Politique
Entretien

Dilnur Reyhan : "Sur les Ouïghours, la Chine achète des négationnistes en Occident"

Dilnur Reyhan, enseignante à l'Institut national des civilisations et langues orientales (Inalco) et présidente de l'Institut ouïghour d'Europe. (Crédit : Dilnur Reyhan)
Dilnur Reyhan, enseignante à l'Institut national des civilisations et langues orientales (Inalco) et présidente de l'Institut ouïghour d'Europe. (Crédit : Dilnur Reyhan)
La Chine a maintes fois nié l’existence de camps d’enfermement au Xinjiang. Elle ne parle que de « centres de formation professionnelle ». Pékin rejette avec encore plus d’énergie l’idée d’un génocide perpétré contre la minorité ouïghoure dans cette région dite « autonome » au nord-ouest du pays. Ce ne serait là que propagande et contre-vérités. Ouïghoure née au Xinjiang, installée depuis 17 ans en France où elle a acquis la nationalité, Dilnur Reyhan dépense toute son énergie en sens inverse. Présidente de l’Institut ouïghour d’Europe, elle se bat sans relâche pour faire reconnaître l’existence de ce génocide et lutter contre ce qu’elle estime être du négationnisme. Asialyst a recueilli son témoignage.

Entretien

Dilnur Reyhan est docteure en sociologie, enseignante à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) et à l’École des Mines-Télécom. Elle est directrice de publication de la revue bilingue Regard sur les Ouïghour-e-s. Son domaine de recherche est principalement l’identité et le nationalisme dans la diaspora ouïghoure, mais aussi les études de genre chez les Ouïghours.

Dilnur Reyhan est aussi présidente de l’Institut ouïghour d’Europe, une association loi 1901 créée en janvier 2019 et dont la mission est « représenter les Ouïghours non seulement en France mais aussi dans le reste de l’Europe », selon le site de l’association. Parmi ses activités, les formations linguistiques et culturelles, les aides administratives et à l’orientation universitaire ou encore la défense des droits des femmes ouïghoures. Les Ouïghours, poursuit, le site de l’institut, sont certes une « communauté numériquement mince en Europe », composée d’environ 10 000 personnes dont 10 % en France, mais ils forment une « nouvelle communauté européenne qui commence à s’agrandir ». L’institut se veut donc une « structure laïque qui soit capable d’aider à leur intégration et leur future contribution pour le développement de l’Europe ».

En 2020, le combat de Dilnur Reyhan a gagné subitement en notoriété. Aux côtés de l’eurodéputé Raphaël Glucksmann qui l’a contactée en 2019, elle est devenue le porte-voix des Ouïghours en France. Elle mène des campagnes d’information et de sensibilisation virales sur les réseaux sociaux, elle encourage les rescapés des camps chinois à témoigner et traduit leurs récits de survivants.

