Politique
Tribune

Afghanistan : les mirages de Pékin

Le vice-premier ministre du gouvernement taliban afghan Abdul Ghani Baradar et l'ambassadeur de Chine en Afghanistan Wang Yu annoncent la signature d'un contrat d'extraction de pétrole avec l'entreprise d'État chinoise Xinjiang Central Asia Petroleum and Gas Co (CAPEIC), à Kabul le 5 janvier 2023. (Source : SCMP)
Le vice-premier ministre du gouvernement taliban afghan Abdul Ghani Baradar et l'ambassadeur de Chine en Afghanistan Wang Yu annoncent la signature d'un contrat d'extraction de pétrole avec l'entreprise d'État chinoise Xinjiang Central Asia Petroleum and Gas Co (CAPEIC), à Kabul le 5 janvier 2023. (Source : SCMP)
Échecs du passé, obstacles logistiques et sécuritaires, manque de fiabilité des talibans, dangers du partenariat avec le Pakistan… Comment ne pas douter des projets chinois en Afghanistan ? C’est ce qu’analyse dans cette tribune Olivier Guillard.
*Telles que « faire de la Chine un pays socialiste moderne à tous égards et faire progresser le rajeunissement de la nation chinoise sur tous les fronts » (Xi Jinping, discours du 16 octobre 2022). **Selon deux quotidiens canadiens s’appuyant sur des documents confidentiels émanant de services de renseignements, la Chine a cherché à peser sur le résultat des élections fédérales du 20 septembre 2021. ***Courant février, les autorités philippines ont accusé les garde-côtes chinois d’avoir pointé un « laser de qualité militaire » sur un bâtiment de garde-côtes philippins réapprovisionnant des troupes sur un atoll, aveuglant temporairement l’équipage.
Quatre mois après le XXème Congrès du Parti communiste chinois, conclu alors par son secrétaire général Xi Jinping sur des notes ambitieuses* et le menton haut, c’est décidément un tout autre élan qui semble emporter en ce premier trimestre 2023 la République populaire, loin de ses attentes et velléités de rayonnement international. Vague de contestation populaire de Wuhan à Canton en passant par Dalian ou la province de Hebei près de Pékin, affaire des « ballons espions » et tension maximale avec les États-Unis, nouvelle crispation avec le Canada**, énième incartade en mer de Chine du Sud***, évocation de possibles fournitures d’armes chinoises pour les troupes russes en Ukraine ; et on en passe.
Même pour la deuxième économie mondiale, ce ne sont pas les seules prévisions de croissance économique orientées à la hausse en 2023, moins encore l’annonce en janvier dernier de projets énergétiques à venir dans l’Afghanistan des talibans, qui suffiront à faire basculer dans le positif le solde de ce début d’année pour le moins compliqué. Revenons sur l’annonce en tout début d’année de nouvelles velléités économiques et industrielles chinoises dans le « cimetière des Empires ». Annonce elle aussi nécessairement porteuse par ailleurs de tourments et maux de tête à venir pour le pays du milieu.
*Selon Stratfor, environ 87 millions de barils, projet somme toute relativement mineur.
Le 5 janvier, le gouvernement afghan des talibans annonçait la signature d’un accord avec la société chinoise Xinjiang Central Asia Petroleum and Gas Co (CAPEIC), laquelle aura la charge d’extraire le pétrole présent dans le sous-sol du bassin de l’Amu Darya*, dans les provinces septentrionales afghanes (Sar-e-Pol, Jowzjan et Faryab). Étiré contractuellement sur un quart de siècle, l’accord prévoit notamment des investissements chinois dépassant les 500 millions de dollars, la possible création de 3 000 emplois (au profit de la population afghane locale), ainsi que la construction d’une raffinerie pour traiter le pétrole. Enfin, au niveau comptable, il octroie à l’administration talibane une participation initiale de l’ordre de 20 % dans le projet, avec la possibilité de la porter à terme à 75 %.
Cette signature enflamma littéralement le représentant de la République populaire de Chine dans l’Émirat islamique d’Afghanistan. « Le projet pétrolier de l’Amu Darya est un projet important de coopération pratique entre la Chine et l’Afghanistan, déclara l’ambassadeur Wang Yu. L’avancement de ce projet façonne un modèle de coopération entre la Chine et l’Afghanistan pour les grands projets dans le domaine de l’énergie et d’autres domaines. » Et de laisser poindre malgré tout une certaine prudence, somme toute bien compréhensible : « Dans le même temps, je crois et j’espère également que la partie afghane prendra des mesures pratiques et efficaces pour garantir un fonctionnement harmonieux et sûr du projet […] afin de renforcer la confiance d’un plus grand nombre d’investisseurs étrangers pour développer leurs activités et l’Afghanistan. » Voilà en réalité qui en dit long sur le scepticisme de la partie chinoise elle-même dans la réalisation sinon la viabilité à terme d’un projet qui ne sortira probablement pas de terre avant un certain temps.

