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Nucléaire nord-coréen : vers un arrêt des négociations

Le leader nord-coréen Kim Jong-un et le président américain Donald Trump dans la Maison de la liberté sur la ligne démilitarisée qui sépare les deux Corées à Panmunjom, le 30 juin 2019. (Source : Wikimedia Commons)
Le leader nord-coréen Kim Jong-un et le président américain Donald Trump dans la Maison de la liberté sur la ligne démilitarisée qui sépare les deux Corées à Panmunjom, le 30 juin 2019. (Source : Wikimedia Commons)
Après une année 2019 marquée par de nombreuses tentatives de négociations sur le nucléaire nord-coréen, les discussions devraient être mises sur pause en 2020. En cause, Donald Trump, en pleine campagne pour l’élection présidentielle, entend désormais mettre le curseur sur des problématiques nationales. Même chose à Séoul : si le président Moon Jae-in espère toujours un rapprochement économique avec son voisin du Nord, il est en ce moment concentré sur les élections législatives à venir et sur la « guerre » qu’il vient de déclarer à l’épidémie de coronavirus.
Le 8 août 2017, quelques mois après son élection, Donald Trump promet « le feu et la fureur » à la Corée du Nord qui ne cesse de poursuivre le développement de son arsenal nucléaire et de menacer les États-Unis. Début 2018, le président américain, coutumier des revirements diplomatiques, change de stratégie et accueille favorablement les appels au dialogue de Kim Jong-un. L’économie nord-coréenne est alors en grande difficulté : la croissance du PIB a chuté de 4,1 % et le régime de Pyongyang cherche par tous les moyens à lever les sanctions internationales qui lui sont imposées depuis 2006. Un sommet est finalement organisé entre Donald Trump et Kim Jong-un à Singapour le 12 juin 2018 grâce à l’intermédiaire du président sud-coréen Moon Jae-in. Cette première rencontre, prometteuse, se conclut par l’adoption d’une déclaration conjointe devant aboutir à la dénucléarisation de la péninsule coréenne.
Dans le même temps, les relations entre les deux Corées paraissent se diriger vers une normalisation de leurs relations. Signée le 27 avril 2018, la déclaration de Panmunjom esquisse un apaisement diplomatique. Elle prévoit des consultations fréquentes entre Séoul et Pyongyang, une relance de projets économiques communs ainsi que la participation conjointe des deux pays à des événements sportifs internationaux.
Si cet emballement diplomatique mené par Séoul et Washington porte ses fruits en 2018, les négociations avec la Corée du Nord se grippent dès l’année suivante. La rencontre prévue entre Donald Trump et Kim Jong-un lors du sommet de Hanoï en février 2019 est écourtée par le président américain. Celle qui doit ensuite avoir lieu à Stockholm le 5 octobre 2019 subit le même sort. En cause, les États-Unis refusent de se résoudre à une levée des sanctions sans l’arrêt préalable du programme nucléaire nord-coréen. Irrité par cet échec des discussions, Kim Jong-un passe à l’offensive. Le 1er janvier 2020, il annonce se dissocier de la déclaration commune sur la dénucléarisation signée au sommet de Singapour et annonce qu’une « nouvelle arme stratégique » est en développement.
Cette rhétorique belliqueuse ne devrait avoir que peu d’effets. Donald Trump, en pleine campagne pour l’élection présidentielle, entend désormais se concentrer sur des problématiques nationales. De son côté, la Corée du Sud croit toujours en une politique d’engagement constructive avec le Nord mais elle ne peut accorder qu’une place mineure à une relance des négociations. Le pays est englué dans ses problématiques internes, notamment les futures élections législatives d’avril 2020 et la gestion de l’épidémie du coronavirus. Au moins pour les mois à venir, tout laisse donc penser qu’un statu quo diplomatique doit prévaloir dans la péninsule coréenne.

