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Climat, biodiversité, inégalités : pourquoi la Chine, l'Inde et l'Indonésie sont cruciales pour notre avenir

Session de préparation de la COP15 sur la biodiversité en octobre 2021. (Source : CBD)CBD
Session de préparation de la COP15 sur la biodiversité en octobre 2021. (Source : CBD)CBD
Environnement, climat, développement social… Les enjeux sont énormes pour les trois géants de l’Asie en développement. Ils vont déterminer l’avenir de ces trois pays et pour une bonne part, celui de la planète.
Au moment de la signature du protocole de Kyoto sur la lutte contre le changement climatique en 1997, il avait été convenu que seuls les pays développés avaient l’obligation d’agir. D’abord parce qu’ils avaient la responsabilité historique principale du dérèglement climatique. Ensuite parce qu’il fallait donner aux pays en développement le temps du rattrapage économique avant de les mettre sous contrainte. Cette dichotomie n’est plus possible aujourd’hui. Quel que soit le niveau de développement de chaque pays, les risques planétaires sont tels qu’une action forte est indispensable. La Chine, l’Inde et l’Indonésie ont une responsabilité particulière parce que ces trois pays pèsent très lourd par leur impact global d’aujourd’hui et de demain, sur le changement climatique comme sur la biodiversité. Il leur faut dans le même temps réduire les dégâts environnementaux de leur croissance et parvenir à une meilleure inclusion sociale que le développement économique ne garantit pas.

Climat : Chine, Inde et Indonésie déterminent une bonne part de notre avenir

En 2021, les trois géants d’Asie représentaient 41,4 % des émissions mondiales de CO2 et en 2018 (dernière année disponible), 36 % des émissions globales de gaz à effet de serre, selon la base de données EDGAR de l’Union Européenne. En tendance, la progression des émissions de ces trois pays depuis 2005 est équivalente à la progression mondiale (environ 7,7 gigatonnes), ce qui veut dire que les émissions de CO2 mondiales n’auraient pas progressé depuis seize ans sans la croissance cumulée des émissions chinoises, indiennes et indonésiennes.
Source : Rapport EDGAR 2022, Union Européenne
Source : Rapport EDGAR 2022, Union Européenne
La Chine représente à elle seule le tiers des émissions mondiales et les trois quarts de la progression des émissions enregistrée par les trois pays. Ses émissions par habitant sont désormais nettement supérieures à la moyenne européenne, et viennent de dépasser celles du Japon en 2021. Celles de l’Inde sont beaucoup plus basses (1,9 tonnes par habitant en 2021) et celles de l’Indonésie s’approchent des 4 tonnes par habitant si l’on tient compte de la déforestation et de l’ensemble des GES.
Pour les trente ans à venir, le poids relatif de l’Inde devrait fortement augmenter, avec une inversion de la courbe des émissions indiennes qui n’est pas attendue avant 2040. L’Indonésie joue par ailleurs un rôle très important pour la forêt. Détentrice de la seconde forêt primaire du monde après le Brésil, elle représentait entre 2000 et 2016 le quart des émissions mondiales de CO2 liées à la déforestation et à la dégradation des tourbières. Son bilan s’est heureusement nettement amélioré ces dernières années après un moratoire sur les nouvelles plantations et d’autres mesures de gestion de la forêt.
Les trois pays ont pris depuis 2020 des engagements forts dans la lutte contre le changement climatique, avec une inversion de la courbe des émissions avant 2030 pour la Chine, en 2030 pour l’Indonésie, et surtout une neutralité carbone à l’horizon 2060 en Chine et en Indonésie, et en 2070 pour l’Inde. La crédibilité de ces engagements reste largement à confirmer. À court terme, la guerre en Ukraine remet au premier plan des préoccupations la sécurité énergétique et la relance de la consommation de charbon, dont les trois pays sont particulièrement dépendants.

