Revue de presse Asie - 13 septembre 2016

Village rebelle en Chine, rétropédalage de Duterte et Aïd sanglant au Cachemire

Rodrigo Duterte a annoncé qu'il ne n'avait pas interféré dans les décisions de justice indonésiennes. Copie d'écran du Philippine Star, le 13 septembre 2016.
Rodrigo Duterte a annoncé qu'il ne n'avait pas interféré dans les décisions de justice indonésiennes. Copie d'écran du Philippine Star, le 13 septembre 2016.

Asie du Nord-Est

South China Morning Post – C’est un violent coup porté au symbole de la résistance démocratique en Chine. Wukan, un village de pêcheurs du Guangdong connu pour s’être soulevé contre la police et le gouvernement local en 2011 pour des affaires de corruption et d’expropriation, est désormais « entièrement contrôlé par les autorités ». Cela fait suite à l’arrestation violente de 13 villageois par la police anti-émeutes, à coups de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc. Les 300 à 400 agents envoyés dans la commune ont forcé la porte de leurs domiciles en pleine nuit. En cause d’après les autorités locales : l’organisation de « rassemblement de masse illégaux […] portant atteinte à l’ordre public », relate le South China Morning Post.

Des événements qui remontent à la mi-juin, lorsque la police a arrêté le chef de Wukan « démocratiquement » élu, Lin Zuluan – condamné la semaine dernière à 3 ans d’emprisonnement pour corruption, souligne le Straits Times. Au petit matin, les habitants ont tenté de résister à l’assaut en jetant des pierres contre les forces de l’ordre. Désormais, les connexions Internet sont coupées et un contrôle d’identité est nécessaire afin de pouvoir entrer ou sortir de la commune.

Korea Herald – Park Geun-hye est inflexible. La présidente sud-coréenne le dit elle-même : le cinquième essai nucléaire effectué par Pyongyang vendredi 9 novembre ne fait que renforcer son soutien au déploiement du bouclier antimissile américain THAAD sur son territoire, invoquant des enjeux de « sécurité nationale ». Car d’après elle : « L’armée doit maintenir un système de réponse élevé, capable de mettre fin au régime nord-coréen s’il venait à lancer le moindre missile équipé d’une charge nucléaire sur notre sol. » Park souligne également la politique de l’atome développée par son voisin du Nord, de même que ses provocations « évidentes et tangibles », constituent une menace pour la communauté internationale toute entière. C’est pour cela que la présidente s’est d’ores et déjà entretenue avec ses homologues américain, japonais, russe et chinois afin de les inciter à renforcer les sanctions internationales à l’égard de Pyongyang, note le Korea Herald.
The Mainichi – La Fédération des associations du barreau japonais (JFBA) veut frapper un grand coup. L’organisme devrait annoncer une proposition de réforme du système pénal nippon lors d’un colloque en octobre prochain, au cours duquel les avocats pourraient notamment annoncer leur volonté d’abolir la peine de mort à l’horizon 2020. Une date qui correspond à l’accueil par l’archipel du Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale. Mais au-delà du calendrier, quels enjeux poussent la JFBA à demander la suspension de la peine capitale au profit de l’emprisonnement à vie, se demande le Mainichi ? « Si un individu innocent est exécuté sur la base de fausses accusations, déplore l’ébauche de proposition citée par le quotidien nippon, il n’y aura pas moyen de revenir en arrière. » Une allusion à « l’affaire Hakamada » (1968-2014) pour laquelle une révision de procès – contre laquelle l’accusation a fait appel – a blanchi le suspect, dans le couloir de la mort depuis plusieurs décennies.

Par ailleurs, il s’agit également pour la JFBA de se calquer sur les « pays développés », majoritairement engagés dans une dynamique d’abolition. Mais un écueil de taille pourrait bien remettre en cause la campagne des avocats : d’après un sondage organisé par le Bureau du Cabinet, 80 % des Japonais estiment que le maintien de la peine capitale demeure « inévitable »

Asie du Sud-Est

The Jakarta Post« Respectez vos lois. Je n’interviendrai pas. » C’est en ces termes qu’assure s’être exprimé le président Rodrigo Duterte au sujet de l’exécution de Mary Jane Veloso lors d’un entretien avec son homologue indonésien, Joko « Jokowi » Widodo. Il réfute ainsi des propos rapportés hier lundi 12 septembre par Jokowi lui-même cité par les médias indonésiens : Duterte aurait donné son « feu vert » à l’exécution de la ressortissante philippine (voir notre revue de presse du lundi 12 septembre). Des paroles qui ont provoqué un tollé sur les réseaux sociaux philippins et indonésiens.

