Revue de presse Asie - 12 juillet 2016

La Haye donne tort à Pékin sur la mer de Chine, extrémistes birmans et Cachemire indien

La Cour pénale internationale de la Haye a rendu son verdict aujourd'hui dans le litige qui oppose Pékin et Manille en mer de Chine méridionale. Sans surprise, le tribunal donne tort à Pékin. Copie d'écran du Straits Times, le 12 juillet 2016.
La Cour pénale internationale de la Haye a rendu son verdict aujourd'hui dans le litige qui oppose Pékin et Manille en mer de Chine méridionale. Sans surprise, le tribunal donne tort à Pékin. Copie d'écran du Straits Times, le 12 juillet 2016.

Asie du Nord-Est

The Straits Times – Le verdict est sans appel. Pour la cour pénale internationale de La Haye, les revendications de Pékin en mer de Chine méridionale n’ont « pas de base légale ». Le rapport de 497 pages précise qu’il n’y a « aucune preuve que la Chine ait historiquement exercé un contrôle exclusif » sur ce territoire. Les actions de la Chine dans la zone économique exclusive des Philippines sont dénoncées comme « une violation de souveraineté ». Le tribunal a également précisé que Pékin avait causé « des dommages permanents et irréparables » à l’écosystème du récif corallien des Spartley. Une base aérienne avait été construite sur une des îles pour en démontrer le contrôle chinois.

Les réactions officielles ne se sont pas fait attendre. « Nous appelons les parties concernées à la retenue et à la sobriété », a déclaré le ministre philippin des Affaires étrangères quelques minutes après l’annonce du verdict, rapporte le Philippine Star. Le journal rappelle que le nouveau gouvernement de Rodrigo Duterte a maintenant l’intention de négocier directement avec Pékin.

Son homologue Chinois, lui, précise dans le Global Times qu’alors que le jury est « incompétent », « sa décision est naturellement nulle et non avenue ». Selon lui, cette procédure décidée unilatéralement par les Philippines « viole la législation internationale ». Il ajoute que la Chine refusera « tout arbitrage par un tiers » ou « toute solution imposée », et continuera à négocier « avec les États directement concernés ». Le communiqué ne prend même pas la peine de mentionner la décision de La Haye.

Global Times« La Chine doit être prête face à la possible militarisation japonaise. » Le quotidien chinois officiel Global Times s’inquiète des résultats de l’élection sénatoriale nippone de ce dimanche 10 juillet (voir notre revue de presse du 11 juillet). La coalition de Shinzo Abe a remporté les deux tiers de la chambre haute. Une victoire qui ouvre la voie à la révision constitutionnelle si chère au chef du gouvernement. Le ministre chinois des Affaires étrangères a déclaré que la communauté internationale devait s’en inquiéter « étant donné les crimes sévères des Japonais contre les peuples asiatiques par le passé ».

Pour les spécialistes chinois, si Abe réussit cette révision, son action « sera plus affirmé en mer de Chine ». Un schéma qui « provoquerait Pékin et donnerait une excuse à Tokyo pour développer encore plus ses forces militaires ». Car la Chine ne compte pas faiblir dans ses conflits territoriaux avec le Japon. Pour le Global Times, le meilleur moyen pour Pékin de négocier la souveraineté des îles Senkaku/Diaoyu est maintenant « d’accroître sa propre puissance ».

Korea Times – Branle-bas de combat à Punggye-ri. Le site d’essai nucléaire nord-coréen montre un « haut niveau d’activité », rapporte le Korea Times. Le quotidien sud-coréen cite 38 North, un site américain regroupant des analyses de spécialistes de la Corée du Nord. Après avoir observé les dernières images satellite du 7 juillet, les experts ont constaté ce qui semble être « du ravitaillement ou de l’équipement » autour du portail nord du site. Or, rappellent-ils, c’est dans cette zone que la Corée du Nord a effectué ses tests nucléaires de 2013 et 2016. « Il est impossible de déterminer si cette activité correspond à de la maintenance, de l’excavation ou à la préparation d’un 5e test », précise 38 North. Néanmoins pour les spécialistes, « il est clair que Pyongyang s’assure que le site soit prêt », pour un nouvel essai. Une énième « provocation » qui répondrait aux nouvelles sanctions de Washington. Pour la première fois, ces sanctions visent directement le dictateur Kim Jong-un pour ses violations des droits de l’Homme (voir notre revue de presse du 7 juillet).

