Thaïlande : marche militaire vers la nouvelle Constitution
L’année 2016 pourrait ainsi marquer l’aboutissement des desseins de Prayuth. Le projet de nouvelle Constitution sera la 20ème loi fondamentale du royaume en 84 ans, depuis l’abolition de la monarchie absolue en 1932. Plus que jamais, la Thaïlande se trouve prisonnière d’un cycle aux allures de tragédie grecque pour la démocratie : le pays a connu jusqu’à présent un coup d’Etat tous les six ans (lire nos entretiens sur la question).
Aujourd’hui, il s’agit du 4ème projet constitutionnel depuis le coup d’Etat de Prayuth, le dernier ayant été rejeté en septembre 2015. Le nouveau projet reflète l’obstination des militaires : il assoit leur pouvoir sur un Sénat contrôlé pour l’essentiel par l’armée. Cela évitera toute possibilité d’inverser la militarisation patente de la société où les soldats remplacent progressivement les policiers (voir notre article sur le sujet). L’onction de la loi fondamentale, voilà donc tout ce qui manque à la nouvelle dictature militaire. Encore quelques mois de patience.
Retour sur une semaine en Thaïlande à travers la presse asiatique et internationale.
Lundi 18 avril
Si le projet de loi était rejeté lors du référendum qui doit avoir lieu le 7 août prochain, le groupe demande à ce que le Conseil national pour la paix et l’ordre rende le pouvoir au peuple et appelle à la tenue d’élections législatives. Les réformes seraient ainsi menées par le Parlement nouvellement élu. Le groupe va continuer à organiser des activités et des séminaires pour discuter du projet de Constitution, tout en se conformant à la loi, comme l’a rappelé Anusorn. Un projet de loi qui interdit de faire campagne en faveur ou contre le projet de Constitution, voté par l’Assemblée législative le 7 avril dernier, attend en effet d’être approuvé par le roi. Une loi qui, selon Pichit Likitkijsomboon, autre meneur du mouvement, risque d’être appliquée de manière discriminatoire à la faveur des défenseurs du projet.
Mardi 19 avril
Le Général s’est défendu lundi d’une nomination abusive. Assurant que son fils avait toutes les qualifications nécessaires pour le poste, il a également expliqué que de nombreux enfants d’officiers de haut rang intégraient l’armée quand des places s’y libéraient. Il a ajouté que le Premier ministre, Prayuth Chan-ocha, n’y avait vu aucune objection tant que le processus de nomination était légitime. Le ministre de la Défense, Prawit Wongsuwon a également apporté son soutien à la nomination du neveu de ce dernier. Face aux journalistes, il s’est publiquement interrogé sur les fuites répétées de documents militaires mais a néanmoins évité la question du népotisme.
Mercredi 20 avril
L’ancien député – évincé lors du coup d’Etat du 22 mai 2014 – avait été convoqué ce lundi 18 avril par le Conseil pour avoir exprimé publiquement des critiques à l’encontre du projet de Constitution qui doit être mis au vote lors du référendum du 7 août. Une source aurait nié que les commentaires de Watana aient été à l’origine de l’arrestation qui a suivi l’entrevue. C’est pour avoir rompu l’accord passé avec la junte après avoir dû participer à une « session d’ajustement du comportement » suite au coup d’Etat de 2014 que l’ancien ministre aurait été placé en détention. Si les activistes ont été relâchés sans qu’aucune charge ne soit retenue contre eux, Watana est toujours détenu par l’armée. Sa fille, Weerada Muangsook, a demandé à l’Union européenne et à l’ambassade des Etats-Unis de faire pression en faveur de sa relaxe.
Jeudi 21 avril
Le général Prawit, ministre de la Défense, avait indiqué lundi 18 avril que quiconque porterait un t-shirt contre le projet de Constitution se le verrait confisquer. « Vous pouvez approuver ou désapprouver [le texte], mais ne l’exprimez pas [en public] et gardez le pour vous, » aurait-il déclaré. Selon les règles qu’essaye d’institutionnaliser le gouvernement, quiconque incitant à voter en faveur ou en défaveur du projet encourerait une peine allant jusqu’à 10 ans de prison et 200 000 bahts d’amende (7700 dollars).
Vendredi 22 avril
Le politicien avait critiqué à plusieurs reprises le Conseil et le gouvernement, sur Facebook notamment. Le vice-Premier ministre a également indiqué que le Premier ministre Prayuth Chan-ocha avait chargé le ministère des Affaires étrangères d’expliquer la détention de Watana à la communauté internationale ainsi qu’aux associations de défense des Droits de l’homme. Concernant les mouvements en cours de critique du régime, le général Prayuth a déclaré que leurs membres risquaient la prison, ajoutant qu’ils seraient jugés par la Cour militaire, où les droits des prévenus sont généralement réduits.
Reste que, aux yeux du Premier Ministre, Prayuth Chan-ocha, l’homme à l’origine des quelques mouvements de protestation à l’encontre de la junte militaire et du référendum sur le projet de Constitution, n’est autre que l’ancien Premier ministre évincé en 2006, Thaksin Shinawatra. Une accusation que dément d’ores et déjà Yingluck Shinawatra, sa sœur, elle aussi évincée de son poste de Premier ministre lors du coup d’Etat de 2014.
Soutenez-nous !
Asialyst est conçu par une équipe composée à 100 % de bénévoles et grâce à un réseau de contributeurs en Asie ou ailleurs, journalistes, experts, universitaires, consultants ou anciens diplomates... Notre seul but : partager la connaissance de l'Asie au plus large public.
Faire un don