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Analyse

Hong Kong : un idéologue à la tête du nouveau bureau pour la sécurité nationale

Zheng Yanxiong a été nommé le 3 juillet 2020 à la tête du nouveau Bureau de protection de la sécurité nationale à Hong Kong. (Source : Republicworld)
Zheng Yanxiong a été nommé le 3 juillet 2020 à la tête du nouveau Bureau de protection de la sécurité nationale à Hong Kong. (Source : Republicworld)
Après avoir fait couler beaucoup d’encre depuis les « deux assemblées », le projet de loi sur la sécurité nationale à Hong Kong a été adoptée le 30 juin par l’Assemblée nationale populaire à Pékin. Le 1er juillet, le Bureau pour la protection de la sécurité nationale, organe du pouvoir central, a été créée, avec à sa tête Zheng Yanxiong, nommé le 3 juillet. Formé au « travail idéologique », Zheng passe pour un partisan de la ligne dure à Hong Kong. Qui est-il et que sait-on de ses inclinations politiques ?

Un vétéran du Sud

Zheng Yanxiong (郑雁雄) est avant tout un vétéran du Guangdong avec un début de carrière marqué par un passage à la Ligue de la jeunesse communiste, réseau de l’ex-président Hu Jintao (tuanpai), et l’accent mis sur le « travail idéologique ». À l’époque, Zheng représentait les tuanpai au comité permanent provincial du Guangdong. Ce comité fut présidé de 1991 à 1995 par Lin Musheng (林木声), le premier mentor de Zheng. Ce dernier sera ensuite sous la tutelle de Pan Yiyang (潘逸阳), secrétaire tuanpai du Guangdong de 1995 à 1998 et associé proche de Ling Jihua (令计划).
Ce travail pour les tuanpai permettra à Zheng d’être transféré à la filiale Sud (华南分) du Quotidien du Peuple en 1998. Cette filiale, créée en 1997, était alors sous la direction de Li Renchen (李仁臣). Cet éditeur et journaliste avait bien connu Wang Chen (王晨) vers la fin des années 1990. Il avait travaillé sous Shao Huaze (邵华泽), un militaire-éditeur proche de Deng Xiaoping. Zheng restera quatre années en poste avant d’être transféré à l’unité de recherche politique du Guangdong.
*Zheng venait alors remplacer Chen Zengxin (陈增新), cadre qui avait dû quitter son poste en raison d’accusations de corruption. Chen fut par la suite expulsé du Parti et emprisonné.
En 2005, Zheng commence sa « vraie » carrière politique dans la ville de Shanwei, où il est nommé secrétaire adjoint et secrétaire pour la commission politico-légale locale*. La ville est alors dirigée par Rong Tiewen (戎铁文), secrétaire du Parti de 2004 à 2011, et Wang Menghui (王蒙徽), maire de 2004 à 2008 et à présent ministre du Logement et du Développement urbain et rural. En 2008, Zheng remplace Wang Menghui, puis Rong Tiewen en 2011.
Zheng était en poste lors du « siège de Wukan » (烏坎事件), de septembre à décembre 2011. Wukan dépend de Lufeng, ville au rang de comté, elle-même sous la juridiction de Shanwei. À l’origine de la crise politique dans le village Wukan, la vente de terres à des développeurs immobiliers par le gouvernement local et l’absence de compensation pour les villageois. Le représentant de la commission disciplinaire provinciale de l’époque, Zhu Mingguo (朱明国), un homme de Zhou Yongkang, était alors venu prêter main forte à Zheng lors des négociations. Les événements de Wukan se déroulèrent sous la supervision du bureau provincial de la propagande alors dirigé par Lin Xiong (林雄), l’un des secrétaire particuliers (mishu) du Premier ministre Wen Jiabao.
*Cette rencontre sera en fait pour Zheng la porte d’entrée dans le cercle des allies étendus de Xi Jinping.
En 2013, Zheng est « promu » au département provincial de la propagande, alors dirigé par Tuo Zhen (庹震), un célèbre journaliste devenu propagandiste et un allié de Liu Yunshan, directement impliqué dans les incidents du Nangfang Daily de 2013. Pourtant cadre de rang préfectoral depuis 2009, Zheng restera en poste à ce même département jusqu’en 2018. En 2015, il fait la connaissance de Shen Haixiong (慎海雄), le « représentant » de Xi Jinping au Zhejiang puis à Shanghai. Les deux hommes, familiers avec le « travail idéologique » auront alors une bonne relation de travail* durant près de trois ans. En mai 2018, soit trois mois après le départ de Shen vers le département central de l’organisation, Zheng est transféré au secrétariat général du comité permanent de la province alors dirigée par Li Xi (李希), secrétaire du Parti et allié de Xi Jinping, qui connaît également Shen lorsqu’il était à Shanghai. Quelques mois plus tard, Li promeut Zheng au poste de secrétaire général du comité permanent, poste qu’il conservera jusqu’en juillet 2020.

