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Analyse

Chine : comment la folie des grandeurs mène l'économie à la ruine

Nouvelle ligne de plantation d'arbre devant des tours résidentielles en construction du district de Kangbashi à Ordos, en Mongolie-Intérieure. (Source : IB Times)
Nouvelle ligne de plantation d'arbre devant des tours résidentielles en construction du district de Kangbashi à Ordos, en Mongolie-Intérieure. (Source : IB Times)
Plus de deux décennies durant, la Chine, grisée par sa croissance exponentielle, s’est mise à dépenser des sommes astronomiques pour des projets d’infrastructure qui se révèlent souvent inutiles. Cependant, ils ont fait exploser une dette devenue colossale et qui pèse lourdement aujourd’hui sur la santé économique du pays.
Aéroports en pagaille, autoroutes, ponts suspendus, constructions de logements : les provinces de la Chine ont emprunté à tour de bras pour mener à bien ces milliers de projets d’infrastructure ruineux. En particulier dans le secteur immobilier qui se retrouve maintenant en pleine déroute financière avec des tours d’habitation désespérément vides. C’est un ancien cadre du régime communiste qui a donné la mesure de la catastrophe, l’agence Reuters estimant à 648 millions de m² de logements invendus en date de fin août dernier, l’équivalent de 7,2 millions de logements.
« Combien de logements sont vacants en ce moment ? Les experts donnent des chiffres très différents, les plus élevés donnant à penser que le nombre actuel de logements vacants seraient suffisants pour 3 milliards de personnes, a pour sa part pointé non sans ironie He Keng, 81 ans, l’ex-directeur adjoint du Bureau National des Statistiques, à l’occasion d’un forum organisé fin septembre à Dongguan, ville de la province méridionale du Guangdong, cité le 25 septembre par Reuters. Cette estimation pourrait être un peu trop élevée, mais 1,4 milliard de personnes ne seraient probablement pas assez pour les occuper. »
Or cette image n’est pas complète puisqu’il faut ajouter les projets résidentiels qui ont été vendus mais qui n’ont pas été achevés en raison des problèmes financiers abyssaux des promoteurs immobiliers. Les réseaux sociaux ont donné un large écho à des nouveaux propriétaires qui, entrés dans les lieux, n’avaient ni eau courante, ni électricité dans des bâtiments fantômes et qui faisaient part de leur désespoir. Mais, comme il est de coutume dans ce pays ultra surveillé, à chaque fois, la censure retire en quelques minutes ces informations.
Officiellement, les autorités chinoises qualifient le marché immobilier de « résilient » à l’heure actuelle. « Toutes sortes de commentaires prédisant l’effondrement de l’économie chinoise font surface de temps à autres, mais qu’en est-il de cet effondrement ? Il ne s’agit pas de celui de l’économie chinoise », a récemment déclaré un porte-parole du ministère des Affaires étrangères, interrogé sur ce phénomène.

« Rendez l’argent ! »