Les négociations entre Washington et Pyongyang suspendues

Lors de son discours sur l’état de l’Union en février dernier, Donald Trump n’a mentionné à aucun moment les efforts diplomatiques menés pendant son mandat pour faire aboutir les négociations avec la Corée du Nord.
Pourtant, depuis 2018, le président américain a multiplié les efforts et s’est souvent engagé personnellement vis-à-vis du leader nord-coréen. Par exemple, en juin 2019, en route pour la Corée du Sud après le G20, il avait effectué un détour imprévu pour rendre visite à Kim Jong-un sur la zone démilitarisée qui sépare les deux Corées. Malgré les efforts, le constat est clair : les négociations pour permettre la dénucléarisation de la Corée du Nord n’ont pas avancé. En pleine campagne électorale, Donald Trump ne souhaite pas en faire publiquement état. D’autant plus que le président américain est le principal responsable de cet échec. En excluant volontairement la Chine, la Russie et dans une moindre mesure la Corée du Sud des pourparlers avec Pyongyang, Washington s’est privé des bénéfices d’une négociation multilatérale contraignante.

La Corée du Nord se braque

Exaspéré par le faible empressement de Washington à relancer le dialogue, Kim Jong-un a durci le ton. La menace d’une reprise des activités nucléaire et balistiques n’en est cependant pas une : selon des éléments d’un rapport confidentiel des Nations Unies, Pyongyang a poursuivi son programme nucléaire en 2019 grâce à l’importation de composants chinois. Les tests de nouveaux missiles balistiques à courte portée, une dizaine, se sont également poursuivis à l’image de celui réalisé ce dimanche 1er mars et en octobre depuis une barge sous-marine.
Cela étant, le risque d’une attaque nord-coréenne en 2020 semble très limité. La réponse américaine serait d’autant plus rapide et spectaculaire que la Russie et la Chine, aujourd’hui les seuls alliés de la Corée du Nord, prendraient directement leurs distances avec Pyongyang. De fait, au cours des prochains mois, on peut s’attendre à ce que Kim Jong-un se contente de l’annonce de nouveaux tirs de missiles, comme lors d’exercices militaires entre les États-Unis et la Corée du Sud ou à des moments-clés de l’élection présidentielle américaine, pour continuer à exister sur la scène internationale.

La Corée du Sud s’accroche à l’espoir d’une relance des pourparlers

Malgré l’arrêt des négociations entre la Corée du Nord et les États-Unis, Moon Jae-in est optimiste sur la reprise d’une coopération économique avec Pyongyang. Le président sud-coréen est en pleine campagne électorale pour les élections législatives d’avril prochain. Il espère voir sa formation, le parti démocrate (Minjudang), prendre la tête de l’Assemblée nationale. Un rapprochement avec son voisin lui permettrait de mettre en avant des résultats sur l’une des principales promesses qui l’a porté au pouvoir. Rien ne permet aujourd’hui de dire si cette stratégie sera payante. À n’en pas douter, la gestion de l’épidémie de coronavirus et ses répercussions sur l’économie du pays, notamment la fermeture de lignes de production d’entreprises sud-coréennes installées en Chine, pèseront tout autant dans les résultats des prochaines élections législatives.
À moyen terme, la reprise des négociations pourrait venir de Séoul. D’ores et déjà, la presse coréenne fait état de vagues rumeurs de rencontres à venir entre Moon Jae-in et ses homologues américain, russe et chinois au cours de l’année 2020. Cependant, la reconduction d’une majorité démocrate à l’Assemblée nationale sud-coréenne lors de ces élections législatives sera nécessaire pour se lancer dans un processus de négociation multilatérale en vue de trouver une solution au nucléaire nord-coréen.
Par Olivier Martz

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A propos de l'auteur
Analyste diplômé en relations internationales, Olivier Martz est s'intéresse tout particulièrement aux problématiques géopolitiques et de sécurité en Asie du Nord-Est.