Revue de presse Asie - 13 juillet 2016

Renforcement militaire chinois, patriarche thaïlandais et maoïstes népalais

Plutôt que de les calmer, le verdict de La Haye va certainement catalyser les actions unilatérales de Pékin en mer de Chine. Copie d'écran de South China Morning Post, le 13 juillet 2016.
Plutôt que de les calmer, le verdict de La Haye va certainement catalyser les actions unilatérales de Pékin en mer de Chine. Copie d'écran de South China Morning Post, le 13 juillet 2016.

Asie du Nord-Est

South China Morning Post – Le verdict de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye va-t-il alimenter les tensions au lieu de les apaiser ? C’est ce que supposent des experts militaires chinois cités par le South China Morning Post. Selon eux, Pékin a déjà prévu une série d’« options militaires » en réponse au jugement défavorable rendu hier mardi 12 juillet sur le contentieux qui l’oppose aux Philippines en mer de Chine. Ce même jour, un quatrième destroyer lance-missiles a ainsi rejoint la flotte chinoise chargée de patrouiller en mer de Chine du Sud, à Hainan. L’agence de presse étatique Xinhua a également dévoilé que deux aéroports situés dans les Spratleys (récifs de Mischief et de Subi) pouvaient désormais accueillir des vols civils.

Qu’attendre de Pékin dans les mois à venir ? D’après les experts, de nouvelles démonstrations de puissance pourraient avoir lieu en mer de Chine, impliquant des « armes plus sophistiquées ». Ils prévoient aussi pêle-mêle : la proclamation d’une zone de défense d’identification aérienne, l’accélération de la construction d’îles artificielles dans les Spratleys, la poldérisation du récif de Scarborough, l’intensification des exercices militaires dans les zones contestées. « Le gouvernement chinois préconisera telle ou telle option militaire en fonction du degré de provocation que les États-Unis adopteront dans leur remise en cause de la souveraineté de Pékin, à la suite du verdict de la Cour permanente d’arbitrage » explique Li Jie, expert militaire basé dans la capitale chinoise. « Contrairement au passé, l’armée chinoise devrait maintenant être prête à ne plus faire de compromis sur le sujet » ajoute le général Zhu Chenghu, doyen de l’université de Défense nationale (Pékin).

Côté médias, les réactions chinoises au verdict ont été très violentes, rapporte le South China Morning Post dans un second article. En Une du Quotidien du peuple, le jugement est décrit comme une « provocation politique », et le gouvernement philippin de l’ex-président Benigno Aquino – qui avait saisi la Cour permanente d’arbitrage – est accusé d’avoir été « manipulé par des puissances extérieures ». Un reproche à peine dissimulé à l’encontre des États-Unis. Le China Youth Daily s’est quant à lui empressé de citer Xi Jinping, affirmant que « les intérêts maritimes et la souveraineté territoriale de la Chine dans les eaux [de mer de Chine du Sud] ne seront en aucun cas affectés par ce jugement ». Le quotidien reprend également une dépêche de l’agence de presse Xinhua selon laquelle le verdict serait « invalide » et n’instaurerait pas de « nouvelle réalité » en mer de Chine. Enfin, le Global Times ne s’avère pas plus tendre envers la Cour permanente d’arbitrage dont il décrit le jugement comme l’un des « des pires et des plus honteux », rien de plus qu’une « feuille de papier brouillon ».