Richesses du sous-sol et réalités logistiques

Le scepticisme quant à l’opportunité autant que la faisabilité de cette nouvelle entreprise chinoise en terre afghane est largement partagé par les experts, toutes latitudes confondues* ; sinon par une majorité d’Afghans, trop conscients eux-mêmes des périls multiples lestant, voire hypothéquant tout projet complexe et ambitieux dans ce pays en état de crise permanent depuis un demi-siècle. Et il n’est pas ici uniquement question de préoccupations sécuritaires.
*Réserves prouvées de l’ordre de 50 milliards m3 de gaz naturel (CIA, The World Factbook). **2èmes réserves mondiales.
La réalité de la richesse du sous-sol afghan est peu ou prou admise par l’ensemble des spécialistes. Les études les plus abouties sur le sujet – parfois il est vrai assez anciennes – évoquent notamment l’existence, au-delà de réserves d’hydrocarbures*, d’une abondante palette minérale quasi inexploitée à ce jour : cobalt, cuivre, fer, gaz naturel, lithium**, or, nickel, pierres précieuses, terres rares…
*140 km à l’ouest de Kaboul.
Cependant, de la présence à l’exploitation, dans ce pays enclavé et montagneux aux infrastructures soient obsolètes, soient inexistantes, il y a loin de la coupe aux lèvres, du minerai à sa valorisation économique. Dans un long article dédié au potentiel minéral afghan autant qu’à ses difficultés d’exploitation, Newsweek résumait dernièrement ainsi les limites logistiques rédhibitoires affectant ces perspectives : « À l’exception du minerai de fer (gisement de Haji Gak*) et du cuivre (gisement d’Aynak, 50 km au sud de la capitale), presque toutes les zones d’intérêt sont dépourvues de routes, d’eau et d’électricité. »

Le poids des échecs du passé

De même, dans ce marché afghan si particulier, pétri de contraintes et d’incertitudes diverses, comment ne pas tenir compte des rares et intrépides précédents projets industriels envisagés un temps par le voisin chinois et de leur échec manifeste pour relativiser les chances de succès des dernières initiatives d’investissements de la deuxième économie mondiale ?
*The Brookings Institution, 3 août 2022.
Fin 2007, l’entreprise d’État chinoise China Metallurgical Group (MCC) obtenait l’autorisation d’exploiter une importante mine de cuivre dans la province de Logar, à Mes Aynak, en échange d’un investissement considérable (de l’ordre de 3 milliards de dollars), de la construction d’une usine pour traiter le cuivre in situ, d’une voie ferrée vers Torkham à la frontière pakistanaise, et d’une centrale électrique censée alimenter le site minier, sa périphérie et la capitale Kaboul, distante d’une cinquantaine de km au Nord. Sans véritablement surprendre les observateurs, l’environnement sécuritaire impropre à pareille entreprise autant que l’incapacité de l’État afghan et du partenaire chinois à mettre en œuvre les termes du contrat ont eu raison des espoirs, bien hardis, de réalisation*. Du reste, pour revenir au projet d’exploitation pétrolière dans le nord du pays évoqué plus haut, rappelons d’un mot qu’une douzaine d’années plus tôt, en 2011, la société étatique chinoise China National Petroleum Corp. (CNPC) signait déjà un accord d’exploitation peu ou prou similaire avec le gouvernement d’Hamid Karzai. Ce dernier, à la différence du régime taliban actuel, profitait d’un soutien appuyé de la communauté internationale (États-Unis, UE et OTAN). Du fait des obstacles sécuritaires multiples et logistiques gageant tout développement – sans oublier les méandres du monde des affaires et de la politique locale -, le projet n’a guère eu l’opportunité de décoller.

