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Chine : l'industrie du divertissement dans le collimateur de Xi Jinping

Le président chinois Xi Jinping. (Source : Variety)
Le président chinois Xi Jinping. (Source : Variety)
Xi Jinping ne se contente pas du Parti communiste chinois. C’est toute l’élite du pays qu’il veut « nettoyer » de l’influence de l’ex-président Jiang Zemin. Cet « ancien régime », qui a duré de 1991 à l’arrivée au pouvoir de Xi en 2012, plonge bien sûr ses racines dans les milieux financiers. En particulier ceux qui soutiennent la production cinématographique, enjeu stratégique s’il en est. Les géants du secteur, de Wanda à la Huayi Brothers, ont plus ou moins tous partie liée avec la clientèle de Jiang. Un nouveau terrain de bataille pour le président Xi.
La Huayi Brothers Media Corp est la septième société de production de films en Chine. Depuis près d’un an, elle est rencontre d’importantes difficultés. Son titre boursier a chuté d’environ 25%, soit des milliards de yuans évaporés. Le cas de Huayi fait suite à la descente soutenue du groupe Wanda qui depuis ces derniers mois n’en finit plus de vendre des actifs, notamment dans sa branche cinéma, à l’instar d’autres grandes compagnies comme les assurances Anbang. Mais les problèmes sont-ils seulement financiers ? Très tôt, Wanda a fait les frais de la lutte entre les factions du PCC. Né en 1954, son PDG Wang Jianlin est en effet l’un des « Princes » du Parti, fils de Wang Yiquan (1911-2013) qui a servi dans l’Armée populaire durant la guerre de libération. Wang est marié à Lin Ning, directrice générale du groupe Lin Investment (林氏投资集团), qui serait la fille de Lin Lianzhang (1917-2011), un colonel de l’armée chinoise.
Le problème du groupe Wanda se trouve néanmoins dans les origines du capital financier de Wang Jianlin. Ce dernier est en effet l’une des vieilles connaissances de Bo Xilai lorsqu’il était maire de Dalian (1988-2000) et puis aux commandes de la province du Liaoning (2000-2001). Bo et son épouse Gu Kailai feraient d’ailleurs partie des premiers investisseurs de Wang Jianlin. Gu aurait aussi beaucoup investi dans un autre groupe de la même ville, le Dalian Shide Group (实德集团). Son ancien directeur général, Xu Ming, était connu comme le « portefeuille » de Gu Kailai. En 2012, à l’époque de sa mise en examen, personne n’osait penser que Wanda puisse faire l’objet d’une enquête. Wang Jianlin avait aussi mis sur pied la Fondation Yigongyi, avec à sa vice-présidence Gu Liping, la femme de Ling Jihua.
Mais alors que dire de Huayi ? Issus d’une famille militaire influente, les deux frères dirigeants, Wang Zhongjun et Wang Zhonglei possèdent un réseau très étendu, notamment auprès du CITIC Group, l’un des fonds d’investissement les plus importants de Chine. Et pour cause, les fonds initiaux offerts au groupe Huayi proviennent de CITIC et avaient été approuvés à l’époque par Wang Jun (né en 1941), collaborateur de Jiang Zemin. CITIC était alors une initiative d’un autre allié de Jiang : Rong Yiren (1916-2005), ancien vice-président chinois de 1993 à 1998. Une sidée soutenue aussi par Deng Xiaoping. Précisons que Wang Jun est, lui, le fils de Wang Chen (1908-1993), vice-président de la République populaire de 1988 à 1993 et ami à la fois de Rong Yiren et de Jiang Zemin. Cette connexion entre la Huayi Brothers et « l’ancien régime » de Jiang ne plaît guère à Xi Jinping.
Cependant, les problèmes de Huayi ne s’arrêtent pas là. Certains pensent qu’une partie des actions du groupe appartiendraient à Jia Yueting (né en 1973), PDG du géant chinois de l’électronique LeEco Group (乐视集团). Jia a été proche de Ling Wancheng, frère du tristement célèbre Ling Jihua (ancien aide de camp déchu de Hu Jintao, mais aussi un proche des associés de Jiang Zemin comme Zeng Qinghong). Ling dirigeait en 2004 la compagnie Daily Online, propriété de China Unicom, dans lequel Jiang Jieheng, fils de Jiang Zemin, détenait des parts. Le groupe de Ling aurait facilité l’expansion du groupe de Jia Yuetin, fondé par hasard en 2004.
À cela s’ajoutent des liens curieux entre le groupe Huayi et la famille de Zeng Qinghong, ou plutôt le frère de ce dernier, Zeng Qinghuai, un « inspecteur » spécial du ministère de la Culture (dans le choix de certains films, par exemple) et un spécialiste des productions pro-Parti. Zeng aurait servi d’intermédiaire entre Huayi et Dong Ping, PDG du China Vision Media Group, et de la firme hongkongaise Huanxi Media. Ces liens permirent la production de nombreux films dont le drame Aftershock (2010) sur le tremblement de terre de Tangshan en 1976. Zeng, en tant que « conseiller », aurait reçu une importante commission sur ce projet. Depuis, Dong Ping a été emmené pour être interrogé par les autorités sur ses liens avec la Tomorrow Holding, dirigée par celui que l’on surnomme le « banquier des Princes », Xiao Jianhua. Ce dernier a également « disparu » à Hong Kong en 2017.
A l’image de Wanda et même de Fosun, les compagnies ayant des parts dans l’industrie du divertissement ne sont pas au bout de leur peine. Xi Jinping, tout en démantelant les réseaux financiers de « l’ancien régime », remet l’accent sur le rôle des idées dans la mise en place de son « Rêve chinois ». La promotion au Politburo de Wang Chen (né en 1950) – directeur de l’agence Xinhua (2002-2008) – et de Huang Kunming (né en 1956) – actuel directeur du bureau de la propagande – témoigne de ses efforts idéologiques au détriment du développement économique.

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