Revue de presse Asie - 11 mai 2016

Exécution d'un leader islamiste au Bangladesh, Obama à Hiroshima et honte à la Thaïlande

Nizami est un des criminels de guerre du génocide de 1971. Il s'est toujours opposé à l'indépendance du Pakistan oriental du régime d'Islamabad. Copie d'écran de Channel News Asia, le 11 mai 2016
Nizami est un des criminels de guerre du génocide de 1971. Il s'est toujours opposé à l'indépendance du Pakistan oriental du régime d'Islamabad. Copie d'écran de Channel News Asia, le 11 mai 2016

Asie du Sud

Channel News Asia – Le génocide de 1971 reste un souvenir amer pour le gouvernement bangladeshi. Motiur Rahman Nizami est le cinquième chef de l’opposition à être exécuté. Mardi 10 mai, le chef du Parti islamiste « Jamaat-e-Islami » a été pendu dans une prison de Dacca quelques jours après l’annonce de sa mise à mort par la Cour suprême du pays. Nizami est l’auteur de nombreuses atrocités commises durant la Guerre d’indépendance du Bangladesh. Il s’est toujours opposé à la sécession de l’ancien Pakistan oriental du régime d’Islamabad.

L’exécution pourrait déclencher une vague de violences dans le pays. En 2013, sa condamnation par le Tribunal international des crimes du Bangladesh (ICT), avait déjà entraîné un nombre conséquent de violences dans ce pays à majorité sunnite. L’ICT, que le gouvernement a mis en place en 2010, porte à controverse. Les organisations des droits de l’homme estiment que les tribunaux en usage au Bangladesh ne respectent pas les standards internationaux et manquent d’observateurs internationaux.

Le conflit de 1971, l’un des plus meurtriers de l’histoire, a fait, selon le gouvernement bangladeshi, 3 millions de victimes. Les chercheurs indépendants estiment toutefois que leur nombre serait plutôt de l’ordre de 300 000 à 500 000.

Dawn – Les fuites des Panama Papers n’en finissent plus d’agiter l’élite politique pakistanaise. Le mardi 10 mai, on apprenait que le Premier ministre Nawaz Sharif, dont plusieurs membres de la famille sont cités dans le scandale global des sociétés offshore, n’a pas fait acte de présence au Parlement depuis quelques jours. Aujourd’hui, c’est le général en chef de l’armée pakistanaise, Raheel Sharif, qui demande au Premier ministre de régler l’affaire au plus vite. Affaire qui se répercute sur les relations entre le gouvernement et l’armée déjà tendues. Selon lui, la controverse affecte le gouvernement et la sécurité du pays.

Le scandale des Panama Papers est le principal cheval de bataille de l’opposition contre le gouvernement ces dernières semaines. Plusieurs politiciens pakistanais sont impliqués. Mais l’opposition, dirigée par Imran Khan et son mouvement anti-corruption, souhaite que l’enquête se focalise en priorité sur la famille de Sharif.

Firstpost – Une affaire qui aurait bien pu mettre Narendra Modi dans l’embarras. L’université de Delhi confirme l’authenticité des diplômes du Premier ministre indien. Hier, mardi 10 mai, les membres du Parti Aam Aadmi, l’accusaient d’avoir une fausse licence. Les contradictions sur le diplôme de Modi que le Parti décrivait comme « flagrantes » étaient en réalité liées à une petite erreur d’année. En effet, c’est l’année 1979 qui figure sur le diplôme alors que Narendra Modi l’a obtenu un an plus tôt.

Néanmoins, l’administration de l’université n’a pu se prononcer sur les suspicions concernant les relevés de notes. Tandis que certaines notes sont dactylographiées, d’autres sont écrites à la main. Le représentant de l’université déclare qu’il est juste « impossible de commenter toute les divergences » et que l’université peut « seulement confirmer que la licence est authentique »

Asie du Nord-Est

Japan Times – Une visite symbolique pour Barack Obama. Le 27 mai, le prix Nobel de la paix sera le premier président américain en fonction à visiter Hiroshima. Les maires de Hiroshima et de Nagasaki ont salué la décision annoncée par les Etats-Unis, mardi 10 mai. Le premier espère que cette visite fera figure de « point de départ historique » vers l’élimination de l’arme nucléaire. Tandis que le second compte sur Barack Obama pour délivrer au monde un message fort contre l’arme nucléaire.