Mauvaise gouvernance et corruption

*Selon Transparency et son Corruption Perception Index 2021, l’Afghanistan pointe au 174ème rang des 180 nations et États pris en compte dans le champ de cette vaste étude annuelle.
Dans une tribune publiée à l’été 2022 intitulée « Chinese Investment in Afghanistan’s lithium sector: A long shot in the short term », les chercheurs de la Brookings Institution mettent notamment en avant le fait que « les incursions [industrielles] chinoises en Afghanistan posent également des questions de gouvernance mondiale et de corruption* […]. L’effet de l’entrée de la Chine – potentiellement en tant que partenaire dans des transactions commerciales de plusieurs milliards de dollars – ne peut être prédit. Mais dans d’autres pays, la Chine a joué, au mieux, un rôle ambigu dans les efforts de lutte contre la corruption. »
Ces trois phrases résument admirablement la situation, les risques et les enjeux. D’autant plus qu’à preuve du contraire, les nouveaux maitres de Kaboul n’ont pas placé la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption au rang de priorité nationale. À la différence d’un redressement économique vital – le PIB afghan s’est contracté de 20 à 30 % en 2021. Et ce ne sont pas les très peu convaincantes déclarations de l’ambassadeur chinois en Afghanistan qui rassureront les observateurs, moins encore une population afghane très au fait du poids de l’ingérence extérieure subie – pakistanaise notamment : « La Chine n’a jamais interféré dans les affaires intérieures de l’Afghanistan, a ainsi souligné le diplomate chinois. Elle n’a jamais cherché à défendre ses propres intérêts dans les soi-disant sphères d’influence en Afghanistan. »

Pragmatisme diplomatique

*En juillet 2021, un mois avant le retrait américain d’Afghanistan, une délégation talibane de haut niveau était reçue par le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi à Tianjin.
Ce n’est pas une découverte : la diplomatie chinoise ne s’intéresse guère aux notions de gouvernance, de respect des droits de l’homme, ni à la situation de la condition féminine et des libertés. Ces dernières années, et plus particulièrement depuis le retrait précipité et désordonné de la communauté internationale de l’éreintant théâtre de crise afghan en août 2021*, la Chine fut vis-à-vis de l’Afghanistan sous pavillon taliban d’un pragmatisme à toute épreuve, d’une incroyable souplesse à l’égard de cette ancienne insurrection radicale. Au point que d’aucuns y voyaient une possible reconnaissance officielle à court terme par Pékin de ce régime pour l’heure toujours officieux… « Pourquoi la Chine hésite-t-elle à investir en Afghanistan ou à reconnaître les talibans ? », s’interrogeait à l’automne dernier le South China Morning Post. Le quotidien hongkongais rappelait notamment que la crainte primaire de Pékin lors de la prise de Kaboul à l’été 2021 était l’éventuel départ vers le territoire chinois – en transitant par le Tadjikistan – de réfugiés afghans, voire de militants radicaux.
*The Diplomat, 25 mars 2022. **TOLO News (Afghanistan), 17 février 2023.
En mars 2022, alors que le régime taliban revenait sur son engagement d’autoriser l’enseignement aux femmes*, le chef de la diplomatie chinoise faisait une escale surprise à Kaboul. Un trimestre plus tard, en marge d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Organisation de Coopération de Shanghai organisée à Tachkent en Ouzbekistan, Wang Yi rencontrait son homologue afghan Amir Khan Muttaqi et faisait notamment remarquer à son hôte et à son auditoire qu’il s’agissait de la quatrième rencontre entre officiels chinois et talibans depuis le début de l’année. Le 17 février dernier, à Doha, l’envoyé spécial de la Chine pour l’Afghanistan Yue Xiaoyong rencontrait « l’ambassadeur » de l’Émirat islamique Suhail Shaheen, ce dernier assurant que son visiteur devrait effectuer dans un futur proche une visite en Afghanistan**.

Le paratonnerre chinois, contrepoids aux ingérences pakistanaises ?

Interviewés par l’auteur, plusieurs spécialistes de cet État perpétuellement entre crises et chaos, des Afghans eux-mêmes, évoquent à l’occasion les velléités chinoises dans ce pays reliant l’Asie méridionale à l’Asie Centrale sous un jour plus constructif. Ils estiment par exemple, avant « mise en œuvre », que le poids et l’autorité de Pékin, s’ils venaient ces prochaines années à se consolider dans la patrie de feu le commandant Massoud, permettraient « dans une « certaine mesure » de relativiser le fardeau pesant de l’influence du Pakistan et de ses généraux sur le quotidien des 38 millions d’Afghans. Encore faudrait-il que le postulat d’une acceptation tacite de la part d’Islamabad – tout sauf garantie par avance – résiste à l’analyse et, sur le terrain, se matérialise dans les faits. Une hypothèse hasardeuse, quand on sait combien les hommes en uniforme et leur service de renseignements (ISI) sont littéralement attachés – depuis des décennies – à leur pré carré afghan.

