Revue de presse Asie - 27 octobre 2016

Paralysie législative à Hong Kong, recul de Duterte et diplomate pakistanais expulsé

Rodrigo Duterte a finalement accepté de reconnaître l'intérêt d'un accord militaire avec les Etats-Unis, reculant encore après sa déclaration où il affirmait se "séparer" de Washington. Copie d'écran du Philippine Star, le 27 octobre 2016.
Rodrigo Duterte a finalement accepté de reconnaître l'intérêt d'un accord militaire avec les Etats-Unis, reculant encore après sa déclaration où il affirmait se "séparer" de Washington. Copie d'écran du Philippine Star, le 27 octobre 2016.

Asie du Nord-Est

South China Morning Post – Un mois. C’est le temps qu’il faudra au Conseil législatif hongkongais (Legco) pour retrouver un fonctionnement normal, d’après des députés de « l’ensemble du spectre politique » interviewés par le South China Morning Post. Car en suspendant chacune des séances du parlement nouvellement élu, le président de la chambre, Andrew Leung Kwan-yuen, « plie sous la pression » imposée par les législateurs pro-Pékin. En cause : la possibilité ou non pour deux localistes, Baggio Leung et Yau Wai-ching, de prêter à nouveau serment après que leur premier a été annulé – ayant refusé de prêter allégeance aux autorités communistes. Bien que leur cas doive être étudié par la justice, le gouvernement local ayant saisi le Tribunal de Première Instance, les deux députés comptent bien continuer de siéger au Legco par tous les moyens, notamment en « entrant dissimulés parmi les députés du camp démocrate ». Ce qui promet une « répétition des scènes de chaos » qui durent depuis déjà plusieurs jours, craint le South China Morning Post.

En réalité, il n’est même pas certain que le Legco retrouve son calme d’ici un mois, explique le quotidien hongkongais. Si l’examen judiciaire doit bien se tenir le 3 novembre, personne ne sait quand le tribunal émettra un arrêt. De plus, si jamais la cour tranchait en faveur des deux localistes, Pékin pourrait « franchir le cap controversé » d’une réinterprétation de la Loi fondamentale hongkongaise avant que l’affaire ne soit présentée devant la Cour suprême de l’ex-colonie britannique. La presse communiste n’est d’ailleurs pas tendre vis-à-vis des députés, révèle toujours le South China Morning Post dans un autre article. A la suite de leur intervention à Taipei dans un séminaire sur le mouvement localiste hongkongais, au cours duquel ils ont appelé Taïwan à « s’insulariser » vis-à-vis du continent, Baggio Leung et Yau Wai-ching ont été qualifiés par le Quotidien du Peuple de « tumeurs malignes », de connivence avec les indépendantistes taïwanais.

The Korea Times – Ses excuses officielles n’y auront rien changé. La présidente sud-coréenne subit le contre-coup sévère du scandale impliquant sa confidente Choi Soon-sil, à laquelle la chef de l’Etat aurait divulgué plus de 200 documents confidentiels – alors même que Choi n’est pas fonctionnaire et ne fait pas partie de son administration (voir notre revue de presse du 25 octobre). En vingt-quatre heures, entre le mardi 24 octobre et ses excuses du lendemain, Park a perdu 5,2 % d’opinions positives, tombant à 17,5 % – au plus bas depuis son investiture en 2013. Près de 43 % des Sud-coréens demandent en outre sa démission, d’après le même sondage téléphonique conduit sur un échantillon de 1 528 personnes, révèle le Korea Times. Le soutien à Park est par ailleurs très mal réparti entre les différentes classes d’âge : 42,7 % des sexagénaires ont une opinion favorable d’elle, contre 29 % des quinquagénaires, 16,3 % des quadragénaires, 7,9 % des trentenaires et 3,4 % des vingtenaires.
The Japan Times – C’est une grande figure de la famille impériale nippone qui vient de s’éteindre. Le prince Mikasa, petit-frère de l’empereur Hirohito et oncle de l’actuel empereur Akihito est décédé ce jeudi 27 octobre à l’âge de 100 ans. Après avoir servi comme officier de l’armée impériale japonaise à Nankin pendant la Seconde Guerre mondiale, il était devenu un fervent pacifiste, explique le Japan Times. Son décès fait tomber à quatre le nombre d’hommes au sein des 18 membres de la famille impériale – les femmes étant interdites de briguer le trône (voir notre dossier). Il se trouvait néanmoins être le dernier dans l’ordre d’accession. Le Premier ministre Shinzo Abe a exprimé ses condoléances et le président philippin Rodrigo Duterte, en viste dans l’archipel, a annulé l’entretien téléphonique qu’il devait réaliser en compagnie de l’Empereur Akihito, révèle le < a href="http://www.straitstimes.com/asia/east-asia/dutertes-call-on-emperor-akihito-cancelled-following-death-of-royal-family-member" target="_blank">Straits Times.

Asie du Sud-Est

The Philippine Star – Le comportement diplomatique de Rodrigo Duterte est toujours plus déconcertant. Le président philippin, à côté de ses harangues anti-américaines, cherche en ce moment à renforcer les relations commerciales de son pays avec les puissances asiatiques. Quitte à être véhément un jour, puis conciliant le lendemain. Ainsi, en visite à Tokyo, il a réaffirmé d’une seule voix avec le Premier ministre japonais leur alliance pour « promouvoir la paix en Asie-Pacifique ». Et Shinzo Abe, allié traditionnel des Etats-Unis, a obtenu ce qu’il voulait : Duterte a reconnu l’importance du partenariat avec Washington. Depuis plusieurs semaines, il ne cessait pourtant de réaffirmer son désir de mettre fin aux accords entre les deux Etats. Hier, mercredi 26 octobre, il menaçait encore de demander le retrait des troupes américaines du territoire philippin d’ici deux ans. « Je veux les voir dehors et, si je dois abroger des accords, je le ferai », avait-il lancé. Très diplomatiquement, Tokyo a salué le rapprochement entre Manille et Pékin. « La question de la Mer de Chine du Sud influe directement sur le maintien de la paix dans la région. En cela, le Japon salue l’effort du président Duterte dans son initiative d’améliorer les relations entre la Chine et les Philippines », a affirmé Shinzo Abe.

Tout cela n’empêche pas le South China Morning Post de craindre les conséquences des tirades anti-américaines du président philippin. Pour le quotidien hongkongais, la « séparation » avec les Etats-Unis voulue par Duterte pourrait provoquer une montée du groupe Etat islamique aux Philippines. Alors que l’organisation terroriste perd du terrain au Moyen-Orient, les spécialistes redoutent de plus en plus que ses membres se retournent contre leur pays d’origine. Les Philippines pourraient alors devenir le centre d’un nouveau champ de bataille en Asie du Sud-Est, d’autant plus que l’archipel est considéré comme une extension du califat de l’EI. Actuellement, environ une centaine de régiments américains sont toujours stationnés dans le sud-ouest du pays afin d’entraîner et de soutenir leurs homologues philippins. Certains craignent qu’avec leur départ, et la fin de leur aide logistique sur le terrain, Manille ne puisse pas gérer la menace terroriste grandissante.

The Irrawaddy – Le gouvernement birman défend son armée. « Nous nous doutions, depuis que nous avons commencé à nous impliquer dans la résolution du conflit dans l’Etat Rakhine, que l’on nous accuserait faussement de violations des droits de l’homme », lance Zaw Htay, porte-parole du gouvernement. Le Rakhine, situé dans l’ouest du pays et où vivent de nombreux membres de la minorité musulmane rohingya, est en proie à des violences depuis le 9 octobre dernier quand des hommes armés ont attaqué des postes de police à la frontière avec le Bangladesh. L’armée traque depuis les responsables qu’elle soupçonne d’appartenir aux groupes terroristes islamistes affiliés aux Rohingyas.

De nombreuses ONG accusent l’armée de violences injustifiées envers les Rohingyas, voire des meurtres extrajudiciaires et dénoncent un manque d’accès à la zone afin de pouvoir distribuer une aide alimentaire. Dans le journal birman The Irrawady, le porte-parole du gouvernement se défend. Selon lui, les ONG sont manipulées par des groupes terroristes. « Des individus et des organisations qui soutiennent le terrorisme diffusent de faux rapports et de faux documents. Ils mêlent le vrai au faux et fournissent cela aux organisations », accuse-t-il en rappelant que la présence de l’armée dans la région vise à deux choses : confisquer les armes et les munitions dans chaque village et arrêter les coupables des attaques du 9 octobre. Il déplore ainsi que les populations fuient leur village à l’arrivée de l’armée rendant d’autant plus difficile l’arrestation des coupables.

Jakarta Globe – Que dit la nouvelle loi antiterroriste indonésienne ? Cette « loi proactive » permettra aux autorités de lancer des mesures préventives contre les groupes terroristes en punissant les discours de haine et les personnes rejoignant des organisations terroristes internationales. « Si la loi n’est pas votée, nous ne pourrons rien faire avant qu’une attaque ait lieu. On ne peut pas se permettre d’attendre qu’il y ait encore plus de victimes », a plaidé Wiranto, ministre indonésien de la Défense. Cette nouvelle loi, débattue depuis les attentats de janvier dernier à Djakarta, comporte un second volet : l’armée indonésienne pourra se battre aux côtés de la police lors d’opérations antiterroristes. Une décision que rejettent les associations de défense des droits de l’homme qui craignent de voir une justice militaire se mettre en place.

