Revue de presse Asie - 5 septembre 2016

Indépendantistes hongkongais, attentat philippin et inégalités indiennes

Les démocrates hongkongais devraient garder leur droit de veto au Conseil législatif hongkongais mais se retrouvent divisés avec la percée des indépendantistes. Copie d'écran du Straits Times, le 5 septembre 2016.
Les démocrates hongkongais devraient garder leur droit de veto au Conseil législatif hongkongais mais se retrouvent divisés avec la percée des indépendantistes. Copie d'écran du Straits Times, le 5 septembre 2016.

Asie du Nord-Est

South China Morning Post – Certes, les députés pro-Pékin continueront de dominer le Conseil législatif hongkongais (Legco). Mais malgré les craintes des observateurs, le camp démocrate devrait bien conserver son droit de véto en s’assurant plus d’un tiers des sièges à la chambre, constate le South China Morning Post après la publication des premiers résultats. Les élections législatives organisées hier dimanche 4 septembre sont les premières depuis le « mouvement des parapluies » de 2014, lorsque des milliers de manifestants avaient bloqué les rues de l’ex-colonie britannique pour demander des élections plus libres. Son impact s’est ressenti dans les urnes, notamment avec la victoire « inattendue » de trois localistes : Eddie Chu Hoi-dick (activiste sans soutien partisan), Nathan Law Kwun-chung (leader étudiant du mouvement « Occupy Central ») et Lau Siu-lai (maître de conférences à l’Université polytechnique). Le taux de participation s’est d’ailleurs établi à 58% – un record historique.

Ces résultats sonnent le glas d’une époque pour le camp des « vétérans pro-démocrates », analyse le South China Morning Post dans un second article. La priorité des électeurs démocrates n’est plus aux « intérêts de base » (droits des travailleurs, des handicapés et des minorités seuxelles, entre autres) mais au localisme, c’est-à-dire à « l’affirmation des valeurs universelles et du futur démocratique de Hong Kong vis-à-vis du gouvernement central », notamment en matière « d’autodétermination ». Lee Cheuk-yan, l’un des vétérans pan-démocrates ayant perdu son siège, constate ainsi que « la société aspire au changement et à voir de nouveaux visages ».

Le Straits Times tire néanmoins la sonnette d’alarme. La percée des indépendantistes pourrait diviser davantage encore le camp démocrate au Legco, estime le professeur Lau Siu Kai, vice-président de l’Association chinoise des Etudes sur Hong Kong et Macau (soutenue par Pékin). L’opposition manquera certainement de leadership. L’analyste politique Ivan Choy s’inquiète même d’une éventuelle réponse du gouvernement central : « Si les localistes tentent de faire passer des textes sur l’autodétermination, ils toucheront la corde la plus sensible de Pékin. » Les autorités communistes pourraient-elles s’en servir de prétexte pour « brider la démocratie » de la région administrative spéciale ?

South China Morning Post – Pourquoi la Chine s’obstine-t-elle à défendre un système commercial multilatéral articulé autour de l’OMC ? C’est la question posée ce lundi 5 septembre par le South China Morning Post alors que s’ouvre le sommet du G20 à Hangzhou. Il faut dire que depuis son entrée à l’Organisation mondiale du Commerce en 2001, Pékin a été le principal bénéficiaire de son système – avec un PIB par habitant multiplié par 8 et des exportations annuelles en hausse de 850 %. Un sucès certes fulgurant, mais qui s’est opéré au détriment des économies développées. C’est pourquoi ces dernières, Etats-Unis en tête, se sont tournées vers des accords commerciaux sélectifs bien que multilatéraux. Le TPP en est la dernière incarnation. Pour Xi Jinping, il s’agit d’une tendance inacceptable – d’autant plus que la Chine n’a pas été conviée à rejoindre le TPP. « Les arrangements commerciaux régionaux poussent comme des champignons et conduisent à la fragmentation des règles commerciales », a-t-il déclaré avant l’ouverture du G20. Des propos salués par le Secrétaire général de l’OMC, Roberto Azevedo.

