Environnement
Analyse

Climat : Pékin et Washington décidés à travailler main dans la main

Envoyé spécial des États-Unis sur le climat, John Kerry a rencontre son homologue chinois Xie Zhenhua à Shanghai, le 16 avril 2021, afin de préparer le sommet virtuel sur le climat des 22 et 23 avril, organisé par le président américain Joe Biden. (Source : Politico)
Envoyé spécial des États-Unis sur le climat, John Kerry a rencontre son homologue chinois Xie Zhenhua à Shanghai, le 16 avril 2021, afin de préparer le sommet virtuel sur le climat des 22 et 23 avril, organisé par le président américain Joe Biden. (Source : Politico)
La nouvelle est d’importance dans un paysage de confrontation ouverte entre Pékin et Washington, sur lequel jusqu’à présent s’accumulaient seuls des nuages noirs. Les États-Unis et la Chine ont enfin compris l’enjeu de la lutte contre le réchauffement climatique et sont désormais d’accord sur la nécessité impérieuse de travailler main dans la main. Une certaine confiance mutuelle commencerait-elle à s’installer ?
Illustration de cette embellie bienvenue, l’ancien secrétaire d’Etat américain John Kerry, choisi par le président Joe Biden pour être son envoyé spécial sur le climat, a rencontré à Shanghai son homologue chinois Xie Zhenhua au cours du week-end. Les deux hommes sont tombés d’accord pour estimer qu’avec la Chine et les États-Unis ensemble, « la prochaine décennie serait décisive » pour parvenir à contenir le réchauffement climatique à moins d’1,5 degrés par rapport à l’ère préindustrielle. Kerry et Xie ont d’ailleurs adopté un communiqué commun que le gouvernement chinois s’est dépêché de rendre public, dans lequel les deux hommes expriment leur conviction qu’il était impérieux dorénavant de percevoir ensemble l’avenir « avec un sentiment de sérieux et d’urgence ».
John Kerry était le responsable américain le plus important à se rendre en Chine depuis l’investiture de Joe Biden le 20 janvier dernier. Pour en assurer le maximum de résultats, ses entretiens avec Xie Zhenhua se sont déroulés en tête-à-tête derrière des portes fermées. Pari semble-t-il donc réussi.

Engagements différents sur l’avenir de la planète

Personne ne sait à ce stade si le président chinois Xi Jinping assistera ou non au sommet virtuel baptisé « Le jour de la Terre » les 22 et 23 avril auxquels participeront quelque quarante chefs d’État. Mais comment penser que l’homme fort de la Chine puisse rater ce rendez-vous crucial pour l’image de son pays dans le monde ?
Il existe cependant une différence de taille entre les engagements américains et chinois sur l’avenir de la planète. Les États-Unis de Joe Biden ont résolument tourné le dos à la politique néfaste de Donald Trump dans ce registre et se sont engagés dans une véritable révolution climatique qui va peut-être tout changer dans le pays. La Chine, quant à elle, ne compte pas prendre d’engagements nouveaux après la promesse d’une neutralité carbone d’ici 2060, faite par Xi Jinping en septembre 2020 devant l’Assemblée générale des Nations Unies.
Certains membres influents des milieux politiques américains sont d’ailleurs d’avis que l’administration Biden devrait maintenant passer à l’étape suivante : s’assurer du soutien des alliés occidentaux des États-Unis pour faire pression sur la Chine afin qu’elle soit amenée à davantage de concessions.
« Il ne faudrait pas que la négociation avec la Chine en arrive à faire de l’ombre aux objectifs de lutte contre le changement climatique. Pékin pourrait être tenté d’imposer des coûts inacceptables tout en refusant de produire des résultats probants, estiment Andrew Erickson, professeur de stratégie à l’Institut des études maritimes au Collège de la guerre navale (NWC), et Gabriel Collins, responsable au département du Trésor américain dans la revue Foreign Affairs. Seule une coalition unie sur le climat peut maintenir la Chine à la table des négociations. »
Message semble-t-il reçu cinq sur cinq à Paris. « Il est temps de parvenir à des résultats, a déclaré Emmanuel Macron ce dimanche 18 avril dans un interview diffusée par la chaîne américaine CBS dans le cadre de l’émission « Face the Nation ». Il est urgent de se dépêcher et le président Biden à raison à 100 % de s’engager sur cette voie. »
« Nous avons besoin de deux choses. Nous avons besoin d »accélérer l’innovation et sa capacité à parvenir à des résultats. Nous avons besoin de l’Inde et de la Chine qui doivent nous rejoindre, a poursuivi le président français. J’ai eu une discussion avec le président Xi et je pense que nous avons senti la volonté du président Xi sur le climat de travailler avec les États-Unis et avec l’Europe. Premièrement pour accélérer son objectif pour 2030 de parvenir à un pic de pollution. »

Encore loin de désamorcer les tensions

Le président chinois a eu parallèlement une discussion sur le même thème avec la chancelière allemande Angela Merkel. Mais que l’on ne se méprenne pas : l’objectif suivi par ces deux pays, outre le fait qu’ils aient bien sûr cherché à sonder les intentions chinoises sur ce dossier, étaient aussi de replacer l’Union européenne dans le jeu climatique mondial.
Cependant, cet engagement sino-américain de travailler ensemble avec la Chine sur le climat ne risque probablement pas de déboucher sur un dialogue politique de nature à désamorcer l’affrontement militaire et politique entre les deux plus grandes puissances mondiales. On en est encore loin.
« Les attentes sur le fait que la coopération sur le climat pourrait renverser la spirale actuelle sont largement déplacées », juge Pang Zhongying, un expert des affaires internationales de l’Université chinoise Océan, cité par le South China Morning Post. En réalité, « avec la Chine et les États-Unis qui aiguisent leur positions l’un contre l’autre avec chaque jour qui passe, il devient en fait de plus en plus difficile pour eux de coopérer même sur le climat au milieu d’une compétition qui s’approfondit sans cesse. » Du rêve à la réalité subsiste donc encore un long chemin.
Par Pierre-Antoine Donnet

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A propos de l'auteur
Ancien journaliste à l'AFP, Pierre-Antoine Donnet est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages consacrés à la Chine, au Japon, au Tibet, à l'Inde et aux grands défis asiatiques. En 2020, cet ancien correspondant à Pékin a publié "Le leadership mondial en question, L'affrontement entre la Chine et les États-Unis" aux Éditions de l'Aube. Il est aussi l'auteur de "Tibet mort ou vif", paru chez Gallimard en 1990 et réédité en 2019 dans une version mise à jour et augmentée. Après "Chine, le grand prédateur", paru en 2021 aux Éditions de l'Aube, il a dirigé fin 2022 l'ouvrage collectif "Le Dossier chinois" (Cherche Midi), puis début 2023 "Confucius aujourd'hui, un héritage universaliste" (L'Aube).