Dans quelle ville du Xinjiang êtes-vous née ? Dans quelles conditions avez-vous grandi et étudié ?
Dilnur Reyhan : Je n’utilise pas le mot « Xinjiang », le « Turkestan Oriental » non plus, mais plutôt « Région ouïghoure » pour des raisons de neutralité. Je suis originaire de la ville de Ghulja juste à côté du Kazakhstan. C’est la capitale de la seconde République du Turkestan Oriental. Je suis de la génération 1980. J’ai été scolarisée très tôt par rapport aux autres enfants. Ma mère, au lieu de me laisser jouer dans la rue, a préféré m’envoyer jouer dans la cour de l’école qui était dans notre quartier.
Tout le monde connaissait ma famille. Je suis issue d’une famille de grands propriétaires. Elle a été sanctionnée par l’État communiste dans les années 1960 et 70. Nous appartenions à la « neuvième catégorie puante ». Mon père a beaucoup souffert de cette sanction parce qu’il a été envoyé dans un village extrêmement éloigné de nous. J’ai grandi sans pratiquement jamais le voir. Du fait des conditions extrêmes là-bas, il a attrapé une maladie et il en est mort quand j’étais encore petite.
Cette ville où nous habitions comptait 300 000 habitants en 1995. J’imagine qu’aujourd’hui il y a au moins un million d’habitants. Elle est la préfecture de la région d’Ili. J’ai donc été scolarisée très jeune, à l’âge de 4 ans, contrairement à ce qui était alors la norme en Chine. Maintenant, cela a changé, mais pendant très longtemps jusqu’à assez récemment, l’âge de l’entrée dans le primaire était de 7 ans. Avant, on ne pouvait pas. J’étais rentrée plus tôt grâce à une tolérance de mes professeurs qui connaissaient ma famille et cette école était juste à côté de chez nous. Par la suite, j’ai passé le bac à environs 14 ans, bien plus tôt que les autres. Ensuite, j’ai fait deux ans de classes prépa pour les étudiants non chinois arrivés en Chine intérieure dans la ville de Lanzhou. Je suis restée six ans dans cette ville pour des études supérieures.
Quand avez-vous décidé de quitter votre région pour la France ?
À la fin de mes études en Chine, je suis revenue à Urumqi où j’ai passé pratiquement un an. À l’âge de 20 ans, j’ai essayé d’y trouver un travail mais j’ai dû essuyer d’innombrables refus et des discriminations ouvertes à l’époque parce que je suis une Ouïghoure et une femme. C’était une époque où la discrimination était répandue. Les autorités ne se donnaient même pas la peine de faire croire à une absence de discrimination. Il n’y avait pas non plus de pressions extérieures pour contrer cette discrimination. Dans ce contexte, au bout d’un an, n’ayant pas trouvé de travail malgré d’innombrables entretiens, j’ai décidé de partir à l’étranger. Et puis aussi parce qu’en 2003 et 2004, c’était le début de l’ouverture aux étudiants non chinois de la possibilité de partir faire des études en Occident. Jusque-là, c’était réservée à une très petite poignée de personnes choisies par l’État. Pour des personnes lambda, ce n’était pas possible, a fortiori si on était ouïghour. C’était donc un parcours du combattant.
Après la chute de l’URSS, les portes des pays limitrophes s’étaient entrouvertes. Notamment aux gens qui faisaient du commerce. Mais accéder à l’Occident était encore difficile. Cependant au début 2000, la politique a commencé à s’ouvrir pour permettre à de jeunes étudiants ouïghours de partir à l’étranger, en France notamment. J’ai profité de cette ouverture pour apprendre le français afin d’aller dans un premier temps à Pékin y passer des examens. Les Ouïghours ont commencé à s’installer en France à partir de 2003. Ce qui fait que la communauté ouïghoure en France est très différente du reste du monde et notamment du reste de l’Europe parce que pour la plupart, en tous cas jusqu’en 2017, nous étions pratiquement tous venus pour des études et pas pour des raisons politiques.
Qu’avez-vous fait depuis votre arrivée en France en 2004 ?
Je suis arrivée en octobre 2004. Pendant quelques mois, j’ai appris le français. Je savais pourquoi j’étais venue et ce que j’allais faire. J’étais venue pour faire des études de journalisme, pour devenir journaliste et pour dénoncer le colonialisme chinois, c’était ça mon but. Et c’était là la raison d’apprendre le plus vite possible la langue. J’avais alors l’idée de faire Sciences Po. Mais au bout d’un an, avec mon faible niveau de français, il était inutile de poursuivre des études en sciences politiques. Et comme j’étais une étudiante étrangère en France, je rencontrais la même difficulté que les autres : comment renouveler mon titre de séjour… Et ce n’est pas en redoublant qu’on pouvait le renouveler ! Ainsi, les étudiants étrangers, notamment ceux dont la langue maternelle n’est pas une langue latine, doivent être pragmatiques et choisir des filières qui ne demandent pas un niveau élevé de français. J’ai dû changer ma stratégie pour renouveler mon titre de séjour et j’ai donc fait des études de communication au lieu des sciences politiques. En Chine, j’avais justement fait des études de communication et de pédagogie.
Donc vous n’avez pas fait d’études de journalisme ?