L’objectif de la nouvelle loi : limiter le pouvoir de groupuscules radicalisés intouchables jusqu’à présent par la législation du pays. Environ 500 Indonésiens se seraient rendus en Syrie pour rejoindre les rangs de l’Etat islamique. Au moment où ce dernier perd du terrain au Moyen-Orient, le gouvernement craint le retour de ces soldats et l’intensification d’attaques sur son territoire. Depuis le début de l’année, l’Indonésie a été touché par de nombreuses attaques isolées et le gouvernement redoute de plus en plus d’actions de « loups solitaires » entraînés via les réseaux sociaux par le groupe Etat islamique, rapporte The Straits Times. Jeudi 20 octobre, un homme de 21 ans soupçonné d’être proche du groupe Etat islamique avait ainsi attaqué deux officiers de police en banlieue de Djakarta (voir notre revue de presse du 20 octobre)

Asie du Sud

Hindustan Times – Il dispose de 48 heures pour quitter le pays. Le ministère indien des Affaires étrangères a officialisé ce jeudi 27 octobre l’expulsion d’un diplomate pakistanais arrêté hier, accusé « d’espionnage ». Les autorités de New Delhi le soupçonnent d’être à la tête d’une « cellule » chargée de recruter des Indiens pour fournir au Pakistan des informations confidentielles. L’homme de 48 ans, qui travaillait depuis 3 ans à l’ambassade, détenait ainsi des documents « sensibles » – notamment des cartes localisant le stationnement des troupes indiennes à la frontière avec le Pakistan. Deux citoyens indiens, soupçonnés de travailler pour lui, ont également été arrêtés.

D’après le quotidien Dawn, l’ambassadeur pakistanais à New Delhi a accusé le ministère indien des Affaires étrangères d’avoir violé la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques : « Le Pakistan ne s’engage jamais dans des activités contraires à son statut diplomatique. […] Cette action reflète la stratégie indienne de réduction de l’espace diplomatique accordé à l’ambassade pakistanaise. » D’aucuns y voient ainsi une forme « d’acharnement » à l’encontre du Pakistan, dans un contexte particulièrement tendu entre New Delhi et Islamabad depuis l’attaque terroriste sur la base militaire d’Uri, au Cachemire, le 18 septembre.

Dawn« Nous ne laisserons pas les droits des citoyens être violés. » C’est ainsi que la Cour de justice d’Islamabad a justifié l’ordre donné à l’administration municipale d’empêcher « le blocus des routes » de la capitale lors du sit-in prévu le 2 novembre par le parti d’opposition PTI et sa figure de proue Imran Khan. Ses sympathisants sont appelés à manifester contre le gouvernement du Premier ministre Nawaz Sharif, notamment impliqué dans l’affaie des Panama papers. L’instance judiciaire a également rappelé que le sit-in devait être limité au Democracy Park and Speech Corner, espace créé en 2014 et justement prévu pour organiser des manifestations.

Un rappel à l’ordre qui n’est pas au goût d’Imran Khan, d’après ses propos toujours cités par Dawn : « Le gouvernement emploie des tactiques illégales et non-constitutionnelles pour nous empêcher d’effectuer notre sit-in […] mais nous manifesterons quel qu’en soit le coût. » Ses craintes ne sont pas infondées : la semaine dernière, une cour antiterroriste a ordonné aux forces de l’ordre de procéder à l’arrestation d’Imran Khan et de 69 autres opposants avant le 17 novembre (voir notre revue de presse du 21 octobre).

The Economic Times – Pourquoi Cyrus Mistry, PDG du groupe indien Tata a- t-il été licencié ? Alors qu’il avait favorisé son ascension il y a quatre ans, Ratan Tata, 78 ans et patriarche de la famille, l’a cette fois-ci poussé vers la sortie et en a profité pour reprendre les rênes du plus gros conglomérat indien. Mais les raisons du licenciement de son prédécesseur restent obscures. La thèse avancée : Cyrus Mistry est considéré comme le responsable de la crise économique que traverse actuellement la compagnie. Lors de son mandat, il a osé mettre en place une politique allant à l’opposé de la gestion traditionnelle de Tata. Il s’est en effet attaché à réduire les dettes du groupe quand Ratan Tata avant lui avait multiplié les acquisitions dans le monde entier. Ce dernier lui reproche donc aujourd’hi la mauvaise santé de cinq firmes : Tata Steel, Tata Motors, Tata Power, Indian Hotels et Tata Teleservices Maharashtra.

Les deux premiers étaient par ailleurs en recul d’environ 2% à la mi-journée ce jeudi 27 octobre et Tata Steel de près de 1% au lendemain d’un email explosif de l’ancien PDG au conseil d’administration de la maison-mère rendu public. Dans cet email, il prévient que le conglomérat pourrait être déprécié de près de 18 milliards de dollars en raison des activités déficitaires dont il a hérité en arrivant à son poste. Il prend ainsi l’exemple de l’emblématique voiture bon marché Tata Nano. « Elle n’est pas prête de générer des profits », prévient-il. Ce règlement de comptes en public est exceptionnel pour l’une des familles les plus célèbres d’Inde, où les différends se règlent généralement en privé et dans la discrétion.

Par Alexandre Gandil, Cyrielle Cabot et Joris Zylberman, avec Sylvie Lasserre Yousafzaï à Islamabad et Anda Djoehana Wiradikarta à Paris

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