Biodiversité : la Chine mène la bataille

La Chine se mobilise sur la biodiversité depuis quelques années. Elle présidait la COP15 sur la biodiversité de novembre dernier à Montréal et elle a su forger un consensus sur un résultat qui a globalement été salué par la communauté internationale. L’objectif central retenu à l’issue de la COP15 consiste à placer d’ici 2030 sous un régime de protection 30 % des terres et des océans, incluant les zones les plus riches en biodiversité, alors que l’objectif fixé dix ans plus tôt lors de la conférence d’Aichi au Japon se limitait à 17 % pour les terres et 10 % pour les océans.
La place des géants asiatiques dans l’enjeu global de la biodiversité est considérable. Le « Global biodiversity Index (GBI) » élaboré par l’ONG The Swiftest pour 201 pays dans le monde en 2022 repose sur le nombre de variétés d’oiseaux, amphibiens, poissons, mammifères, reptiles et plantes dont dispose chaque pays. L’Indonésie, la Chine et l’Inde figurent respectivement en seconde, quatrième et huitième place dans le classement mondial du GDI. Une autre ONG, Conservation International, a par ailleurs établi la liste des dix-sept pays disposant d’une « méga-biodiversité », dont les trois géants asiatiques font partie.
L’Université de Yale aux États-Unis tient à jour pour sa part une vaste base de données environnementales (l »Environment Performance Index ou EPI) qui fait référence. Cette base de données recense les efforts réalisés par chaque pays pour améliorer son bilan environnemental. L’EPI comporte un indicateur spécifique relatif à la biodiversité intitulé « Biodiversity and habitat » qui recense les actions menées pour préserver les écosystèmes et la biodiversité. Les trois géants asiatiques figurent actuellement en bas du classement de l’université de Yale (Indonésie 107ème, Inde 148ème et Chine 172ème), ce qui souligne une forte tension entre l’ampleur de leur patrimoine biologique et la faible intensité des efforts faits pour la préserver.
Un autre indicateur intéressant est celui des « biodiversity hotspots ». Ce concept a été inventé par l’environnementaliste britannique Norman Myers en 1990. L’idée est d’identifier les zones à forte biodiversité qui font également l’objet de menaces importantes. Pour être qualifiée de « hotspot » une zone géographique doit à la fois disposer d’au moins 1500 variétés de plantes et d’avoir perdu au moins 70 % de sa végétation primaire. Selon cette définition 36 « hotspots » ont été identifiés dans le monde, dont trois concernent l’Inde, deux l’Indonésie et un la Chine.
La plateforme intergouvernementale de science politique sur la biodiversité et les écosystèmes (IPBES en anglais) a publié en 2018 un rapport d’évaluation sur la situation de l’Asie-Pacifique. Ce rapport donne des perspectives intéressantes sur les évolutions récentes du continent. Il souligne son importance particulière pour les écosystèmes marins (mangroves et récifs coraliens), les risques liés à l’aquaculture (le continent représente 90 % de l’aquaculture mondiale) ainsi qu’à la surpêche, qui menace actuellement près de 40 % des espèces maritimes et fluviales. Il mentionne également la baisse de la couverture forestière en Asie du Sud-Est, qui ne se limite pas à l’Indonésie, pour partie compensée par la progression de la forêt en Inde et en Chine.
Si on se projette dans l’avenir, une étude de l’Université d’Oxford publiée à l’occasion de la COP15 estime que seuls 40 % des pays asiatiques – dont la Chine, mais pas l’Inde ni l’Indonésie – ont atteint en 2020 le seuil de protection fixé lors de la conférence d’Aichi. L’Asie-Pacifique reste à un niveau moyen de protection des terres de 13,2 %, et l’étude estime que très peu de pays sont en mesure d’atteindre l’objectif de 30 % fixé lors de la COP15 s’ils n’accélèrent pas drastiquement le rythme d’extension des terres protégées et ne renforcent pas les contrôles de cette protection, aujourd’hui très insuffisants. La Chine est probablement un des rares pays prêt à mettre les moyens juridiques (politique volontariste des parcs nationaux) financiers et technologiques (surveillance par drones et recours à l’intelligence artificielle) pour assurer cette protection.