Ce sont ses engagements en faveur d’un monde sans arme nucléaire qui ont permis à Obama de recevoir le prix Nobel en 2009. Pourtant, cette visite annoncée provoque déjà les critiques. Certains habitants sont sceptiques sur les intentions réelles du président américain. L’un d’eux à déclaré au Japan Times qu’on ne « changera pas le futur en se plongeant dans le passé ». Selon lui, cette visite doit « délivrer un réel message pour éliminer l’arme nucléaire, pas une apologie ». Enfin, le secrétaire général de l’Organisation des personnes atteintes par la Bombe A à Hiroshima estime que le président aurait dû venir plus tôt, le soupçonnant de faire cette visite dans le but de couronner sa carrière.

South China Morning Post – Encore un officiel nord-coréen « exécuté » qui refait surface bien vivant. Mais, cette fois-ci, c’est embarrassant pour Séoul, car ce sont les services secrets sud-coréens qui, en février, avaient annoncé l’exécution du général Ri Yong-gil, chef de l’État major nord-coréen, soupçonné de corruption et d’avoir constitué une faction politique. Allégations jamais confirmées par Pyongyang qui avait alors nommé un nouveau chef d’état-major, Ri Myong-su. Aujourd’hui, le nom de Ri Yong-gil figure sur une liste de membres nouvellement élus du comité central du Parti des travailleurs de Corée, en tant que membre suppléant du politburo et membre de la Commission militaire centrale.

Les annonces de purges, d’exécutions et de disparitions, – certaines étant confirmées, d’autres non, sont fréquentes depuis l’arrivée au pouvoir de Kim Jong-un après la mort de son père Kim Jong-il en décembre 2011. Un bon nombre des « disparus » ont toutefois réapparu, parfois des mois plus tard. Cette bourde des services secrets sud-coréens les met une fois de plus sous le feu des critiques : cette année on leur a reproché de n’avoir pas annoncé le quatrième essai nucléaire de Pyongyang. Pas plus que la mort de Kim Jong-il en 2011, demeurée totalement secrète jusqu’à son annonce par la chaîne d’État nord-coréenne.

South China Morning Post – Xi Jinping met en garde contre les fausses interprétations concernant l’économie du pays. Lundi 9 mai, un éditorial du Quotidien du peuple relatait les propos d’une « source proche du pouvoir » rejetant le modèle de croissance du pays, soit-disant alimenté par la dette. S’ensuivait le lendemain, une page de 20000 caractères du président Xi Jinping lui-même, sur la façon dont il conçoit le passé, le présent et le futur du pays en matière d’économie.

« Je me dois d’être clair, les réformes structurelles de l’offre dont nous parlons ne sont pas les même que celles de l’Occident » affirme le président chinois, avant d’ajouter : « Nous devons empêcher certaines personnes d’utiliser leurs interprétations (des réformes structurelles) pour promouvoir le néo-libéralisme ».
Xi Jinping estime que certains responsables n’ont pas compris l’objectif des réformes. Mais cet éditorial pourrait finalement être une critique en creux de la politique du crédit soutenue par le Premier ministre Li Keqiang lors de la dernière session annuelle du Parlement chinois.

China Times (en chinois) – C’est à la Une de toute la presse taïwanaise ce matin, Cheng Chieh, « l’assassin du métro », a été exécuté hier soir entre 8h47 et 8h51, a confirmé le ministère de la Justice. Il est l’auteur des coups de couteau qui ont provoqué la mort de 4 passagers et en ont blessé 22 autres dans le métro de Taipei, le 21 mai 2014. L’appel formulé par la défense du jeune Cheng Chieh, âgé de 22 ans et étudiant à l’université de Tunghai au moment des faits, contre sa condamnation à mort en octobre 2015 a été rejeté deux fois.

C’est l’application de la peine capitale la plus rapide jamais exécutée à Taïwan puisque l’appel de la décision de la Cour Suprême date d’il y a quinze jours à peine. 42 autres condamnés à mort attendent la peine capitale dans les prisons taïwanaises. A plusieurs reprises et malgré la pression exercée notamment par l’Union européenne, Taipei a refusé d’abolir la peine de mort au motif de la nécessaire prise en compte de la douleur des victimes.

Asie du Sud-Est

Channel News Asia« C’est un véritable moment de honte et d’opprobre publique que devra affronter le gouvernement thaïlandais ce mercredi, a déclaré Sunai Phasuk, chercheur thaïlandais pour l’ONG Human Rights Watch, à l’agence de presse Reuters, et ce, dans un forum où la Thaïlande fut longtemps honorée et respectée ». Le cas de la Thaïlande est en effet aujourd’hui au programme de la session en cours de l’Examen périodique universel des Nations unies (EPU) sous les auspices du Conseil des droits de l’homme. Ce processus permet d’examiner la situation des droits de l’homme des 193 États membres de l’ONU et rappelle aux États leur responsabilité de respecter pleinement et de mettre en œuvre les droits de l’homme et les libertés fondamentales. L’objectif ultime de l’EPU est d’améliorer la situation des droits de l’homme dans tous les pays et de traiter leurs violations, où qu’elles se produisent.

