Revue de presse Asie - 5 avril 2016

Panama papers récusés par Pékin, Enquête en Inde et Zika au Vietnam

le Général Guo
Chine : le Général Guo Boxiong accusé d'avoir détourné plus de 10 millions d'euros. Copie d'écran du South China Morning Post, le 5 avril 2016.

Asie du Nord-Est

Channel News Asia – Le scandale des Panama papers n’en finit pas de provoquer des répliques. La Chine, où le beau-frère de Xi Jinping est cité dans la fuite, limite fortement la couverture médiatique de l’événement. Le parti communiste a décidé de réagir via l’un de ses organes de presse, le Global Times. Le quotidien à tendance nationaliste reproche aux « médias occidentaux » d’avoir volontairement mis en avant les cas de blanchiment d’argent des pays émergents, et d’avoir fait des amalgames « douteux » en impliquant Vladimir Poutine dans l’affaire, alors que les « Panama papers » ne font mention que d’amis du président russe. L’éditorial chinois rappelle que cette fuite a beau avoir des similitudes avec l’affaire Wikileaks, elle n’a cette fois « aucun objectif politique » ni aucun lanceur d’alerte revendiqué – le quotidien se garde bien de mentionner les informateurs du journal Süddeutsche Zeitung qui a révélé l’affaire et l’a confiée au Consortium international des journalistes d’investigation.

Pour le quotidien chinois, les médias occidentaux gardent le monopole de l’interprétation des documents, ce qui atténue largement les scandales qui pourraient toucher l’élite américaine, alors que les non-occidentaux sont toujours violemment fustigés. « La désinformation ne constitue pas un risque pour les élites occidentales, écrit le Global Times. Elle deviendra sur le long terme une arme des occidentaux alliés sur le plan idéologique contre les élites et autres organisations non-occidentales. » Par ailleurs, la révélation d’informations dites confidentielles est une « vieille rengaine, et l’opinion publique occidentale est finalement « très uniforme », d’après le quotidien. Celui-ci se garde de parler de conspiration menée par les Etats-Unis, mais finit par dire que si les pays occidentaux étaient menacés, ces documents finiraient par disparaître.

South China Morning Post – Alors que le scandale des « Panama Papers » continue d’éclabousser les puissants de ce monde, le gouvernement chinois communique dans les médias sur « sa » lutte anti-corruption, la « chasse aux tigres et aux mouches » lancées par Xi Jinping en 2013. Et elle a connu une belle prise en 2015 : le général Guo Boxiong et ancien chef des armées (sous les ordres du Parti). L’ancien plus haut gradé de l’armée chinoise, exclu du parti en juillet dernier, aurait reçu plus de 80 millions de yuans (plus de 10 millions d’euros) en pots-de-vin, selon une « source proche de l’armée » citée ce mardi 5 avril par le South China Morning Post.

L’ancien membre du politburo est à ce jour le plus haut gradé concerné par la « lutte anti-corruption ». Les procureurs militaires en charge de l’affaire auraient néanmoins minimiser les sommes engagées. Les récents procès de hauts fonctionnaires pour corruption ont souvent impliqué des proches de ces derniers grâce à qui les pots-de-vin leur avaient été indirectement versés. Vendredi 1er avril, la Commission nationale de la santé et de la planification familiale a indiqué avoir été « briefée » sur le cas de Guo qui soulignait le principe de « tolérance zéro pour la corruption » mis en avant par le Parti. C’était sans doute avant que l’affaire des « Panama Papers » n’implique des proches du président chinois lui-même, ainsi que sept autres actuels et anciens hauts fonctionnaires dont les noms ne sont pas encore tous connus.