Pollution de l’air : l’Inde champion mondial

On se souvient du documentaire intitulé Sous le dôme, enquête sur le brouillard chinois, diffusé par la réalisatrice Chai Jing en février 2015, qui avait été visionné par plus de 150 millions d’internautes chinois en un week-end. La Chine était à l’époque un pays ravagé par la pollution de l’air, qui avait atteint dans les grandes villes chinoises des niveaux insupportables pour la vie humaine. Le gouvernement de Pékin a fini par prendre la mesure des risques et de l’exaspération populaire. Des politiques vigoureuses ont été mises en place, les capacités d’observation se sont fortement améliorées, une certaine transparence médiatique s’est instaurée. Les résultats obtenus sont sensibles, même si la Chine est encore loin de respecter les normes de sécurité liées à la pollution de l’air édictées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Au moment où la qualité de l’Air s’améliore en Chine, celle des villes indiennes demeure à des niveaux très élevés, et l’Inde détient aujourd’hui un triste record : sur les trente villes les plus polluées de la planète recensées par IQAir en 2021, vingt et une sont indiennes et une seule chinoise (Hotan en Mongolie-Intérieure). En Indonésie, les problèmes principaux de pollution de l’air se concentrent sur la métropole de Jakarta.
L’OCDE tient à jour des statistiques plus globales par pays portant sur les particules fines ou PM 2,5, un indicateur considéré comme très important par l’OMS pour les risques de maladies respiratoires et cardiovasculaires.
Source : OCDE
Source : OCDE
Les données de l’OCDE montrent bien l’amélioration enregistrée en Chine depuis 2013, ainsi qu’un début d’amélioration en Inde, accentué en 2020 par l’impact de la pandémie, qui s’est traduite par des confinements de population et une forte diminution des transports intérieurs. La France est ici ajoutée pour mieux comparer les ordres de grandeur, sachant que le seuil de sécurité de l’OMS est désormais abaissé à 5 microgrammes par mètre cube, seuil dont l’Inde et la Chine restent très éloignées.
Si l’on compare les capitales, Dehli est avec un taux moyen de 85 microgrammes par mètre cube en 2021 l’une des villes les plus touchées par la pollution de l’air dans le monde, loin devant Jakarta (39,1) et Pékin (34,4). La lutte contre la pollution de l’air est d’autant plus importante que cette pollution tend naturellement à s’aggraver avec l’impact du changement climatique. C’est un chantier lourd qui va mobiliser des ressources importantes dans les trois pays.

Pollution de l’eau : l’Inde en danger, la Chine en situation critique

L’Asie-Pacifique est un continent particulièrement exposé aux risques hydriques, qu’il s’agisse de l’accès à l’eau, du traitement des eaux ou des risques climatiques (sécheresses et inondations). Les ressources d’eau douce par habitant ont fortement diminué par le double impact du réchauffement climatique et de la progression démographique.
Concernant l’accès à l’eau, l’Organisation mndiale de la santé estime qu’un pays atteint une situation de « stress hydrique » lorsque l’accès à l’eau douce descend en dessous de 1700 mètres cubes par an et par habitant. À moins de 1000 mètres cubes, on parle de pénurie d’eau. Sur la base de ce critère,l’Indonésie dispose de ressources abondantes (avec près de 7500 mètres cubes/an/hab en 2019) mais en diminution d’un tiers sur trente ans. La Chine se rapproche du seuil de stress hydrique, et l’Inde est désormais très proche du seuil de pénurie d’eau.
Source : Banque Mondiale, FAO
Source : Banque Mondiale, FAO
L’Inde a par ailleurs un rythme des précipitations qui alterne sécheresses et moussons, une forte exposition aux chaleurs extrêmes et globalement une grande sensibilité au changement climatique. Elle est aussi le premier consommateur d’eau au monde avec une agriculture très dépendante de l’irrigation. Elle est enfin l’un des moins bons gestionnaires de l’eau : malgré les efforts récents du gouvernement Modi, l’eau potable n’est que partiellement accessible, les réseaux d’assainissement sont encore très insuffisants (15 % de la population ne dispose toujours pas de toilettes en 2020), l’irrigation induit beaucoup de gaspillages, les nappes phréatiques ont fortement diminué et les eaux usées sont peu traitées. Plusieurs centaines de milliers d’Indiens meurent chaque année de problèmes liés à l’eau.
La Chine a un important déséquilibre régional dans l’accès à l’eau : 80 % des ressources d’eau douce se situent dans le Sud et le centre du pays, et le Nord est en situation de stress hydrique structurel, ce qui a justifié dans le passé la construction du « Grand canal » reliant le sud au nord du pays. Le niveau de pollution de l’eau reste très élevé malgré des améliorations récentes : seuls les deux tiers des eaux de surface offrent une sécurité suffisante pour les contacts humains, et les trois quarts des nappes phréatiques sont polluées ou très polluées.
La politique de gestion de l’eau du pays est néanmoins considérée comme plus élaborée et efficace que celle de l’Inde, en particulier s’agissant de l’assainissement et ces dernières années de la qualité de l’eau potable. La Banque asiatique de développement (BAsD) a mis au point un indicateur global et complexe de « sécurité nationale de l’eau » qui place la Chine en relativement bonne position parmi les pays en développement d’Asie (avec un score de 72,7 sur 100), nettement devant l’Indonésie (61) et l’Inde (46,8).

