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Chine : les remaniements des provinces de l'Est dans le détail

Le président chinois Xi Jinping (au centre) lors de la session de clôture du la dernière Conférence consultative politique du peuple chinois
Le président chinois Xi Jinping (au centre) lors de la session de clôture du la dernière Conférence consultative politique du peuple chinois le 13 mars 2017.(Crédit : WANG ZHAO / AFP).
Xi Jinping contrôle donc à présent la majorité de l’échiquier provincial, par le biais des chefs de gouvernement et des secrétaires du Parti. Cette mainmise sur plus de la moitié des provinces et régions tombe à point afin de consolider sa position avant le 19ème Congrès de novembre prochain. Cela dit, qu’en est-il des équipes qui entourent les « hommes de Xi » et surtout que reste-t-il des autres factions sur la scène provinciale?
Pour répondre à ces questions, nous adopterons cette fois-ci – contrairement à nos analyses précédentes – une approche plus micro destinée à mettre l’accent sur les remaniements internes propres à chaque provinces/régions. Cette semaine, le cas des provinces du Hebei, du Jiangsu et du Zhejiang.

Hebei, la zone la plus « tranquille » de la côte est

* Fan, Shao, Chen, Zhao et Sun ne font plus partie du gouvernement ni du comité permanent depuis la fin 2016. Zhang, Xu et Jiang l’ont eux « quitté » au début de 2017 comme le montre l’infographie.
Si le visage de la province du Hebei a changé depuis 2012, c’est surtout au détriment des anciens alliés de Jiang Zemin, dont notamment les hommes de Zhou Yongkang*.
En ce sens, Xi a su remplacer Zhou Benshun (Zhou Yongkang) et Chen Quanguo (Hu Jintao) par Zhao Kezhi et Zhang Qingwei (2012). Chen, qui a été repositionné à la tête du Xinjiang en août 2016, terminera probablement sa carrière à cet endroit. Il en va de même pour Zhao Kezhi, déjà âgé de 64 ans. S’il n’est pas promu dans les mois qui suivent, il terminera son parcours au Hebei d’ici une ou deux années. L’infographie qui suit démontre également qu’environ plus des deux tiers des membres du gouvernement et du comité permanent sont des « Élites locales ».
Infographie : les remaniements au Hebei
Infographie : les remaniements au Hebei
* À ne pas confondre avec Wang Xiaodong 王晓东 [né en 1960], actuel gouverneur du Hubei.
Aussi, les individus qui composent l’équipe qui entoure Zhao et Zhang sont nés en moyenne au début des années 1960 et sont soit en début de carrière vice-provinciale – comme Jiao Yanlong 焦彦龙 [né en 1960], Xing Guohui 邢国辉 [né en 1961], Shang Liguang 商黎光 [né en 1963], Gao Zhili 高志立 [né en 1962], Wang Xiaodong 王晓东 [né en 1959]*, Zhang Gujiang 张古江 [né en 1963]) – ou encore effectuent leur premier mandat à ce rang, tel Liang Tiangeng 梁田庚 [né en 1960], Yuan Tongli袁桐利 [né en 1961], Liang Huiling 梁惠玲 [né en 1962], Dong Yisheng 董仚生 [né en 1962], Shen Xiaoping 沈小平 [né en 1957].
Parmi tous ces hommes, seuls Li Ganjie 李干杰 [né en 1964] présent au rang vice-provincial depuis 11 ans et Tian Xiangli 田向利 [né en 1963] au rang vice-provincial depuis 9 ans soulèvent des interrogations : si ceux-ci ne parviennent pas à se faire promouvoir au rang provincial rapidement, ils devront se retirer lorsqu’ils auront 60 ans (limite d’âge pour un poste vice-provincial).