Asie du Sud-Est

Myanmar Times – Est-ce la fin de Ma Ba Tha ? Le groupe bouddhiste extrémiste birman pourrait prochainement ne plus exister, selon le Myanmar Times. Le 7 juillet dernier, U Phyo Min Thein, le ministre en chef de la région de Yangon, a rencontré le comité Ma Ha Na, groupe de moines de haut rang désignés par le gouvernement, afin de discuter de la possible dissolution de Ma Ba Tha. Pour le ministre en chef de Yangon, le groupe nationaliste est « inutile » et « redondant » puisqu’il existe déjà une organisation religieuse, représentée par le Ma Ha Na. U Tun Nyunt, directeur du département de la Religion de la région de Yangon, a déclaré : « Ma Ha Na considère que ses propos sont véridiques. La requête du ministre en chef est légitime sous la loi de l’organisation Sangha. »

La décision sera prise au cours d’une réunion de moines bouddhistes qui durera deux jours, les 13 et 14 juillet, dans une grotte artificielle près de la pagode Katar Aye à Yangon. Le groupe Ma Ba Tha, qui milite contre l’obtention de la citoyenneté pour la minorité musulmane Rohingya depuis 2013, a exigé des excuses de la part du parti au pouvoir, la Ligue nationale pour la démocratie, avant jeudi. Sinon, le groupe menace d’organiser des manifestations dans tout le pays. Interrogé à ce sujet, le ministre des Affaires culturelles et religieuses Thuya U Aung Ko a refusé de commenter, mais a affirmé que U Phyo Min Thein ne serait pas puni pour son initiative.

The Bangkok Post – La bataille fait rage entre les deux camps opposés sur le projet de réforme constitutionnelle. Selon un sous-groupe de la commission chargée de l’élaboration de la constitution (Constitution Drafting Committee – CDC) , les « sept raisons de voter non » au référendum constitutionnel avancées par le New Democracy Movement (NDM) ont pour but de « déformer la réalité du projet, de tromper et d’inciter les électeurs à voter non ». Influencer les votes va à l’encontre de la loi sur le référendum, rappelle le Bangkok Post. Dans son rapport, le NDM s’opposait à quelques points clés du projet de constitution, telle que la nomination d’un Sénat et d’un Premier ministre non membre du Parlement. Le mouvement affirme par ailleurs que l’armée va tenter de garder le contrôle du pouvoir.

Pour le porte-parole du sous-groupe, trois options s’offrent à la CDC : engager des actions légales contre le NDM, demander à la Commission électorale de s’en charger, ou « travailler plus dur pour mieux expliquer le projet constitutionnel aux électeurs ». « Si ça ne se passe pas bien, je peux écrire un nouveau projet. J’écrirai ce que les gens souhaitent », avait déclaré pour sa part hier, lundi 11 juillet, Prayut Chan-ocha, inquiet des tentatives de « déformation » du projet de constitution. De leur côté, la société civile et certains partis politiques ont fortement critiqué les procédures autour du scrutin organisé le 7 août prochain, et ont dénoncé des infractions à la liberté d’expression (voir notre Revue de presse du 4 juillet). La bataille est loin d’être terminée…

Channel News Asia – Singapour ne veut pas devenir une plaque tournante de Daech. Quatre Bangladais ont été condamnés à de la prison ferme pour financement de terrorisme, ce mardi 12 juillet. Les hommes, qui ont plaidé coupable, ont écopé de peines allant 2 à 5 ans pour avoir contribué à l’achat d’armes dans le projet d’un jihad armé au Bangladesh à l’encontre des non-croyants. Le leader du groupe, Rahman Mizanur, a été condamné à cinq ans, rapporte Channel News Asia. « Beaucoup de dégâts peuvent être causés par des objets peu coûteux. Le prix d’une attaque terroriste peut être modeste, mais le prix payé par la société est bien plus cher. Singapour doit prendre une position ferme contre le terrorisme et son financement, » a déclaré le parquet. Les quatre Bangladais font partie d’un groupe de huit personnes arrêtées selon la loi sur la Sécurité intérieure. Ce groupe avait allégeance à Daech et s’était auto-proclamé « Etat islamique du Bangladesh ». Le leader a tenté trois fois de rejoindre l’EI en Syrie mais n’est pas parvenu à obtenir de visa pour voyager en Turquie ou en Algérie. Il s’est donc rendu à Singapour.

