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Festival Allers-Retours : "Journey to the West" de Kong Dashan, un Monty Python en Chine ?

"Journey to the West", une comédie de science-fiction qui n'est pas sans rappeler l'humour anglais. (Crédit : DR)
"Journey to the West", une comédie de science-fiction qui n'est pas sans rappeler l'humour anglais. (Crédit : DR)
Vendredi 3 février, le Festival Allers-Retours, le festival du cinéma d’auteur chinois, a ouvert ses portes sur une comédie hilarante : Journey to the West du jeune réalisateur Kong Dashan. Une comédie de quasi-science-fiction qui détourne le classique chinois du XVIème siècle en suivant le voyage non pas d’un moine en goguette, mais d’un sympathique chercheur d’OVNI qui, accompagné de ses acolytes, part loin vers l’Ouest à la recherche des extraterrestres – et peut-être aussi du sens de la vie. Un film au comique absurde qui, tout en restant poétique et intrigant, n’est pas sans rappeler les grandes heures de l’humour anglais. Le festival aurait-il donc déniché un Monty Python en Chine ?
À l’heure où certains gaulois tentent vainement de faire rire avec des clichés racistes, c’est bien au musée Guimet qu’il fallait se trouver pour entendre une salle comble rire aux éclats. En effet, pour la soirée de lancement de sa cinquième édition, le festival Allers-Retours, principal festival du cinéma chinois d’auteur en France, avait misé sur une comédie hilarante. Un genre qui se fait rare dans les festivals mais qui est un pari on ne peut plus réussi à en juger par les fous rires des spectateurs français comme chinois, contrariant la thèse selon laquelle l’humour serait trop spécifique à la culture pour qu’il puisse faire mouche en dehors de son contexte d’origine.
Niu Xiaowa, Liu Xiutong et Yo Yenju, créatrices et organisatrices du festival, lors de la cérémonie d'ouverture au Musée Guimet. (Crédit : Florent Dichy)
Niu Xiaowa, Liu Xiutong et Yo Yenju, créatrices et organisatrices du festival, lors de la cérémonie d'ouverture au Musée Guimet. (Crédit : Florent Dichy)
Pourtant, plus on regarde Journey to the West, qui tire son titre du grand roman chinois Pérégrination vers l’Ouest écrit à la fin du XVIème siècle par Wu Cheng’en, plus l’humour mis en avant a quelque chose de familier. Un je-ne-sais-quoi des Monty Python. Si le film possède bien entendu certaines références spécifiques que seuls les spectateurs chinois ou les grands amateurs de culture chinoise peuvent comprendre, son sens comique repose en grande partie sur que l’on nomme communément chez nous, « l’humour anglais ». Il y a en effet dans le film de Kong Dashan un sens de l’absurde parfaitement assumé, et mis en scène à travers des personnages archétypaux qui sont toujours très premier degré malgré les situations délirantes.
L'ufologue Tang Zhijun multiplie les rencontres improbables dans sa quête. (Crédit : DR)
L'ufologue Tang Zhijun multiplie les rencontres improbables dans sa quête. (Crédit : DR)
Journey to the West nous propose de suivre les aventures de Tang Zhijun, le rédacteur principal d’un magazine d’ufologie qui croit dur comme fer en l’existence de sociétés extraterrestres. Hélas, si le magazine a encore quelques fans, les différentes enquêtes de terrain ont fini de mettre le journal sur la paille et seule la vente d’une pièce de collection, une véritable contrefaçon de combinaison de taïkonaute, peut permettre de payer les factures en retard. Tout semble perdu, du moins jusqu’à l’arrivée d’une mystérieuse vidéo trouvée sur internet : des éclairs de forme elliptiques tombent du ciel. Cette fois, il en est sûr, c’est la bonne ! En route mauvaise troupe ! Le temps de réunir une fine équipe et direction le Sichuan, ses apparitions inexpliquées, ses véritables extraterrestres conservés dans les congélateurs et ses vieux maîtres qui se déplacent en soucoupe de fête foraine. Rien qui ne puisse surprendre notre sympathique chercheur d’OVNI, aussi persévérant et flegmatique dans sa quête que peut l’être Arthur, « King of the Britons », partant en quête de jardinets pour satisfaire les desiderata de chevaliers de Ni.
Affiche de "Journey to the West" de Kong Dashan. (Crédit : DR)
Affiche de "Journey to the West" de Kong Dashan. (Crédit : DR)
Après avoir réalisé plusieurs courts métrages, le jeune réalisateur Kong Dashan, né en 1990, signe, avec Journey the West, un premier long métrage détonnant et ambitieux. Malgré un petit budget, il offre aux spectateurs une grande aventure sous forme de fable, maniant avec brio le sens de la rupture, l’absurde mais aussi l’émotion. Journey to the West n’est pas un pastiche de film de science-fiction, puisque le jeune réalisateur partage une vraie tendresse pour les doux dingues qu’il met en scène et leur offre de beaux moments d’émotions. C’est que derrière la comédie se cache aussi une certaine critique de la vie rationnelle et une ode à la rêverie. Présenté également au Festival International du film de Rotterdam, Journey to the West est un des nombreux films inédits chez nous et n’a pas encore de distributeurs français. Espérons que le Festival Allers-Retours lui permettra de trouver un chemin jusqu’à nos salles obscures.
Par Gwenaël Germain

Le Festival Allers-Retours - cinéma d'auteur chinois

Créé en 2018, le festival Allers-Retours est devenu, en cinq éditions, un festival de film incontournable pour les amateurs de cinémas venus d’Asie aux côtés du festival du cinéma japonais Kinotayo, du Festival du Film Coréen à Paris, ou encore du Festival International des Cinémas d’Asie à Vesoul.

Avec une sélection variée et extrêmement qualitative, le festival Allers-Retours permet au plus grand nombre de découvrir une large palette de films chinois d’auteur, souvent invisibles ailleurs, offrant une grande diversité de genre, du documentaire à la fiction, de la comédie au drame et du court au long métrage. En outre, le festival organise pour le public de très nombreuses séances de questions-réponses avec les réalisatrices et les réalisateurs, avec pour but d’éclairer et de mieux comprendre la société chinoise d’aujourd’hui. Pour sa cinquième édition, le festival s’est déroulé du 3 au 12 février à Paris, au Musée national des arts asiatiques – Guimet et au Studio des Ursulines.

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A propos de l'auteur
Gwenaël Germain est psychologue social spécialisé sur les questions interculturelles. Depuis 2007, il n’a eu de cesse de voyager en Asie du Sud-Est, avant de s’installer pour plusieurs mois à Séoul et y réaliser une enquête de terrain. Particulièrement intéressé par la question féministe, il écrit actuellement un livre d’entretiens consacré aux femmes coréennes.