Photographie : "Dust" de Patrick Wack, la poussière du Xinjiang

Entretien
Diplômé de l’ESCP (ESCP Business School) et ancien sportif des équipes de France, Patrick Wack est né à Cannes en 1979 et a grandi en banlieue parisienne. Photographe autodidacte, il quitte en 2006 un travail à Berlin pour gagner la Chine et se lancer dans la photographie. L’humain occupe dans ses images une place essentielle et lui permet d’établir un pont entre ses différentes pratiques photographiques, qu’elles soient éditoriales, commerciales ou artistiques. Il se consacre à des projets personnels de long terme qui marient la pratique documentaire traditionnelle avec une approche contemplative. Après onze années passées en Chine, il partage désormais son temps entre Berlin, Paris, Shanghai et Moscou. Ses reportages ont été publiés entre autres dans Time Magazine, The Sunday Times, Géo France, The British Journal of Photography et Courrier International. Il est un des deux lauréats 2019 de la Bourse du musée Albert Kahn et co-fondateur de la coopérative photographique Inland.
Son livre, Dust aux éditions André Frère, sera publié à l’automne 2021. Une campagne de prévente a démarré le 29 juin dernier.
Au Xinjiang, voyage dans l'invisible
Au Xinjiang, il y a ce que l’on voit, ce que l’on cherche à voir, ce que l’on vous montre, et tout ce qui se soustrait au regard. S’y déplacer en tant que journaliste, ou photographe, étranger, oblige à toutes sortes de contorsions. Prendre les billets au dernier moment, sans réserver d’hôtel. Savoir qu’à tout moment du séjour, peut débarquer une escouade d’hommes en civil ou en armes, plus ou moins polis, appartenant à divers services (police locale, police secrète, contre-espionnage, préposé local aux affaires étrangères) et parfois à tous en même temps, pour vérifier vos passeports, éventuellement vous interroger pendant de longues heures et vous empêcher d’aller plus loin. Savoir aussi que l’on est regardé, enregistré – par les caméras, omniprésentes, ou par les agents qui vous suivent de manière aléatoire – et que le sont aussi ceux que vous rencontrez, avec qui vous parlez.
Cet écart entre ce que l’on y voit, ce que l’on y entend, et ce qui se trame dans le secret de l’appareil de sécurité chinois, dans les salles d’interrogatoire des commissariats et les cellules des pénitenciers, s’est encore accru à l’automne 2017, quand sont parvenus aux observateurs de la région autonome les premiers signes d’une politique d’internement à grande échelle de la population ethnique turcique, essentiellement les Ouïghours (11 millions, soit 46 % de la population du Xinjiang) et les Kazakhs (1,5 million, soit 7 %).
Brice Pedroletti, journaliste au quotidien Le Monde et ancien correspondant en Chine
(Extrait de Dust de Patrick Wack)
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