Culture
Cinéma

Cinéma japonais : comment le Festival Kinotayo a illuminé Paris

Scène du film "Love Life" de Koji Fukada, présenté en ouverture du Festival Kinotayo le 6 décembre 2022 à Paris. (Crédit : DR)
Scène du film "Love Life" de Koji Fukada, présenté en ouverture du Festival Kinotayo le 6 décembre 2022 à Paris. (Crédit : DR)
Pour les amateurs franciliens du 7ème art, décembre a rimé avec cinéma japonais et Paris avec Festival Kinotayo. En cette fin d’année, ce ne sont pas moins de seize films qui ont été présentés au public de la Maison de Culture du Japon à Paris (MCJP) entre le 6 et le 17 décembre avant que le festival ne parcourt le reste de la France entre janvier et mars prochain. Au programme de cette seizième édition, des drames, une comédie, de la romance, du thriller, et surtout des documentaires puisque le festival a proposé un focus sur le travail du documentariste Kazuhiro Soda. Asialyst était présent à la MCJP lors de la cérémonie d’ouverture qui présentait le dernier film de Kôji Fukada : Love Life.
En ce mardi 6 décembre, la grande salle de la Maison de Culture du Japon à Paris, bruisse d’impatience pour la cérémonie d’ouverture du plus important festival consacré au cinéma japonais en France. L’audience de journalistes, d’officiels mais surtout de passionnés, est venue découvrir le dernier film de Kôji Fukada, Love Life, sélectionné à la Mostra de Venise et sorti en septembre dernier au Japon. Sur l’estrade, le président du festival, le ministre d’ambassade du Japon, ou encore les membres du comité de sélection font des discours de circonstance. Cette année, plus de 180 films ont étés visionnés par le comité qui n’en n’a retenu que sept en compétition. La crème de la crème, composée essentiellement de cinéastes n’ayant encore jamais étés présentés en France. Il est vrai que le festival Kinotayo est passé maître dans l’art de faire découvrir de nouvelles têtes aux cinéphiles français comme, il y a quelques années, Kôji Fukada ou encore Ryusuke Hamaguchi.
Justement, c’est au tour du documentariste Kazuhiro Soda de monter sur scène pour une intervention qui vient trancher avec le côté guindé des discours précédents. Inconnu du grand public, Soda ne l’est pas des amateurs du festival puisque plusieurs de ses documentaires ont déjà été présentés lors d’éditions précédentes. Il n’est d’ailleurs pas venu seul, puisque son épouse, qui est aussi sa productrice, est du voyage. Le sourire jusqu’aux oreilles, le couple de cinéastes, très complices, déride l’audience en se coupant mutuellement la parole. Ils ont de quoi être heureux puisqu’à côté des sept films en compétition, le festival a décidé de leur consacrer une rétrospective en présentant sept de leurs documentaires et que le dernier, Professeur Yamamoto part à la retraite, récompensé de la Montgolfière d’Or au Festival des 3 Continents, a enfin obtenu un distributeur français et sortira dans les salles le 4 janvier 2023.
Le documentariste Kazuhiro Soda décortique le Japon depuis plus de quinze ans. (Crédit : DR)
Le documentariste Kazuhiro Soda décortique le Japon depuis plus de quinze ans. (Crédit : DR)
Enfin, les lumières s’éteignent pour le film d’ouverture, Love Life, le dernier long métrage de Kôji Fukada connu en France pour Hospitalité, Harmonium, ou encore L’infirmière. Avant que le film ne commence, le cinéaste de quarante-deux ans s’adresse aux spectateurs dans un message préenregistré. Il se dit très heureux que son dernier film fasse l’ouverture du festival qui lui a offert, il y a une quinzaine d’années, le tout premier prix de sa carrière pour son moyen-métrage, La grenadière (2006) et qui participa largement à le faire connaître en France et en Europe.
Dès ses premières minutes, Love Life nous plonge dans le quotidien d’une famille japonaise heureuse. Dans une barre d’immeuble, Taeko, jeune femme pleine de caractère, vit avec son époux, Jiro, et son fils Keita, six ans, tout jeune champion de Othello. Seule ombre au tableau pour la jeune femme, ses beaux-parents n’ont jamais vraiment accepté le mariage. Bon an mal an, tous font des efforts pour constituer une famille recomposée. D’ailleurs, les voici réunis pour célébrer la récente victoire du petit Keita. Hélas, le bonheur ne pouvait pas durer et bientôt, le père biologique du jeune garçon refait surface, d’anciennes amours renaissent de leurs cendres et l’équilibre de la famille vacille lorsque le drame arrive.
L'affiche japonaise de "Love Life", dernier film de Kôji Fukada. (crédit : DR)
L'affiche japonaise de "Love Life", dernier film de Kôji Fukada. (crédit : DR)
Avec Love Life, Kôji Fukada explore de nouveau les tréfonds de l’âme japonaise en questionnant les non-dits et les difficultés de communication pour mieux décortiquer les vicissitudes de l’humain et de ses contradictions. Un peu à la manière de Hospitalité, sorti en France en 2021, le cinéaste de quarante-deux ans mélange un ton parfois léger, comique même, avec la plus grande des gravités dans un film qui, à l’image de ses personnages, ne cesse de changer de masque. Famille recomposée, deuil, amants perdus retrouvés, système social japonais, hypocrisie humaine, immigration, grande précarité, autant de thèmes qui jalonnent un film toujours plus riche au fil des minutes qui rendent ses personnages plus crédibles et humains que jamais. Certainement l’un des meilleurs films du réalisateur qu’il sera possible de découvrir dans les salles obscures à partir d’avril prochain.
D’ici là, et pour découvrir d’autres films japonais, le festival Kinotayo a gardé ses portes ouvertes à Paris jusqu’au 16 décembre. Il sera projeté dans de nombreuses villes françaises (Lyon, Chambéry, Strasbourg, Cannes ou Saint-Malo) entre janvier et mars 2023.
Par Gwenaël Germain

Soutenez-nous !

Asialyst est conçu par une équipe composée à 100 % de bénévoles et grâce à un réseau de contributeurs en Asie ou ailleurs, journalistes, experts, universitaires, consultants ou anciens diplomates... Notre seul but : partager la connaissance de l'Asie au plus large public.

Faire un don
A propos de l'auteur
Gwenaël Germain est psychologue social spécialisé sur les questions interculturelles. Depuis 2007, il n’a eu de cesse de voyager en Asie du Sud-Est, avant de s’installer pour plusieurs mois à Séoul et y réaliser une enquête de terrain. Particulièrement intéressé par la question féministe, il écrit actuellement un livre d’entretiens consacré aux femmes coréennes.