Environnement
Analyse

Sommet Climat de Biden : Xi Jinping ne fait pas de nouvelles promesses

Lors du "Jour de la Terre", sommet virtuel sur le climat organisé par Joe Biden avec 40 chefs d'État et de gouvernement les 22 et 23 avril 2021, le président chinois XI Jinping a promis que son pays allait "contrôler strictement" la construction de nouvelles centrales à charbon prévues dans le plan quinquennal et s'attacher à en réduire le nombre. (Source : SCMP)
Lors du "Jour de la Terre", sommet virtuel sur le climat organisé par Joe Biden avec 40 chefs d'État et de gouvernement les 22 et 23 avril 2021, le président chinois XI Jinping a promis que son pays allait "contrôler strictement" la construction de nouvelles centrales à charbon prévues dans le plan quinquennal et s'attacher à en réduire le nombre. (Source : SCMP)
Comme c’était largement attendu, répondant à l’invitation de Joe Biden, Xi Jinping a finalement participé au sommet virtuel « Le Jour de la Terre » organisé par le président américain. Mais sans toutefois annoncer de nouvelles promesses.
Joe Biden a profité de cette tribune à laquelle ont participé plus de quarante chefs d’État pour annoncer que son pays allait réduire ses émissions de gaz à effet de serre de moitié d’ici à 2030 comparé à leur niveau de 2005. Objectif très ambitieux qui va bien au-delà de celui qui avait été annoncé par l’ancien président Barack Obama de réduire les gaz à effet de serre de 26 à 28 % d’ici 2025 comparé à leur niveau de 2005.
« Nous nous trouvons devant un moment de péril mais aussi d’opportunités extraordinaires, a expliqué le président américain dans un discours introductif à la visioconférence. En réalité, nous n’avons pas le choix. Nous devons y parvenir. »

« Nouvelles Routes de la soie vertes »

Prenant la parole à son tour, Xi Jinping a déclaré : « Il nous faut protéger la nature et préserver l’environnement comme nous prenons soin de la prunelle de nos yeux. » Les pays en développement joueront un rôle crucial dans ce mouvement, a-t-il ajouté, précisant qu’il fallait « engager dans une démarche proche des populations. » Le président chinois a promis que son pays allait « contrôler strictement » la construction de nouvelles centrales à charbon prévues dans le plan quinquennal et s’attacher à en réduire le nombre dans le prochain plan.
Autre mesure phare : les efforts déployés pour la construction dans le cadre de « Nouvelles Routes de la soie vertes » avec un impact environnemental réduit qui aurait la signature Pékin, mais qui « exige de la Chine des efforts extraordinairement difficiles », a insisté Xi Jinping. Le numéro un chinois s’était déjà engagé en septembre 2020 à ce que son pays atteigne une neutralité carbone d’ici 2060 et un pic d’émissions de CO² d’ici 2030. Donc rien de très nouveau dans sa prise de parole de ce jeudi 22 avril. Au risque peut-être de décevoir ceux qui en attendaient davantage, dont tout particulièrement les États-Unis.
Pour Li Shuo, analyste de l’ONG Greenpeace à Pékin, le discours de Xi Jinping est « décevant ». « Davantage d’ambition reste nécéssaire. Les conditions intérieures [en Chine] sont maintenant réunies et il est de l’intérêt de la Chine d’annoncer et de mettre en œuvre d’autres programmes. »
« Nous nous trouvons à une étape de développement différente de celles des États-Unis et de l’Europe », a quant à lui déclaré l’envoyé spécial chinois sur le climat, Xie Zhenhua. Les progrès de la Chine vers la neutralité carbone sont en réalité plus rapides que ceux des Américains et des Européens, en dépit « d’immenses difficultés » rencontrées dans la restructuration de l’économie chinoise.
La Chine est le premier pollueur du monde, suivi de près par les États-Unis. L’Amérique demeure cependant largement en tête du peloton en stocks d’émissions de gaz à effet de serre cumulés.

