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Coronavirus: comprendre la "méthode" de Wuhan, où le confinement continue

(Source : Business insider) La ville de Wuhan, paralysée par l'épidémie de coronavirus
Au moment où le confinement s’organise en France pour lutter contre la propagation du coronavirus, à Wuhan, en Chine, la population vit déjà depuis deux mois en quarantaine. Un confinement soumis à des règles bien plus strictes que dans l’hexagone.
Les courbes se croisent. En France, le nombre de patients atteints du coronavirus ne cesse d’augmenter. À Wuhan, où le virus est apparu, l’épidémie semble au contraire reculer peu à peu. Depuis jeudi 19 mars, aucun nouveau cas de Covid-19 n’y a été confirmé. La quarantaine y dure depuis deux mois et le gouvernement n’envisage un assouplissement du dispositif qu’à partir du 24 mars. Dans le Hubei, peuplé de 59 millions d’habitants, 67 800 cas de Covid-19 ont été dénombrés, et 3 133 personnes sont mortes depuis le 16 janvier dernier. Retour sur les « règles » du confinement à Wuhan.

Les transports interrompus

Dès le début de la crise à Wuhan, l’ensemble des transports ont été interrompus. Les transports en commun, les métros et bus sont à l’arrêt ainsi que les taxis et les voitures de transport avec chauffeur. Le trafic ferroviaire a été arrêté et les avions sont cloués au sol. L’aéroport de Wuhan est réservé aux personnels médicaux ou de sécurité ainsi qu’aux livraisons prioritaires. Les transports privés sont interdits et les parkings fermés. Dans chaque quartier, les tunnels et les ponts ont été fermés. Des checkpoints ont par ailleurs été installés aux entrées et sorties de la ville.
En France, les transports sont fortement ralentis mais ne sont pas mis à l’arrêt. Du côté de la SNCF, le secrétaire d’État aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari a annoncé le 17 mars dernier qu’entre 30 et 40 % des trains resteraient en circulation. À Paris, 50 % du trafic de la RATP et de la SNCF est maintenu. Les Français ont aussi toujours le droit de prendre leur voiture, notamment pour aller travailler.

Des contrôles à la sortie des domiciles

À Wuhan, les nombreux compounds , ces résidences collectives habituellement gardées et entourées de grilles, ont désormais des palissades infranchissables avec une seule entrée contrôlée nuit et jour. Dans les quartiers sans compound, ce sont les rues qui sont fermées avec des palissades, de même que les parcs et jardins.
Contrairement à la France, il n’y a pas d’auto-certification pour les sorties. Pour quitter de son domicile, il faut obtenir un laissez-passer du comité de quartier. La température est alors systématiquement prise lorsque la personne sort puis revient chez elle. En cas de fièvre, un confinement en lieu sécurisé est immédiatement réalisé avant un bilan médical.

Des désinfections deux fois par jour

Dans les différents immeubles, des opérations de désinfection doivent être systématiquement réalisées deux fois par jour dans les parties communes et les ascenseurs.

Porter un masque est obligatoire

Le port du masque de type N95, celui qui protège contre une possible contamination, est obligatoire pour toute la population en dehors du domicile. Les masques et autres matériels de protection étaient en quantité insuffisante au début de l’épidémie. La production chinoise a été quadruplée pour atteindre 20 millions de masques par jour. La Chine a aussi importé massivement des masques et des matériels au cours du mois de février.
Depuis le début de l’épidémie, les autorités sanitaires françaises n’ont cesser de rappeler qu’il n’était pas nécessaire de porter un masque en l’absence de symptôme. La France suit les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : l’institution onusienne rappelle très clairement sur son site Internet que les masques ne sont utiles que pour les personnes malades et ceux qui les soignent.

L’ensemble des commerces fermés

Seules les entreprises contribuant à la lutte contre le virus et à l’approvisionnement de la population peuvent continuer à fonctionner. Tous les commerces sont fermés, y compris les commerces alimentaires : une distribution de nourriture est organisée avec l’aide de volontaires et des comités de quartier. Les volontaires qui vont chercher l’approvisionnement en nourriture disposent de masques, gants, lunettes et combinaisons de protection. Ils se fondent sur les commandes en ligne des résidents, souvent via Wechat.

De stricts contrôles de température

Les contrôles de températures constituent un des moyens principaux pour détecter les nouveaux cas de Covid-19. De nombreuses personnes, fiévreuses, préféraient donc volontairement rester à leur domicile pour échapper aux contrôles. Les pharmaciens doivent, eux, signaler les clients qui achètent des médicaments contre la fièvre.
Pour éviter les déplacements inutiles, les cas déclarés sont accueillis dans l’hôpital du quartier. Ensuite, les cas suspects sont mis en observation dans des lieux aménagés, notamment des stades ou des gymnases transformés en hôpitaux de fortune. Quant aux familles des malades, elles sont confinées quatorze jours dans des hôtels réquisitionnés par la ville, après quoi elles doivent rester strictement à domicile. Au total, 42 000 personnels hospitaliers sont venus en renfort dans le Hubei au plus fort de la crise.
L’ensemble de ces mesures est encore en place à Wuhan et la levée des restrictions sera progressive. Le prix à payer du confinement est manifestement très élevé, et la gestion de la sortie de crise va être particulièrement délicate.
Les solutions alternatives au confinement pratiquées par la Corée, ou l’Allemagne en Europe, seront aussi à suivre de près. Personne ne sait aujourd’hui quelle méthode est la plus convaincante.
Par Hubert Testard

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A propos de l'auteur
Hubert Testard est un spécialiste de l’Asie et des enjeux économiques internationaux. Il a été conseiller économique et financier pendant 20 ans dans les ambassades de France au Japon, en Chine, en Corée et à Singapour pour l’Asean. Il a également participé à l’élaboration des politiques européennes et en particulier de la politique commerciale, qu’il s’agisse de l’OMC ou des négociations avec les pays d’Asie. Il enseigne depuis huit ans au collège des affaires internationales de Sciences Po sur l’analyse prospective de l’Asie. Il est l’auteur d’un livre intitulé "Pandémie, le basculement du monde", paru en mars 2021 aux éditions de l’Aube, et il a contribué au numéro de décembre 2022 de la "Revue économique et financière" consacré aux conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine.