Revue de presse Asie - 1er juillet 2016

Intérêts chinois selon Xi Jinping, procès de Yingluck Shinawatra et croissance indienne

Dans son discours introductif pour le 95e anniversaire du PC chinois, Xi Jinping a accordé une place inédite à la politique étrangère. Copie d'écran du South China Morning Post, le 1er juillet 2016.
Dans son discours introductif pour le 95e anniversaire du PC chinois, Xi Jinping a accordé une place inédite à la politique étrangère. Copie d'écran du South China Morning Post, le 1er juillet 2016.

Asie du Nord-Est

South China Morning Post – Alors que le PC chinois fête ses 95 ans ce vendredi 1er juillet, le discours d’ouverture de Xi Jinping a paticulièrement attiré l’attention des observateurs. Et pour cause : le numéro un du Parti a accordé une large place à la politique étrangère chinoise – un fait « rare », décrit le South China Morning Post. « La Chine ne convoite pas les intérêts des autres nations, mais nous ne transigerons jamais sur nos droits légitimes », se défend Xi, avant d’ajouter : « Les nations étrangères ne devraient pas nous penser prêts à marchander sur nos intérêts fondamentaux ou à accepter les conséquences de la remise en cause de nos intérêts en matière de souveraineté, de sécurité ou de développement. » Une allusion à peine voilée au prochain jugement de la Cour permanente d’Arbritrage sur les conflits de souveraineté opposant Pékin à Manille en mer de Chine du Sud : l’institution a annoncé hier qu’elle rendrait son verdict le 12 juillet (voir notre revue de presse du 30 mai).

Sans être nommés, les Etats-Unis ont été également visés par le président chinois dans son discours. Faisant référence aux patrouilles de navires américains au large des Paracels et des Spratleys, Xi a ainsi déclaré : « La Chine persévèrera dans son approche militaire de défense nationale active. Nous ne chercherons pas à proférer de menace d’usage de la force ou à montrer notre puissance militaire aux portes des autres Etats. […] Montrer ses muscles de la sorte ne constitue en rien une véritable démonstration de puissance et ne dissuadera jamais personne. » Un message directement envoyé aux candidats à la présidentielle américaine, Donald Trump et Hillary Clinton, qui ont tous deux promis de durcir la politique vis-à-vis de la Chine.

Parallèlement à ces déclarations assertives, le PC chinois ne délaisse pas sa quête de soft power. En atteste la dernière vidéo mise en ligne par la Ligue des jeunes communistes chinois : celle d’un clip de rap en anglais intitulé « This is China ». Le but ? « Redorer l’image que se font les étrangers de la Chine » à coups de paroles aussi dythyrambiques que « rassurantes », justifiant par exemple la pollution de Tianjin et de Pékin en la comparant à celle de New York et de Londres dans les années 1950… Et le refrain d’asséner : « C’est ça la Chine. Le dragon rouge n’a rien de mauvais, c’est un endroit paisible et une terre magnifique où subsiste une riche culture. »

Regarder le clip de « This is China » :

Focus Taiwan – Maladresse dans un mauvais contexte. C’est le jour même du 95e anniversaire du PC chinois qu’une corvette taïwanaise, stationnée au sud de l’île, a lancé « par erreur » un missile supersonique antinavire lors d’un exercice de contrôle. Il s’est écrasé sur un chalutier au large de l’archipel de Penghu, tuant son capitaine et blessant trois membres d’équipage. D’une portée maximale de 300 kilomètres, le missile Hsiung Feng III aurait théoriquement pu toucher la Chine continentale. Une enquête a été ouverte afin de déterminer les causes de l’incident, qui intervient dans un contexte de forte tension dans les relations sino-taïwanaises. Pékin a en effet récemment dévoilé avoir coupé les canaux de communication avec Taïwan depuis l’investiture de la présidente Tsai Ing-wen, dont le parti (DPP – Parti démocrate progressiste) refuse de renoncer à l’indépendance à long terme (voir notre revue de presse du 27 juin).
Korea Times – Quarante kilos supplémentaires, des insomnies régulières et des maladies liées à l’obésité. C’est le bilan des quatre années au pouvoir de Kim Jong-un, d’après des informations dévoilées ce vendredi 1er juillet par les services secrets sud-coréens et relayées par le Korea Times. Le stress lié à ses fonctions aurait conduit le dictateur à souffrir de compulsions alimentaires et à s’adonner au « binge drinking » (gros excès d’alcool ou beuverie effrénée), explique un membre du parti au pouvoir à Séoul. Kim Jong-un craindrait également que des informations sur sa jeunesse passée en Suisse ne soient diffusées à Pyongyang et ne remettent en cause sa légimité à diriger le pays.