Inégalités : le niveau américain

Le rapport mondial sur les inégalités 2022 coordonné par Thomas Piketty apporte des éclairages précieux sur le niveau des inégalités atteint par l’Asie en développement aujourd’hui. La Chine, L’Inde et l’Indonésie ont des seuils d’inégalité de revenus et de patrimoines très élevés, qui les situent à un niveau comparable à celui des États-Unis.
Source : Rapport Piketty sur les inégalités mondiales 2022. Données pour 2021.
Source : Rapport Piketty sur les inégalités mondiales 2022. Données pour 2021.
L’Inde est le pays où les inégalités de revenus sont les plus fortes, mais la Chine vient en tête des inégalités de patrimoine, presque à parité avec les États-Unis. En tendance, ces inégalités ont cessé d’augmenter en Chine et restent fluctuantes en Inde comme en Indonésie.
Ces trois pays-continents connaissent aussi des inégalités régionales très importantes. L’Indonésie détient le record d’inégalités régionales, avec un écart d’un à treize entre le revenu moyen des habitants des Iles de la Sonde et ceux de Jakarta. Les inégalités régionales indiennes sont presque aussi importantes, avec un écart d’un à dix entre le Bihar et le Sikkhim. Celles de la Chine le sont moins, les revenus des habitants du Gansu étant cinq fois inférieurs à ceux de Pékin. Chaque pays a mis en place des politiques de redistribution fiscale et de financement des infrastructures pour réduire ces écarts régionaux, mais les dynamiques économiques restent en défaveur des régions les plus pauvres et globalement les écarts ne diminuent pas.
Un troisième type d’inégalité concerne les populations rurales et urbaines. Les écarts entre ces deux groupes de population sont très importants en Chine et en Inde (avec un multiplicateur de 2,5 en faveur des revenus urbains), et moins élevés en Indonésie (le multiplicateur étant d’1,7). Au-delà des revenus eux-mêmes, les infrastructures de transport, sociales et éducatives sont également beaucoup moins développées en zones rurales.
D’autres inégalités existent mais sont plus difficiles à quantifier : entre ethnies, entre religions et dans le cas de l’Inde entre castes. Ce chantier des inégalités est d’autant plus vaste que les ressources de l’État pour y faire face sont limitées et que la redistribution fiscale est minimale.

État-providence : quelles munitions ?

Pour réaliser une croissance inclusive, les ressources dont disposent les administrations publiques comme le caractère redistributif ou non des systèmes fiscaux constituent des éléments clés.
Si l’on se base sur les dépenses de fonctionnement de l’État (hors investissements) qui couvrent en particulier la protection sociale, la santé et l’éducation, celles de la Chine sont assez élevées et proches du niveau moyen des pays de l’OCDE depuis déjà une vingtaine d’années. L’écart avec le Japon est de l’ordre de trois points de PIB. Les dépenses de l’Inde sont en revanche beaucoup plus réduites (11,4 % du PIB en 2021) et celles de l’Indonésie sont encore plus faibles (9,1 % du PIB en 2021).
Source : Banque Mondiale
Source : Banque Mondiale
Au plan fiscal, la redistribution est très limitée. L’impôt sur le revenu n’est payé que par une faible proportion des citoyens (4 % des contribuables en Chine, 6 % en Inde et 13 % en Indonésie), avec en outre une progressivité limitée. Ce sont les impôts sur la consommation, et en particulier la TVA, qui constituent l’essentiel de la taxation des personnes.
Aucun des trois pays ne dispose d’un impôt sur les successions, les plus-values financières sont peu ou pas taxées. La Chine n’a toujours pas mis en place de taxe foncière. Globalement, les trois pays sont confrontés à des enjeux très importants de réforme fiscale pour soutenir la progression des recettes et des dépenses publiques.