Channel News Asia – Le verdict de la Cour internationale de La Haye continue de faire des vagues. Tsai Ing-wen s’est engagée aujourd’hui, mercredi 13 juillet, à défendre la souveraineté taïwanaise sur l’île de Taiping, alors qu’elle présidait au départ d’une frégate pour une mission de patrouille en mer de Chine méridionale. Une mission qui a été avancée d’un jour, et qui intervient au lendemain de la décision de la Cour d’arbitrage. Celle-ci a en effet rétrogradé l’île de Taiping au statut de « rocher », ce qui limite l’extension territoriale maritime de Taïwan. Une décision qui n’est pas au goût de la présidente taïwanaise : « Le verdict de l’arbitrage du litige en mer de Chine méridionale, plus particulièrement la définition de l’île de Taiping, a sérieusement porté atteinte à nos revendications territoriales et à nos droits sur les îles en mer de Chine méridionale », a-t-elle déclaré lors de son discours aux officiers. Et d’ajouter : « Cette mission de patrouille a pour but de montrer la détermination des Taïwanais à défendre leurs intérêts. »

Les autorités taïwanaises ont d’ores et déjà rejeté la décision de la Cour internationale hier soir, mardi 12 juillet. Pour le gouvernement, Taïwan n’est pas tenu de respecter le verdict dès lors que les autorités n’ont pas pris part aux procédures d’arbitrage. A l’instar de la Chine et des Philippines, le gouvernement taïwanais souhaite privilégier des négociations multilatérales : « Nous souhaitons prendre part à des négociations avec toutes les nations impliquées sur un pied d’égalité, dans le but de maintenir la paix et la stabilité dans la région », a déclaré Tsai Ing-wen.

Taiping est la plus grande île de l’archipel des Spratleys, au Nord de la mer de Chine méridionale. Occupée depuis 1956 par Taïwan, elle est revendiquée par la République populaire de Chine, les Philippines et le Vietnam. L’ancien président Ma Ying-jeou y avait dépêché un groupe de journalistes étrangers en mars dernier pour prouver que l’île était habitable, rappelle China News Asia.

Korea Times – Séoul et Washington auraient déjà choisi : le système de défense anti-missiles américain THAAD sera déployé à Seongju, près de Daegu, dans la province du Gyeongsang du nord, au sud-est de la péninsule. C’est ce qu’assure une source anonyme au gouvernement. D’après cette dernière, les deux États en sont « au stade final des procédures administratives ». Cette position stratégique « permet d’offrir une protection aérienne au quartier général sud-coréen de Gyeryongdae » ainsi qu’à 3 bases américaines, précise un responsable militaire du pays. Mais Seongju possède aussi un avantage financier : le site abrite déjà une batterie américaine de missiles sol-air qui serait remplacée par le THAAD. Il n’y aurait donc pas besoin d’acheter du terrain supplémentaire. Selon le Korea Times, « l’annonce officielle est attendue pour le 22 juillet ». Elle devrait être rapidement suivie d’une réponse de la Chine, qui voit ce dispositif comme une menace pour sa souveraineté.

Cependant, dans une tribune du Korea Times du 7 juillet, l’universitaire Lee Seong-hyon rassurait les inquiets. Il rappelle que le ministre sud-coréen des Affaires étrangères a récemment annoncé que les relations sino-coréennes « n’ont jamais été aussi bonnes ». La Chine, qui se qualifie elle même de « puissance responsable » ne se vengera pas de l’installation du THAAD selon lui. Elle cherchera plutôt à changer son image auprès des Sud-Coréens qui la voient comme « une menace à la sécurité ». Une opinion qui, selon Pékin, est due à la propagande américaine.

Asie du Sud-Est

Bangkok Post – Le choix du patriarche bouddhiste thaïlandais est aussi une affaire politique. En atteste la réticence du Premier ministre et chef de la junte Prayuth Chan-ocha à soumettre la candidature du moine Somdet Chuang à l’approbation royale – et ce, alors même que le Conseil suprême de la Sangha (nom du clergé bouddhique) appuie sa candidature au rang de patriarche. Hier mardi 12 juillet, Prayuth Chan-ocha a ainsi déclaré sur Facebook qu’il ne souhaitait pas « se presser » pour désigner le nouveau chef du clergé. Somdet Chuang est en effet soutenu par les Chemises rouges, elles-mêmes soutiens de l’ex-Premier ministre Yingluck Shinawatra renversée lors du coup d’État de Prayuth Chan-ocha en mai 2014 (lire notre entretien avec Pavin Chachavalpongpun).