J’ai fait un an de sciences politiques, que je n’ai pas réussi. Donc immédiatement, je me suis retrouvée dans mes études de communication. Là, j’ai réussi. Mais en France aussi, j’ai vécu en tant qu’étudiante étrangère pas mal de discriminations, notamment auprès de l’administration. Je me suis dit que j’étais née dans un pays colonisé, que j’étais une enfant des minorités dans mon propre pays, que j’étais arrivée dans un pays étranger en France qui ne m’avait rien demandé. Je suis étrangère ici par choix et les discriminations, je les encaisse parce que ce n’est pas la France qui m’a demandé de venir. J’ai donc fait deux ans d’études de communication en master que j’ai très bien réussies. Même, j’ai travaillé pendant un an chez Publicis comme chef de projet en CDI. Mais j’ai dû finalement abandonner ce travail parce que l’administration française fait en sorte que la préfecture fasse tout pour empêcher le recrutement des étrangers en général. Donc cela a échoué. Mais heureusement, j’étais en sociologie en même temps. Car entre-temps, je me suis rappelée que je n’étais pas venue en France pour être salariée d’une grande boîte. Je suis venue pour le but que je m’étais donné. Donc il ne fallait pas que je dévie de mon but. J’ai été aussi acceptée en master de journalisme à l’Université d’Assas, mais finalement, j’ai choisi la sociologie. J’ai soutenu ma thèse en 2017.
Quel sens donnez-vous à votre combat pour la vérité sur la situation de l’oppression contre les Ouïghours ?
Il y a quelque chose chez moi de la nécessité d’un combat contre l’injustice. Je l’ai vécue comme membre d’une population colonisée. J’étais venue en France parce que je croyais dans les droits de l’homme. J’ai grandi entourée de l’influence de la littérature française. Ma mère est profondément francophile et c’est elle qui m’a beaucoup influencée et ouverte à la littérature française qu’elle adore. Je n’ai donc pas choisi par hasard la France. J’étais venue pour dénoncer le colonialisme et depuis seize ans que je vis en France, je n’ai jamais dévié, j’ai poursuivi sans relâche ce chemin, jusqu’au bout.
Le destin des Ouïghours est-il scellé et l’entreprise de sinisation par Pékin inéluctable ?
Non. Si je pensais comme ça, j’aurais arrêté mon combat. Ce n’est pas parce que je suis naïvement optimiste, c’est parce que je crois dans la justice. Dans la vie sociale, il y a en revanche énormément d’injustice partout dans le monde. Mais l’injustice vecue par les Ouïghours, c’est une autre dimension : c’est une injustice coloniale. Il s’agit d’une population qui, après de 70 ans de colonialisme, risque maintenant d’être éradiquée par ce pouvoir colonial. Face à cela, on ne peut pas rester indifférent.
Combien de temps encore l’identité ouïghoure pourra-t-elle subsister ?
Disons que les Ouïghours forment la population turque sédentaire la plus ancienne parmi les populations turques d’Asie centrale. Sa civilisation est extrêmement importante, non seulement pour le monde turc mais pour toute l’Asie centrale. De ce point de vue, les Ouïghours au cours de leur histoire millénaire ont vécu des tragédies nombreuses. Ils ont résisté. Un colonialisme chinois avec une répression de cette envergure, ils l’ont d’une certaine manière déjà vécu pendant la première colonisation de l’empire Qing ainsi que pendant la période de la Révolution culturelle. Pourquoi la Chine est-elle si cruelle ? C’est parce que la population ouïghoure est la plus difficile à siniser. Car c’est une population qui a une culture et une civilisation extrêmement anciennes et très solides. C’est une tâche immensément difficile pour la Chine que de la siniser.
Il en va de même pour la culture tibétaine…
Bien sûr. Les croyances religieuses jouent un rôle important dans la vie quotidienne des Tibétains et dans leur résistance d’une manière positive. C’est pourquoi en fait, il est pour la Chine extrêmement difficile de parvenir à les siniser. Bien entendu, aujourd’hui, avec les nouvelles technologies et les moyens de communication dont nous disposons au sein de la diaspora, nous n’allons pas laisser les Chinois faire leur travail jusqu’au bout. Voilà pourquoi ils ne réussiront pas.
La propagande chinoise et les fake news sont-elles devenues vos principaux ennemis ?
Ce n’est pas là le principal ennemi. Mais c’est devenu l’une des violences importantes pour la diaspora. Celle-ci subit déjà la coupure avec la famille, les proches enfermés et certains qui ont perdu la vie dans les camps. Dans ces conditions, la diaspora est déjà très affaiblie psychologiquement. S’est ajoutée une autre grande violence que nous subissons ces deux dernières années, celle du négationnisme. C’est quelque chose d’extrêmement important. La Chine multiplie les efforts pour acheter des négationnistes en Occident. Ce qui montre aussi la faiblesse de Pékin et donc cela montre notre victoire. De ce point de vue, la violence négationniste est certes extrêmement forte, mais cela nous renforce dans notre combat.
Quel regard portez-vous sur les travaux de l’écrivain Maxime Vivas qui dénonce des « fake news » sur les Ouïghours ?