Question de vie ou de mort

L’Union Européenne, par la voix du président français Emmanuel Macron et de la chancelière allemande Angela Merkel, ont fait preuve de plus d’audace avec l’annonce d’un objectif de réduction des gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030 comparé au niveau des années 1990.
Parmi les mauvais élèves de la classe figure l’Australie. Son Premier ministre Scott Morrison a bien parlé d’une neutralité carbone pour son pays, mais sans jamais en préciser la date.
Certains dirigeants ont lancé un véritable cri de détresse : le réchauffement climatique est désormais pour leur pays une question de vie ou de mort. Parmi eux, les responsables du Bouthan et des Îles Marshall qui ont rappelé les inondations, incendies et sécheresses provoqués par le réchauffement et qui en viennent à menacer l’existence même des populations. « Plus de la moitié des pays de l’Afrique vont bientôt rencontrer des conflits suscités par le changement climatique », a déclaré en écho le président du Gabon Ali Bongo Ondimba.

Géopolitique du climat

Avec ce sommet, les États-Unis ont en tous cas fait la démonstration qu’ils avaient repris la tête du combat mondial contre le réchauffement climatique. Une dynamique qui est en réalité devenue un grand jeu géopolitique où s’affronteront les grandes puissances mondiales, y compris bien sûr la Chine.
Il n’y a néanmoins que très peu de chance de voir cette nouvelle coopération sino-américaine s’étendre à d’autres domaines où la rivalité entre les deux plus grandes puissances mondiales demeure beaucoup trop forte. « Il existe de nombreux domaines où nous n’arrivons pas à nous regarder les yeux dans les yeux. Celui-là [le changement climatique] n’en fait pas partie », a voulu souligné le secrétaire d’État américain Anthony Blinken.
Et comme pour rappeler que la politique n’est jamais loin, Ma Zhaoxu, le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, a souligné que la présence de Xi Jinping à ce sommet illustrait à elle seule la volonté de la Chine d’assumer ses responsabilités dans ce domaine. « La Chine ne s’est jamais engagée dans efforts géopolitiques et n’a aucune intention de jouer la carte du climat. Le climat ne devrait pas être utilisé comme un instrument pour une lutte géopolitique ou comme un prétexte pour attaquer les autres », a-t-il affirmé.
Au-delà de ces annonces fracassantes, le plus dur reste à venir lorsqu’il faudra traduire ces promesses dans les faits. Prochain rendez-vous : la COP26 de Glasgow du 1er au 12 novembre. Lors de cette nouvelle édition de la Conférence sur le climat des Nations Unies, quelque 200 gouvernements devront alors révéler le détail de ce qu’ils comptent faire concrètement. Déjà, la situation réelle atteste du fait que le monde a pris du retard dans le respect des promesses qui ont été faites. Comme le dit l’adage, les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Et la jeune activiste suédoise Greta Thunberg, justement, n’y croit pas.
Par Pierre-Antoine Donnet

Soutenez-nous !

Asialyst est conçu par une équipe composée à 100 % de bénévoles et grâce à un réseau de contributeurs en Asie ou ailleurs, journalistes, experts, universitaires, consultants ou anciens diplomates... Notre seul but : partager la connaissance de l'Asie au plus large public.

Faire un don
A propos de l'auteur
Ancien journaliste à l'AFP, Pierre-Antoine Donnet est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages consacrés à la Chine, au Japon, au Tibet, à l'Inde et aux grands défis asiatiques. En 2020, cet ancien correspondant à Pékin a publié "Le leadership mondial en question, L'affrontement entre la Chine et les États-Unis" aux Éditions de l'Aube. Il est aussi l'auteur de "Tibet mort ou vif", paru chez Gallimard en 1990 et réédité en 2019 dans une version mise à jour et augmentée. Après "Chine, le grand prédateur", paru en 2021 aux Éditions de l'Aube, il a dirigé fin 2022 l'ouvrage collectif "Le Dossier chinois" (Cherche Midi), puis début 2023 "Confucius aujourd'hui, un héritage universaliste" (L'Aube).