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Taïwan : Tsai Ing-wen offre à l’UE de livrer davantage de semi-conducteurs

La président taïwanaise Tsai Ing-wen. (Source : FT)
La président taïwanaise Tsai Ing-wen. (Source : FT)
Ce lundi 11 mai, la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen a officiellement proposé à l’Union européenne que son pays fournisse davantage de semi-conducteurs afin de permettre aux industries du Vieux Continent de pallier la pénurie de ces puces électroniques vitales pour l’économie. Taïwan en est l’un des principaux producteurs.
« Taïwan continuera de s’engager avec l’UE et d’autres partenaires démocratiques pour établir un approvisionnement plus solide de biens essentiels comme les semi-conducteurs et le matériel médical », a affirmé la présidente taïwanaise dans un message vidéo diffusé lors du « sommet de Copenhague pour la démocratie ». Ce colloque est organisé par l’Alliance des démocraties, une organisation fondée par l’ancien patron de l’Otan Anders Fogh Rasmussen, visée en mars par des sanctions de Pékin.
À ce jour, ni la Commission européenne, ni les 27 pays membres de l’UE n’ont répondu à la proposition de Tsai, dont l’offre a été passée sous silence par la quasi-totalité des médias européens. Notons qu’aucun des États de l’Union européenne ne reconnaît la République de Chine, le nom officiel de l’ancienne Formose. Seul le Vatican entretient des relations diplomatiques avec Taipei.

Enjeu de l’hégémonie mondiale

La semaine dernière, Washington avait annoncé faire pression sur ses fabricants pour qu’ils allouent une partie de leur approvisionnement aux constructeurs automobiles américains, très affectés comme d’autres secteurs par la pénurie. Ce manque de composants électroniques devrait durer encore plusieurs mois, selon des industriels.
La course est à la miniaturisation des semi-conducteurs. Or la Chine accuse là un retard de plusieurs années. Le principal fondeur américain Intel est capable de produire des puces gravées à 10 nanomètres, tandis que TSMC et le Sud-Coréen Samsung Electronics Company parviennent à graver des puces à 5 nanomètres. De son côté, le géant chinois SMIC (Semiconductor Manufacturing International Corporation), placé comme Huawei sur la liste noire des autorités américaines, ne réussit à graver qu’à 14 nanomètres.
Une étude menée en mars 2021 par le cabinet d’études de marché Counterpoint Research apporte un éclairage sur la situation mondiale de la fabrication des semi-conducteurs. Le géant taïwanais TSMC arrive en tête du marché avec une part totale de 28 %. La société taïwanaise UMC se classe en deuxième position avec 13 % de part de marché. SMIC arrive en troisième position avec une part de 11 %, suivi de Samsung et de Global Foundries avec respectivement 10 % et 7 %.
Le savoir-faire de TSMC est sans doute l’une des raisons pour lesquelles l’administration Biden ne lâchera jamais Taïwan en cas d’invasion chinoise. Car Washington ne souhaite à aucun prix que ce savoir-faire crucial ne tombe entre les mains de Pékin : les semi-conducteurs constituent le cœur de la nouvelle révolution industrielle qui va, au cours de ce siècle, tracer les contours de l’hégémonie mondiale à venir que l’Amérique entend bien conserver. Une hégémonie que la Chine lui dispute, tout en ne l’ayant jamais dit.
Joe Biden doit annoncer prochainement sa stratégie à l’égard de la Chine. Les appels se multiplient pour qu’il s’engage publiquement et clairement à défendre militairement Taïwan en cas d’agression chinoise. L’île, qui compte 23 millions d’habitants, est considérée par Pékin comme une « province rebelle » appelée à rentrer un jour dans son giron, par la force si nécessaire. « Notre gouvernement est pleinement conscient des menaces qui pèsent sur la sécurité régionale et renforce activement nos capacités de défense nationale pour protéger notre démocratie », a d’ailleurs déclaré la présidente. Taïwan « travaille avec ses partenaires mondiaux pour assurer la sécurité et la stabilité dans la région », a-t-elle ajouté.

Accord sur les investissements

Tsai Ing-wen a également renouvelé son appel à un accord d’investissement croisé entre l’Union européenne et Taïwan, en sommeil depuis des années. Déjà le 22 septembre 2020 alors que s’ouvrait un forum de l’UE sur les investissements, la présidente taïwanaise avait déclaré son pays prêt à devenir l’un des premiers partenaires de l’Union européenne dans les secteurs des technologies de l’information et de la communication, des biotechnologies, de la santé et de la mobilité. Elle avait réitéré la volonté de Taiwan de négocier avec Bruxelles l’accord bilatéral sur les investissements.
« Les efforts que nous avons entrepris pour encourager l’investissement tout en contenant la pandémie de Covid-19 ont permis de maintenir nos économies sur ses rails », a souligné le 11 mai la présidente taïwanaise. Alors que l’économie mondiale devrait se contracter de 5,1 % en 2020, Taïwan a maintenu sa prévision de croissance de 1,56 % pour cette année. « Taiwan, a poursuivi Tsai Ing-wen, n’a pas créé cet environnement d’investissement robuste pour ses seuls besoins domestiques mais aussi pour forger des liens internationaux plus forts. Comme l’UE, nous encourageons des partenariats globaux mutuellement bénéfiques en fournissant un environnement d’affaires équitable et prévisible. »
Par Pierre-Antoine Donnet

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A propos de l'auteur
Ancien journaliste à l'AFP, Pierre-Antoine Donnet est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages consacrés à la Chine, au Japon, au Tibet, à l'Inde et aux grands défis asiatiques. En 2020, cet ancien correspondant à Pékin a publié "Le leadership mondial en question, L'affrontement entre la Chine et les États-Unis" aux Éditions de l'Aube. Il est aussi l'auteur de "Tibet mort ou vif", paru chez Gallimard en 1990 et réédité en 2019 dans une version mise à jour et augmentée. Après "Chine, le grand prédateur", paru en 2021 aux Éditions de l'Aube, il a dirigé fin 2022 l'ouvrage collectif "Le Dossier chinois" (Cherche Midi), puis début 2023 "Confucius aujourd'hui, un héritage universaliste" (L'Aube).