À la faveur de la croissance économique sidérante depuis la fin des années 1970, les Chinois ont connu une réelle avancée dans leur vie quotidienne qui a été une source d’une fierté légitime. Ces réformes ont aussi provoqué l’apparition d’une classe moyenne qui vit une certaine prospérité que la Chine n’a en réalité jamais connue dans son histoire.
L’euphorie générale de l’enrichissement du pays a cependant suscité une vague d’optimisme surdimensionné et, en conséquence, la mise en chantier de constructions démesurés. Une folie des grandeurs qui se solde aujourd’hui par des milliers d’ouvrages d’art inutiles et des millions de logements inoccupés. Un cinquième des appartements dans les zones urbaines du pays sont vides et au moins 130 millions de logements proposés à la vente par des promoteurs aujourd’hui aux abois n’ont pas trouvé acquéreur, selon une estimation officielle chinoise de 2018 aujourd’hui fortement révisée à la hausse.
Le désastre est tout sauf anodin puisque le secteur immobilier représente à lui seul entre 25 et 30 % du PIB chinois. Il pèse donc lourdement sur la croissance économique du pays qui se trouve actuellement à un plancher inédit depuis le lancement des réformes économiques en 1978. Il l’est aussi pour les centaines de milliers d’épargnants chinois, souvent des personnes âgées. Ces dernières, conquises par les promesses d’une spéculation qui devait leur rapporter gros, ont souvent englouti toutes leurs économies dans l’espoir de garantir ainsi leurs vieux jours. L’éclatement de la bulle immobilière a emporté avec elle toutes ces espérances dans un pays où le système des retraites est embryonnaire.
En 2021, lorsque le géant de l’immobilier Evergrande (恒大集团, Hengda Jituan) avait reconnu qu’il était incapable de rembourser ses dettes, des centaines de clients avaient manifesté des jours durant devant son siège à Shenzhen aux cris de « rendez l’argent ! », avant d’être brutalement dispersés par la police. Ils étaient pour la plupart les enfants d’épargnants âgés, floués et ruinés.
« Quand je pense à cela, je me mets à pleurer, avoue Madame Guo Tianran (nom d’emprunt pour protéger sa sécurité), citée par la BBC vendredi. C’est dur pour moi et je me sens triste aussi pour mon fils. » Cette année-là, quelques mois avant qu’Evergrande ne commence à donner des signes de sa faillite, Mme Guo et son mari, tous les deux proches de la soixantaine, avaient acheté un appartement sur plans proposé par le promoteur pour un montant de 30 000 dollars, dans le but d’aider leur fils unique. Ils consacraient 75 % de leurs revenus pour rembourser le prêt contracté. « Nous voulions aider notre fils, lui permettre de trouver un emploi après son diplôme à l’université », explique-t-elle. Mais les ennuis ont commencé quand les travaux de construction de l’immeuble ont brusquement cessé dans le Henan, province du centre du pays. « Nous observions les travaux de construction en cours et soudain, nous avons entendu qu’Evergrande s’effondrait. Puis la construction s’est arrêtée l’an dernier. J’ai utilisé une partie de mes économies pour ma retraite pour le premier versement. Nous devons maintenant rembourser le prêt pendant les trente prochaines années, se désole Mme Guo qui devait recevoir les clés de l’appartement terminé en décembre prochain. Nous ne voulons pas que cela se termine par perdre tout. »
Evergrande possédait quelque 1,5 million de logements non finis en 2021 lorsque la crise a éclaté. Selon Bloomberg, le PDG d’Evergrande et milliardaire, Xu Jiayin (aussi connu sous son nom en cantonais Hui Ka Yan), a été arrêté par la police début septembre et se trouve actuellement assigné à résidence dans un lieu tenu secret. Mi-septembre, le groupe avait annoncé l’arrestation d’employés dans l’une de ses filiales. Selon Caixin, un média économique généralement bien informé, deux anciens cadres du groupe ont par ailleurs été placés en détention. Auparavant, le Bureau de la sécurité publique de Shenzhen Nanshan, siège du conglomérat, avait annoncé via son compte WeChat officiel l’arrestation de cadres d’Evergrande Financial Wealth Management, filiale du groupe. Le rapport de police ne précise ni leur nombre, ni les charges retenues, ni les dates de leur détention.

