus de la moitié des 19 nouveaux ministres proviennent de communautés « défavorisées » (cinq Dalit – ou Intouchables, trois tribales et deux autres). Pour l’Indian Express, ce remaniement aura pour conséquence un combat électoral terrible dans les États de l’Uttar Pradesh et du Gujarat, où les castes jouent un rôle majeur.

Dawn – Le Pakistan toujours sans son Premier ministre. Alors que le cabinet du Premier ministre est vacant depuis le 22 mai, le ministre des Finances, Ishaq Dar, et le ministre en chef du Pendjab, Shahbaz Sharif, affirment que Nawaz Sharif ne retournera au pays qu’après l’Aïd el-Fitr sans toutefois préciser la date. Ses opposants, ayant eu connaissance de ses virées shopping dans les boutiques huppées de Londres, en ont profité pour l’attaquer. Suivant les rumeurs, celui-ci se rendrait même en Arabie Saoudite avant son retour.
La raison de son absence est en effet une opération à cœur ouvert à Londres le 31 mai dernier (voir notre Revue de presse du 31 mai). Depuis, aucune information officielle n’a été communiquée sur son état de santé ni sur son retour.
En son absence, sa fille Maryam Nawaz, gère les affaires du cabinet, recevant notamment les dignitaires étrangers.
Face à cette situation, le président du Parti du peuple pakistanais, Bilawal Zardari-Bhutto, s’interroge : le Gouvernement pourrait-il légalement prendre des décisions alors que le Premier ministre se trouve à l’étranger ?
The Japan Times – Coup dur pour le Bangladesh. Après l’horreur de l’attentat de Dacca, l’identité de ses auteurs se dévoile. Parmi eux, le fils de Imtiaz Khan Babul, politicien membre du parti au pouvoir Awami League. Ce dernier, rapporte le Japan Times, s’est exprimé mardi 5 juillet sur les actes de son fils, Rohan Imtiaz, mort à 22 ans samedi 2 juillet lors de l’intervention des commandos : « J’étais sidéré et sans voix lorsque j’ai appris que mon fils avait fait une chose aussi haineuse. » Il a ajouté qu’il pensait que son fils avait été endoctriné sur Internet : Je ne sais pas ce qui l’a changé. Il n’y a rien qui suggérait qu’il se radicalisait. Il ne lisait presque pas de livres religieux. »

Le terroriste suspecté de l’attaque de Dacca avait subitement disparu en décembre 2015, pendant un voyage en Inde avec sa femme, laissant trois enfants derrière lui. Plusieurs suspects sont issus de milieux favorisés. Cette tendance au djihadisme est considérée comme « un phénomène de mode » a déclaré le ministre bangladais de l’Intérieur (voir notre Revue de presse du 5 juillet 2016). Imtiaz Khan Babul a également affirmé avoir rencontré au cours de ses recherches de nombreuses familles dans le même cas que lui.
Le Bangladesh nie cependant toute présence de l’organisation État islamique sur son territoire.

Par Juliette Morillot, Jeremy Masse, Marie Bonnamy et Myriam Sonni, avec Anda Djoehana Wiradikarta à Paris

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