Revue de presse Asie - 9 août 2016

Ambitions de Xi Jinping, conférence de Panglong et Daech derrière Quetta

Le président chinois Xi Jinping conservera-t-il son poste de Secrétaire général du Parti communiste passé 2022 ? Copie d'écran du Straits Times, le 9 août 2016.
Le président chinois Xi Jinping conservera-t-il son poste de Secrétaire général du Parti communiste passé 2022 ? Copie d'écran du Straits Times, le 9 août 2016.

Asie du Nord-Est

The Straits Times – Xi Jinping assoira-t-il son pouvoir au point de rompre la règle tacite de Deng ? C’est l’analyse d’experts et d’observateurs relayée ce mardi 9 août par le Straits Times. D’après le quotidien singapourien, le président chinois pourrait bien conserver sa casquette de Secrétaire général du Parti communiste (PCC) plus de 10 ans – du jamais vu depuis Deng Xiaoping. En effet, Xi n’a toujours pas « consacré d’héritier » alors même que le XIXè Congrès du PCC doit désigner le nouveau Comité permanent du Parti à l’automne 2017 – puissant organe dont la composition devrait livrer des indications sur le successeur de Xi à partir de 2022, note le quotidien singapourien.

S’il choisit de se maintenir au pouvoir, Xi Jinping rompra une règle non-officielle mise en place par Deng Xiaoping. Car en acceptant de se retirer au bout de 10 ans, chaque Secrétaire général du parti doit assurer une transition « douce » du pouvoir et permettre à chaque faction de dominer le Parti à différentes périodes, tout en évitant qu’un « despote » n’émerge… Pour appuyer sa décision, Xi pourrait compter sur ses alliés, qui défendraient ses objectifs de « renaissance nationale » – poursuivre ses réformes d’ampleur, conduire sa politique étrangère « affirmée » en mer de Chine du Sud, et tenir sa promesse de doubler le revenu par tête entre 2010 et 2020. Sans oublier le prestige historique : 2021 sera l’année du centenaire de la naissance du Parti ; Xi souhaitera sans doute y figurer comme le leader incontesté de la Chine – et non comme un « canard boîteux » à l’instar des présidents américains sans perspective en fin de second mandat.

Reuters – Les tensions ne cessent d’enfler entre Tokyo et Pékin en mer de Chine orientale. Les relations « se détériorent fortement » à mesure que le nombre de patrouilles effectuées par des navires chinois près des îles Senkaku / Diaoyu augmente. C’est ce que le ministre japonais des Affaires étrangères Fumio Kishida a souligné ce mardi 9 août à l’ambassadeur chinois Cheng Yonghua. Ce dernier avait déjà eu une entrevue vendredi dernier avec le vice-ministre des Affaires étrangères, Shinsuke Sugiyama.

Selon une déclaration du ministère japonais des Affaires étrangères, Fumio Kishida a accusé la Chine d’essayer de « faire basculer unilatéralement le statu quo. ». Après leur entretien, l’ambassadeur chinois a quant à lui rapporté ses propos avec Kishida aux journalistes : il est « naturel » que des navires chinois opèrent dans ces eaux puisque ces îles font « partie intégrante » du territoire chinois. Il a également déclaré au ministre japonais que ce litige territorial devait être résolu diplomatiquement.

Les îles Senkaku / Diaoyu sont administrées par Tokyo mais revendiquées par Pékin. Le ballet diplomatique autour des incursions chinoises en mer de Chine de l’Est s’inscrit dans une période de forte pression exercée par le Japon. Le gouvernement chinois ayant rejeté le verdict de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye sur les litiges territoriaux entre la Chine et les Philippines en mer de Chine du Sud (voir notre revue de presse du 15 juillet), le gouvernement japonais a décidé de faire sur la pression la Chine afin d’aider son partenaire philippin. Pékin avait cependant accusé Tokyo de s’ingérer dans des affaires qui ne sont pas de son ressort.

The Korea Herald – Nouvelle donne en Corée du Sud. Le parti au pouvoir, le Saenuri, élit ce mardi 9 août une nouvelle équipe dirigeante lors de sa convention à Seoul. Elle sera composée d’un président et de quatre membres du Conseil suprême, qui était jusqu’à présent dirigé par un commandement intérimaire depuis la défaite cuisante du parti lors des élections législatives en avril dernier. Environ 9 100 délégués sont attendus pour voter au cours de cette convention, selon le Korea Herald. Quatre candidats sont en lice pour obtenir le poste de président du parti : Lee Jung-hyun, Lee Ju-young, Joo Ho-young et Han Sun-kyo. Le nouveau chef du Saenuri aura la responsabilité d’unifier le parti, déchiré par des luttes de factions, de préparer les prochaines élections présidentielles de 2017 et de faire face à l’opposition. Park Geun-hye, présidente sud-coréenne, a appelé son parti ce mardi à mettre un terme à ses luttes intestines, rapporte le Korea Herald. « Les problèmes qui impliquent la sécurité de la nation et du peuple ne doivent pas être la source de querelles politiques », a-t-elle rappelé lors de son discours d’ouverture de la convention.