Joint-venture sino-pakistanaise

La problématique fait débat, arguments et contre-arguments s’entremêlent dans un maelström de spéculations et de postulats. Toutefois, si une piste plus sérieuse et solide semble se dessiner, c’est avant tout celle du doute quant à la valeur ajoutée de cette coentreprise de longue date pour la stabilité intérieure, l’indépendance et le modèle économique du patient afghan. Au niveau diplomatique, les relations bilatérales Pékin–Islamabad, étroites et linéaires, n’en ont pas moins des intérêts croisés – vis-à-vis de l’Inde notamment. Que dire par ailleurs des risques de piège de la dette pour un Afghanistan déjà exsangue financièrement ?
*Stratfor, 12 janvier 2023.
Pékin et Islamabad se montrent quant à elles relativement volontaires et optimistes sur les dividendes à venir de leur « association » en terre afghane. Trop peut-être. « Le Pakistan et la Chine discutent de l’entrée potentielle de l’Afghanistan dans le corridor économique Chine-Pakistan (CPEC), le projet phare de la Belt and Road Initiative (BRI), chère à Xi Jinping, nous informaient le mois dernier les analystes de Stratfor. La Chine a exprimé son soutien à la mise en œuvre du projet de chemin de fer transafghan qui traverserait l’Ouzbékistan, l’Afghanistan et le Pakistan. La Chine pourrait utiliser cette voie pour transporter du cuivre et d’autres marchandises de l’Afghanistan vers la Chine via le Pakistan, qui dispose déjà d’infrastructures de transport construites dans le cadre de la BRI chinoise. »*
Du côté de Tokyo, autre capitale asiatique majeure très attentive aux projets chinois de développement économique et d’influence en Indo-Pacifique, on porte également un regard particulier sur les apports – ou les coûts – de cette joint-venture sino-pakistanaise, dont on redoute moins les éventuels bénéfices que les incidences multiples : « Le Pakistan, depuis longtemps aux prises avec son propre problème de terrorisme intérieur, soutient une présence accrue de la Chine en Afghanistan car il sait que l’instabilité [domestique afghane, NDLR] constitue une alternative plus dommageable. L’adhésion du Pakistan est cruciale pour le lancement des projets de la BRI en Afghanistan. Une collaboration étroite avec le Pakistan permettrait à la Chine d’avoir des yeux sur le terrain pour évaluer ce qui se passe de l’autre côté de la frontière […]. Historiquement, cette proximité [sino-pakistanaise en Afghanistan, NDLR] est, au moins en partie, le résultat de la dépendance de la Chine vis-à-vis du Pakistan en matière de renseignement régional. Il existe une autre raison pour laquelle la Chine et le Pakistan souhaitent faire équipe en Afghanistan : la perspective de constituer un bloc régional économiquement fort en Asie du Sud pour contrer l’influence des États-Unis et de l’Inde. »
*Quatre guerres indo-pakistanaises en 1948, 1965, 1971 et 1999 (dite « crise de Kargil ») ; un bref conflit frontalier avec la Chine en 1962.
L’Inde justement, nation traditionnellement appréciée de longue date des Afghans, reste un des principaux pays contributeurs aux efforts de reconstruction engagés ces deux dernières décennies en Afghanistan. Le pays de Narendra Modi observe avec de très légitimes réserves et inquiétudes les projets conjoints de ses deux voisins du Nord et de l’Ouest avec lesquels, depuis son indépendance à l’été 1947, elle fut en conflit ouvert à cinq reprises*. « L’utilisation potentielle par la Chine du Pakistan en tant que mandataire en Afghanistan sur le front de la sécurité, ou en bref, l’utilisation du sang pakistanais au premier plan pour garantir ses intérêts économiques, apparaît également comme une perspective peu réjouissante, présentait récemment un influent think tank de New Delhi. La récente tentative d’assassinat du chargé d’affaires pakistanais à Kaboul [le 5 décembre 2022, NDLR], revendiquée par le groupe État islamique (EI), ajoute une nouvelle épine dans l’axe Pakistan-Taliban. »