Channel News Asia – De financer l’achat d’un yacht à financer un programme nucléaire, dans l’affaire des Panama Papers, il n’y a qu’un pas… Il a été franchi par une société écran nord-coréeenne, DCB Finance Ltd. qui figure parmi les clients du cabinet de conseil Mossack Fonseca donné comme le véhicule financier du scandale international. La société basée à Pyongyang est enregistrée aux Îles Vierges britanniques depuis 2006. La même année, la Corée du Nord conduit ses premiers essais nucléaires et s’attire les premières sanctions internationales. Ce n’est qu’en 2010, à la réception d’une lettre de l’Agence d’Investigation Financière, que le cabinet fait le lien avec la Corée du Nord et rompt avec la société. En 2013, les Etats-Unis imposent des sanctions à la banque et à DCB Finance pour avoir fourni des services financiers à deux groupes nord-coréens ayant joué un « rôle central » dans le développement du programme nucléaire et de missiles ballistiques. Un manque de diligence de Mossack Fonseca ? C’est du moins ce que laisse penser un mail fuité datant de 2013 « Nous aurions du identifier dès le départ que c’était une société à hauts risques », disait-il. L’arroseur arrosé ?
Yomiuri Shimbun (en japonais) – Il manque 266 personnes pour travailler dans les collectivités territoriales des zones en reconstruction. Le rapport du ministère japonais de l’Intérieur rapporte que 1101 fonctionnaires ont été détachés dans les collectivités demandeuses. Mais ce chiffre semble insuffisant pour mener à bien les opérations dans ce qu’on appelle désormais la « zone spéciale de reconstruction ». Les trois départements sinistrés de Iwate, Miyagi et Fukushima avaient demandé au reste du pays respectivement des effectifs de 309, 932 et 126 personnes pour un total de 1367 employés. La pénurie est donc la plus grave pour le département de Miyagi. Le problème n’est pas une nouveauté, et déjà, l’année dernière, sur une demande totale de 1448 personnes, 1111 soit avaient été détachées, soit un manque de 337 employés. D’après l’agence de presse Jiji, l’appel à contribution émane pour la première fois du ministère de l’Intérieur à l’initiative de sa ministre Sanae Takaichi, et cette action a tout de même permis de gagner en efficacité.

Asie du Sud-Est

Tuoi Tre News – Des Amériques à l’Asie, l’épidémie de virus Zika continue sa progression. Les autorités sanitaires vietnamiennes ont signalé mardi que deux premiers cas confirmés avaient été recensés dans le pays. Une femme agée de 64 ans vivant à Nha Trang ainsi qu’une femme enceinte agée de 33 ans à Hô-Chi-Minh-Ville ont contracté le virus qui peut causer des malformations du foetus chez les femmes enceintes. Le ministre adjoint à la Santé Nguyen Thanh Long a lui indiqué que les enquêtes épidémiologiques conduisaient à penser que « la source de l’infection pourrait être le moustique ». Aucun autre cas n’a été observé dans l’entourage des malades qui a néanmoins été placé en quarantaine tandis que d’autres échantillons sont prélevés. Malgré l’absence de preuves, il existe un consensus scientifique sur le fait que le virus Zika a une incidence sur le développement des foetus avec des cas de microcéphalie (un trouble grave du neurodéveloppement) ou de syndrome de Guillain-Barré (maladie auto-immune inflamatoire du système nerveux périphérique). Le virus Zika a déjà été repéré ailleurs en Asie : au Bangladesh, en Corée du Sud, en Thaïlande et en Chine.
Myanmar Times – Une fois de plus, Aung San Suu Kyi se heurte à la défiance des militaires présents au Parlement. Un projet de loi qui doit créer le poste de « Conseiller d’Etat » pour la Dame de Rangoun rencontre la résistance des députés militaires qui occupent 25% des sièges à l’Assemblée nationale. Un article de la constitution de 2008 interdisant aux parents d’un enfant de nationalité étrangère de devenir président de la République avait empêché Aung San Suu Kyi de briguer le poste. La nouvelle fonction créée doit lui permettre de faire partie intégrante du gouvernement. Hier lundi 4 avril, lors de la session de la Chambre des représentants (Chambre basse), le brigadier-général Maung Maung, a donné la position de l’armée pour qui le projet de loi ne serait « pas conforme » à la Constitution birmane. Les militaires demandent donc « plus de temps » pour l’étudier. Une crise constitutionnelle pourrait émerger selon certains analystes, quelques jours seulement après la prise de fonction du nouveau gourvement birman. Pour d’autres, Aung San Suu Kyi devrait être capable d’apaiser les tensions sur le sujet auprès des militaires. La Chambre haute du Parlement a déjà voté en faveur du projet. Si la Chambre basse fait de même aujourd’hui mardi 5 avril, le président U Htin Kyaw pourra ensuite promulguer le texte.

Le général Maung Maung a quant à lui indiqué que précipiter le processus législatif sans débat adéquat remettrait en cause l’engagement du gouvernement en faveur de la transparence et de la démocratie. Le député U Win Myint membre de la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND) a dit prendre en compte ces commentaires, tout en rappelant que le comité d’étude du projet de loi ne l’avait pas jugé anticonstitutionnel.

The Jakarta Post – C’était hier lundi 4 avril dans la soirée. La collision n’a fait aucun mort mais a causé la fermeture de l’aéroport jusqu’à minuit. Aujourd’hui mardi 5 avril, le ministre indonésien des Transports Ignasius Jonan a demandé l’ouverture d’une enquête afin d’éclairer les raisons qui ont mené à la collision de deux avions des compagnies aériennes Batik Air et TransNusa Air à l’aéroport Halim Perdanakusuma de Jakarta. Le ministre, actuellement en déplacement en Papouasie occidentale avec le président Joko Widodo, y a reçu le rapport du directeur général des transports aériens et a immédiatement demandé à ce que des mesures soient prises. L’enquête a été confiée à la Commission sur la sécurité des transports. Le porte-parole du ministère a indiqué que le service de contrôle du traffic aérien de la société publique d’exploitation des aéroports Angkasa Pura II ainsi que l’entreprise de manutention au sol seraient concernées par des investigations. Le ministre des Transports aurait sermoné le président d’Angkasa Pura II qui, deux semaines après le transfert du directeur de l’aéroport de Jakarta, n’avait toujours pas nommé son successeur.

