Cinéma : "Break of Day", l’avortement illégal en Corée du Sud
Entretien
Née à Séoul, Kim Kyoung-ju est une jeune réalisatrice coréenne dont les films s’intéressent aux questions de société. Un cinéma ancré dans le réel et forcement engagé, dans un pays où l’avortement reste interdit. Diplômée en cinéma de l’université de Yongin et de Syracuse (New York), la jeune femme poursuit actuellement un doctorat à l’université de Hanyang. Artiste prolifique, elle a déjà réalisé sept courts métrages dont le dernier, Break of Day a été récompensé du prix du meilleur scénario ainsi que du prix du jury étudiant lors du dernier Festival du film coréen à Paris (FFCP) en novembre 2017. Poignant, profond, ce court métrage de fiction met en lumière la question épineuse de l’avortement illégal en Corée et de la difficulté à accéder aux méthodes de contraception pour les adolescentes.
« J’aime les films qui permettent de réfléchir. Ce sont ceux que je regarde et ceux que j’essaye de réaliser. »
L'IVG en Corée du Sud
C’est un paradoxe de plus dans un pays qui n’en manque pas. Illégal, l’avortement est pourtant extrêmement pratiqué en Corée. Selon les estimations officielles, le nombre des interruptions volontaires de grossesse (IVG) approcherait celui des naissances.
1912 – 1953 : Considéré comme un crime sous l’occupation japonaise, l’interdiction de l’avortement a été maintenue après la guerre dans la constitution de 1953.
1961 – 1979 : Ce n’est qu’à partir du coup d’État de Park Chung-hee en 1961, que les IVG se banalisent. Le gouvernement sud-coréen instaure alors un programme de planification familiale qui encourage à ne pas dépasser deux enfants par foyer. Une dizaine d’années plus tard, la loi s’assouplit. En 1973, l’avortement est autorisé en cas d’inceste, de viol, de maladie génétique ou de risques pour la femme enceinte.
2010 : Après plusieurs décennies de tolérance, le gouvernement coréen reprend la chasse aux avortements. Une politique de répression des avortements illégaux est mise en place au début des années 2010, sous le prétexte de lutter contre une natalité déclinante et un vieillissement de la pyramide des âges.
L’IVG reste illégale aujourd’hui, mais elle est couramment pratiquée dans les cliniques. Une femme qui se fait avorter risque théoriquement un an de prison ou une amende de 2 millions de wons – un peu plus de 1500 euros. Les praticiens peuvent être condamnés à deux années de prison. Les « pères » en revanche ne risquent rien. Il n’est d’ailleurs pas rare que des hommes rapportent des avortements illégaux aux autorités. Une manière de se venger de leurs ex-petites amies ou de leurs épouses. En novembre 2017, une pétition signée par 235 000 personnes a été postée sur le site du bureau présidentiel de la Maison Bleue, le palais présidentiel, en faveur d’une légalisation de l’avortement. Le gouvernement devrait répondre à cette pétition courant 2018, mais les mouvements féministes se heurtent aux puissants lobbys des conservateurs anti-avortement.
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