Depuis le coup d’État de mai 2014, rapporte Channel News Asia, les libertés se sont réduites comme peau de chagrin en Thaïlande et cette nouvelle session de l’EPU, la première depuis 2011, intervient alors qu’à l’approche du référendum sur la Constitution devant donner plus encore de pouvoir à la junte, les arrestations se sont multipliées. Le 27 avril, huit activistes ont ainsi été arrêtés pour des commentaires jugés offensants postés sur Facebook. Libérés sous caution, ils risquent toutefois de lourdes peines de prison pour « diffamation de la monarchie et délits relevant de la criminalité informatique » a déclaré le lieutenant-colonel de police Chaiporn Nittayapat, en charge du cas.

Tempo (en indonésien) – C’est à une véritable lutte contre l’utilisation de l’imagerie et des symboles du communisme que se lance aujourd’hui le président indonésien Joko « Jokowi » Widodo. « Ces jours-ci, de plus en plus de produits et activités font référence directe au communisme ; le président Jokowi m’a donc donné des directives précises et demandé d’engager des procédures judiciaires contre les contrevenants » a déclaré le chef de la Police nationale, le général Badrodin Haiti, le 10 mai. « Il est compliqué, a-t-il ajouté, de traiter la question avec une approche strictement juridique. Le cadre légal existe en effet puisque la prévention contre la propagation du communisme/marxisme – léninisme est déjà inscrite dans le décret 25 de l’Assemblée consultative temporaire du peuple de 1966 sur la dissolution du Parti communiste d’Indonésie. » Il y est en effet clairement stipulé que l’idéologie et les enseignements du communisme sont contraires au Pancasila, les cinq principes fondateurs de l’Etat indonésien.

Le général Badrodin a précisé que la loi n ° 27 de 1999 sur la modification du Code du Code pénal, relative aux crimes contre la sécurité de l’État, serait utilisée, en particulier l’article 107-a qui prévoit une peine de douze années d’emprisonnement pour toute personne diffusant ou développant les enseignements du communisme.
D’après le Jakarta Post, des commerçants vendant des t-shirts avec le logo d’un groupe allemand représentant le marteau et la faucille ont été arrêtés mais relâchés, faute de preuves indiquant une « intention réelle de diffuser le communisme ».

Récemment de nombreux événements, groupes de discussions, meetings et expositions sur les purges anti-communistes de 1965 ont été censurés. Dernier en date sous le feu des critiques, le troisième festival littéraire de l’Asean, début mai, accusé de promouvoir le communisme pour avoir inscrit à son programme des tables rondes sur les événements de 1965.

Myanmar Times – Finalement, c’est sans problème aucun que le Parlement birman a adopté, ce mardi 10 mai, le projet de création du ministère du Bureau du Conseil d’État au sein du gouvernement du président U Htin Kyaw. Cette nouvelle structure est censée renforcer le pouvoir d’Aung San Suu Kyi qui cumule déjà trois portefeuilles ministériels : aux Affaires étrangères, au Bureau présidentiel et en tant que Conseillère d’État. Les observateurs ont été un peu surpris que ce Bureau du Conseil d’État, dont le rôle semble très flou, ait pu être approuvé sans la moindre opposition, ni même question. Il avait été en effet annoncé que les parlementaires qui souhaitaient en débattre devaient s’inscrire sur une liste avant le 9 mai. Personne ne s’étant manifesté, le projet est tout simplement passé.

Cette absence de réactions et d’éventuelles critiques s’expliquerait par un désenchantement des politiciens qui auraient baissé les bras : « face à une majorité tenue par les membres de la LND, (le parti d’Aung San Suu Kyi, NDLR), à quoi bon se lancer dans de vaines discussions, nous n’aurions eu aucune chance » ont en substance réagi certains sur le ton du défaitisme. Le général Maung Maung s’exprimant au nom des militaires, qui représentent 25% des parlementaires, avait le mois dernier accusé la LND d’Aung San Suu Kyi de « harcèlement démocratique », lors des sessions parlementaires particulièrement houleuses qui avaient précédé la création de ce poste de conseillère d’État taillé sur mesure pour elle.

Par Juliette Morillot, Alice Hérait et Joris Zylberman, avec Hubert Kilian à Taïwan et Sylvie Lasserre Yousafzaï à Islamabad

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