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Après Perseverance, bientôt Tianwen-1 : la compétition sino-américaine se téléporte sur Mars

Le rover américain Perseverance, qui s'est posé sur Mars le 18 février 2021, pourrait croiser la route du rover chinois Tianwen-1 qui doit le rejoindre sur l'astre rouge fin avril-début mai. (Source : Futura Sciences)
Le rover américain Perseverance, qui s'est posé sur Mars le 18 février 2021, pourrait croiser la route du rover chinois Tianwen-1 qui doit le rejoindre sur l'astre rouge fin avril-début mai. (Source : Futura Sciences)
Avec l’atterrissage réussi de sa sonde et de son rover Perseverance sur le sol de Mars ce jeudi 18 février, la NASA a fait la démonstration de sa maîtrise parfaite des hautes technologies utilisées dans la course aux étoiles. Mais un autre robot est attendu fin avril sur l’astre rouge : la sonde chinoise Tianwen-1 et son rover. Une épopée tout aussi remarquable qui illustre la volonté de la Chine de se mesurer aux ambitions américaines dans la conquête de l’espace.
Perseverance a réussi une performance sans faute, envoyant sur terre après son atterrissage des photos époustouflantes. Les États-Unis n’en sont pas, il est vrai, à leur premier coup d’essai et sont même les champions incontestés de la conquête de Mars, avec cinq landers déjà envoyés vers la planète rouge, tous s’étant posés avec succès. Le dernier en date, Curiosity, s’était posé sur Mars le 26 novembre 2018. Beaucoup ont essayé, mais sans y parvenir. Ce sont les Soviétiques qui ont payé le plus lourd tribut : 19 tentatives d’atteindre Mars, mais sans jamais avoir réussi une seule mission remplissant 100 % des objectifs initiaux.
La sonde chinoise s’est, quant à elle, insérée en orbite avec succès le 10 février dernier, faisant de la Chine le sixième pays à rejoindre la planète rouge après les États-Unis, l’Europe, l’Inde, l’ex-URSS et les Émirats arabes unis. Ce succès intervient neuf ans après une première tentative ratée, celle de Yinghuo-1, un petit orbiteur qui devait être amené autour de Mars par la sonde russe Phobos-Grunt.

Pékin communique moins

Le rover chinois, pesant 240 kg (contre plus d’une tonne pour Perseverance), est certes moins sophistiqué que le rover américain. Mais une fois arrivé sur le sol martien fin avril-début mai, il aura pour mission de le photographier, étudier sa composition et fournir des informations sur l’environnement proche et l’atmosphère. Il recherchera également des traces d’eau à l’état solide, voire gazeux ou liquide, et son radar sondera le sous-sol martien afin d’obtenir des indices sur le passé de la planète. Tout cela avec le même objectif que le rover américain : rechercher des traces de vie passée sur l’astre rouge.
Le nom de la sonde, Tianwen-1, signifie « questions au ciel », en hommage à un poème de la Chine ancienne qui traite d’astronomie. Lancée en juillet 2020, elle arrive sur Mars au terme d’un voyage de 475 millions de kilomètres. Avec une masse totale de cinq tonnes, la sonde comporte deux éléments importants : un module d’atterrissage qui comporte le rover et un orbiteur qui permettra de relayer les communications entre le robot et la Terre.
Pékin communique moins que les États-Unis sur sa mission. Le goût du secret en Chine communiste demeure omniprésent. Mais, selon les informations de la NASA, le rover chinois est équipé de six roues et alimenté par des panneaux solaires. Il devra résister aux conditions extrêmes de la planète rouge. La durée nominale de sa mission est fixée à trois mois, bien moins que les quelque 22 mois prévus pour Perseverance.

Progrès chinois en quelques années

De fait, devenus concurrents acharnés dans les domaines des hautes technologies, les États-Unis et la Chine se livrent aujourd’hui une lutte sans merci dans l’espace, même si les moyens mis en œuvre par Pékin ne sont pas les mêmes. L’OCDE estime le budget spatial chinois à plus de 8,4 milliards de dollars, contre 47,17 milliards de dollars pour le budget américain.
Les Etats-Unis ont engrangé des succès dans l’espace bien avant la Chine. Comment ainsi ne pas s’émerveiller devant l’épopée extraordinaire des deux sondes jumelles de la NASA, Voyager 1 et Voyager 2, lancées le 5 septembre 1977. Après avoir survolé Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune et quitté le Système solaire, elles ont maintenant rejoint l’espace interstellaire, continuant de transmettre jusqu’à ce jour des données scientifiques précieuses.
Depuis 2001 et l’arrivée au pouvoir de l’administration Bush, les États-Unis ont consenti de nouveaux efforts qui visent à faire de l’espace un lieu de domination américaine. L’espace est devenu un élément majeur de la sécurité nationale et de la suprématie des États-Unis, tant militaire que technologique.
Mais aujourd’hui, la Chine n’est pas en reste. Elle proclame son intention de devenir la première puissance spatiale du monde d’ici 2030. Avec Tianwen-1, « c’est manifestement un événement marquant pour la Chine. C’est la première fois qu’elle s’aventure au loin dans le Système solaire », explique Jonathan McDowell, astronome au Centre Harvard-Smithsonian pour l’astrophysique aux Etats-Unis. « Si elle réussit, ce serait la première fois qu’un atterrisseur et qu’un robot téléguidé non américains fonctionnent sur Mars », souligne Chen Lan, analyste pour le site GoTaikonauts.com, spécialisé dans le programme spatial chinois. Un succès de la Chine démontrerait ses progrès réalisés en quelques années à peine, là où il fallu des décennies d’efforts pour les États-Unis.
Tianwen-1 sera donc un motif de fierté nationale pour tous les Chinois. Mais la Chine nous a déjà étonné. Souvenons-nous : le 3 janvier 2019, elle était devenue le premier pays au monde à se poser sur la face cachée de la Lune, dix ans après la première sortie d’un taïkonaute dans l’espace, une prouesse technologique saluée à travers le monde. Que de chemin parcouru depuis le lancement de son premier satellite en 1970, le Dongfanghong-1 (« L’Orient est Rouge-1 »), à bord d’une fusée Longue Marche, qui diffusait l’hymne national maoïste de l’époque, L’Orient est rouge.
Par Pierre-Antoine Donnet

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A propos de l'auteur
Ancien journaliste à l'AFP, Pierre-Antoine Donnet est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages consacrés à la Chine, au Japon, au Tibet, à l'Inde et aux grands défis asiatiques. En 2020, cet ancien correspondant à Pékin a publié "Le leadership mondial en question, L'affrontement entre la Chine et les États-Unis" aux Éditions de l'Aube. Il est aussi l'auteur de "Tibet mort ou vif", paru chez Gallimard en 1990 et réédité en 2019 dans une version mise à jour et augmentée. Après "Chine, le grand prédateur", paru en 2021 aux Éditions de l'Aube, il a dirigé fin 2022 l'ouvrage collectif "Le Dossier chinois" (Cherche Midi). Début 2023, il signe "Confucius aujourd'hui, un héritage universaliste", publié aux éditions de l'Aube. Son dernier livre, "Chine, l'empire des illusions", est paru en janvier 2024 (Saint-Simon).