Quoi qu’il en soit, désormais que son pouvoir s’est consolidé à force de purges, les priorités du président nord-coréen sont à la diplomatie. Le Korea Times révèle ainsi dans un autre article que Kim Jong-un souhaite améliorer ses relations avec ses voisins et notamment avec le Sud. Preuve en est : le Conseil des Affaires d’Etat (nouvel organe décisionnaire suprême présidé par Kim, qui succède au Comité de Défense nationale) comporte des experts en diplomatie, et le Comité pour les Affaires intercoréennes a été élevé au rang d’organisation de niveau étatique. Certains observateurs parient même sur une visite du leader nord-coréen en Chine d’ici la fin de l’année…

Asie du Sud-Est

Bangkok Post – Yingluck Shinawatra reste dans le collimateur de son successeur. Le chef de la junte thaïlandaise, Prayuth Chan-ocha, a exprimé son souhait d’accélérer la procédure judiciaire à l’encontre de l’ex-Premier ministre dont le gouvernement est impliqué dans des affaires de corruption relatives au programme de subvention du riz. Cette politique s’était avérée catastrophique, laissant sur les bras du pays des tonnes de riz invendu. Yingluck Shinawatra est elle-même accusée de négligeance, n’ayant pas mis fin à temps à cette politique et n’ayant pas empêché le développement de la corruption liée à ce programme. Il lui est d’ailleurs demandé de compenser les pertes financières subies par la Thaïlande (plus de 7 milliards d’euros).

Comment expliquer cette accélération soudaine dans le processus judiciaire ? Prayuth Chan-ocha se défend de tout autoritarisme et se justifie en vertu de l’Acte sur la responsabilité des officiels pour faits illicites de 1996, qui permet de poursuivre ces mêmes officiels sur deux années uniquement. Ainsi l’affaire sur la politique de subvention du riz risque d’expirer en février 2017. Le général s’est par ailleurs voulu rassurant sur l’impartialité de la justice : « Lorsque les affaires entrent dans le processus judiciaire, il n’y a rien à craindre. […] Si les accusés sont certains de n’avoir rien fait de mal, alors ils doivent se plier au processus judiciaire. »

Myanmar Times – Trois ans. C’est la durée de la « période de grace » accordée à la Birmanie, au Laos, au Cambodge et au Vietnam avant qu’ils ne doivent eux aussi se plier aux règles du libre échange des biens et des services dans le cadre de la Communauté économique de l’ASEAN (AEC), mise en place le 31 décembre 2015 (voir notre article sur le sujet). S’il leur reste deux ans et demi avant échéance, les agriculteurs birmans ne cachent par leur inquiétude – devant le riz thaïlandais par exemple, « meilleur et moins cher que le riz birman ».