L’éléphant dans la pièce

Pour Li Daokui (李稻葵), un économiste qui a autrefois été conseiller auprès de la banque centrale de Chine, cité par le site Passe-Muraille le 27 septembre, « le marché immobilier pourrait mettre au moins un an à se rétablir », soulignant la nécessité impérieuse pour les autorités de prêter davantage aux promoteurs pour limiter les risques d’effondrement. D’après Bloomberg, le volume de ces prêts a poursuivi sa chute d’avril à août d’environ 25 % comparé à l’année précédente. Le marché immobilier, souligne cet économiste, a besoin d’une injection urgente de liquidités d’environ 13 milliards d’euros pour se rétablir. Ce montant correspond, selon lui, au prix de la confiance des investisseurs qui craignent les défauts de paiements, qui se sont succédé depuis 2019.
Evergrande, dont la descente aux enfers fait régulièrement les gros titres, avait à la fin juin une ardoise colossale estimée à 328 milliards de dollars. La crise immobilière larvée se répand aux secteurs qui lui sont liés. Cette semaine, Adway Construction (爱得威建设), une société cotée qui fournit des services de décoration et de design d’intérieur et d’extérieur, a déposé le bilan à la suite de trop nombreux défauts de paiement.
Le régime chinois se garde bien de rendre public le montant de la dette des provinces et de leurs intermédiaires financiers, les Local Government Financing Vehicles (LGFV), qui étaient chargés d’emprunter sur les marchés financiers en particulier obligataire. Ils génèrent ainsi de la dette hors bilan qui n’apparaît pas dans les comptes publics. Mais cette dette « cachée », estimée par le FMI en 2022 à 8 300 milliards de dollars, soit près de 48 % du PIB, est en réalité l’éléphant dans la pièce. Elle n’a rien d’inoffensif, le rendement moyen des actifs adossés à ces obligations étant devenu très faible. Ainsi, par leur poids et leur enchevêtrement aux différents acteurs économiques, les LGFV représentent un risque majeur pour la stabilité financière en Chine.
Cependant, selon Hu Jiayin, professeur associé d’économie à la National School of Development (NSD) de l’Université de Pékin, cité par le Nikkei Asia, la dette cumulée de ces seules agences financières locales a explosé pour atteindre 54 600 milliards de yuans (7 000 milliards d’euros) à la fin de 2022, contre 32 600 milliards de yuans (4 235 milliards de dollars) quatre ans auparavant. Selon des chiffres officiels, la dette des gouvernements locaux totalisait 38 000 milliards de yuans (4 930 milliards d’euros) à la fin juin 2023. L’opacité qui entoure les vrais chiffres de la dette chinoise tenue secrète, renforce la méfiance croissante des grandes institutions financières étrangères à l’égard de la Chine.
D’après les calculs des économistes de la banque américaine JPMorgan Chase rendus publics en août, la dette totale de la Chine, y compris celle des institutions privées du pays et celle du gouvernement central, atteint 282 % du PIB national chinois, à comparer avec une moyenne de 256 % pour les économies des pays industrialisés et 257 % pour les États-Unis. Mais s’agissant de la Chine, le facteur aggravant est le rythme très élevé de progression de sa dette ces dernières années comparé à la taille réelle de son économie. La dette chinoise a ainsi plus que doublé en quinze ans, soit nettement plus que celle des États-Unis ou du Japon, deux pays réputés très endettés, relèvent ces économistes. D’autres calculs montrent que cette folie des grandeurs et cette fuite en avant a suscité une dette totale du gouvernement central et des gouvernements locaux, qui était en réalité proche de 300 % du PIB en 2022, à comparer à un ratio de moins de 200 % en 2012, selon la Banque des Règlements Internationaux (BRI) basée à Bâle, en Suisse. Le désastre est tel que des vidéos, aujourd’hui effacées, ont montré en 2021 et 2022 des scènes de dynamitage de dizaines d’immeubles entiers inoccupés et non finis dans des villes du sud du pays.

Épopée ferroviaire coûteuse

Cette gabegie touche de nombreux autres secteurs de l’économie. À l’image des transports. C’est ainsi que la Chine a construit en moins de vingt ans plus de 42 000 km de Lignes à Grande Vitesse pour des TGV ultramodernes dont certains circulent à plus de 360 km/h et relient la plupart des grandes cités de la partie orientale du pays. Une performance à comparer avec l’absence totale de TGV aux États-Unis où la voiture et l’avion sont encore quasiment les seuls moyens de transport. La France a mis plus de trente ans à en construire dix fois moins.
Mais cette épopée ferroviaire, certes étonnante, a un coût. Elle s’est faite au prix d’un endettement considérable de la compagnie ferroviaire chinoise ainsi que d’un réseau devenu surdimensionné. Exemple avec la construction de la gare TGV de Danzhou, ville moyenne de la province méridionale de Hainan, a coûté la bagatelle de 5,5 milliards de dollars mais n’a jamais été mise en service faute de voyageurs, selon les médias locaux. Il a donc fallu la détruire, le gouvernement provincial de Hainan expliquant que maintenir la gare ouverte aurait engendré « des pertes massives ».
La Chine a annoncé jeudi 28 septembre la mise en service de sa première LGV le long de la côte est du pays. Elle dessert les villes de Fuzhou, Xiamen et Zhangzhou sur une distance de 277 km, juste en face de Taïwan, en empruntant des ouvrages d’art au-dessus de la mer, selon Chine Nouvelle. Pékin a récemment déclaré son intention de construire, à terme, une ligne de LGV sous-marine qui reliera Taïwan au continent, la plus longue du monde. La réplique des autorités taïwanaises n’a pas tardé, un tel projet ne pouvant pas être, selon elles, « décidé unilatéralement ». Ces projets sont annoncés alors que toute discussion sur la « réunification » de Taïwan avec le continent est suspendue entre Pékin et Taipei du fait notamment des opérations d’intimidation de plus en plus nombreuses menées par l’armée chinoise à proximité de l’île.
Prenons d’autres exemples. En 2018, la Chine a inauguré en grande pompe la construction d’un pont suspendu au-dessus de la mer reliant Hong Kong à Macao et Zhuhai (港珠澳大桥, Gang Zhu Ao Daqiao) qui traverse le delta de la Rivière des Perles dans le sud de la Chine. Sa construction avait débuté le 15 décembre 2009. Cet ouvrage d’art sans équivalent dans le monde s’étend sur 55 kilomètres et comprend de nombreux tunnels sous la mer. Il a coûté la somme pharamineuse de 54 milliards de dollars (estimation de l’époque), un coût non justifié au regard du trafic actuel qui l’emprunte.
Partons maintenant dans l’ouest de la Chine, au Guizhou, l’une provinces les plus pauvres du pays, avec un PIB par habitant de 7 200 dollars en 2022. Cette province dispose de plus de 1 700 ponts et de onze aéroports, soit davantage que le nombre d’aéroports des quatre plus grandes villes chinoises. La dette non remboursée du Guizhou était estimée à 388 milliards de dollars à la fin de 2022. Le gouvernement provincial, n’étant plus en mesure de payer les seuls intérêts de la dette, a été contraint de demander l’aide de Pékin en avril dernier pour restaurer l’équilibre de ses finances.
Même vertige dans le Yunnan à la pointe sud-ouest du pays : les dépenses pour le seul secteur des infrastructures ont enflé à une vitesse démesurée pour des projets souvent eux aussi démesurés et pour beaucoup inutilisés. Ainsi, le gouvernement local a englouti des centaines de milliards d’euros pour financer la construction du plus haut pont suspendu d’Asie, plus de 9 000 kilomètres d’autoroutes et davantage d’aéroports que d’autres provinces de Chine où les besoins sont bien plus élevés. Or le Yunnan, après avoir connu des années fastes de haute croissance, est aujourd’hui plongé comme tant d’autres dans une croissance quasi nulle. À tel point que le ratio dettes/revenus atteignait 151 % en 2021, niveau jugé alarmant par le FMI à comparer avec un ratio de 108 % en 2019, selon l’agence de notation chinoise Lianhe Ratings.

« Vous ne pouvez pas emprunter la voie d’autrefois avec de nouvelles chaussures »