« Travaux », c’est beaucoup trop dire. Il faudrait plutôt parler d’une compilation des mensonges. Disons que je suis avant tout une chercheuse qui travaille depuis des années sur la question des Ouïghours. Sans être chercheur, les personnes logiques peuvent voir la compilation des discours officiels chinois que Maxime Vivas a regroupés dans un recueil, sans aucun ordre. Il a fait cette compilation comme on glane des informations à droite, à gauche, sans filtre. Au bout du compte, il a compilé le discours purement chinois. C’est pourquoi, dire qu’il s’agit de travaux, c’est beaucoup trop les valoriser. Les autorités chinoises ont fait publiquement la promotion de ses écrits, ce qui démontre qu’il est le porte-parole de la Chine, ou plutôt du gouvernement chinois. Donc de ce point de vue, il ne mérite même pas qu’on le mentionne.
La seule solution n’est-elle pas de l’attaquer en justice ?
Pour l’instant, je ne pense pas, mais on verra. Cela lui donnerait beaucoup trop de crédibilité. Je pense que son but est de semer le trouble dans l’esprit des gens. Dans ce monde actuel où il y a énormément d’informations qui circulent, les fake news viennent conforter les convictions de certaines personnes. Et ces personnes-là, de toute manière on ne pourra pas les changer. Ceux qui soutiennent ce personnage ne sont que des personnes déjà complotistes et déjà pro-chinoises. Certaines d’entre elles sont personnellement payées par la Chine. D’ailleurs, à ce propos, on sait déjà qu’il y a quelque deux millions de soldats d’internet qui ont été recrutés, payés par le Parti communiste chinois pour troubler l’espace numérique, ceci au profit de la Chine. Et cela, c’était avant que l’image de la Chine soit aussi désastreuse. Aujourd’hui, depuis 2017, on peut facilement imaginer que la Chine a multiplié ces chiffres pour contrer tout notre travail.
Quel est votre regard sur les travaux d’Adrian Zenz ?
D’une part, Adrian Zenz est un très bon chercheur. Mais comme beaucoup de chercheurs, il existe des points à critiquer. Tout travail académique peut être critiqué. Adrian Zenz n’est pas Dieu. Cependant, la manière dont la Chine le cible ne revient pas à attaquer ses recherches en tant que telles mais à attaquer sa personne, ses croyances religieuses, ses opinions personnelles sur les questions sociétales. D’autre part, Adrian Zenz n’est pas le seul chercheur qui dénonce ce système concentrationnaire. Il fait partie de notre communauté académique. Il existe au minimum une trentaine de chercheurs internationalement reconnus qui travaillent spécifiquement sur cela. Parmi eux, il se trouve qu’Adrian Zenz est beaucoup plus médiatisé que les autres. C’est pourquoi tout le monde parle de lui, d’autant que la Chine l’a ciblé personnellement.
Craignez-vous parfois pour votre vie ?
Non, je n’ai jamais eu peur. Je pense que personne parmi les Ouïghours de la diaspora occidentale n’a peur pour sa vie. Mais je peux me tromper. En grande partie, les Ouïghours n’ont pas peur, même ici. Je n’ai jamais eu peur pour moi-même. Et puis très franchement, on vit une fois sur cette terre. Nous mourrons tous un jour. Pourquoi je me consacre à cela ? Parce que je ne viendrai pas une deuxième fois dans ce monde.
Avez-vous encore de la famille dans votre région natale ? Comment voyez-vous votre responsabilité sur le sort qui peut leur être réservé ?
C’est une question difficile. Oui, j’ai toute ma famille là-bas. Oui, bien entendu, je ne peux pas m’arrêter mais je n’ai aucun contact, aucun rapports avec eux. Je suis maintenant française. Je me sens entièrement française et en tant que française, je vis ici.
Pourquoi, selon vous, la quasi-totalité des pays musulmans restent-ils silencieux sur la tragédie des Ouïghours ?
La raison principale est d’ordre financière et économique. Parce que le monde musulman dans sa globalité est devenu dépendant de la Chine, des investissements chinois. Et notamment depuis la mise en place du des « Nouvelles routes de la soie ». Avec sa diplomatie de la dette, la Chine a bien réussi à investir mais aussi à prêter de l’argent aux pays du Golfe, aux pays africains ou aux pays turcophones. Il s’agit de soumission économique.
Croyez-vous dans la non-violence malgré la dureté de votre combat ?
Je crois fermement au pouvoir de la non-violence mais il faudrait une plus grande force unie, car la Chine ne connaît que le rapport de force. Les méthodes non violentes (physiquement) sont nombreuses et si elles sont toutes ou en bonne partie utilisées dans une coalition mondiale, nul besoin d’utiliser la force physique.
Propos recueillis par Pierre-Antoine Donnet

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A propos de l'auteur
Ancien journaliste à l'AFP, Pierre-Antoine Donnet est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages consacrés à la Chine, au Japon, au Tibet, à l'Inde et aux grands défis asiatiques. En 2020, cet ancien correspondant à Pékin a publié "Le leadership mondial en question, L'affrontement entre la Chine et les États-Unis" aux Éditions de l'Aube. Il est aussi l'auteur de "Tibet mort ou vif", paru chez Gallimard en 1990 et réédité en 2019 dans une version mise à jour et augmentée. Après "Chine, le grand prédateur", paru en 2021 aux Éditions de l'Aube, il a dirigé fin 2022 l'ouvrage collectif "Le Dossier chinois" (Cherche Midi). Début 2023, il signe "Confucius aujourd'hui, un héritage universaliste", publié aux éditions de l'Aube. Son dernier livre, "Chine, l'empire des illusions", est paru en janvier 2024 (Saint-Simon).