U Myint San, directeur du Myanmar Research Centre for Economic Development, explique : « Les agriculteurs birmans souffriront s’ils n’arrivent pas au même niveau de qualité et au même prix que les produits importés. Des importations de bonne qualité sont une bonne nouvelle pour la population, mais pas pour les producteurs locaux. Aujourd’hui, nous pouvons encore taxer les produits importés à 5% – mais en 2018, cela tombera à 0%. » Cependant, l’AEC n’effraie pas tous les agriculteurs : les producteurs birmans de haricots, par exemple, seront avantagés. Leurs compétiteurs australien, américain et sénégalais sont en effet trop éloignés géographiquement, et ne font évidemment pas partie de l’ASEAN… Enfin, concernant le marché du poisson, tous les Etats membres de l’organisation se situent sur un pied d’égalité, conclut le Myanmar Times – bien que le secteur birman souffre des inondations récurrentes.

Malaysiakini – Lim Guan Eng ne démissionnera pas malgré les affaires de corruption. Le ministre en chef de l’Etat Penang a reçu le « soutien infini » du comité exécutif central de son parti, le DAP (Democratic Action Party), dont il est également Secrétaire général. Le leader par interim du parti, Tan Kok Wai, a justifié la décision du comité exécutif central lors d’une conférence de presse ce vendredi 1er juillet à Kuala Lumpur. D’après lui, il n’y a pas de « conflit d’intérêt » puisque Lim Guan Eng « n’a aucune emprise sur l’enquête et le processus judiciaire ». De plus, il est convaincu que les chefs d’accusation sont « infondés » et qu’il s’agit là d’une tentative du gouvernement central pour « déstabiliser le parti ». Le procès de Lim Guan Eng s’est ouvert hier. Il est accusé d’avoir réaménagé un terrain agricole en terrain à usage commercial et d’avoir acquis un bungalow à Jalan Pinhorn en dessous du prix du marché le 28 juillet 2015.

Asie du Sud

Firstpost – Pour Firstpost, il est bon de vanter l’image de l’Inde afin d’attirer les investisseurs, mais attention à ne pas trop en faire. D’après le quotidien, il ne fait aucun doute que les intentions du Premier ministre, parfois plus « commercial chevronné » qu’homme d’Etat, sont bonnes. Mais il ne faut pas pas aller trop vite en besogne. Exemple : au cours d’un discours à l’U.S.-India Business Council aux Etats-Unis, Modi a vendu l’image d’une Inde « future locomotive de la croissance mondiale ».

Pour l’éditorialiste de Firstpost, il faut tempérer ces propos. En valeur absolue, le PNB indien s’élève à 2,1 billions de dollars quand le PNB chinois monte à 10,4 et le PNB américain à 17,4 billions, ce qui place l’Inde au 9ème rang mondial. De plus, la part de l’Inde dans les richesses produites par les 10 plus grandes économies ne représente que 4%. Encore une fois, la Chine fait bien mieux avec 20,5% et les Etats-Unis, 34,5%. Si l’on se penche sur le PIB par habitant (utile pour effectuer des comparaisons entre pays), Pékin fait 4 fois mieux que New Delhi, et Washington 33 fois. Du côté des indices domestiques, ce n’est guère mieux. Le montant brut des actifs non productifs des banques indiennes ont atteint 1 000 milliards de roupies (près de 15 milliards de dollars). De quoi remettre en question la locomotive indienne… Ces chiffres effrayants freinent les banques qui accordent moins de prêts.

« On est très loins de la locomotive de l’économie mondiale », résume l’éditorialiste à la lumière de ces données. D’après lui, ce qui pousse Narendra Modi à vendre ainsi les prouesses de l’Inde sont les chiffres de la croissance du PIB et l’impression générale que la Chine est en phase de ralentissement.

Pourtant, même le gouverneur de la Banque centrale Raghuram Rajan a remis en question les chiffres avancés par le gouvernement sur la croissance. Mais peu importe les critiques et les discours parfois répétitifs du Premier ministre, toujours basés sur les mêmes chiffres, la « magie Modi » opère auprès des investisseurs. Pour l’instant.

The Express Tribune – Après son opération à cœur ouvert à Londres, le Premier ministre pakistanais s’apprête à rentrer à Islamabad, dans un contexte politique difficile. Le Pakistan est en effet en proie à une crise politique intérieure, suite aux révélations des « Panama Papers » et à des difficultés dans sa politique vis-à-vis de l’Inde, explique The Express Tribune. A cela s’ajoute les prochaines élections au Cachemire.

Ces élections locales, qui se tiendront le 21 juillet, seront un test pour le parti au pouvoir. Il reste à voir si l’aura du Premier ministre saura créer un miracle. Pour l’un des responsables de l’organisation sociale et religieuse All Parties Hurriyat Conference (APHC), le PML-N a besoin d’une refonte politique. « Le facteur indien va jouer un rôle majeur dans la politique du Cachemire, analyse Syed Yousaf Naseem. Le PML-N devrait payer sa posture souple envers l’Inde, alors que les atrocités perpétrées par New Delhi dans le Cachemire occupé sont en augmentation. Le sentiment que le gouvernement pakistanais, en dépit de ses origines cachemiries, a déçu est répandu des deux côtés de la ligne de contrôle (LoC). Cela se ressentira dans les votes. » Pour Naseem, il est urgent que le PML-N durcisse sa position envers l’Inde, The Express Tribune.

Pour le moment, la controverse des « Panama papers » a été reléguée en arrière-plan. Mais beaucoup pensent que l’affaire reprendra une fois Sharif rentré. En privé, les leaders de la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N), parti de Nawaz Sharif, admettent que « les choses ne sont pas si simples ». « Tout dépendra de l’opposition, a ainsi déclaré Zafar Ali Shah. Si elle met en œuvre une stratégie stricte et réaliste, les choses pourraient être différentes. Autrement, le problème des « Panama Papers » ne mènera nulle part. » Pour le leader du parti PML-N, la situation est « loin d’être satisfaisante. »

Pour mieux comprendre la situation, reportez-vous à notre série d’articles de la semaine du 14 juin : « Pakistan : Nawaz Sharif : entre rêves et réalité ».

Bd News 24 – Nouveau meurtre au Bangladesh. Un prêtre hindou a été assassiné tôt ce matin dans le district de Jhenaidah, dans des circonstances qui rappellent l’assassinat d’un autre prêtre le mois dernier. Shyamananda Das, 50 ans, officiait depuis 3 ans au temple Sri Sri Radha Madan Gopal, dans le village d’Uttar Kastasagara. Selon la police, la tuerie aurait été perpétrée par 3 personnes à moto : « Shyamananda était en train de cueillir des fleurs lorsque les trois assaillants se sont approchés de lui et l’ont attaqué à coups de machette », raconte le policier Sheikh Altaf Hossain.

Pour les autorités de police du district, le scénario est le même que pour une série de meurtres qui s’étale sur 2 ans, qui visait des blogueurs, des éditeurs, des écrivains, ainsi que des prêtres hindous et bouddhistes, des pasteurs et même des étrangers.

Jusqu’à présent, on dénombre quatre assassinats dans le seul district de Jhenaidah, dont deux d’entre eux ont été revendiqués par l’Etat Islamique, rapporte le quotidien bangladais. Cette piste a cependant été écartée par les autorités de police, qui pensent que cette série d’assassinats est liée à l’organisation étudiante Islami Chhatra Shibir, proche de l’organisation politique amaat-e-Islami.

D’après certains analystes, les meurtres de religieux hindous au Bangladesh visent à déclencher une vague de migration hindoue vers l’Inde. Ils auraient également pour but de créer des tensions entre les gouvernements des deux pays, à un moment où les relations bilatérales entre Dacca et New Delhi sont au mieux de leur forme. « Ces meurtres sont plus politiques qu’ils ne sont religieux », résume ainsi l’observateur bangladais Sukharanjan Dasgupta.

Par Joris Zylberman, Alexandre Gandil et Jeremy Masse

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