La priorité accordée aux enjeux économiques et commerciaux n’a néanmoins pas empêché Xi Jinping de s’exprimer sur certains dossiers géopolitiques. Il s’est ainsi entretenu avec son homologue sud-coréenne Park Geun-hye en marge du G20. Le président chinois lui a réaffirmé son opposition au THAAD, bouclier anti-missile américain devant être déployé en Corée du Sud, rapporte le Global Times. Xi a notamment insisté sur la volonté chinoise de dénucléariser la péninsule coréenne, y maintenir la paix et la stabilité, ainsi que son attachement à la résolution des différends par la consultation et le dialogue. En réalité, les autorités de Pékin craignent que les technologies employées par le THAAD ne puissent permettre aux Etats-Unis et à la Corée du Sud d’espionner la Chine…

La rivalité sino-américaine sous-tend donc ce sommet du G20 – et cela dès l’arrivée d’Obama sur le tarmac de Hangzhou. Le président des Etats-Unis s’est en effet vu privé de tapis rouge… À qui la faute ? Pour l’ancien ambassadeur du Mexique en Chine Jorge Guajardo et l’expert Bill Bishop, tous deux relayés par le Guardian, cela ne fait aucun de doute : il s’agit d’un « calcul » des autorités chinoises visant à montrer un Barack Obama « faible et diminué ». Mais pour un officiel du ministère chinois des Affaires étrangère cité par le South China Morning Post, ce sont les Américains qui ont refusé le tapis rouge : le chauffeur de l’escalier roulant officiel ne parlant pas anglais, ils auraient refusé la présence d’un traducteur et préféré un simple escalier en métal. Quoi qu’il en soit, le quotidien d’Etat chinois Global Times estime que l’affaire a été « montée en épingle » par les médias occidentaux, au détriment des « véritables enjeux » qui structurent les relations sino-américaines.

Yonhap – Nouvelle démonstration de force en Corée du Nord à quelques jours du 68ème anniversaire de la fondation du régime le 9 septembre. Ce lundi 5 septembre, Pyongyang a procédé au lancement de trois missiles balistiques au large de sa côte est. Les missiles ont été tirés vers 12h14, heure locale, depuis la base de Hwangju dans le Hwanghae du Nord, a déclaré le chef d’état-major de l’armée sud-coréenne. Le type d’engins lancés et la trajectoire exacte du tir ne sont pas encore connus.

Cette nouvelle démonstration de force intervient en marge du sommet du G20 dans la ville chinoise de Hangzhou où les grandes puissances économiques mondiales sont réunies. La Chine est, par ailleurs, le principal allié de la Corée du Nord bien que les relations entre les deux pays se soient tendues dernièrement du fait du programme nucléaire de Pyongyang. Quelques heures avant le tir du missile, le président chinois Xi Jinping et son homologue sud-coréenne, Park Geun-hye, s’étaient entretenus en marge du G20. Xi avait réitéré son opposition au déploiement du bouclier antimissile américains (THAAD) en Corée du Sud, rapporte Channel News Asia.

La Corée du Nord avait lancé un missile depuis un sous-marin (SBLM) au large de Sinpo, dans la province du Hamgyeong du Sud, mercredi 24 août. Ce dernier s’était abîmé en mer du Japon (mer de l’Est) après une trajectoire réussie de 500 kilomètres, prouvant des améliorations dans le programme balistique de Pyongyang et faisant encore monter d’un cran les tensions avec la Corée du Sud.

Asie du Sud-Est

The Japan Times – La traque est lancée. Vendredi 2 septembre, une bombe a explosé au marché de nuit de Davao, la plus grande ville du sud des Philippines, faisant 14 morts et 67 blessés. Un attentat d’autant plus symbolique que l’actuel président Duterte fut le maire de Davao pendant plus de 20 ans. Depuis ce lundi 5 septembre, la police philippine recherche activement trois personnes, un homme et deux femmes grâce à des portraits-robots, rapporte le Japan Times. Selon des témoins, l’un d’eux aurait déposé le sac à dos où se trouvait la bombe avant de s’enfuir quelques minutes avant l’explosion.

