Histoire
Analyse

50 ans après, la visite de Nixon en Chine laisse un goût amer

Le président Mao et Richard Nixon lors de la visite du président américain en Chine du 21 au 28 en février 1972. (Source : MSNCBC)
Le président Mao et Richard Nixon lors de la visite du président américain en Chine du 21 au 28 en février 1972. (Source : MSNCBC)
Du 21 au 28 février 1972, le président américain Richard Nixon effectuait une visite mémorable à Pékin, dans le sillage d’une visite secrète de Henry Kissinger qui avait préparé la reconnaissance par les États-Unis de la Chine communiste. Cinquante années plus tard, que de désillusions ! Le goût est amer.
Passée l’euphorie des retrouvailles entre la Chine rouge et le plus grand pays capitaliste, les années se sont succédées pour aboutir aujourd’hui à une sévère désillusion à Washington. Car loin d’avoir abouti à une ouverture de la Chine, ce rapprochement sino-américain a provoqué l’inverse : une Chine conquérante et totalitaire face à une Amérique qui n’est plus le symbole de la démocratie.
C’est le secrétaire d’État du président Nixon, Henry Kissinger, qui avait en 1971 jeté les bases de cette normalisation entre Pékin et Washington. Lors d’une visite secrète dans la capitale chinoise, il avait rencontré les plus hauts dignitaires du régime.
Mais déjà à l’époque, il était conscient du fait que ce pari pourrait un jour se retourner contre les États-Unis. « Lorsque ces gens n’auront plus besoin de nous, il sera très difficile de leur parler », avait confié le secrétaire d’État à l’un de ses assistants au sortir d’un entretien avec un responsable chinois.
Henry Kissinger, aujourd’hui âgé de 99 ans, est resté une personne très estimée des dirigeants chinois. À commencer par le président Xi Jinping qui, en 2019 encore, l’a accueilli avec tous les honneurs à Pékin.
Le Monde est revenu récemment sur les circonstances qui ont conduit à cette visite secrète. « Les États-Unis sont invités à se rendre en Chine populaire, écrivait le quotidien le 8 avril 1971. Le secrétaire général de la délégation chinoise de tennis de table, M. Sung Chung, a invité la Fédération américaine à se rendre en Chine pour y disputer une série de matches. L’invitation, qui a été lancée le 7 avril à Nagoya, au Japon, où se déroulent actuellement les championnats du monde, a provoqué une certaine surprise en raison du refus antérieur des Chinois de rencontrer les Cambodgiens et les Vietnamiens du Sud. »
Le président américain Richard Nixon et le Premier ministre chinois Zhou Enlai portent un toast à Pékin, le 25 février 1972. (Source : Wikimedia Commons)
Le président américain Richard Nixon et le Premier ministre chinois Zhou Enlai portent un toast à Pékin, le 25 février 1972. (Source : Wikimedia Commons)
Dès le 13 avril, ce premier échange de balles entre Chinois et Américains, alors en état de quasi-hostilité depuis la guerre de Corée, passait dans les pages de politique étrangère, avant de faire la Une du Monde le 16. Le grand ballet qui allait amener, trois mois plus tard et dans le plus grand secret, le conseiller de Richard Nixon à Pékin prenait son envol.

Diplomatie du ping-pong

L’affaire était tellement énorme que, lorsque les pongistes Glenn Cowan et Zhuang Zedong échangèrent quelques politesses à Nagoya, personne n’y avait prêté attention. D’autant que l’opinion américaine et internationale, obnubilée par la guerre du Vietnam ainsi que par un conflit sino-soviétique qui avait failli dégénérer en guerre nucléaire, n’avait guère suivi la diplomatie du « Dear Henry » pour établir des relations avec Pékin.
Mais, en saisissant la balle au bond, l’habile tacticien qu’était Zhou Enlai, alors Premier ministre, avait inventé la « diplomatie du ping-pong ». S’il est une négociation fondée sur une Realpolitik dénuée de tout sentimentalisme, s’il existe des négociateurs aussi cyniques et sans scrupules pour protéger ce qu’ils croyaient être les intérêts majeurs de leur pays, c’est bien des joueurs d’échecs Zhou Enlai et Henry Kissinger, œuvrant pour le compte de leurs patrons respectifs Mao Zedong et Richard Nixon, qu’il s’agit.
Pendant vingt ans, la Chine était devenue pour les États-Unis, marqués par l’anticommunisme viscéral de ces deux pères spirituels de Richard Nixon qu’étaient le sénateur McCarthy et Foster Dulles, le symbole du communisme le plus diabolique.
Il fallait la contenir par une muraille de feu et d’alliances, et protéger avant tout l’allié taïwanais. Pour Mao, depuis la guerre de Corée, et encore plus pendant la Révolution culturelle, l’Amérique était une sorte de « Grand Satan » du capitalisme et de l’impérialisme, l’ennemi principal bien que « tigre de papier », comme aimait à le dire Mao.
Qu’est-ce qui a bien pu rapprocher deux présidents si hostiles l’un envers l’autre ? Richard Nixon écrivait certes en 1967 : « La Chine rouge menace, sa menace est claire, présente […] et insistante. » Mao, lui, affirmait trois ans plus tôt : « L’impérialisme américain est l’ennemi le plus féroce des peuples du monde. » Mais tous deux partageaient une même perception de la menace soviétique en ces temps du brejnévisme triomphant, qu’ils avaient vu se manifester en Europe avec l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968, et en Asie avec les accrochages à la frontière chinoise en 1969.
Dans ses Mémoires, Kissinger raconte avec un luxe de détails comment se déroulèrent ces premiers contacts, dans une atmosphère digne d’un film d’espionnage de série B. Il raille l’obsession médiatique de son patron, oubliant qu’il partageait à sa manière le même travers, mais surtout que, s’il était le messager américain de cette histoire, l’instigateur en fut Richard Nixon. À travers ses souvenirs, et d’autres, on peut reconstituer ce fascinant puzzle, sur fond d’invasion du Cambodge et de scandale du Watergate.

L’escapade secrète de Kissinger

Dès son élection, Richard Nixon avait compris la nécessité de renouer avec la Chine et de profiter d’une nouvelle diplomatie « triangulaire » pour affaiblir l’URSS. Dès son élection, il avait lancé quelques signaux que Pékin n’avait pas manqué de décrypter : en mars, le président américain s’ouvrit au général de Gaulle (qui avait reconnu la République populaire en 1964) de son intention d’amorcer un dialogue, lui demandant de le faire savoir à la Chine.
L’ambassadeur de France à Pékin de l’époque, Etienne Manac’h, en informa Zhou Enlai. En même temps, Washington fit quelques « gestes » symboliques : ainsi par exemple, la levée de l’interdiction de se rendre en Chine pour les journalistes et universitaires et la suspension des patrouilles navales dans le détroit de Taïwan.
Pour brouiller les pistes, surtout à l’égard de leurs alliés (Saïgon, Taipei et Tokyo pour les États-Unis, Hanoï pour la Chine), il fallut recourir à des émissaires secrets. Mais cette volonté frénétique de conclure était contrebalancée par de regrettables contingences extérieures. D’abord l’attitude de l’URSS, qui s’inquiétait de ce rapprochement, mais dont la « lourdeur », selon Henry Kissinger, ne fit que servir les comploteurs. Surtout, la politique indochinoise de Nixon retarda le processus : il était difficile aux Chinois de ne pas paraître soutenir leurs alliés vietnamiens, ainsi que le prince Sihanouk et les Khmers rouges.
Le Premier ministre chinois Zhou Enlai sert le secrétaire d'État américain Henry Kissinger lors d'un banquet d'État au Grand Hall du Peuple à Pékin, le 9 juillet 1971. (Source : Ixtsir)
Le Premier ministre chinois Zhou Enlai sert le secrétaire d'État américain Henry Kissinger lors d'un banquet d'État au Grand Hall du Peuple à Pékin, le 9 juillet 1971. (Source : Ixtsir)
Mao se livra en mai à une philippique endiablée contre les « impérialistes américains », tout en se gardant bien d’annoncer une intervention militaire. La Maison Blanche parlait désormais de « République populaire » et autorisait la reprise des contacts et du commerce avec Pékin.
C’est ainsi que, au milieu d’un voyage d’information apparemment anodin qui le menait de Saïgon à Paris via New Delhi et Islamabad, Henry Kissinger fit sa première escapade secrète à Pékin du 9 au 11 juillet 1971. Il fallut inventer un malaise obligeant le secrétaire d’État à se reposer dans la capitale du Pakistan, déjouer la surveillance, devenue gênante, de diplomates et membres des services secrets américains, pour prendre un avion pakistanais au petit matin.
Tout se passa pour le mieux à Pékin, les deux hommes s’étant jaugés et sachant jusqu’où ils pouvaient aller. Le 15 juillet, un communiqué commun apprenait au monde stupéfait la visite pour 1972 du président américain à Pékin. Richard Nixon et Henry Kissinger célébrèrent leur triomphe par un repas de crabe arrosé de Lafite-Rothschild 1961 dans un restaurant à la mode de Los Angeles.
Le 20 février 1972, le président américain s’envolait pour Pékin et la rencontre historique avec Mao. À l’automne, la République populaire remplaçait Taïwan aux Nations Unies. En 1974, George H. W. Bush devenait le représentant officiel américain à Pékin. Le 1er janvier 1979, Chinois et Américains établissaient des relations diplomatiques.
Les rapports entre les deux pays allaient revenir au beau fixe, à la grande joie des politiciens et hommes d’affaires intéressés par la « carte » et par le marché chinois. Ceci jusqu’au massacre de la place Tiananmen le 4 juin 1989.
*Harnais placé sur la tête des chevaux de somme.
Voilà qui explique sans doute l’importance accordée par le président George Bush Père à ses relations avec Pékin. Pourtant, en dépit de son engouement pour une Chine qui l’avait propulsé dans l’Histoire et avait fait sa réputation de diplomate, Henry Kissinger n’avait pu s’empêcher de mettre en garde contre la redoutable habileté de ses partenaires : « Les Soviétiques offrent leur bonne volonté comme prix de la réussite de négociations. Les Chinois utilisent l’amitié comme un licou* dans la poursuite des négociations ; en offrant au moins à l’interlocuteur les apparences d’une intimité personnelle, une subtile contrainte est mise aux prétentions qu’il peut avancer. » Une mise en garde toujours actuelle.
La visite à Pékin du président américain George W. Bush en 2002 avait marqué le 30ème anniversaire de la reconnaissance croisée des anciens ennemis. Il y a dix ans, Xi Jinping qui était alors sur le point de prendre les rênes du pouvoir à Pékin, avait réuni dans la capitale chinoise les artisans de cette réconciliation improbable. Étaient là aussi les anciens conseillers à la sécurité nationale Zbigniew Brzezinski, Brent Scowcroft et, bien sûr, Kissinger.
Xi Jinping reçoit Henry Kissinger le 22 novembre 2019 au Grand Hall du Peuple à Pékin. (Source : 6do)
Xi Jinping reçoit Henry Kissinger le 22 novembre 2019 au Grand Hall du Peuple à Pékin. (Source : 6do)

« Changements sans précédent depuis un siècle »

Mais cinquante ans après, les relations entre les deux superpuissances mondiales ont tourné à l’aigre tandis que la Russie et la Chine ont effectué ces derniers mois un rapprochement spectaculaire. Ce rapprochement s’est encore renforcé avec la visite à Pékin du président russe Vladimir Poutine, premier chef d’État à arriver dans la capitale chinoise avant la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’hiver de Pékin. Étonnant retournement de la situation : tandis qu’au début des années 1970, Nixon et Kissinger étaient en mesure de jouer la carte de la Chine contre l’Union soviétique, maintenant c’est au tour de Poutine et de Xi Jinping de jouer la même carte contre les États-Unis et leurs alliés.
Henry Kissinger avait peut-être bien senti instinctivement que la direction communiste chinoise se retournerait un jour contre l’Amérique aussitôt qu’elle en aurait les capacités militaires et diplomatiques. Ainsi ses éloges sur la nouvelle Chine résonnent-ils étrangement aujourd’hui tandis que Pékin et Washington s’affrontent plus que jamais sur des questions économiques, politiques et surtout idéologiques. Au cœur de cet affrontement, l’archipel de Taïwan. Alors se pose aujourd’hui la question : la Chine et les États-Unis en arriveront-ils à se livrer une guerre chaude sur ce sujet sensible ?
À l’heure actuelle, les langues se délient dans la capitale américaine. Ainsi l’expert américain des affaires chinoises Rush Doshi n’hésite-t-il pas à expliquer la nature de cette menace chinoise dans un livre paru récemment, The Long Game: China’s Grand Strategy to Displace American Order. Après être restée tapie dans l’ombre face à une supériorité militaire américaine incontestable, écrit Doshi, la Chine est maintenant devenue arrogante et sûre d’elle, confiante dans le fait qu’elle restera impunie sur la scène internationale en dépit de tous ses forfaits, en raison surtout de sa puissance économique mais aussi d’un nationalisme exacerbé dans le pays.
Selon Rush Doshi, devenu aujourd’hui l’un des membres du Conseil national de sécurité du président Joe Biden, la Chine était traversée par des dissensions internes et confrontée à une puissance militaire dominante des États-Unis à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Cette puissance était éclatante avec la chute de l’Union soviétique et la Première guerre du Golfe. Mais la crise financière de 2008 a commencé à modifier cette perspective, Pékin observant un affaiblissement du colosse américain.
L’élection en 2016 de Donald Trump à la Maison Blanche puis le chaos suscité aux États-Unis par une gestion exécrable de la pandémie de Covid-19 ont ensuite enclenché une nouvelle phase : la direction chinoise était désormais persuadée que l’Amérique était maintenant entrée dans une phase de déclin irréversible. Autour de 2016, Pékin constatant un affaiblissement de l’Occident, la propagande chinoise se mit à évoquer des « changements sans précédent depuis un siècle » dans le monde. À son profit.