Asie du Sud-Est

Myanmar Times – Une date qui marquera l’Histoire ? Les autorités birmanes ont enfin levé le voile sur leur calendrier ce mardi 8 août, annonçant que la « Conférence de Panglong du XXIe siècle » débuterait le mercredi 31 août. En revanche, la durée de cette conférence n’a pas encore été fixée et sera discutée la semaine prochaine… « Nous aurons une réunion avec l’Union Peace Dialogue Joint Committee (un comité composé du gouvernement, des partis politiques et des groupes ethniques armés) le 15 août à Nay Pyi Taw. Lors de cette réunion, nous discuterons et déterminerons combien de temps durera la Conférence de Panglong du XXIe siècle », a déclaré U Zaw Atay, vice-directeur général du Bureau du président au Myanmar Times.

Avec la réconciliation nationale en ligne de mire, la Conférence de Panglong permettra la tenue de discussions entre le gouvernement, l’armée (Tatmadaw) et les groupes ethniques armés. Initialement, le Tatmadaw refusait la présence de trois groupes armés autour de la table des négociations s’ils n’avaient pas rendu les armes avant l’ouverture de la conférence : l’Armée de l’alliance démocratique nationale du Myanmar, l’armée Ta’ang de Libération nationale et l’armée de l’Arakan, (voir notre revue de presse du 1er août). Il est depuis revenu sur ses positions : « Durant des années, la réputation et l’image de l’armée concernant les droits de l’homme ont été ternies. Mais je pense qu’en coopérant avec la Conseillère d’Etat [Aung San Suu Kyi] et en promouvant son agenda de paix, elle veut redorer son image », a analysé U Than Soe Naing, un chroniqueur politique.

Channel News Asia – Prayuth Chan-ocha se veut rassurant. Après la victoire du « oui » au référendum de ce dimanche 7 août, le Premier ministre thaïlandais et chef de la junte l’a réaffirmé : des élections générales auront bien lieu en 2017, et permettront à un gouvernement « démocratiquement élu » de prendre les rênes du pays. Une déclaration qui vise à « apaiser » les craintes d’un basculement prononcé dans l’autoritarisme – et plus particulièrement celles des Etats-Unis, note Channel News Asia. « Je vous demande d’avoir confiance dans notre feuille de route », a déclaré Prayuth Chan-ocha. Depuis le référendum, la Thaïlande n’a livré « aucun signe d’agitation », conclut le média singapourien. De fait, les leaders de l’opposition anti-junte ont déclaré attendre les élection de 2017, espérant l’emportant pour abroger la nouvelle Constitution.

Selon les observateurs, c’est le désir de stabilité politique après un cycle infernal de coups d’Etat et de climat de guerre civile ces dernières décennies, qui ont permis la victoire de la nouvelle Constitution avec 61% sur 94% des votes dépouillés. Les détracteurs avaient pourtant dénoncé le projet de Loi fondamentale comme anti-démocratique, à cause de la nomination du Sénat par l’armée et du droit de veto des militaires sur les élus.

Free Malaysia Today – Mahathir l’avait dit ; il l’a fait. L’ancien Premier ministre malaisien et ex-chef du parti UMNO de 1981 à 2003, est de retour sur le devant de la scène politique avec la création d’un nouveau parti, le Pribumi Bersatu Malaysia (PBM), rapporte Free Malaysia Today. Citant plusieurs sources impliquées dans la création de cette nouvelle organisation politique (voir notre revue de presse du 15 juillet), le site d’informations affirme qu’elle sera formellement enregistrée ce mardi 9 août, au Registre des sociétés de Putrajaya. Si Mahathir est l’un de ses membres fondateurs, le parti sera présidé par Muhyiddin Yassin, ancien vice-président de l’UMNO – dirigé par l’actuel Premier ministre Najib Razak, par qui il a récemment été congédié. La nouvelle organisation rejoindra la coalition d’opposition, Pakatan Harapan, composée de trois partis, pour les prochaines élections de 2018, afin de contrer Najib, soupçonné de corruption dans l’affaire 1MDB (voir notre revue de presse du 4 août).

En revanche, le nouveau parti de Mahathir suscite d’ores et déjà les critiques, notamment du Malaysian Chinese Association (MCA), alliée de l’UMNO. Le PBM se présentant comme un parti ethnique, seuls les Bumiputeras, terme signifiant « fils du sol » employé pour désigner les Malais et les ethnies indigènes, peuvent y adhérer. Le MCA considère donc que sa création alimente les tensions raciales, dans un pays multiethnique composé de Malais, de Chinois et d’Indiens. Pour Syed Saddiq Syed Abdul Rahman, membre fondateur du PBM, l’a défendu : « Ce parti, bien qu’étant un parti bumiputera, défendra tous les Malaisiens lorsqu’il s’agira de propositions de réformes. Ce parti sera un parti bumiputera axé sur la réforme. » A (re)lire, notre temps fort : « Malaisie : équilibre précaire ».