Face à cet énième ralentissement, le centre thaïlandais pour la Protection du bouddhisme envisage de lancer un mouvement national si la candidature de Somdet Chuang n’est pas soumise à l’approbation royale sous une semaine. Une annonce prise comme une menace par le chef de la junte, qui a rappelé son opposition à toute forme de « débâcle » et l’interdiction d’organiser un rassemblement politique de plus de cinq personnes sous peine de poursuites judiciaires. Parmi les raisons officielles qui remettent en cause sa nomination, Somdet Chuang est soupçonné de « possession illégale » d’une Mercedes Benz et d’avoir aidé un moine accusé de corruption, Phra Dhammajayo (voir notre revue de presse du 16 juin), rappelle le Bangkok Post.

Straits Times – La version en ligne de la publication de l’organisation État islamique (EI) toujours accessible. Selon le Straits Times, la revue en ligne aurait réuni plus de 1000 « likes ». Lancée le 20 juin sous le nom de Al-Fatihin Media, qui signifie « conquérants » en arabe, la publication fournit des informations sur les activités des groupes terroristes au Moyen-Orient, dans un mélange de malaisien et d’indonésien. Cela permet à EI de s’adresser directement aux sympathisants de Malaisie, d’Indonésie, de Singapour, du Brunei et du Sud de la Thaïlande. La revue de 20 pages, téléchargeable sur le site et sur la page Facebook, met l’accent sur l’importance du Ramadan et du jihad. Les 3 premières pages comportent des conseils, encouragent les combattants terroristes à continuer le combat, et appellent à « tuer et crucifier les polythéistes, les mécréants, les oppresseurs et les tyrans », rapporte le quotidien singapourien. Sur la page Facebook, on peut voir de nombreuses photos, notamment de prisonniers décapités, d’attentats à la bombe, ainsi que d’enfants en tenue de combat arborant des armes.
Myanmar Times – Le Ma Ba Tha est dans la tourmente. Dans un document ayant fuité sur les réseaux sociaux et repris ensuite par la chaîne Myanmar TV, le State Sangha Maha Nayaka Committee (Ma Ha Na), l’autorité suprême du clergé bouddhique de Birmanie, désavoue le groupe bouddhiste nationaliste. Ce dernier est qualifié « d’illégitime ». L’organisation démontre que le Ma Ba Tha « n’a pas été fondé en accord avec les règles de base de la Sangha ». Le communiqué précise qu’il existe 9 ordres bouddhistes dans le pays et que « la création d’un nouvel ordre est prohibée ». Il ajoute « qu’une telle organisation ne doit pas interférer dans les affaires politiques ».
Ce texte fait suite à la demande de Phyo Min Thein, le ministre en chef de la région de Yangon au Ma Ha Na (voir notre revue de presse du 12 juillet). Il avait lui même qualifié le groupe nationaliste « d’inutile » et « redondant ». L’annonce officielle doit être faite après la réunion de moines bouddhistes prévue près de la pagode Katar Aye à Yangon, les 13 et 14 juillet.

Asie du Sud

The Indian Express – Revers pour Modi en Arunachal Pradesh. En annulant le « President’s rule » dans l’État du Nord-Est indien, la Cour suprême a pris une décision historique – et porté « un coup majeur » au Premier ministre Narendra Modi, commente The Indian Express. Disposition de la constitution indienne (article 356), le « President’s rule » permet de transférer les pouvoirs d’un État fédéré à l’État central par proclamation du président de la République, sur recommandation du gouverneur de l’État fédéré en question puis du gouvernement central. Cela requiert une « situation dans laquelle le gouvernement de l’État fédéré ne peut plus exercer son pouvoir dans les dispositions prévues par la constitution. » Le gouverneur de l’Arunachal Pradesh avait ainsi demandé l’imposition du « President’s Rule » en janvier 2016, après plusieurs semaines de crise politique (voir notre revue de presse du 27 janvier).