Des membres d’Abou Sayyaf ont revendiqué l’attaque. Cependant, selon le chef de la police nationale, Ronald dela Rosa, cela pourrait aussi être l’oeuvre de trafiquants de drogues en lien avec le groupe islamiste.

Peu après l’attaque, le président philippin, Rodrigo Duterte a déclaré « l’État de non-droit » permettant le déploiement de militaires pour le maintien de l’ordre dans l’ensemble de l’archipel. La nouvelle maire de Davao, Sara Duterte, fille du président, a offert une récompense de 2 millions de peso (38 500 euros) pour l’arrestation du coupable.

The Straits Times – Après plusieurs semaines de confusion, la piste des séparatistes du Sud de la Thaïlande se précise. La police thaïlandaise a arrêté samedi 3 septembre un auteur présumé de la série d’attentats qui a frappé sept provinces du pays les 11 et 12 août derniers, rapporte le Straits Times ce lundi 5 septembre.

Il s’agit du premier suspect arrêté dans cette affaire. Originaire de Pattani, région du Sud thaïlandais fortement touchée par l’insurrection (voir notre dossier), Abdus Kadae serait responsable d’un incendie criminel dans la province de Trang, également dans le Sud. Plusieurs mandats d’arrêts avaient été émis ces derniers jours, notamment à l’encontre d’Asameen Gatem-madee, lui aussi habitant la province de Pattani. Ce dernier est par ailleurs suspecté d’être responsable des explosions de Hua Hin qui ont causé la mort de deux personnes et fait des dizaines de blessés.

Les autorités thaïlandaises restent cependant prudentes quant à la responsabilité des rebelles musulmans du sud du pays, qui n’attaquent habituellement que leurs propres provinces. Les attaques auraient été commises par un réseau « connecté » aux rebelles.

Myanmar Times – L’heure est au bilan pour la conférence de Panglong. Si le sommet a essuyé de nombreuses critiques et connu bon nombre de revers, notamment avec le départ inattendu des représentants de l’Armée unie de l’Etat Wa, la leader de facto du gouvernement birman Aung San Suu Kyi s’est voulue résolument optimiste dans ses remarques conclusives : « Après avoir écouté l’ensemble des présentations des participants ces quatre derniers jours, je sais désormais qui se concentre sur les erreurs du passé et qui se focalise sur la construction de notre futur Etat », a-t-elle déclaré avant d’ajouter qu’il « est temps pour ceux bloqués dans le passé de regarder devant eux ».

Au total, 73 déclarations de 10 minutes se sont succédé de la part du gouvernement, de l’armée régulière (Tatmadaw), des partis politiques et des groupes ethniques armées. Au coeur des discussions : la construction d’un Etat fédéral ainsi que les enjeux de défense et de sécurité. Les trois groupes ethniques armés interdits de participation – Ta’ang National Liberation Army (TNLA), Arakan Army (AA) et Myanmar National Democratic Alliance Army (MNDAA) – ont par ailleurs demandé à être inclus dans les futures négociations de paix. Une perspective peu réaliste dans la mesure où c’est le Tatmadaw lui-même qui a décidé de leur éviction, face à leur refus de « rendre les armes ». L’armée régulière continue de jouir de larges prérogatives en Birmanie malgré la transition démocratique. La conférence de Panglong a d’ailleurs été l’occasion pour elle ainsi que pour le parti émanant de l’ancienne junte militaire, l’USDP, de réaffirmer leur attachement à la Consitution de 2008.

Une nouvelle conférence post-Panglong devrait être organisée sous six mois. Néanmoins, seuls les groupes ethniques armés signataires de l’accord national de cessez-le-feu d’octobre 2015 seront autorités à y participer – contrairement à la conférence qui vient de s’achever. S’ils ne se résolvent pas à signer l’accord, ils seront alors « exclus » du processus du paix, note le Myanmar Times. Aung San Suu Kyi souhaite certes une réconciliation nationale la plus inclusive possible mais ne peut « attendre indéfiniment » pour lancer le dialogue politique.