Obstacles sécuritaires rédhibitoires

Le 13 décembre dernier, des hommes armés ouvrent le feu dans un hôtel de Kaboul, blessant grièvement cinq ressortissants chinois. Un attentat revendiqué peu après par l’État islamique-Khorasan (Isis-K), la branche afghane de l’EI en Afghanistan.
*Cf. publication Voice of Khorasan.
Pour autant, cela fait déjà un certain moment que l’EI a placé la Chine, ses ressortissants présents en Afghanistan, ses projets industriels et autres, sur la liste des cibles prioritaires – à forte valeur ajoutée. Sa propagande* se répand volontiers dernièrement en menaces, en rhétorique anti-chinoise de toute sorte, à l’image de ce qu’Al-Qaïda en Somalie, au Kenya ou au Mozambique, a coutume de faire à l’adresse de Pékin et de ses ambitions régionales. Ainsi, l’EI n’hésite pas à s’emparer du sort difficile de la minorité musulmane ouïghoure au Xinjiang et de sa stigmatisation par les autorités chinoises pour concentrer le courroux de ses militants sur Pékin et ses intérêts à l’étranger – ambassades, projets industriels, diplomates et ressortissants. Avec un certain succès a priori.
Courant janvier, trois semaines après l’attaque du 13 décembre, le porte-parole du régime taliban revenait enfin sur cette thématique délicate, mais sans vraiment séduire son auditoire, peut-être moins encore le « partenaire » chinois directement affecté : « Le gouvernement actuel [régime taliban, NDLR] réitère son obligation d’assurer la sécurité des ressortissants chinois et de tous les autres ressortissants venant en Afghanistan pour investir, faire des affaires ou du tourisme. C’est la responsabilité du gouvernement et [nous] nous engageons à la mettre en œuvre. »
*Anciennement connu sous le nom de Mouvement islamique du Turkestan oriental (ETIM en anglais), le Parti islamique du Turkestan (TIP) est une organisation islamique ouïghoure fondée en Chine. Depuis 2002, cette entité terroriste figure sur la liste des organisations terroristes du Conseil de sécurité des Nations Unies. **South China Morning Post, 8 janvier 2023.
A voir – pour dire le moins. Qu’en est-il par exemple, dans un registre proche, de la promesse des talibans faite à Pékin d’agir avec la plus grande fermeté vis-à-vis des membres de l’East Turkistan Islamic Party (ETIM*), défenseurs radicaux de la cause ouïghoure, encore présents sur le sol afghan. On parle ici possiblement de l’existence de plusieurs centaines d’individus, parfois au vu et au su de tous ou presque, dans les provinces du Badakhshan – frontalière du Xinjiang chinois, de Faryab ou du Nouristan notamment.
*91 km de frontière terrestre commune entre le Badakhshan afghan et le Xinjiang, via l’étroit corridor de Wakhan.
Lithium abondant ou pétrole en plus petite quantité, contexte post-pandémique ou non, velléité chinoise de redynamiser une économie plus atone que souhaitée, nouvel élan à impulser à une BRI en mal de notoriété, gouvernement civil à Kaboul affligé par une gouvernance médiocre ou régime taliban à l’ADN radicale, les promesses à court terme offertes par le patient afghan à son ambitieux voisin chinois* suscitent à cette heure le plus normalement du monde plus d’interrogations que de certitudes. Il en va a priori tout autant du bénéfice pour une population afghane, certes résiliente mais exsangue, éreintée, aux prises avec un panel infini de carences et de maux domestiques ou extérieurs, d’une doucereuse coentreprise sino-pakistanaise, dont il est légitimement permis de douter et du bien-fondé à court terme, et des véritables intentions stratégiques, politiques et économiques, à plus long terme.
Par Olivier Guillard

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A propos de l'auteur
Spécialiste de l'Asie, chercheur au CERIAS (Université du Québec à Montréal), chercheur associé à l’Institut d’Etudes de Géopolitique Appliquée, le Dr Olivier Guillard est notamment l'auteur du livre "Que faire avec la Corée ? Subir, honnir ou punir ? » (NUVIS, 2019) et co-auteur de "Géopolitique du XXIe siècle" (chapitre Afghanistan, Ellipses, Paris, 2024). Entre autres régions d’Asie, il a abondamment voyagé en Inde, en Corée du sud, en Afghanistan, en Birmanie, au Sri Lanka, au Pakistan, en Chine, en Thaïlande, en Indonésie, au Népal, au Cambodge ou encore au Bangladesh. Titulaire d’un Doctorat en droit international public de l’Université de Paris XI, il est aussi directeur de l’information de la société Crisis24 (GARDAWORLD), un cabinet de conseil et d’ingénierie spécialisé dans l’analyse et la gestion des risques internationaux.