Liu Bowen : en Chine, "le sacrifice et le courage des journalistes citoyens peuvent rendre la société meilleure"
Contexte
La Chine vit dans une réalité parallèle au reste du monde. Cela non pas en raison de la grande barrière sanitaire aux frontières qui freinent les échanges depuis le début de la pandémie de Covid-19, mais de la grande muraille informatique qui filtre et censure les informations venues de l’extérieur. Ces cinq dernières années, l’empire du milliard et demi est passé à côté des « Panama Papers ». Les Chinois n’ont pas entendu parler non plus des manifestations géantes à Hong Kong en 2019. Comment peut-on échapper à deux millions de manifestants en colère et à ces avenues hongkongaises transformées en fourmilières qui se voient comme le nez au milieu de la couverture des médias du monde entier ? Tout simplement en effaçant l’événement et les gens qui l’accompagnent : aucune image de ces rassemblements hongkongais contre la loi sur la sécurité nationale venue de Pékin, n’a atterri dans les médias officiels de Chine continentale. Même chose, plus récemment, lorsque Peng Shuai s’est volatilisée. La planète tennis s’est mobilisée suite à la disparition médiatique de l’ancienne championne du double féminin à Rolland Garros et Wimbledon, après que cette dernière a accusé d’agressions sexuelles un ancien dirigeant chinois. Localement, les médias et les réseaux chinois ont été totalement verrouillés.
Les gros sabots et ciseaux de la censure sont capables d’étouffer les voix contestataires en Chine. Xi Jinping a même fait de ce contrôle de l’information et de l’influence occidentale à l’ère du numérique, la mère des batailles pour assurer la survie du Parti communiste chinois qui a célébré son centenaire l’été dernier. La lente asphyxie de la société civile a commencé au lendemain de son accession au pouvoir, par un éditorial du Nanfang Zhoumo – hebdomadaire de canton – appelant au respect du pluralisme inscrit dans la constitution chinoise. La censure de cet éditorial publié pour le Nouvel an lunaire a déclenché une grève des rédacteurs à l’hiver 2013. Selon Gao Yu, depuis, « la presse a disparu ». « Les journalistes n’écrivent plus », confiait l’ancienne journaliste avant le Covid-19.
La pandémie n’a rien arrangé à l’affaire, bien au contraire. De nombreux « journalistes citoyens » ont certes émergé suite à la découverte d’une « mystérieuse pneumonie virale » à Wuhan, au centre de la Chine, il y a deux ans. Beaucoup ont été arrêtés. Certains sont toujours en prison comme Zhang Zhan – qui a été récompensée du prix du courage RSF 2021 -, d’autres ont été invités à se taire comme Chen Qiushi. Pot de fer contre pot de terre, l’espace qui reste aux journalistes chinois est de plus en plus tenu. Continuer d’informer exige de marcher sur les œufs de la censure, sachant que tous les sujets ou presque peuvent être considérés comme sensibles. Danser entre les lignes rouges définies par les autorités, est désormais réservé à une poignée « d’auteurs », « indépendants », souvent seuls et surtout courageux. Ces derniers sont noyés au milieu de l’océan de la presse officielle. Des journalistes des services en langues étrangères des médias centraux, racontant n’avoir pas eu le droit, sauf exception, de quitter la capitale chinoise pendant plus d’un an après le début de la pandémie.
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