Les alliées de troisième zone et le « travail idéoligique »

*Luo s’y connait par contre assez en matière de lutte anticorruption.
Contrairement à Luo Huining (骆惠宁), cadre sans expérience sur la question de Hong Kong*, Zheng est un vétéran du Guangdong. Il comprend bien les enjeux qui existent entre la Chine et Hong Kong. Par ailleurs, contrairement à Luo, ramené de sa « retraite » au Comité sur les affaires économiques et financière du l’Assemblée nationale populaire, Zheng peut facilement rester encore trois ans aux commandes du nouvel organe de sécurité à Hong Kong, dans la mesure où il occupe encore un poste vice-ministériel (副部级) à l’âge de bientôt 57 ans.

La mission de Zheng Yanxiong est comparable à celle Zeng Qinghong en 2003. Le bras droit de l’ex-président Jiang Zeminavait avait alors « créé » le système des affaires de Hong Kong. De même, Zheng doit créer un nouveau système de surveillance et de « gestion » qui sera sûrement plus avantageux pour Pékin que celui déjà en place, formé par des organes du ministère de la Sécurité publique et du système des affaires de Hong Kong.

*Directement impliqué dans l’affaire du fils de Ling Jihua 令计划, Li est le secrétaire particulier (mishu) de Jia Chunwang 贾春旺 – ministre de la Sécurité nationale de 1985 à 1998 et ministre de la Sécurité Public de 1998 à 2003. Jia est aussi un proche de Liu Yunshan 刘云山 (leurs enfants sont mariés), mais aussi de Zeng Qinghong 曾庆红. Li est aussi le mishu de Tao Siju 陶驷驹 – ministre de la Sécurité publique de 1990 à 1998 plus près de Deng Xiaoping que de Jiang Zemin.
Cependant, tout n’est pas « optimal » pour cette nouveau bureau chargée de « protéger la sécurité nationale ». L’équipe contient des cadres loin d’être les plus performants. Exemple avec Luo Huining, un candidat de transition déjà âgé de 65 ans, et partiellement associé à Hui Liangyu (回良玉) et à l’ancienne garde. Autre exemple, celui de Li Jiangzhou (李江舟)*, l’un des associés proches de Sun Lijun (孙力军) et de Meng Jianzhu (孟建柱). Li est connu pour ses liens étroits avec les hommes de Zhou Yongkang et de Zeng Qinghong.
Zheng Yanxiong lui-même est-il « l’homme de la situation » pour diriger le nouveau bureau ? Il est un cadre formé davantage au « travail idéologique », point apprécié par Xi Jinping, qu’à la gestion quotidienne de manifestations – même s’il a connu les manifestations de Wukan. Zheng s’était déjà ouvertement plaint de la difficulté grandissante à gouverner la Chine en raison d’une sphère du pouvoir central de plus en plus petite, tandis que le nombre de responsabilités, lui, augmente.
Si pouvoir à Pékin cherche à Hong Kong une équipe capable d’appliquer à tout prix la loi sur la sécurité nationale tout en contrôlant le discours sur celle-ci, alors Zheng, un allié de troisième zone, et Li Jiangzhou, un représentant de l’ancienne garde qui a une maîtrise de la situation à Hong Kong, forment une équipe « intéressante », car elle pourra être sacrifiée si la situation n’évolue pas comme prévu.
Pour l’heure, vu le penchant plus conservateur de Zheng, il faut espérer qu’il ne fera pas de déclarations intempestives à la Zhao Lijian (赵立坚). Ce dernier, porte-parole de ministre des Affaires étrangères, avait accusé les États-Unis d’avoir introduit le Covid-19 en Chine. Ce genre de sorties ne feraient qu’envenimer une situation qui se dégrade de jour en jour ans l’ancienne colonie britannique. Enfin, il ne faut pas oublier Li Jiangzhou, un « policier » qui ne fait pas dans la dentelle et qui surtout n’hésitera pas à faire du zèle afin de démontrer sa valeur aux autorités centrales. Ainsi, il faut sûrement s’attendre à une application assez sévère de la loi pendant les prochaines semaines, au détriment d’un besoin grandissant d’apaisement à Hong Kong.
Par Alex Payette

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A propos de l'auteur
Alex Payette (Phd) est co-fondateur et Pdg du Groupe Cercius, une société de conseil en intelligence stratégique et géopolitique. Ancien stagiaire post-doctoral pour le Conseil Canadien de recherches en Sciences humaines (CRSH). Il est titulaire d’un doctorat en politique comparée de l’université d’Ottawa (2015). Ses recherches se concentrent sur les stratégies de résilience du Parti-État chinois. Plus particulièrement, ses plus récents travaux portent sur l’évolution des processus institutionnels ainsi que sur la sélection et la formation des élites en Chine contemporaine. Ces derniers sont notamment parus dans le Journal Canadien de Science Politique (2013), l’International Journal of Chinese Studies (2015/2016), le Journal of Contemporary Eastern Asia (2016), East Asia : An International Quarterly (2017), Issues and Studies (2011) ainsi que Monde Chinois/Nouvelle Asie (2013/2015). Il a également publié une note de recherche faisant le point sur le « who’s who » des candidats potentiels pour le Politburo en 2017 pour l’IRIS – rubrique Asia Focus #3.