Santé : beaucoup reste à faire

Les contraintes budgétaires ont des conséquences particulièrement visibles dans le domaine de la santé, un secteur de l’action publique crucial pour la Chine et très sensible pour l’Inde et l’Indonésie en raison du vieillissement des populations et de l’insuffisance des infrastructures existantes. Sur les deux critères que constituent le niveau global des dépenses de santé et la part financée par le secteur public, l’écart avec les pays développés est considérable.
Source : Banque Mondiale
Source : Banque Mondiale
Si l’on prend le Japon comme référence, les dépenses de santé indiennes ou indonésiennes se situent, en proportion des PIB respectifs, à moins de 30 % du niveau de dépense japonais, et la Chine autour de 50 %. L’écart s’accroît considérablement si l’on se concentre sur les seules dépenses publiques de santé, car si les Japonais ne prennent en charge directement que 16 % de leurs dépenses de santé, les Chinois contribuent à hauteur de 44 %, les Indonésiens pour la moitié et les Indiens pour les deux tiers.
Les autres critères habituels de comparaison des infrastructures de santé – nombre de lits d’hôpitaux, nombre de lits en soins intensifs, nombre de médecins ou de personnels hospitaliers, répartition des hôpitaux sur le territoire – donnent des résultats similaires. L’Inde et l’Indonésie font face à un énorme déficit d’infrastructures de santé. La Chine est plus avancée, mais elle est confrontée à une progression désormais très rapide du vieillissement de la population. La pandémie n’a fait qu’exacerber ces insuffisances. Elle a provoqué une prise de conscience qui pourrait donner un nouvel élan aux politiques de santé.

Éducation : les enjeux deviennent plus qualitatifs

Autre enjeu majeur du développement social, l’éducation est dans une situation moins préoccupante que la santé, même si là encore la pandémie a provoqué un choc négatif, avec un recul de l’assiduité scolaire en Inde et en Indonésie, surtout au détriment des filles. La comparaison avec le Japon est cette fois-ci plutôt favorable aux trois géants asiatiques pour ce qui concerne les dépenses publiques d’éducation (même si les sources semblent assez hétérogènes concernant l’Inde).
Source : Banque Mondiale/Unesco
Source : Banque Mondiale/Unesco
L’une des raisons principales de cette convergence tient à la démographie. Alors que le quart de la population a moins de quinze ans en Inde et en Indonésie, la proportion chute à 17 % en Chine et à peine 11 % au Japon. L’Unesco estime ainsi que les pays en développement d’Asie devraient porter en moyenne à 6 % du PIB leurs dépenses d’éducation pour répondre à l’ensemble des besoins. Les débats qui remplissent les colonnes des journaux indiens ou indonésiens portent partiellement sur les problèmes financiers (inadéquation des infrastructures, disparités villes-campagnes et coût de la scolarité) mais aussi de plus en plus sur les questions qualitatives : qualité des enseignants, des programmes et des méthodes d’évaluation, qualité comparée du secteur public et privé.
L’un des tests comparatifs internationaux dont on parle beaucoup pour évaluer les résultats scolaires est le PISA, contesté mais devenu incontournable. La Chine a, comme on le sait, des résultats brillants aux tests PISA, obtenant la première place en 2018 pour les trois critères que sont la lecture, les maths et les sciences (en partie parce que seules les provinces les plus performantes du pays participent aux tests). L’Indonésie se situait par contre à la 72ème place sur 79 pays participants. L’Inde pour sa part était sortie du système PISA après avoir constaté en 2009 qu’elle occupait l’avant-dernière place du classement. Elle a pris la décision l’an dernier de participer de nouveau au PISA. Il faudra attendre un an pour en savoir plus sur les résultats scolaires actuels des jeunes Indiens.
Les huit indicateurs clés du développement durable qui ont été évoqués dans cet article sont loin d’épuiser le champ possible des comparaisons. Ils ont toutefois le mérite de mettre en lumière les formidables enjeux auxquels sont confrontés les trois géants d’Asie. Si leurs perspectives économiques s’équilibrent avec une Chine moins triomphante, leurs contraintes climatiques, environnementales et sociales sont telles que la marche vers une prospérité pour tous reste très incertaine. La bataille pour un développement durable menée par la Chine, l’Inde et l’Indonésie mérite d’être suivie de près, car elle va déterminer le sort du continent et une part de notre propre avenir.
Par Hubert Testard

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A propos de l'auteur
Hubert Testard est un spécialiste de l’Asie et des enjeux économiques internationaux. Il a été conseiller économique et financier pendant 20 ans dans les ambassades de France au Japon, en Chine, en Corée et à Singapour pour l’Asean. Il a également participé à l’élaboration des politiques européennes et en particulier de la politique commerciale, qu’il s’agisse de l’OMC ou des négociations avec les pays d’Asie. Il enseigne depuis huit ans au collège des affaires internationales de Sciences Po sur l’analyse prospective de l’Asie. Il est l’auteur d’un livre intitulé "Pandémie, le basculement du monde", paru en mars 2021 aux éditions de l’Aube, et il a contribué au numéro de décembre 2022 de la "Revue économique et financière" consacré aux conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine.