Documentaire : "Revolution of our Times" ou l’effacement des libertés à Hong Kong

« Cinq demandes, pas une de moins »
« J’ai le cœur brisé car la police s’attaque maintenant même à des vieillards »
Histoires d’amour
Naïveté et désespoir
Un Français qui vit à Hong Kong depuis plus de cinq ans a assisté à l’ensemble de ces manifestations. Voici ses réponses à nos questions – il a préféré garder l’anonymat.
Vous avez été aux premières loges de ces années de contestation puis de répression à Hong Kong. Quel enseignement tirez-vous de cette période ?
Plusieurs enseignements. Le premier est d’évidence la formidable ferveur politique et l’engagement pour la démocratie de la population hongkongaise et en particulier de sa jeunesse. Cette contestation a réveillé une force endormie que je ne soupçonnais pas. Le second enseignement est que cette force, lorsqu’elle est utilisée avec adresse, peut gagner de belles batailles, même face au régime totalitaire du Parti communiste chinois. En effet, le 4 Septembre 2020, Carrie Lam annonce le retrait de la loi d’extradition, cette loi controversée qui a mis le feu aux poudres. Ce retrait fut une vraie surprise pour moi. J’estime que c’est une grande victoire qui honore la lutte du peuple hongkongais. Elle prouve que même en Chine, le peuple a son mot à dire. Enfin, le troisième enseignement, c’est la force terrible de l’information et de sa manipulation. La contestation politique s’est graduellement transformée en une bataille rangée entre manifestants et policiers dans les rues mais surtout sur les réseaux sociaux. Vidéos tronquées, images sans contexte ou modifiées… Ces infox se propagent de manière virale sur tous les téléphones et influencent l’opinion presque en temps réel. Cette manipulation de l’information a eu lieu d’un côté comme de l’autre de la barricade. Malheureusement, elle aura noyé les justes revendications politiques au point de les rendre inaudibles.
Ne pensez-vous pas que ces jeunes ont fait preuve d’une grande naïveté ?
À l’époque, j’ai regretté la formulation de ces « Cinq demandes, pas une de moins » qui ne laisse aucune place à la négociation. Mais il faut se rappeler que le gouvernement hongkongais n’aura pas non plus brillé par son esprit de conciliation. On se souviendra des « grands débats » ou les citoyens étaient triés sur le volet pour poser de timides questions à un gouvernement qui se distinguait par une langue de bois éhontée. Un simulacre de débat qui n’a fait qu’encourager les manifestants dans leur lutte. La contestation a changé de nature au fil des mois. D’une démonstration populaire et pacifique qui a réuni près du tiers de la population hongkongaise, elle s’est transformée en une « Révolution de notre temps » : une ultime bataille pour sauver coûte que coûte la Liberté. Cette radicalité peut être interprétée comme de la naïveté mais elle aura eu le mérite d’être claire et d’être probablement la plus juste représentation du désespoir de la jeunesse engagée de Hong Kong.
Cette contestation s’est terminée par une répression implacable. Croyez-vous qu’une autre issue était possible ?
C’est peut-être à mon tour d’être naïf mais je pense que si la contestation s’était arrêtée après le retrait de la loi d’extradition, alors celle-ci aurait été enterrée pour bien longtemps. La loi de sécurité nationale, la véritable faucheuse qui aura tué Hong Kong, n’aurait peut-être pas vu le jour avant longtemps. Cela dit, le véritable cygne noir de cette période aura été le Covid-19. Cette pandémie a mis un coup d’arrêt aux manifestations et a permis au PCC d’imposer la loi de sécurité nationale.
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