Coronavirus : en Chine, quarantaine rime avec bâillonnement
Isolement brutal puis reprise timide
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Héros malgré lui
Li Wenliang, ophtalmologiste, 34 ans. Le 30 décembre 2019 vers 17h, dans un groupe de 150 médecins sur WeChat, il écrit : « 7 patients atteints de SRAS confirmés au marché Huanan, en urgence quarantaine dans notre hôpital. » Le jour-même, le Bureau de Santé et d’Hygiène de la municipalité de Wuhan diffuse une circulaire sur les réseaux : « Il n’est permis à aucun service ni à aucune personne de diffuser des informations concernant des patients hospitalisés sans autorisation. »
Le contenu des conversations entre les confrères est diffusé sans floutage des informations personnelles. Le 3 janvier, le Dr. Li est convoqué au commissariat de police du district, où on l’oblige à signer une lettre de rappel à la loi après qu’il a avoué être à l’origine de ce que la police qualifie de « rumeur ». Et il repart.
Pendant le mois de janvier, le nombre de personnes infectées augmente tous les jours sans que des mesures de prévention strictes soient prises par les autorités sanitaires. Le 20 janvier, les assemblées plénières du Congrès du Parti Communiste de la province du Hubei touchent à leur fin, et il est impossible de maintenir l’ambiguïté sur la contagiosité du virus. Le gouvernement central dépêche à Wuhan l’honorable académicien et épidémiologiste Zhong Nanshan. Le Dr Zhong confirme alors que l’infection s’effectue par simple contact humain : la protection s’impose donc, surtout dans les milieux médicaux. Mais il est trop tard pour beaucoup de médecins et d’infirmiers (selon le dernier chiffre du 11 février, 1716 personnels médicaux ont été infectés, dont 6 sont morts, le Dr Li compris). Li Wenliang est lui-même contaminé sans le savoir lors d’une consultation ophtalmologique d’une patiente infectée mais asymptomatique. A partir du 13 janvier, il est hospitalisé, ses collègues et ses parents ont les mêmes symptômes.
Dans son lit d’hôpital, le Dr Li accepte l’interview d’un journaliste du magazine Caixin, le 1er février. Le dernier résultat des tests confirme son infection, il est soigné par injections d’antibiotiques, d’antiviraux et d’immunoglobulines. Il faut que sa famille paie ces médicaments, se déplace pour les acheter ou les fasse livrer par la pharmacie. A eux seuls, les médicaments lui coûtent environ 50 à 60 000 yuans (plus de 6 000 à 7 000 euros). Sur son lit, le Dr Li indique qu’il n’est pas certain que cette somme puisse être remboursée. Selon des sources internes, l’hôpital a reconnu le lien direct entre son décès et le risque professionnel, et a indemnisé sa famille après sa mort.
Le 5 février, le Dr Li envoie un message au journaliste de Caixin, en disant que son état n’est pas stable et même s’aggrave. Quand le journaliste lui demande s’il souhaite réclamer une réhabilitation auprès des pouvoirs publics, il répond (selon l’article du tribunal) : « Je me sens soulagé. A mon avis, il ne devrait pas y avoir une seule voix dans une société saine. Je ne pense pas que les pouvoirs publics devraient interférer à tout moment. » Le 7 février au petit matin, l’hôpital de Wuhan confirme le décès de Li Wenliang.
Un cri sans voix
Epilogue
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