Asie du Sud

The Times of India – Ce sont plus de 500 ressortissants indiens qui sont concernés par les révélations massives des « Panama papers ». Le Premier ministre Narendra Modi a donc décidé de s’approprier le scandale. Un bureau d’enquête a été mis en place ce mardi 5 avril par le gouvernement pour vérifier les informations diffusées par le Consortium international des journalistes d’investigation. Il aura notamment à disposition les moyens de la puissante cellule de renseignement financier. Le ministre des Finances Arun Jaitley promet des mesures sévères contre ces comptes illégaux. Le quotidien Indian Express avait révélé au grand jour le nom de personnalités influentes impliquées dans le scandale. Le gouvernement va établir des catégories systématiques de personnes à poursuivre, mais indique que les Indiens résidents à l’étranger ne seront pas ciblés, à condition que tous leurs revenus soient bien déclarés. Le ministère des Finances pourrait se joindre, ce n’est pas encore décidé officiellement, au concert international des enquêtes (dont l’Australie, l’Autriche, la France, la Suède, et les Pays-Bas) pour rassembler les sources nécessaires.
Dawn – La Ligue musulmane du Pakistan se félicite de « l’absence de fraude » rapportée par les « Panama papers » la concernant. La famille de l’actuel Premier ministre Nawaz Sharif n’a pas jugée être « compromise », même si elle est citée. Si plus de 200 Pakistanais ont été identifiés, ils se limitent à affirmer l’existence de droits d’autorisation de transactions, selon les experts pakistanais cités par Dawn. L’ancien président Asif Ali Zardari possède des entreprises à l’étranger, mais il reste à vérifier si elles ont servi à des transactions frauduleuses. La famille Sharif affirme avoir envoyé de l’argent à l’étranger uniquement après le coup d’Etat militaire de Musharraf 1999, alors qu’elle était en exil.

Les juristes cités s’accordent pour dire que toutes les pratiques rapportées dans les « Panama papers » ne sont « pas toutes illégales ». Hasnain Ibrahim Kazim, juriste à la Cour suprême pakistanaise avance ainsi que la création d’un paradis fiscal est parfois une initiative du gouvernement des pays, comme pour les Îles Vierges Britanniques. « La loi intervient quand ces opérations sont menées de manière criminelle », conclut-il. Un ancien membre de l’Organisme fédéral des enquêtes révèle aussi sous couvert d’anonymat que les hommes politiques pakistanais ont par le passé ouvert des sociétés écrans à l’étranger pour ensuite investir dans les « produits du crime », à savoir l’immobilier au Royaume-Uni. Pour lui, le crime réside dans la pratique du blanchiment d’argent.

The Hindu – Les journalistes avaient été détenus pendant 10 heures, alors que leurs collègues manifestaient devant le bureau du président des Maldives à Malé, la capitale. Ceux-ci ont été dispersés à l’aide de gaz lacrymogène, pour « résistance à l’action de la police, désobéissance, et manifestation illégale ». Cet incident intervient alors que le gouvernement a pris différentes mesures limitant la liberté d’expression : un projet de loi sur la diffamation ; la mise en place d’un système de recommandation de la part du Parti progressiste des Maldives au pouvoir pour la nomination à la Commission de radiodiffusion ; ou encore l’interdiction d’entrée dans les tribunaux de reporters travaillant pour plusieurs journaux. Ce vaste programme avait été dénoncé par le Parti démocratique des Maldives, principale force d’opposition, et la Fédération internationale des journalistes, provoquant la réaction des diplomates étrangers. Le porte-parole du Cabinet du président maldivien Ibrahim Hussain Shihab, a alors étayé une réponse publique : les manifestants ont été malmenés car ils étaient présents dans une « zone de haute sécurité » ; les questions concernant la loi sur la diffamation et la commission de radiodiffusion seront adressées aux Majlis (parlement) ; que l’enquête sur la disparition du journaliste avait révélé des actes prémédités ; et que l’indépendance de ses tribunaux est essentielle alors qu’ils doivent souvent s’occuper d’affaires impliquant les médias.
Par Joris Zylberman, Juliette Buchez et Ryôma Takeuchi, avec Anda Djoehana Wiradikarta à Paris

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