La base arrière de Jiang Zemin : remaniements dans le Jiangsu

* On dit que Luo serait de pair avec Li Yuanchao, membre du Politburo et allié de Hu Jintao. Tous deux subiraient les contrecoups de « l’affaire Ling Jihua 令计划 » qui vit ce dernier – allié de Hu Jintao, être condamné à la prison à vie pour corruption en 2014.
Li Qiang 李强 [né en 1959] et Shi Taifeng 石泰峰 [né en 1956] sont respectivement secrétaire du Parti et chef du gouvernement provincial pour le Jiangsu depuis 2016. Tous deux, hommes de Xi Jinping, étaient venus déloger Luo Zhijun 罗志军 [né en 1951]* et Li Xueyong 李学勇 [né en 1950], alliés du maintenant déchu Zhou Yongkang, l’un des lieutenants de Jiang Zemin.
Infographie : les remaniements au Jiangsu
Infographie : les remaniements au Jiangsu
On retrouve également dans l’équipe dirigeante quelques individus dignes de mention, dont Huang Lixin 黄莉新 [né en 1962], Yang Yue 杨岳 [né en 1968], Jiang Zhuoqing 蒋卓庆 [né en 1959] et Zhou Naixiang 周乃翔 [né en 1961]. Le premier est un associé de Hui Liangyu 回良玉 – secrétaire du Jiangsu entre 1999 et 2002 et ancien membre du Politburo allié de Jiang Zemin, et de Li Yuanchao 李源潮 – secrétaire du Jiangsu entre 2002 et 2007.
Yang Yue représente pour sa part un cas particulier. Membre des Jeunesses communistes de formation, il fait partie de la « clique du Qinghua » [Qinghua Xi – 清华系] de Xi Jinping. Jiang Zhuoqing de son côté, est le secrétaire de la commission d’inspection et de discipline (jiwei) pour la province. Il a été transféré de Shanghai en octobre 2016 où il aurait travaillé de près avec Han Zheng 韩正 – actuel secrétaire du Parti pour Shanghai, membre du Politburo et allié de Jiang Zemin. Malgré le fait que Jiang Zhuoqing semble avoir l’aval de Wang Qishan, patron de la commission d’inspection et de discipline centrale, on peut penser que ce changement de dernière minute a pour objectif d’affaiblir la position de Han à Shanghai.
Enfin, le dernier, Zhou Naixiang, est le fils de Zhou Xiaohe 周小鹤, frère de Zhou Xiaochuan 周小川 – gouverneur de la banque de Chine depuis 2002, et premier fils de Zhou Jiannan 周建南 [1917-1995], ancien ministre de l’Industrie (1982-1985). Du reste, près des trois quarts du gouvernement et comité permanent semble également faire partie de la catégorie « Élite locale ».
Du côté des « départs » (2015-2016), on retrouve Hong Qiang 弘强, Liu Yunfeng 李云峰, Xu Ming 徐鸣, Cao Dexin 曹德信, Xu Nanping 徐南平 et Yang Weize 杨卫泽. Depuis, Hong est non-assignée (mais sûrement mise en retraite anticipée) ; Liu et Yang sont sous le coup d’enquêtes ; Xu Ming fut déplacé à la Conférence consultative politique (zhengxie – 政协) provinciale – soit presque en pré-retraite ; Xu Nanping fut rétrogradé et Cao envoyé loin du Jiangsu par Xi Jinping.

Le Zhejiang comme plaque tournante des « hommes de Xi »

