Politique
Expert – Politique chinoise

Chine : Xi Jinping contrôle presque toutes les grandes municipalités

Le président chinois Xi Jinping dans le Grand Hall du Peuple à Pékin le 2 décembre 2016. (Crédits : AFP PHOTO / POOL / Nicolas ASFOURI)
Le président chinois Xi Jinping dans le Grand Hall du Peuple à Pékin le 2 décembre 2016. (Crédits : AFP PHOTO / POOL / Nicolas ASFOURI)
*D’ordinaire, on compte entre 14 et 19 personnes siégeant au gouvernement [市政府代表] et au comité [市委员会] municipaux.
Shanghai, Chongqing, Pékin et Tianjin sont depuis la fin de l’année 2016 et maintenant le début 2017, le théâtre de plusieurs remaniements de la part de Xi Jinping. Le président chinois tente de mettre sous sa tutelle ces quatre municipalités qui se trouvent directement sous le contrôle du gouvernement central [直辖市]. Ainsi ont-elles ont connu l’ascension récente de nouveaux maires plus proches de Xi. Même si dans la plupart des cas – excepté Shanghai, ville « factionnelle » par excellence (lire notre article sur le sujet) -, la majorité des comités permanents ou des vice-maires* font partie des élites locales aux affiliations plus ou moins avérées. Pour l’instant, le maire et le secrétaire du Parti ont des « couleurs factionnelles » [派色] très claires.

Chongqing : la Fin de Bo Xilai

Ville surmédiatisée depuis sa reprise en main par les autorités suite à l’affaire Bo Xilai en 2012, Chongqing a fait l’objet d’une transition « complète » avec l’arrivée de Zhang Dejiang [张德江] (mars 2012 à novembre 2012) – venu superviser la période post-Bo et pré-Congrès – puis de Sun Zhengcai [孙政才] (né 1963), disciple de l’ex-Premier ministre Wen Jiabao. Le bras droit de Bo, Huang Qifan [黄奇帆] (né en 1952), tombera pour sa part aux mains de la commission disciplinaire en 2016. Il sera remplacé pour Zhang Guoqing [张国清] (né en 1964), un des hommes de Xi en provenance du secteur de l’industrie militaire [jungongxi – 军工系]. Du reste, on retrouve trois personnages intéressants, soit He Ting [何挺] (né en 1962), Chen Heping [陈和平] (né en 1956) et Chen Yong [陈雍] (né en 1966). Le premier, un proche de Zhou Yongkang [周永康], serait le neveu par alliance de Jiang Zemin. Le second serait un des derniers collaborateurs de Bo Xilai et le troisième, Chen, fut directement placé par Wang Qishan, venant ainsi remplacer Xu Songnan [徐松南] (né en 1956), lui-même remplaçant de Xu Jingye [徐敬业] (né en 1951) – allié de Bo Xilai à la commission municipale d’inspection et de discipline (2006-2013) – Xu étant trop « vieux » (60 ans) pour une promotion vers les postes vice-nationaux.
Infographie représentant les remaniements de Xi Jinping dans la municipalité spéciale de Chongqing.
Infographie représentant les remaniements de Xi Jinping dans la municipalité spéciale de Chongqing.

Tianjin : quatre secrétaires en quatre ans

*Huang n’a jamais vraiment assumé ce rôle, mais plutôt celui de secrétaire par intérim.**Contrairement à certaines rumeurs, Huang ne serait pas le fils de Huang Jing [黄敬], de son vrai nom Yu Qiwei [俞启威] (1912-1958) – ancien secrétaire de Tianjin et père de Yu Zhensheng [俞正声] (né en 1945), mais plutôt de Huang Quanlan [黄全兰] (né en 1926), un simple agriculteur.***Li était le secrétaire de Li Tienan [李铁映] (né en 1936), lui-même fils de Li Weihan [李维汉] (1896-1984) et de Jin Weiying [金维映] (1904-1941), ex-femme de Deng Xiaoping, membre du politburo de 1987 à 2002.****Wang fait partie de l’armée du Shaanxi de Xi Jinping [陕军].
Le Parti à Tianjin a connu quatre secrétaire à sa tête en l’espace de quatre ans : Zhang Gaoli [张高丽] (né en 1946) de juin 2007 à novembre 2012, Sun Chunlan [孙春兰] (née en 1950) jusqu’à décembre 2012, Huang Xingguo [黄兴国]* (né en 1954)** jusqu’en septembre 2016, et aujourd’hui Li Hongzhong [李鸿忠] (né en 1956)***. Si les trois premiers sont des alliés de Jiang Zemin, l’actuel secrétaire est l’un des hommes de Xi Jinping. Il en va de même pour le maire Wang Dongfeng [王东峰]**** (né en 1958) ainsi que le secrétaire adjoint, Huai Jinpeng [怀进鹏] (né en 1962). Le premier est venu remplacer Huang Xingguo lors de sa mise en examen. Celle-ci serait le résultat à la fois de ses affiliations et de la négligence perçue par certains des hauts dirigeants du Parti dans l’affaire des explosions dans le port de Tianjin en août 2015. Ce faisant, tout comme à Chongqing, Xi contrôle à présent le chef du gouvernement municipal ainsi que celui du Parti.
Infographie représentant les remaniements de Xi Jinping dans la municipalité spéciale de Tianjin.
Infographie représentant les remaniements de Xi Jinping dans la municipalité spéciale de Tianjin.

Pékin : le dernier pion à enlever avant le contrôle complet de la capitale

*Cai a actuellement 62 ans, soit à la limite de d’âge pour une promotion. Ce faisant, étant déjà cadre de rang ministériel (« zhengbuji » [正部级]), s’il n’est pas promu, ce poste est peut-être son dernier.**Xia est le fils de Xia Zhenzhong [夏振中], un militaire de carrière.
La capitale, elle aussi, a fait l’objet d’importants remaniements visant à placer les hommes de Xi autour des alliés de Jiang Zemin en vue de les « remplacer » le plus tôt possible. Ainsi en 2012, Guo Jinlong [郭金龙], né en 1947 et allié de Hu Jintao, était venu remplacer Liu Qi [刘淇], né en 1942 et allié de Jiang Zemin, directement sous le nez de Xi Jinping et de Jiang, dont la faction n’était pas encore l’objet d’une purge. En 2013, les alliés de Jiang Zemin, Zhou Yongkang et Zeng Qinghong, avaient alors placé Wang Anshun [王安顺] (né en 1957) à la mairie de Pékin. Depuis, Xi, avec l’aide de Wang Qishan, a déjà réussi à faire tomber Wang en 2017 et à le faire remplacer par Cai Qi [蔡奇] (né en 1955)*, un des membres de la bande du Zhejiang. Il ne reste alors que Guo Jinlong. Ce dernier, déjà âgé de 69 ans (juillet 1947), devra se retirer d’ici novembre. Ce faisant, il restera un poste vacant à combler à la tête de Pékin durant le 19e Congrès. Les rumeurs veulent que Xi rapatrie Xia Baolong [夏宝龙], né en 1952**, à la tête de la capitale jusqu’à sa retraite (2019-2020). Cet ex-secrétaire du Parti pour le Zhejiang depuis juin 2016 est actuellement « non-assigné ».
*Le père de Fu et celui de Ling Jihua [令计划] (né en 1956 et allié déchu de Hu Jintao tombé pour corruption en 2014) étaient collègues et même voisins. Certains hauts membres et patriarches du Parti remettent en cause leur « manque d’humanité » (mei you renxing – 没有人性) et donc leur « esprit de Parti » (dangxing – 党性). En cause : Ling refusait d’avoir des enfants et Fu n’exprime pas de piété filiale envers son père maintenant à l’hôpital.**Certains vont même jusqu’à dire que Xi aurait permis à Fu de prendre, en quelque sorte, sa revanche sur Zhou [复仇机会周永康].
Outre ces deux postes-clés, Xi a placé tôt trois de ses alliés sur des postes cruciaux pour son emprise politique : la sécurité publique, la garnison militaire de Pékin [卫戍区司令员], et la commission disciplinaire. Pour le premier, Wang Xiaohong [王小洪] (né en 1957) est venu remplacer Fu Zhenghua [傅政华] (né en 1955)*. Wang est un homme de Xi. Pour Fu, la question est plus délicate. On dit qu’il aurait connu de près Zhou Yongkang lors de son arrivée dans le système de la Sécurité publique (avant 2010). Cela dit, il aurait joué un rôle de premier plan dans la « dénonciation de Zhou » et dans le « nettoyage » subséquent du ministère de la Sécurité publique et et de la commission des affaires légales [国安以及政法系统的人事清洗]*. Ensuite vient Pan Liangshi [潘良时] (né en 1956), un vice-commandant siégeant à la garnison de Pékin. Enfin, Zhang Shuofu [张硕辅] (né en 1963) est venu remplacer Li Shulei [李书磊] (né 1964) à la tête de la commission d’inspection et de discipline (jiwei) de la capitale. Pour sa part, Li seconde maintenant Wang Qishan à la jiwei centrale.
Infographie représentant les remaniements de Xi Jinping dans la municipalité spéciale de Pékin.
Infographie représentant les remaniements de Xi Jinping dans la municipalité spéciale de Pékin.

Mesurer la puissance de Xi Jinping ?

La cartographie de ces quatre municipalités, maintenant sous le contrôle de Xi, ne permet pas de montrer l’étendue de la puissance du président. Le numéro un chinois s’affaire, en grande partie par le biais de la commission disciplinaire, à déloger les « veilles » factions pour asseoir sa mainmise sur le Parti, l’État et l’administration. Mais la question demeure : malgré cette valse incessante depuis cinq ans, comment mesurer le pouvoir de Xi et son « poids » dans la balance factionnelle ? Une chose est certaine, l’échiquier des grandes municipalités est à présent sous son influence. Xi Jinping se doit, tout spécialement dans le cas de Pékin, de consolider sa base et de s’assurer de la pérennité de sa puissance, comme Jiang Zemin l’avait fait avant lui.

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A propos de l'auteur
Alex Payette (Phd) est co-fondateur et Pdg du Groupe Cercius, une société de conseil en intelligence stratégique et géopolitique. Ancien stagiaire post-doctoral pour le Conseil Canadien de recherches en Sciences humaines (CRSH). Il est titulaire d’un doctorat en politique comparée de l’université d’Ottawa (2015). Ses recherches se concentrent sur les stratégies de résilience du Parti-État chinois. Plus particulièrement, ses plus récents travaux portent sur l’évolution des processus institutionnels ainsi que sur la sélection et la formation des élites en Chine contemporaine. Ces derniers sont notamment parus dans le Journal Canadien de Science Politique (2013), l’International Journal of Chinese Studies (2015/2016), le Journal of Contemporary Eastern Asia (2016), East Asia : An International Quarterly (2017), Issues and Studies (2011) ainsi que Monde Chinois/Nouvelle Asie (2013/2015). Il a également publié une note de recherche faisant le point sur le « who’s who » des candidats potentiels pour le Politburo en 2017 pour l’IRIS – rubrique Asia Focus #3.