À la suite de ce verdict, le gouvernement du Parti du Congrès sera donc restauré après plusieurs mois d’exercice du pouvoir par le gouvernement central de New Dehli, aux mains du BJP (parti nationaliste hindou). D’après des propos rapportés par Catch News, le ministre en chef de Delhi commente lapidairement : « Modi ne croit ni en la Constitution, ni au mandat confié par son peuple. Il veut diriger le pays à la manière d’un dictateur. »

The Kathmandu Post – Dans la surprise la plus totale, le Parti communiste unifié du Népal (CPN) a annoncé hier, mardi 12 juillet, qu’il retirait son soutien au gouvernement CPN-UML du Premier ministre KP Sharma Oli [issu du Parti communiste du Népal marxiste léniniste unifié, ou UML, NDLR]. Quelles options s’offrent au Premier ministre ? Pour le Kathmandu Post, soit Oli démissionne immédiatement, soit il explore d’autres options constitutionnelles pour se maintenir au pouvoir. Une troisième option serait envisageable : faire le choix de convoquer des élections anticipées, si la nouvelle Constitution le permet. Ce qui est certain en revanche, c’est que si le Premier ministre refuse de démissionner, il devra engager une procédure de vote de confiance au Parlement. Mais d’après le conseiller politique du Premier ministre, « Oli n’a aucune intention de démissionner. »

Dans une lettre adressée au Premier ministre, le président du CPN, Pushpa Kamal Dahal, a expliqué cette surprenante décision. Ce retrait intervient après que l’UML et le parti politique Congrès népalais (NC) ont refusé la proposition de former un gouvernement d’union nationale. Selon les leaders du CPN, le parti a été forcé de chercher un nouveau soutien après le refus répété de l’UML de transmettre le pouvoir au CPN.
Le CPN a l’espoir de mener un gouvernement de majorité, avec le soutien du NC, plus grand parti au Parlement. Selon le Katmandu Post, Dahal et Sher Bahadur Deuba, président du NC, auraient conclu un accord pour se partager le pouvoir. Pourtant, rien n’est certain. Même si les deux partis s’allient, il leur manquera au moins huit sièges au Parlement pour obtenir la majorité, analyse le quotidien népalais.
De son côté, l’UML a pris acte de la décision « regrettable » de son ancien allié, révèle le Katmandu Post dans un autre article. A l’issue d’une réunion tenue mardi, le comité a décidé de « respecter et mettre en œuvre la Constitution [adoptée en septembre], et de chercher une politique tournée vers l’avenir. » La coalition CPN-UML va aller de l’avant, guidée par la Constitution, pour se sortir de la situation politique actuelle, a ajouté le Parti UML.

The Daily Star – Niveau d’alerte maximal au Bangladesh. Après l’attentat de Dacca le 1er juillet qui a causé la mort de 22 personnes dans un café de la capitale, l’État renforce la sécurité. Les détenus « militants » ont été transférés dans les prisons centrales du pays et 500 d’entre eux « sont sous surveillance constante ». Les « militants sont gardés dans des cellules séparées » et « ne sont pas autorisés à travailler [dans la prison] pour qu’ils ne puissent pas communiquer avec les autres détenus », précise le responsable d’un centre de détention au Daily Star. Les gardiens sont sur le qui-vive et des « punitions sévères » sont prévues pour ceux qui ne « font pas leur devoir correctement » selon une seconde source anonyme haut-placée.

La sécurité des aéroports, elle aussi, a été renforcée. Le ministre de l’Aviation civile et du Tourisme a annoncé la mise en place de nouvelles mesures strictes, annonce The Daily Star. Il n’a voulu en donner aucun détail précis. Cependant, il a annoncé que 176 membres de l’autorité de l’aviation civile du Bangladesh et 25 employés de la Biman Bangladesh Airlines suivaient actuellement une formation sur les questions de sécurité par une compagnie britannique.

Par Juliette Morillot, Alexandre Gandil, Nicolas Baranowski et Jeremy Masse.

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