Dans cette province, Xia Baolong 夏宝龙 succède en 2012 à Zhao Hongzhu 赵洪祝 à la tête du Parti et Che Jun 车俊 succède à Li Qiang 李强 au poste de gouverneur en 2016. Soit, deux « hommes de Xi » qui viennent remplacer d’autres de ses alliés en partance du Zhejiang. Les derniers changements ayant eu lieu dans la province viennent démontrer que Xi a su créer sa propre structure de promotion, comme Shanghai avait pu l’être pour Jiang Zemin durant les années 1990. Depuis les derniers changements (2012-2017), le Zhejiang est ainsi occupé soit par des « hommes de Xi » ou des « Élites locales » – près des trois quarts – qui pourraient éventuellement se révéler être affiliées à ce dernier. En ce sens, la conquête du Zhejiang par Xi (2002-2007) lui a permis d’en faire une plaque tournante pour ses alliés.
Infographie : les remaniements au Zhejiang
Infographie : les remaniements au Zhejiang
Et pour cause, on retrouve au comité permanent de la province plusieurs Cadres affiliés à Xi dont Wang Xinhai [né en 1958], commandant de garnison ; Zhao Yide [né en 1965], secrétaire de la ville de Hangzhou ou encore Tang Yijun [né en 1962], secrétaire du Parti de Ningbo.
Il est d’ailleurs intéressant de voir que dans le cas de Ningbo et de Hangzhou, ce ne fut qu’une simple rotation entre les « hommes de Xi ». Et, même si l’on regarde deux rotations en arrière, on tombe encore sur les « hommes de Xi » puisque Huang Kingming 黄坤明 [né en 1956] était secrétaire de Hangzhou avant Gong Zheng 龚正 [né en 1960], actuel prédécesseur de Zhao Yide. Et tous sont des alliés de Xi. De même pour les deux précédents secrétaires de Ningbo Liu Qi et Wang Huizhong.
Du côté des « départs », Wang Huizhong 王辉忠 âgé de 61 ans et Li Liwei 刘力伟 âgé de 62 ans sont maintenant sur le chemin de la retraite avec un poste à la vice-direction de l’Assemblée populaire (renda – 人大) du Zhejiang depuis 2016. Liao Guoxun 廖国勋 – homme de Li Zhanshu 栗战书 et Xi, occupe de leur côté depuis décembre 2016 la commission d’inspection et de discipline (jiwei) Shanghai. Wang Yongkang 王永康, allié de Xi, est maintenant le secrétaire de Xi’an depuis 2016. Liu Qi 刘奇 est l’actuel gouverneur du Jiangxi depuis 2016 et Chen Yixin 陈一新 est à présent (depuis 2015) secrétaire de Wuhan. Ce dernier était venu remplacer Ruan Chengfa 阮成发 [né en 1957] – gouverneur du Yunnan, homme de Li Hongzhong 李鸿忠 – secrétaire du Fujian, lui-même allié de Xi. Le dernier, Chen Derong 陈德荣, aussi homme de Xi, est retourné en 2014 dans le groupe Shanghaien Baosteel dans lequel certains autres de ses alliés ont évolué.

Dans la mire de Xi

La reprise en main du Jiangsu et du Zhejiang confirme l’ambition et les visées de Xi – soit : consolider sa position et « nettoyer » les provinces des anciennes factions.
Et pour cause, dans la majorité des cas, les Cadres mis en examen, envoyés à la Conférence consultative politique (zhengxie – 政协) provinciale ou encore retrogradés sont des hommes affiliés directement à Jiang Zemin ou ses alliés.
En ce sens, même si la nomination de Xi à la tête de l’état chinois doit beaucoup à Jiang, ce dernier est constamment la cible des attaques du Président et de Wang Qishan. Cela dit, ces trois provinces n’ont rien à envier aux remaniements ayant eu lieu au Shandong suite au procès de Bo Xilai, au Guangdong avec l’assaut sur la « bande du Guangdong » ou encore dans le paradis qu’est l’île Hainan, le dernier refuge des hommes de Zhou Yongkang.

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A propos de l'auteur
Alex Payette (Phd) est co-fondateur et Pdg du Groupe Cercius, une société de conseil en intelligence stratégique et géopolitique. Ancien stagiaire post-doctoral pour le Conseil Canadien de recherches en Sciences humaines (CRSH). Il est titulaire d’un doctorat en politique comparée de l’université d’Ottawa (2015). Ses recherches se concentrent sur les stratégies de résilience du Parti-État chinois. Plus particulièrement, ses plus récents travaux portent sur l’évolution des processus institutionnels ainsi que sur la sélection et la formation des élites en Chine contemporaine. Ces derniers sont notamment parus dans le Journal Canadien de Science Politique (2013), l’International Journal of Chinese Studies (2015/2016), le Journal of Contemporary Eastern Asia (2016), East Asia : An International Quarterly (2017), Issues and Studies (2011) ainsi que Monde Chinois/Nouvelle Asie (2013/2015). Il a également publié une note de recherche faisant le point sur le « who’s who » des candidats potentiels pour le Politburo en 2017 pour l’IRIS – rubrique Asia Focus #3.