Cécité et désillusion américaines

Quel bouleversement pour la Chine qui avait été humiliée lors des deux Guerres de l’opium à la fin du XIXème siècle, lorsqu’elle avait été contrainte de signer des « traités inégaux » qui lui avaient imposé d’ouvrir aux impérialistes occidentaux des ports au commerce de cette drogue. La Chine commençait à prendre sa revanche. Cette revanche suit maintenant son chemin. À l’heure actuelle, tout oppose Pékin et Washington, à l’exception peut-être de leur coopération timide dans la lutte contre le changement climatique. Mais pour le reste, rien ne va plus. La concurrence ne cesse de s’aiguiser dans les domaines militaires, technologiques, commerciaux, géopolitiques et idéologiques, en particulier en Indo-Pacifique.
La désillusion américaine avait commencé après l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce en 2001. Sans l’aide des États-Unis, la Chine ne serait doute jamais devenue membre de l’OMC. Depuis, Américains et autres pays occidentaux ont réalisé que non seulement la Chine ne s’est pas ouverte sur le monde extérieur, mais elle a trahi quasiment toutes ses promesses.
Les États-Unis ont donc été aveugles. « À regarder ce qui s’est passé, c’est douloureux car il s’agit de tellement de crédulité », explique Michael Pillsbury, un ancien responsable du département américain de la Défense et vétéran des négociations sino-américaines, cité par le quotidien Nikkei Asia. Parmi ceux qui ont peut-être souffert de cécité et qui en sont revenus, figure Hank Paulson, ancien secrétaire au Trésor américain et aujourd’hui chef de Goldman Sachs. Jusqu’à une période récente très enthousiaste de l’engagement avec la Chine, tout comme d’ailleurs la majorité de la communauté d’affaires américaine, il a aujourd’hui radicalement changé de ton pour proclamer que la Chine constitue une menace existentielle pour l’Amérique.
À mi-mandat de la présidence Trump, Paulson avait déjà explicitement déclaré que de nombreuses entreprises américaines étaient devenus « sceptiques et même hostiles après avoir été les avocates » de la politique commerciale américaine à l’égard de la Chine.

Les promesses de Nixon et Kissinger

Outre Taïwan, le Japon, proche allié des États-Unis, avait été une autre victime de la normalisation sino-américaine. Or voici qu’aujourd’hui, l’archipel nippon est devenu résolument hostile à la Chine. Des déclarations récentes de l’ancien Premier ministre japonais Shinzo Abe et de l’actuel chef du gouvernement japonais Fumio Kishida ont bien montré qu’en cas de guerre à Taïwan, le Japon se rangerait sans hésiter du côté américain. Mais c’est sans conteste Taipei qui a été véritablement trahi par cette normalisation. Dans ses mémoires, Kissinger explique que l’ancienne Formose avait été à peine mentionnée lors de ses discussions avec Zhou Enlai en 1971.
Mais des documents aujourd’hui déclassifiés montrent au contraire que l’ancien Premier ministre chinois avait lourdement insisté sur le fait que Washington devait absolument abandonner Taïwan pour que la Chine accepte de normaliser ses relations avec les États-Unis.
Il en ressort clairement que Kissinger avait bel et bien décidé d’abandonner Taïwan pour conduire la Chine à se rapprocher de l’Amérique pour faire front ensemble face à l’Union soviétique. Comme l’a expliqué plus tard l’historienne Nancy Bernkopf Tucker, Kissinger a en réalité offert à la Chine bien plus qu’elle ne pouvait espérer en acceptant que le États-Unis retirent toute présence militaire sur le sol taïwanais et adoptent le concept « d’une seule Chine », reconnaissant ainsi que Taïwan fait partie intégrante de la Chine populaire.
« Les promesses [de Nixon et Kissinger] étaient plus grandes, leurs compromis plus conséquents et leurs concessions plus fondamentales que ce qu’ils pensaient acceptable par le peuple américain, écrivait cette historienne en 2005. Voici pourquoi ils ont eu recours au secret pour dissimuler les dommages collatéraux » de ces concessions.
De fait, il apparaît bien que Kissinger était intimidé par Zhou Enlai et surtout Mao. Confronté à la colère que le Congrès américain avait exprimé devant ce lâchage d’un allié anticommuniste, Nixon accepta que ce même Congrès vote en 1979 le fameux Taiwan Relations Act par lequel les États-Unis s’engageaient à fournir des armes à Taïwan en quantités suffisantes pour lui permettre de se défendre en cas d’agression militaire. C’était là la seule concession du président américain de l’époque.