Asie du Sud

Channel News Asia – L’annonce est tombée. Daech revendique l’attaque-suicide à la bombe perpétrée hier lundi 8 août à l’hôpital civil de Quetta, capitale du Baloutchistan. L’explosion a causé la mort 70 de personnes et en a blessé 112 autres d’après le surintendant médical de l’hôpital, Abdul Rehman Miankhel. Selon Amaq, l’agence de presse de Daech, l’individu a déclenché sa ceinture explosive lors d’un rassemblement d’employés du ministère de la Justice et de policiers pakistanais. D’après le quotidien Dawn, ceux-ci étaient venus pleurer la mort du Président de l’Association Baloutche du Barreau (BBA), Bilal Anwar Kasi, tué plus tôt dans la journée lors d’une attaque armée revendiquée par le Jamaat-ul-Ahrar, groupe terroriste ayant fait scission avec les Talibans Pakistanais. D’ailleurs, ce même groupe a également revendiqué l’attaque-suicide de l’hôpital.

Les autorités pakistanaises pensent que les deux attaques étaient liées. Le corps de Bilal Anwar Kasi avait en effet été emmené à l’hôpital civil visé par l’attentat, suivi d’un grand nombre de collègues, de proches, photographes et cameramen. 50 des 70 morts étaient des avocats et 2 des cameramen. Parmi eux, l’ancien président de la BBA, Baz Muhammad Kakar et le vice-président de l’Association du Barreau de la Cour suprême Syed Qahir Shah sont notamment décédés.

The Indian Express – Oui, le Cachemire a déjà connu plusieurs séries de manifestations plus ou moins violentes. Mais d’après le quotidien The Indian Express, celles qui frappent la région cette année se distinguent des précédentes par leur intensité et par le message qu’elles véhiculent. Car cette fois-ci, il ne s’agit ni « d’identité cachemirie » (comme en 2008), ni « d’accusation de viol et de meurtre » (comme en 2009), ni encore de « meurtre de civil et de violation des droits de l’homme » (comme en 2010). Non, le soulèvement de cette année a été initié par « l’exécution extra-judiciaire d’un militant » du Hizbul Mujahideen, organisation séparatiste terroriste.

Les renseignements indiens ne s’attendaient pas à ce que sa mort entraîne une telle vague de protestations et de violences, commente le quotidien. Depuis l’exécution du militant de 22 ans le 8 juillet dernier, 56 personnes ont trouvé la mort et près de 4 000 ont été blessées dans les affrontements. Il s’agit pourtant du signe qu’une « nouvelle génération » a acquis un « rôle central » dans la vallée du Cachemire. Une génération « organisée, connectée, sans peur », comme la qualifie le journal.

Pour l’Indian Express, la faute en incombe au gouvernement, accusé de « gérer » le problème du Cachemire plutôt que de véritablement le « régler ». Cela fait cinq ans que le dialogue politique « piétine » avec Islamabad et avec le Cachemire. Le renforcement des mesures sécuritaires dans la région et l’alliance du Jammu and Kashmir Peoples Democratic Party (PDP) avec le parti nationaliste hindou de Narendra Modi (2014) auront fini de « pousser la jeunesse à bout », conclut le journal.

The Straits Times – Selon une enquête de police, 38 Bangladais partis travailler ou étudier à l’étranger maintenant disparus pourraient s’être radicalisés. Nombre d’entre eux auraient rejoint la Syrie en passant par la Turquie pour rejoindre l’organisation Etat Islamique. Un officier de police souhaitant garder l’anonymat a indiqué que la police d’immigration bangladaise était en alerte, surveillant les frontières si l’un d’entre eux tentait de revenir dans le pays. La police d’immigration a d’ailleurs déjà les dossiers des 38 Bangladais disparus. Ils se seraient radicalisés dans 8 pays différents : 13 à Singapour, 9 en Turquie, 7 en Malaisie, 4 aux Émirats Arabes Unis, 2 au Japon et 1 au Qatar, en Iran et en Arabie saoudite.

Au total, 51 personnes sont suspectées de radicalisation, les 13 restantes ayant disparu ces dernières années dans différentes régions du Bangladesh. Le Bataillon d’Action Rapide (RAB), unité d’élite anti-terroriste et anti-crime de la police bangladaise, a lui publié hier soir lundi 8 août une liste de 70 disparus accompagnée de leurs adresses et photographies. Il s’agit de la 3ème liste publiée par le RAB. La première dénombrait alors 262 individus et la seconde 68. La plupart des 70 Bangladais de cette 3ème liste fait partie des 51 individus suspectés de radicalisation par la police. Ces listes de suspects font suite aux récentes attaques ayant eu lieu dans le pays (voir notre revue de presse du 4 juillet et notre revue de presse du 7 juillet).

Par Alexandre Gandil, Marie Bonnamy et Myriam Sonni

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