Les autorités de Manille ayant décidé de ne pas interférer dans la justice indonésienne, elles n’ont pas plus demandé la grâce de Mary Jane Veloso, dans le couloir de la mort depuis avril 2010, rapporte le Philippine Star. Accusée d’avoir transporté 2,6 kilogrammes d’héroïne, cette dernière s’est toujours défendue, plaidant ne pas savoir ce qui se trouvait dans son sac.

« Il n’y a pas à demander la clémence pour l’instant puisqu’aucune date d’exécution n’a été déterminée, a déclaré Ernesto Abella, porte-parole du gouvernement philippin. Si la Cour suprême indonésienne fixe une date, il sera alors temps de présenter des preuves de son innocence. » L’exécution de Mary Jane Veloso a été suspendue en avril dernier après qu’une enquête sur son potentiel employeur a été ouverte aux Philippines.

Rodrigo Duterte et Joko Widodo s’affairent à une lutte sans relâche contre le trafic de drogues dans leurs Etats. En 2015, 14 personnes suspectées d’être liées au trafic de drogues ont été exécutées en Indonésie dont deux Australiens, un Brésilien et un Nigérian. Aux Philippines, 2 000 personnes ont été exécutées depuis le début du mandat de Rodrigo Duterte le 30 juin dernier rappelle le Jakarta Post.

Myanmar Times – Est-ce la fin du Parti nationaliste de l’Arakan (ANP) ? Né il y a deux ans d’une fusion entre la Lligue arakanaise pour la démocratie (ALP) et le Parti pour le développement de l’Etat de l’Arakan (RNDP), le Parti nationaliste de l’Arakan, l’un des plus importants groupes politiques issus d’une minorité ethnique, a toujours peiné à faire fi des dissensions entre ses deux groupes constitutifs. Dimanche 11 septembre, des membres de la Ligue arakanaise pour la démocratie (ALP) ont finalement entamé des discussions en vue d’une séparation.

La raison de cette rupture : le groupe se sent évincé des discussions. em> »Le Parti pour le développement de l’Etat de l’Arakan n’écoute jamais nos suggestions ni ce que l’on pense, explique U Myo Kaw, membre de l’ALP. Quand ils s’expriment au sujet d’affaires nationales, leurs propos ne reflètent pas notre pensée. » Selon lui, les deux groupes ne parviennent plus à trouver un terrain d’entente politique. Le Parti nationaliste de l’Arakan se donne pour mission de défendre les droits des bouddhistes dans l’Etat, où vivent de nombreux musulmans Rohingyas. Une position « belligérante » que refuse de maintenir l’ALP. « C’est pourquoi nous avons décidé de nous séparer d’eux. Notre décision finale doit être prise à la fin du mois. »

Alors que le parti est au bord de la scission, le parlement local de l’Etat de l’Arakan, où il est majoritaire, se penche sur la Commission dirigée par Kofi Annan, chargée par le gouvernement de trouver des solutions à la situation des Rohingyas. La venue de l’ex-secrétaire général de l’ONU a provoqué de vives tensions de la part de la communauté arakanaise qui dénonce une « ingérence » étrangère dans leurs affaires. Le Parlement local débattra donc de la légitimité de cette commission, où travaillent neuf membres dont trois étrangers. Le député ayant soumis ce débat plaide que l’opinion des minorités ethniques n’a pas été prise en compte dans la constitution de la commission, rapporte un autre article du Myanmar Times. Le 6 septembre, le Parlement national avait déjà rejeté une proposition de débat similaire.

The Philippine Star – Nouveau rebondissement dans les relations entre les Etats-Unis et les Philippines. Lundi 12 septembre, le président philippin Rodrigo Duterte appelait les Américains à quitter Mindanao, deuxième île la plus importante de l’archipel. Des propos immédiatement nuancés par le porte-parole du gouvernement, Ernesto Abella. « Ces déclarations ne sont pas des décisions gravées dans le marbre, a t-il déclaré. Rien n’a encore été voté. »

Le porte-parole a par ailleurs assuré que ces propos ne remettaient pas en cause l’accord de coopération renforcée de défense entre les deux pays, qui permet aux Etats-Unis un accès aux bases militaires philippines. « Nous ne tournons le dos à personne. » Plus ferme encore, l’armée philippine assure que les relations entre les deux pays sont « solides comme un roc ». « Cette décision n’affecterait qu’un petit nombre d’Américains, basés majoritairement dans la ville de Zamboanga », a voulu précisé le porte-parole de l’armée Restituto Padilla. Il y aurait environ 200 militaires américains actuellement basés à Mindanao selon une source militaire. « Ils assurent une assistance technique et une formation à leurs homologues philippins qui combattent le terrorisme », rapporte le Straits Times.