« Revenir à l’esprit de la visite de Nixon »

Depuis, la Chine n’a plus jamais cessé de revendiquer Taïwan comme faisant partie de son territoire. Fin 2021, Zhao Lijian, l’un des porte-paroles du ministère chinois des Affaires étrangères, a rappelé que le principe « d’une seule Chine » constituait « le fondement d’un développement politique stable des relations Chine/États-Unis ».
Quant à Xi Jinping, il n’hésite plus à brandir la menace d’une intervention militaire si les autorités de Taïwan persistent dans leur refus de négocier une réunification de l’île sous la bannière du Parti communiste chinois. Il a en outre tenu à préciser que cette réunification devrait nécessairement se réaliser « au cours de la génération présente ».
Aujourd’hui, les dirigeants américains réalisent, mais peut-être un peu tard, qu’ils se sont lourdement trompés. Est-il encore temps de redresser la barre ? Oui, certes. Car aujourd’hui, la perspective d’une guerre à Taïwan est lointaine tant nombre de pays ont exprimé leur solidarité avec Taïwan. Outre les États-Unis qui, par la voix de leur président Joe Biden, ont clairement indiqué qu’ils défendraient l’île en cas d’attaque chinoise, le Japon, l’Australie, l’Inde, le Vietnam et, dans une moindre mesure, la Corée du Sud ont tous clairement exprimé leur soutien à Taïwan qui, plus que jamais, apparaît comme un bastion de la démocratie dans le monde chinois.
Ce lundi 21 février, le ministère chinois des Affaires étrangères a invité les Américains à revenir à l’esprit de cette visite de Nixon il y a cinquante ans. « Des différences et des conflits entre les deux pays sont inévitables, mais la clé est de gérer de façon efficace par une communication franche afin de prévenir des mauvais calculs stratégiques et empêcher la confrontation », a ainsi déclaré Wang Wenbin, un porte-parole du ministère. Et de rappeler le fameux communiqué de Shanghai adopté lors de cette visite du président américain en 1972 : les États-Unis avait accepté le principe « d’une seule Chine » et les « cinq principes de la coexistence pacifique », y compris le respect mutuel de la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les pays, la non-agression et la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, a insisté Wang Wenbin.
« Aussi longtemps que nous adhérons au respect mutuel, a poursuivi le porte-parole, que nous recherchons un terrain mutuel en dépit de nos différences, que nous réussissions une coopération gagnant-gagnant, nous pourrons surmonter nos divergences et engranger des bénéfices communs et parvenir à une coexistence pacifique entre nos pays qui observent des systèmes sociaux et des voies vers le développement différents. » Les problèmes actuels entre Pékin et Washington sont dus « à certaines personnes aux États-Unis » qui ont « une perception de la Chine erronée et considèrent la Chine comme un rival stratégique et même un « ennemi imaginaire ». Nous espérons que les États-Unis rejoindront la Chine en tirant des leçons et la sagesse qui ont présidée aux 50 dernières années de l’Histoire » afin de « retourner sur la voie d’un développement sain et stable des relations sino-américaines. »
Nul doute que ce message sera perçu à Washington avec un certain doute. Car les administrations américaines ont peu à peu adopté une perception de la Chine bien différente de celle qui prévalait en 1971.
Par Pierre-Antoine Donnet

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A propos de l'auteur
Ancien journaliste à l'AFP, Pierre-Antoine Donnet est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages consacrés à la Chine, au Japon, au Tibet, à l'Inde et aux grands défis asiatiques. En 2020, cet ancien correspondant à Pékin a publié "Le leadership mondial en question, L'affrontement entre la Chine et les États-Unis" aux Éditions de l'Aube. Il est aussi l'auteur de "Tibet mort ou vif", paru chez Gallimard en 1990 et réédité en 2019 dans une version mise à jour et augmentée. Après "Chine, le grand prédateur", paru en 2021 aux Éditions de l'Aube, il a dirigé fin 2022 l'ouvrage collectif "Le Dossier chinois" (Cherche Midi), puis début 2023 "Confucius aujourd'hui, un héritage universaliste" (L'Aube).