Si cette gabegie est aujourd’hui entrée dans une phase d’atterrissage en douceur, le mal est fait. Ses conséquences pèseront longtemps sur l’économie chinoise. En 2022, Xi Jinping lui-même avait tiré la sonnette d’alarme, déclarant devant des cadres du Parti que le modèle de développement économique de la Chine de ces dernières décennies avait atteint ses limites : « Certains pensent que le développement signifie investir dans des projets et investir toujours plus. Vous ne pouvez pas emprunter la voie d’autrefois avec de nouvelles chaussures. » Pour Kenneth Rogoff, professeur d’économie à l’université de Harvard, la Chine a vu beaucoup trop grand et se trouve aujourd’hui plongée dans une situation délicate où une bonne partie de ses infrastructures sont inutiles, mais coûtent cher pour leur entretien. « Le principal problème est que [les Chinois] font maintenant face à une rentabilité en recul pour tout ce qu’ils construisent. Il y a des limites jusqu’où vous pouvez aller », estime-t-il.
Du fait même des coûts d’exploitation en forte hausse pour des infrastructures excessives et d’une rentabilité en baisse pour les autres, la Chine doit désormais investir environ 9 dollars pour chaque dollar de croissance du PIB, contre 5 dollars il y a dix ans et 3 dollars dans les années 1990, pointent certains économistes. Ces emprunts ont souvent été contractés sur la base de prévisions économiques bien trop optimistes, si bien que les autorités locales se retrouvent souvent dans l’incapacité de rembourser les intérêts de ces prêts. Selon Rhodium Group, une société d’analyse financière basée à New York, quelque 20 % des sociétés financières utilisées par les gouvernements locaux en Chine pour financer leurs projets de construction disposent de réserves suffisantes pour honorer leurs engagements à court terme, principalement le remboursement des intérêts d’obligations détenues à la fois par des épargnants chinois et étrangers.
L’équation de l’économie chinoise est devenue compliquée. Elle est prise en tenailles entre des dépenses qui ont explosé et une consommation des ménages qui reste stable sinon même en recul du fait des incertitudes actuelles. Les Chinois ont pour habitude de favoriser l’épargne au détriment de la consommation pour faire face à des lendemains potentiellement difficiles. La consommation des ménages représente quelque 38 % du PIB chinois, niveau inchangé comparé à 68 % aux États-Unis, selon la Banque Mondiale.
Il est de notoriété publique que Xi Jinping, donnant la priorité à la sécurité et à la stabilité au détriment de l’économie, s’est entouré de lieutenants dont les connaissances en matière économique sont déficientes. Ces derniers, soulignent les experts de l’économie chinoise, sont réticents à engager le pays dans un modèle de consommation à l’occidentale et lui préfèrent largement le modèle traditionnel de la priorité au secteur public et à la production industrielle. En la matière, la priorité reste les semi-conducteurs, secteur où la Chine est en retard sur l’Occident, et l’intelligence artificielle. Cet endettement qui bourgeonne et la situation précaire des gouvernements locaux entraînent à leur tour une fragilisation du système bancaire du pays. Mais là aussi, les autorités observent une très grande discrétion, bien que des vidéos, promptement censurées et retirées des réseaux sociaux, ont montré de longues queues d’épargnants devant des banques provinciales fermées en raison du manque de liquidités.
L’hiver dernier, 21 banques chinoises ont donné leur accord pour que le gouvernement local et ses instruments financiers dans le sud-ouest du pays portent à vingt ans le remboursement d’emprunts avec un délai de grâce de dix ans pour le remboursement du principal de la dette. Mais cet arrangements, comme il y en a eu d’autres ailleurs, a suscité des pertes pour ces institutions bancaires.
Cette crise est cependant loin de ressembler à la crise des subprimes de 2008 causée par la faillite de la banque multinationale Lehman Brothers. Elle avait déclenché un mouvement de panique à travers le monde et lourdement pesé sur la croissance mondiale. En effet, la dette chinoise est essentiellement détenue par des épargnants chinois. En outre, la Chine détient un montant considérable d’avoirs étrangers, dont des obligations du Trésor américain, qui n’a cessé de décroître ces derniers mois, mais qui se maintenait encore à 1 200 milliards de dollars en 2023.
En outre, la Chine est le premier créancier public des pays émergents et en développement. Des prêts qui s’opèrent par l’intermédiaire de différents créanciers, situés directement sous la supervision du conseil d’État chinois. Les plus importants sont deux banques publiques : la Banque de développement de Chine et la Banque d’export-import de Chine. Ces deux établissements ont, entre 2000 et 2017, réalisé à elles seules plus de 70 % des prêts transfrontaliers directs réalisés par la Chine à destination de ces pays, mais dont un nombre croissant sont aujourd’hui en peine de rembourser leurs emprunts.
Cette situation peut se résumer ainsi : l’époque de l’argent facile en Chine est aujourd’hui terminée. Elle est remplacée par une période qui s’ouvre exactement à l’inverse : celle de la rigueur, des vaches maigres et, pour certains, celle de temps difficiles. Avec cet optimisme qui cède la place au pessimisme, le contraste est singulier entre ce sentiment d’euphorie et d’invulnérabilité qui prévalait depuis plus de trente ans dans la population chinoise habituée à une hyper-croissance qu’elle pensait éternelle, et le sentiment du doute qui caractérise une Chine en difficulté.
Par Pierre-Antoine Donnet

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A propos de l'auteur
Ancien journaliste à l'AFP, Pierre-Antoine Donnet est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages consacrés à la Chine, au Japon, au Tibet, à l'Inde et aux grands défis asiatiques. En 2020, cet ancien correspondant à Pékin a publié "Le leadership mondial en question, L'affrontement entre la Chine et les États-Unis" aux Éditions de l'Aube. Il est aussi l'auteur de "Tibet mort ou vif", paru chez Gallimard en 1990 et réédité en 2019 dans une version mise à jour et augmentée. Après "Chine, le grand prédateur", paru en 2021 aux Éditions de l'Aube, il a dirigé fin 2022 l'ouvrage collectif "Le Dossier chinois" (Cherche Midi). Début 2023, il signe "Confucius aujourd'hui, un héritage universaliste", publié aux éditions de l'Aube. Son dernier livre, "Chine, l'empire des illusions", est paru en janvier 2024 (Saint-Simon).