Parallèlement à la clôture de la conférence de Panglong, l’ex-Secrétaire général des Nations unies Koffi Annan est arrivé en Birmanie ce samedi 3 septembre. Il a été récemment chargé de diriger la toute nouvelle Commission consultative sur l’Etat d’Arakan, où les Rohingyas subissent de nombreuses persécutions. Au cours de sa visite, il doit notamment rencontrer le président Htin Kyaw, le commandant en chef des armées Min Aung Hlaing, ainsi qu’Aung San Suu Kyi. L’inclusion du ghanéen Kofi Annan (ainsi que de deux autres étrangers) dans la composition de cette commission a fortement déplu aux « nationalistes arakanais » qui l’ont qualifiée d’ingérence, déplore le Myanmar Times dans un second article. D’ici un an, le nouvel organe doit trouver des mesures permettant d’éviter les conflits, assurer l’assistance humanitaire, le respect des droits et la réconciliation interethnique, et promouvoir des plans de développement de long terme.

Asie du Sud

Hindustan Times – 54 % de la richesse indienne sont entre les mains de millionnaires. Ces conclusions d’un rapport du cabinet sud-africain New World Health font de l’Inde le deuxième pays le plus inégalitaire au monde après la Russie (62 %). En fait, bien que l’Inde fasse partie des 10 pays les plus riches du monde (en matière de ressources individuelles : biens, économies, actions, intérêts commerciaux…), l’Indien moyen est « relativement pauvre », constate le Hindustan Times. D’après New World Health, un pays dont les richesses sont concentrées à plus de 50 % entre les mains de ses millionnaires ne laisse que très peu de marge pour le développement de sa classe moyenne – ce qui est donc le cas de l’Inde. A l’autre bout du classement, on retrouve le Japon, considéré comme le pays le plus égalitaire : seuls 22 % de sa richesse sont contrôlés par ses millionnaires.
India Today – Bilan en demi-teinte pour la délégation parlementaire en visite au Cachemire indien. Les séparatistes cachemiris ont en effet refusé de rencontrer les 26 députés de 20 partis qui s’étaient déplacés à Srinagar, capitale du Jammu-et-Cachemire. Le ministre indien de l’Intérieur, Rajnath Singh, s’était pourtant tenu d’organiser un « dialogue inclusif ». Il ne s’est ainsi pas montré avare de reproches envers les séparatistes : « Leur comportement ne reflète en rien le Kashmiriyat (conscience ethno-nationale et sociale cachemirie, ndlr) ni l’Isnaniyat (humanité en ourdou, ndlr). » Il s’est néanmoins déclaré « confiant », estimant que la paix sera restaurée dans la région et que le Cachemire était une partie inaliénable du territoire indien.
The Express Tribune« L’éthique chinoise du travail » pourrait-elle percoler au Pakistan ? Car avec le développement du Corridor économique Chine-Pakistan (CPEC), les travailleurs chinois vont travailler main dans la main avec les Pakistanais sur le terrain. La croissance économique chinoise est en effet due à « l’extraordinaire engagement des individus pour le dur labeur », avait révélé une enquête de l’institut Gallup relayée par The Express Tribune. Et le quotidien pakistanais de reprendre les propos du théologien d’Harvard Michael Novak selon lequel les « valeurs confucéennes » pourraient expliquer les « remarquables performances économiques chinoises » après la libéralisation du pays. Toujours d’après Gallup, 53 % des Chinois estiment que la phrase « Travaille dur pour t’enrichir » qualifie le mieux leur vision de la vie. Ainsi la société pakistanaise, qui ne « pratique pas l’honnêteté et le dur labeur de manière générale », pourrait bénéficier de l’éthique de travail chinoise, conclut le journal.
Par Joris Zylberman, Alexandre Gandil et Cyrielle Cabot

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