En parallèle, Rodrigo Duterte a réaffirmé avoir « snobé » Barack Obama lors du sommet de l’ASEAN à Vientiane la semaine dernière, rapporte l’AFP citée par le Straits Times. Ce dernier avait annulé leur rencontre après que Duterte l’eut traité de « fils de pute ». Rodrigo Duterte a quant à lui manqué une réunion entre son homologue américain et ses homologues d’Asie du Sud-Est. « J’ai refusé d’y assister […] Vous ne pouvez pas donner de leçon au dirigeant d’un pays. Pas même Obama. »

Les relations entre les Etats-Unis et les Philippines se sont tendues depuis l’arrivée au pouvoir de Rodrigo Duterte investi en juin, vivement critiqué par la communauté internationale pour avoir initié une guerre contre le trafic de drogue qui a fait plus de 2 000 morts depuis trois mois.

Asie du Sud

Hindustan Times – C’est un bien triste Aïd el-Kébir que les Cachemiris indiens ont célébré ce mardi 13 septembre. Alors que le couvre-feu a été réimposé dans les 10 districts de la vallée, deux civils ont trouvé la mort lors d’échauffourées avec les forces de l’ordre. Il faut dire que, pour la première fois depuis « l’éclatement du militantisme [indépendantiste] » en 1989, les autorités locales ont interdit les rassemblements autour des principales mosquées du Jammu-et-Cachemire à l’occasion de la grande fête musulmane, relève le Hindustan Times. « Réprimés » par le couvre-feu, les fidèles n’ont pu effectué le sacrifice rituel de leurs chèvres ni la distribution de nourriture dans leur quartier – ce qui a fait chuter les ventes de viande de 80 %, rapporte le quotidien indien.

L’ancien ministre-en-chef du Jammu-et-Cachemire, Omar Abdullah, a violemment condamné ce tournant sécuritaire. La fermeture des principales mosquées et l’imposition du couvre feu provoquera un « sévère retour de bâton » contre l’administration locale, prévient-il dans The Indian Express. D’après lui, les Cachemiris sont « très irrités » de cette situation « inédite dans l’histoire ».

Dawn – Au moins 13 personnes, dont cinq policiers, ont été blessées hier lundi 12 septembre, en pleine fête de l’Aïd, lors d’attentats-suicides simultanés dans la province de Shikarpur. Quatre terroristes ont délibérément visé des fidèles venues prier pour l’Aïd El-Kébir, l’une des plus grandes célébrations musulmanes et qui marque la fin du pèlerinage à la Mecque. Deux ont attaqué un homme qui priait pendant qu’un autre se faisait exploser, faisant dix blessés. Au même moment, deux hommes ont été arrêtés devant un autre lieu de prière où des centaines de personnes étaient réunies. L’un d’eux s’est fait exploser tandis que le deuxième a été écroué. Les attaques n’ont, pour le moment, pas été revendiquée.
The Hindu – La coopération politico-judiciaire entre New Delhi et Kaboul est en marche. A la veille de la visite du président afghan Ashraf Ghani, le gouvernement indien a annoncé ce mardi 13 septembre qu’il avalisait le traité d’extradition entre les deux pays – désormais prêt à être signé et ratifié. Il devra mettre en place un cadre légal pour l’extradition des terroristes, des « délinquants économiques » et des criminels « depuis et vers l’Afghanistan ».

Si cette avancée est salutaire, elle reste néanmoins limitée par rapport aux cinq pactes bilatéraux que le ministre indien des Affaires extérieures V.K. Singh avait promis devant la chambre basse du Parlement l’année dernière. The Hindu relaye les accusations d’Ashraf Ghani portées à l’encontre du Pakistan, qu’il soupçonne de vouloir empêcher l’Afghanistan « d’accéder aux marchés indiens » et de trop se rapprocher de New Delhi. Le président afghan a d’ailleurs menacé de suspendre le commerce avec Islamabad si ce dernier persistait à lui mettre des batons dans les roues.

Par Joris Zylberman, Alexandre Gandil et Cyrielle Cabot, avec Sébastien Farcis à New Delhi

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