Daech cherche désormais à s’immiscer en Asie du Sud-Est et multiplie ses tentatives pour s’implanter dans la région à forte population musulmane. L’organisation terroriste, rapporte le Straits Times, a lancé lundi 11 juillet son premier journal en langue malaise, intitulé El Fatihin, aux Philippines. Il sera distribué en Malaisie, à Singapour, en Indonésie, au Brunei et au sud de la Thaïlande.

Asie du Sud

Times of India – La situation est toujours aussi explosive dans le Cachemire indien. La région du Jammu-et-Cachemire entame son quatrième jour de couvre-feu en réponse aux violents affrontements entre manifestants et forces de sécurité qui ont éclaté après la mort de Burhan Wani, chef du groupe séparatiste Hizbul Mujahideen (voir notre revue de presse du 11 juillet). Le couvre-feu est notamment maintenu au sein de la ville de Srinagar et du district de Pulwama, où les autorités attendent de nouvelles manifestations encore plus importantes.

Le Premier ministre Narendra Modi a organisé une réunion de crise pour discuter de la situation dans la région avec ses ministres de l’Intérieur, de la Défense, des Finance et des Affaires étrangères ce mardi 12 juillet. Le ministre de l’Intérieur, Rajnath Singh, a repoussé son voyage aux Etats-Unis pour pouvoir gérer le conflit, a révélé un officiel au journal Times of India : « Une décision a été prise hier [lundi 11 juillet] pour repousser la visite au vu de la situation générale. Bien qu’il surveille de près la situation au Jammu-et-Cachemire, il doit également être présent au Parlement pour répondre aux questions des députés sur la mort de Burhan Wani et les violentes manifestations qui ont causé la 24 morts jusqu’à présent. » Cette session parlementaire se tiendra le 18 juillet.

Dawn – Malgré une surveillance accrue, elles continuent à apparaître au coin des rues. Des bannières ont été accrochées par le micro-parti politique « Move On Pakistan » dans 13 villes du pays. Interrogé par Dawn sur leur signification exacte, leur porte-parole a indiqué qu’elles appelaient le Chef d’état major des armées à instaurer la loi martiale et à former un gouvernement de technocrates. Selon lui, « l’absence du Premier ministre Nawaz Sharif pendant plus de 40 jours prouve qu’il n’y a pas besoin de gouvernement politique ». Nawaz Sharif s’était rendu au Royaume-Uni le 31 mai dernier pour une opération du coeur. Son retour au Pakistan semble imminent (voir notre revue de presse du 8 juillet).

« Move On Pakistan » avait déjà attiré l’attention en février dernier : le mouvement avait posé des affiches demandant au chef des armées « de ne pas partir à la retraite et d’éradiquer le terrorisme et la corruption ». L’armée n’a toujours pas réagi officiellement à cette campagne. Un mutisme qui accentue l’impression que « quelque chose se prépare », pour l’analyste Amir Rana.

The Express Tribune – Umar Mansur, cerveau présumé du massacre de l’école de Peshawar pourrait avoir été tué dans une attaque de drone de l’armée américaine ce dimanche 10 juillet, révèle The Express Tribune. Peu de détails ont été communiqués pour le moment. Si le rapport indique que Mansur ainsi que quatre autres personnes pourraient avoir été tués dans la province afghane de Nangarhar, les autorités n’ont pas encore confirmé la mort du chef Taliban. Ce que l’on sait, c’est qu’il devait rencontrer un commandant local à l’endroit où le drone a frappé. Mais les autorités restent prudentes. « Tant que nous n’avons pas de preuve visuelle, nous ne pouvons être sûrs à cent pour cent », a ainsi déclaré un responsable.

Umar Mansur était membre du groupe Tariq Geedar, responsable du massacre de 144 personnes à l’Army Public School, dont 132 enfants, le 16 décembre 2014. L’attaque terroriste la plus meurtrière qu’a connu le Pakistan à ce jour.

Par Joris Zylberman, Nicolas Baranowski, Jeremy Masse et Myriam Sonni, avec Anda Djoehana Wiradikarta à Paris

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